B. AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU MANDAT
Le titre II de la proposition de loi tend à améliorer les conditions d'exercice du mandat pour favoriser l'engagement local.
1. Améliorer les conditions matérielles d'exercice du mandat
Afin de remédier à la dégradation des conditions d'exercice du mandat et aux difficultés matérielles auxquelles font face nombre d'élus, la proposition de loi tend à faciliter la prise en charge de certains frais.
Ainsi, l'article 5 tend à rendre obligatoire le remboursement des frais de transport engagés par les élus pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci. Il rendrait également obligatoire la prise en charge par la collectivité des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique engagés par les élus en situation de handicap.
Dans la même logique, article 6 entend permettre la prise en charge des frais de représentation des présidents de conseil départemental et de conseil régional par les départements et les régions. Afin d'assurer la transparence et le contrôle de l'utilisation de cette indemnité, la commission a souhaité aligner les modalités de prise en charge des frais de représentation sur le régime applicable aux maires depuis la loi de 1884.
Parallèlement, afin d'apporter une certaine souplesse d'organisation aux élus communaux, l'article 7 tend à permettre au maire de recourir à la visioconférence pour les réunions des commissions constituées par le conseil municipal, le règlement intérieur précisant les limites dans lesquelles il peut être fait usage de cette faculté.
2. Faciliter la conciliation entre le mandat et la vie professionnelle
Conscients de l'obstacle à l'engagement que peut constituer la délicate articulation entre la poursuite d'une activité professionnelle et l'exercice du mandat, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité en faciliter la conciliation.
a) Favoriser la disponibilité des salariés candidats ou titulaires d'un mandat local
Dans cette optique, l'article 8 tend à allonger et harmoniser la durée du congé électif pour l'ensemble des élections locales, en la portant à 20 jours pour les candidats à l'ensemble des élections, y compris, conformément à la volonté de la commission, aux élections en outre-mer.
Afin de prendre en compte les contraintes croissantes auxquelles doivent faire face les élus, l'article 9 entend ainsi faciliter le recours aux autorisations d'absence, en étendant leur champ aux cérémonies publiques et créant une dérogation au régime déclaratif préalable en cas de situation de crise ou d'urgence, dont la commission a réservé le bénéfice aux membres de l'exécutif communal. Soucieuse de faciliter la participation des membres du conseil municipal aux activités liés à l'exercice de leur mandat, la commission a modifié l'article 9 pour leur permettre de bénéficier d'autorisations d'absence lorsqu'ils ont été désignés par leur commune pour la représenter dans toute réunion organisée par établissement public de coopération intercommunale, le département ou la région. Enfin, est porté à 2 SMIC le plafond de remboursement des pertes de revenus subies, du fait de leurs absences légales, par les conseillers municipaux ne bénéficiant pas d'indemnités de fonction.
L'article 10 tend à créer un label « Employeur partenaire de la démocratie locale » destiné aux entreprises employant des élus locaux, afin de les récompenser et de reconnaître leur engagement. Les entreprises attributaires de ce label pourraient bénéficier d'une réduction d'impôt au titre du mécénat lorsqu'elles rémunèrent les temps d'absence octroyés aux élus pour se consacrer aux activités liées à l'exercice de leur mandat.
L'article 11 propose enfin de prendre en compte la qualité d'élu local lors de l'entretien professionnel prévu pour les salariés. Ce dispositif a été enrichi à l'initiative des rapporteurs, afin de prévoir notamment une information sur le droit individuel à la formation des élus lors de cet entretien.
b) Encourager et conforter l'engagement d'une diversité de profils
Parallèlement, la proposition de loi vise à renforcer l'attractivité des mandats locaux afin de susciter l'engagement d'une diversité de profils de citoyens.
Poursuivant cet objectif, l'article 12 porte création d'un statut de l'élu étudiant, en prévoyant des aménagements spécifiques dans l'organisation et le déroulement de la scolarité des étudiants titulaires d'un mandat électif ainsi que le remboursement des frais engagés par ces derniers pour se déplacer entre leur commune d'élection et leur lieu d'étude.
L'article 13 prévoit, quant à lui, plusieurs mesures destinées à encourager les vocations des citoyens en situation de handicap et à faciliter l'exercice de leur mandat.
c) Renforcer la formation des élus face à la complexification de leurs missions
Largement remanié à l'initiative des rapporteurs, l'article 14 prévoit la mise en place d'une formation à destination des candidats à un mandat électif local, relative notamment au rôle de l'élu et aux règles de campagne électorale. Il impose en outre au pouvoir réglementaire de mettre en place une épreuve d'admissibilité permettant de prendre en compte l'expérience antérieure dans le cadre des troisièmes concours de la fonction publique, pour permettre la valorisation des compétences acquises dans l'exercice de leur mandat par les élus locaux, éligibles au troisième concours.
L'article 15 porte enfin la durée du congé de formation des élus locaux de dix-huit à vingt-quatre jours, pour encourager la formation des élus, et prévoit un dispositif de report des crédits de formation en cas de création d'une commune nouvelle.
d) Tenir compte de la qualité d'élu local des fonctionnaires de l'État pour les affectations et mutations
Introduit par la commission, par l'adoption de l'amendement COM-4 rect. d'Anne Ventalon et Mathieu Darnaud, l'article 11 bis vise à éviter au fonctionnaire qui est également détenteur d'un mandat exécutif local d'être affecté dans un endroit trop éloigné de la collectivité dans laquelle il est élu, d'une part, et de garantir que sa qualité d'élu soit prise en compte dans le traitement des demandes de mutation, d'autre part.
3. Faciliter la conciliation entre le mandat et la vie personnelle de l'élu
Permettre, selon une approche universelle, l'engagement de tout citoyen quel que soit son profil : telle est l'ambition portée par la proposition de loi et poursuivie par la commission.
À ce titre, l'article 16 améliore considérablement la prise en charge des frais de garde et d'assistance engagés par les élus communaux en prévoyant, d'une part, que les remboursements effectués par les communes comptant jusqu'à 10 000 habitants font l'objet d'une compensation par l'État et, d'autre part, en élargissant le champ des activités ouvrant droit à de tels remboursements pour le maire et les adjoints au maire des petites communes.
Conscients des forts enjeux liés à la situation d'un élu local en arrêt maladie, en congé maternité ou paternité, les auteurs ont proposé, via l'article 17 de la proposition de loi, d'assouplir les conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent continuer l'exercice de leur mandat avec la perception d'indemnités journalière. Cet article prévoit la faculté, par principe, de cumuler la perception d'indemnités journalière avec la poursuite du mandat en cas de congé maladie. Ce cumul devient donc possible, sauf avis contraire du praticien. L'article 17 rend également possible le cumul du mandat et la perception d'indemnités de fonction avec un congé maternité ou paternité.
Sensibilisée aux difficultés rencontrées par les femmes maires, récemment illustrées par la situation de la maire de Poitiers, la commission a adopté un amendement visant à expliciter, au sein du code du travail et du code général des collectivités territoriales, la faculté de l'élu salarié d'obtenir de son employeur la suspension temporaire de son contrat de travail afin de pouvoir suppléer le maire, le président du conseil départemental et régional qui serait empêché pour des raisons médicales notamment.
En outre, la commission a souligné l'impérieuse nécessité d'adapter les dispositions relatives aux indemnités (journalières et de fonction) des élus ayant cessé leur activité et qui se voient empêcher d'exercer leur mandat en raison d'un arrêt maladie, d'un congé maternité, paternité ou d'adoption ou d'un accident du travail. En effet, la situation de l'édile de Poitiers, qui va bénéficier des seules indemnités journalières lors de son congé maternité, a également mis en exergue une situation inéquitable avec les élus qui conservent une activité professionnelle au cours de leur mandat. Ces derniers peuvent cumuler les indemnités journalières avec une partie de leur indemnité de fonction. Compte tenu des contraintes imposées par l'article 40 de la Constitution limitant l'initiative parlementaire, la commission appelle donc le Gouvernement à soutenir en séance publique l'adoption d'une réponse adaptée et complète.
4. Sécuriser l'engagement des élus locaux
L'article 18 tend à mieux définir le champ de l'intérêt moral afin de limiter le risque pénal lié à l'infraction de prise illégale d'intérêt. Il exclut les intérêts publics des intérêts susceptibles de constituer l'infraction, considérant que la responsabilité pénale d'un élu ne peut être engagée du fait de la défense d'un tel intérêt. À l'initiative des rapporteurs, la commission a complété cet article en prévoyant une appréciation concrète par le juge pénal de l'intérêt en cause, qui devra être « suffisant » pour peser ou paraître peser sur l'impartialité ou la prise de décision. Elle a également défini le champ des intérêts familiaux et affectifs susceptibles d'entrer dans le champ de l'infraction.
Face à l'augmentation des actes de violence verbale et physique à l'encontre de l'ensemble des élus locaux, la commission a souscrit à la double modification du régime de la protection fonctionnelle portée par l'article 19 de la proposition de loi : d'une part, l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus locaux victimes de violences, de menaces ou d'outrages serait automatique, conformément à la disposition adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023 dans le cadre de la proposition de loi n° 648 (2022-2023) renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux2(*) ; d'autre part, cette automaticité bénéficierait, au-delà des seuls titulaires d'un mandat exécutif, à l'ensemble des conseillers municipaux, départementaux et régionaux - qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
L'article 22 tend à mieux encadrer les demandes susceptibles d'être adressées par les établissements bancaires aux personnes politiquement exposées et à permettre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) d'exercer son contrôle, afin de ne pas restreindre la capacité de ces personnes et, le cas échéant, des membres de leur famille, à accéder aux services financiers sans raison valable.
L'article 24 demande aux élus de déclarer au référent déontologue des dons, avantages et invitations dont la valeur dépasse 150 euros, tout en prévoyant certaines exclusions concernant les cadeaux d'usage ou les cadeaux et invitations reçus au titre d'un autre mandat électif. Consciente du caractère contraignant de l'obligation nouvelle pour les élus locaux de déclarer les cadeaux reçus au cours de leur mandat, la commission a souhaité simplifier son opérationnalité en prévoyant que la déclaration se ferait dans un registre tenu par la collectivité, pratique déjà en vigueur dans de nombreuses collectivités et leurs groupements. L'obligation de déclaration, qui s'inscrit dans un objectif de transparence à l'égard des citoyens, n'est assortie d'aucune sanction puisqu'il s'agit d'un mécanisme à visée pédagogique et déontologique.
* 2 Proposition de loi adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale le 7 février 2024.