TRANS-SANTÉ FRANCE

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Aujourd'hui, les mineurs en questionnement de genre sont en règle générale écoutés, pris en charge et accompagnés (pas nécessairement vers une transition) par des structures spécialisées, comme, par exemple, au CHU de Lille, à l'AP-HP (Pitié-Salpêtrière, Robert Debré...), au CIAPA (Centre Intersectoriel d'Accueil pour Adolescent à Paris) ... Les Maisons de l'Adolescent, les maisons de santé, des médecins généralistes et quelques spécialistes compétents dans le domaine des variances de genre contribuent également à cette écoute et à cet accompagnement.

Il faut constater que ces structures sont trop peu nombreuses et que les délais de prise en charge sont très longs, ce qui représente une souffrance et un danger particuliers pour une population fragile et en quête d'écoute, de bienveillance et de reconnaissance.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

a. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

Cette position de l'Académie de Médecine est légitime, mais a donné l'impression que les professionnels de santé ne respectaient pas cette « grande prudence médicale ». L'Académie de Médecine a également donné l'impression qu'elle répondait complaisamment à nombre d'associations radicales et de politiques véhiculant des contre-vérités à l'encontre de l'accompagnement des mineurs trans (ablation des testicules et des seins, traitement hormonal des enfants, selon l'Observatoire de la petite sirène et Ypomoni, ou prescription sans réserve des bloqueurs de puberté...).

b. Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ?

Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Ces mêmes associations et politiques veulent faire passer les professionnels de la santé, connaisseurs des transidentités, pour des irresponsables, des prosélytes, voire des monstres, comme Éric Zemmour a osé le faire en les qualifiant de « Docteur Mengele ».

Or, en France, ce principe de prudence est particulièrement respecté. Les bloqueurs de puberté sont prescrits dans des situations de grande détresse après un suivi pédopsychiatrique et avec un suivi post-prescription. Les hormones croisées peuvent être prescrites dès 15-16 ans, là encore dans des situations « extrêmes » (dépression sévère et/ou risques suicidaires), là encore avec un suivi post-prescription. Quant aux opérations chirurgicales, elles ne peuvent se pratiquer qu'à la majorité de 18 ans, exception faite de la torsoplastie, une fois encore dans des situations extrêmes.

Tout cela en accord avec les parents et l'équipe médicale qui aura informé clairement sur « les bénéfices et les risques », les effets secondaires éventuels, les contraintes et les irréversibilités possibles, en offrant aussi la possibilité de conservation des gamètes.

Il faut dire et redire que, contrairement à ce qu'affirment certaines et certains ignorants de la réalité humaine des enfants trans, les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux et les torsoplasties restent des interventions médicales peu prescrites, répondant simplement à une aide au bien-être du mineur concerné, selon la définition du terme « santé » par l'OMS. Les professionnels de santé sont pleinement dans leur responsabilité professionnelle.

La réalité des mineurs trans correspond majoritairement à une transition sociale, dans le vécu de leur genre ressenti. Les équipes médicales les aideront, ainsi que leurs parents, à comprendre cette situation, à la vivre au mieux et les accompagneront si nécessaire. Tout cela sans prosélytisme, certaines situations pouvant être simplement transitoires. Mais pourquoi interdirait-on à un enfant d'être heureux dans son esprit et sa vie ?

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

Globalement, nous ne pouvons que soutenir la dépsychiatrisation, puisque, depuis 2010 pour la France, précurseure avec Roseline Bachelot, ministre de la Santé, et depuis 2022 pour l'OMS, les transidentités ne sont plus considérées comme des troubles psychiatriques. En revanche, comme n'importe quel patient, une personne trans, souvent touchée par le stress des minorités ou en questionnement, peut souhaiter consulter un professionnel de la santé mentale. Ce qui est évident, c'est que ce n'est pas à un psychiatre de délivrer un « certificat de transidentité ». Nous défendons l'autodétermination éclairée.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ?

Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Pour les jeunes mineurs trans ou en questionnement, une évaluation ou un suivi psychologique ne sont bien évidemment pas nécessaires dans le cas d'une transition sociale. Dans le cas d'une demande d'accompagnement médical, dans les situations évoquées précédemment, un accompagnement et une prise en charge pédopsy sont assurés.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Plusieurs de ces décisions étrangères sont souvent interprétées de manière partiale et incomplète, en oubliant les paramètres locaux et la réalité française.

Une loi basée sur l'interdiction et la psychiatrisation, s'apparentant aux thérapies de conversion interdites en France, serait une réponse inhumaine et dangereuse. Elle reviendrait à nier la réalité et l'existence des mineurs trans. Elle reviendrait à ignorer l'extrême souffrance de ces jeunes à qui on interdirait d'être soi, de vivre leur vie telle qu'ils la ressentent. Les deux tiers des jeunes trans ont pensé au suicide et un tiers ont déjà fait au moins une tentative de suicide. Et contrairement à ce qu'affirment certains « ignorants », non pas à cause de leur transidentité, mais parce qu'être trans est très difficile dans une société encore transphobe avec ses rejets, ses incompréhensions, ses discriminations, ses moqueries... Alors, parler de « mode », de « lubie », de « choix », d' « épidémie » est d'une extrême violence face à ces jeunes qui peinent à pouvoir être simplement « soi-même».

Être un jeune trans serait-il un crime qui nécessite une loi l'interdisant et promouvant, sans le dire clairement, les thérapies de conversion pour le remettre « dans le droit chemin » ? Quel mal un jeune trans fait-il à la société ? Les homosexuels ont vécu ce même rejet législatif jusqu'en 1982.

5. L'existence de regrets, de mal-être persistant voire de « détransition » peut poser la question du consentement éclairé des jeunes s'engageant dans le traitement médical d'un changement de genre. Constatez-vous dans vos réseaux une hausse de ces cas ou de ces questionnements parmi les personnes accompagnées et si oui quelles réponses y apportez-vous ?

Toutes les études et les suivis de jeunes trans montrent un chiffre très réduit (1 à 2 %) de retransitions ou « détransitions », confirmés par nos membres au contact avec les jeunes concernés. Là encore, cette situation ultra-minoritaire, mais réelle et qu'il faut accompagner, est mise en avant comme argument pour vouloir interdire toute transition aux mineurs.

Devrait-on imposer à 98 ou 99% d'une population un terrible mal-être pour 1 à 2 % de « regrettants » ? À noter que nombre de retransitions sont souvent liées à des contextes de rejets familiaux ou professionnels.

Et quand bien même, un jeune trans retransitionnerait dans son genre de naissance, s'il a pu être heureux et vivre sa jeunesse dans le genre qui a semblé être le sien à un moment donné, pourquoi lui interdire ?

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Interdire les bloqueurs de puberté et les hormones de sexe opposé qui, rappelons-le, ne concernent qu'une petite partie des ados trans, signifierait leur mise en danger. Sans compter qu'une telle décision conduirait une partie de ceux-ci à se procurer leur traitement sur Internet, sans suivi médical, avec, évidemment, tous les dangers induits.

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ? Par quels professionnels de santé ?

La prescription de ces traitements répond à des besoins de santé, le plus souvent dans des situations d'urgence (dépression sévère, scarifications, déscolarisation, désocialisation, tentatives de suicide...). Ils sont prescrits par des endocrinologues pédiatriques.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Comme tous traitements, ils peuvent, selon les patients, induire des effets secondaires. Ils sont discutés avec les jeunes concernés et leurs parents. Un suivi rigoureux du traitement est assuré. Les bloqueurs de puberté sont réversibles. Contrairement à ce qu'affirment les « ignorants », ils ne sont absolument pas expérimentaux et dangereux ; depuis des décennies, ils sont prescrits aux jeunes pré-pubères et tous leurs effets sont parfaitement documentés. Alors, pourquoi seraient-ils autorisés aux jeunes cis (non trans) et refusés aux jeunes trans ? Discrimination légale ?

Les hormones croisées peuvent présenter un caractère irréversible. Elles ne sont prescrites que dans des « situations de danger » du jeune trans, en règle générale pas avant 16 ans. Concomitamment, il lui est proposé une conservation de ses gamètes.

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Il ne faudrait aucune mesure législative sur cette question. La Haute Autorité de Santé (HAS), compétente dans ce domaine, est en train de travailler avec un groupe d'experts sur des recommandations en matière d'accompagnement et de prise en charge des personnes trans.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Aujourd'hui, on parle plutôt d' « opérations d'affirmation de genre ». Elles ne concernent pas les mineurs, sauf, comme expliqué précédemment, les torsoplastie (ablation des seins) dans des situations de mal-être devenu totalement insupportable pour le jeune trans qui ne supporte pas ses seins et s'impose de porter un binder (ceinture compressive des seins) avec d'importantes douleurs quotidiennes et des conséquences pour les glandes et les tissus mammaires.

11. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Les torsoplasties doivent rester accessibles aux plus de 16 ans dans les conditions déjà évoquées.

12. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ?

Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Voir réponses précédentes.

13. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

La cicatrisation est longue et contraignante. Une reconstruction mammaire est toujours possible.

14. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Aucune mesure législative n'est souhaitable.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

15. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus. Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Non. Cette loi représenterait un danger considérable pour les mineurs trans.

16. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Non. Cette loi représenterait un danger considérable pour les mineurs trans.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

17. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La prise en compte de la santé mentale des jeunes en variance de genre est fondamentale. Leur mal-être et les souffrances engendrées par les difficultés à se vivre dans une société encore peu ouverte aux transidentités provoquent pour beaucoup d'entre eux des réactions à risques : déscolarisation, désocialisation, scarification, boulimie, anorexie, dépression, tentative de suicide... D'où l'importance d'un accompagnement et d'un suivi par des pédopsychiatres et des psychologues bienveillants.

Rappelons toutefois que la variance de genre des mineurs n'implique pas forcément un suivi psy. Il ne s'agit pas de repsychiatriser les transidentités. L'accompagnement psy doit répondre à un besoin ou une nécessité, selon le choix du jeune concerné et de ses parents.

18. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie, telle que souhaitée dans la PPL, n'est évidemment pas soutenable, car, réellement, elle reviendra à développer une forme de thérapie de conversion dans le sens de cette loi qui veut interdire l'existence des mineurs trans et les « rééduquer » pour une société normée. Rappelons-nous la lutte contre les homosexuels dans les années 70 et 80.

19. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

L'accompagnement actuel, tel que développé précédemment, bienveillant et respectueux, correspond aux attentes et aux besoins des mineurs en variance de genre. Toutefois, les structures et les spécialistes sont trop peu nombreux avec des délais de prises en charge inhumains et dangereux. Une stratégie de développement de la pédopsychiatrie est évidemment souhaitable, mais dans un esprit de bienveillance et de respect des différences.

20. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Il faudrait en effet un grand plan de formation et d'incitation en faveur de la pédopsychiatrie et de la psychologie, notamment avec une meilleure connaissance des transidentités. Il convient également d'associer les médecins généralistes, médecins de premier recours, proches de leurs jeunes patients et de leurs parents.

Conclusion : TRANS SANTÉ France, ses médecins et paramédicaux, ses personnes concernées et leurs proches, ses associations adhérentes, ses universitaires, chercheurs, juristes, alliés, s'inquiètent de cette proposition de loi sénatoriale et de ses conséquences incroyablement dangereuses et discriminatoires à l'égard d'une population fragile et vulnérable. Comment les valeurs de la République pourraient-elles être ainsi bafouées en rejetant l'existence et l'accompagnement des mineurs en questionnement et en variance de genre ? En quoi sont-ils dangereux au point de réclamer une loi ? Quant aux professionnels de santé qui les accompagnent seraient-ils des monstres irresponsables ?

Cette PPL, fortement teintée d'idéologie, très éloignée de la rigueur scientifique, de la réalité factuelle et des valeurs humanistes que notre association défend, intervient dans une période où nous constatons une forte et inquiétante montée de la transphobie. Elle contribue d'ailleurs à renforcer ce rejet, voire cette haine des personnes trans, en distillant des contrevérités et des messages de peur auprès d'une population majoritairement ignorante de la réalité et, par conséquent, facilement manipulable.

La République et ses élus devraient défendre le vivre-ensemble, le respect des différences, l'ouverture à l'autre, plutôt que d'imaginer une loi sans fondement, dangereuse pour la santé publique et discriminatoire à l'égard d'une partie de sa population, certes restreinte, mais réelle qui n'aspire - sans idéologie ni activisme - qu'à vivre sa vie, comme n'importe quel citoyen de ce pays.

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