EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 janvier 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Khalifé Khalifé, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 161, 2023-2024) visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Ce texte sera examiné en séance mercredi 7 février. Je salue le travail de notre collègue Khalifé Khalifé, dont c'est le premier rapport.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - La proposition de loi qu'il nous revient d'examiner ce matin, déposée par la députée Mme Pasquini, a été adoptée, à l'unanimité, à l'Assemblée nationale le 4 décembre dernier. Cosignée par 166 députés de huit groupes politiques, l'objet de cette proposition de loi a donc largement rassemblé. Composée d'un article unique, elle n'en est pas moins porteuse d'enjeux qui méritent toute notre attention et notre engagement.

Les cigarettes électroniques jetables, ou puffs, représentent un nouveau segment du marché de la cigarette électronique. Elles ont émergé il y a quelques années seulement et connaissent en France un succès grandissant depuis 2021. Le développement de ces produits concentre aujourd'hui l'attention du législateur. Il était temps : des signalements avaient été émis auprès de la direction générale de la santé il y a deux ans déjà, sans réaction.

Pour mémoire, le marché global de la vape en France compte plus de 3 millions de consommateurs et représente un chiffre d'affaires évalué à près de 1 milliard d'euros, ce qui fait de notre pays le troisième marché mondial de la cigarette électronique après les États-Unis et le Royaume-Uni. Pourtant, il me semble nécessaire dès à présent d'introduire une distinction entre la cigarette électronique jetable, objet de la présente proposition de loi, et les autres produits du vapotage. Ceux-ci répondent en effet à des enjeux sensiblement différents, ne serait-ce que du point de vue de leur impact environnemental. Leur statut d'aide au sevrage tabagique fait encore débat, mais leur nocivité, bien qu'inférieure à celle du tabac, est incontestable. Sans nier que des problématiques spécifiques leur soient associées, et sans occulter des éléments du débat, il me semble donc important de centrer nos travaux sur la cigarette électronique jetable.

Sous une apparence inoffensive, presque enfantine, les puffs dissimulent un produit loin d'être anodin et des stratégies commerciales très offensives. Ces petits boîtiers électroniques à l'aspect coloré et ludique, dans des suremballages lumineux, pour certains clignotants, séduisent des publics jeunes. La gamme des arômes développés, aux saveurs de confiserie, cible directement les adolescents. Ce nouveau marché ne vise pas à convertir des fumeurs traditionnels à un autre produit ; il cherche à capter d'autres consommateurs de nicotine. Dans la tranche des 13-16 ans, 15 % d'entre eux déclarent avoir déjà utilisé une puff et 47 % disent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit.

Les experts rencontrés lors des auditions l'ont souligné, la nicotine est une drogue dure et une drogue triste. Dure, parce que particulièrement addictive et que s'en sevrer serait plus difficile que d'autres substances comme l'alcool. Triste, parce que contrairement à d'autres drogues, elle ne provoque pas d'effet euphorisant. Au contraire, sa consommation est associée à des troubles anxio-dépressifs et à une dégradation de la santé mentale de ses usagers. Contenue sous forme de sels dans les puffs, son inhalation s'en trouve d'ailleurs facilitée, ce qui peut conduire à en absorber des quantités plus importantes qu'avec le tabac.

Les puffs s'achètent aussi bien dans les bureaux de tabac que dans les magasins de grande distribution ou les boutiques de décoration et sur internet. Leur prix très accessible et leur caractère « prêt à l'emploi » ont favorisé la diffusion rapide du produit, notamment dans les enceintes scolaires où vapoter est pourtant interdit.

L'imagination des industriels est sans limites et de nouvelles gammes sont sans cesse développées. Si le produit est normé dans l'Union européenne, les modèles les plus récents, qui se retrouvent aussi sur le marché français, ne respectent pas toujours le format du réservoir, limité à 2 millilitres. Avec des produits rechargeables mais dont la durée de vie reste courte, les fabricants mettent à l'épreuve les législations et réglementations nationales, qui peinent à suivre les évolutions du marché. C'est pourquoi il nous incombe d'être vigilants pour proposer un texte suffisamment agile et englobant, sous peine d'inefficacité.

Pour cela, l'interdiction vise les dispositifs électroniques de vapotage « jetable » ou « à usage unique ». Cette terminologie permet notamment d'englober des produits susceptibles d'être réemployés. En revanche, les cartouches ont volontairement été exclues de l'interdiction. Elles font partie de la gamme habituelle des vapoteurs. Leur utilisation permet de dépanner le vapoteur lorsqu'il n'a pas accès à un flacon de recharge, ou de tester des liquides différents. Bien que constituées de plastique, elles ne sont pas un déchet de la même nature que les puffs. C'est pourquoi leur exclusion ne m'apparaît pas soulever de difficulté.

Vous l'aurez noté, l'interdiction porte sur plusieurs actions : fabriquer, vendre et distribuer ou offrir à titre gratuit. Cette énumération se retrouve dans d'autres articles du code de la santé publique, au chapitre de la lutte contre le tabagisme. La question d'une éventuelle interdiction de l'importation des puffs a été soulevée au cours de l'instruction du texte, et je voudrais y revenir. Interdire l'importation aurait évité que ces produits ne franchissent les frontières françaises et aurait donné compétence aux douanes pour s'assurer que ces marchandises ne pénètrent pas sur le territoire. Toutefois, il est rapidement apparu que cela aurait aussi ajouté un risque de non-conformité du texte au droit de l'Union européenne, en portant une atteinte supplémentaire à la libre circulation des marchandises. D'ailleurs, dès lors que la fabrication et la vente ou la cession de ces produits sont interdites, l'intérêt de les importer ne pourrait recouvrir que des hypothèses très limitées, voire théoriques. Je rappelle que les puffs sont aujourd'hui fabriquées en Chine et qu'il n'existe pas de filière de production en France.

À ce stade de la présentation du texte, je crois que nous pouvons partager un regret : celui de constater que cette proposition de loi vient aussi en écho à l'incapacité des pouvoirs publics à faire respecter la loi en vigueur, notamment l'interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac et du vapotage. Pourtant, cette proposition de loi n'est pas un aveu d'échec ni d'impuissance. D'une part, l'interdiction générale des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique sera plus aisée à contrôler qu'une interdiction circonscrite aux seuls mineurs ; d'autre part, en l'assortissant d'une amende de 100 000 euros, la sanction devient véritablement dissuasive.

Il n'en demeure pas moins indispensable d'accompagner la mise en oeuvre de la loi de moyens de contrôle appropriés pour garantir son effectivité. Ces moyens apparaissent insuffisants aujourd'hui. La vente sur les réseaux sociaux et l'ubérisation du commerce ont rendu tout produit aisément accessible à qui dispose d'un moyen de paiement. En tant que membre de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France, je suis particulièrement sensibilisé à ces questions et soucieux de réfléchir aux moyens les plus efficaces pour empêcher les contournements de la loi. À ce titre, il me semble qu'une mesure de contrôle effectif de la majorité lors de l'achat en ligne des produits du tabac ou du vapotage ferait sens. Ce sujet est complexe - les discussions récentes dans le cadre de l'examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique l'ont montré -, mais il mérite notre attention.

Venons-en maintenant à l'impact environnemental de ces dispositifs. Ce n'est pas le moindre enjeu de cette proposition de loi, tant s'en faut. Les chiffres sont parlants : au Royaume-Uni, cinq millions de puffs sont jetés chaque semaine, contre 1,3 million il y a un an. Le volume a donc été multiplié par quatre en un an. Cette accumulation de nouveaux déchets, qui ne répond à aucun besoin essentiel, doit nous interpeller. Vous le savez, ces cigarettes électroniques jetables sont composées d'une batterie non amovible constituée de lithium. Nous épuisons donc consciemment des ressources naturelles sensibles et des métaux rares, pour des produits
- nocifs, je le rappelle - à la durée de vie excessivement courte.

Pis, ces déchets, qui ne cessent de s'amonceler, sont en pratique presque impossible à recycler. Les acteurs du recyclage et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) nous ont alertés sur le fait que l'inamovibilité de la batterie et la petite taille de ces équipements ne permettent pas de procéder à leur dépollution, sauf à y mettre des moyens très conséquents. Quant au lithium, il est à la source de départs d'incendies réguliers dans les centres de tri et de traitement des déchets. Le risque qu'il représente pour les travailleurs ne doit pas être négligé.

Pour mémoire, nous avons voté en 2020 la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec). Cette loi fixe des objectifs pour sortir du plastique à usage unique et impose des obligations aux fabricants en matière d'écoconception de leurs produits. La puff est aux antipodes de ces objectifs.

Pour finir, j'évoquerai l'enjeu que représente cette proposition de loi au regard de l'Union européenne (UE). Vous n'êtes pas sans le savoir, mes chers collègues, cette interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l'approuve. En effet, en application du principe de libre circulation des marchandises, un État membre de l'UE n'est fondé à interdire un produit conforme à la réglementation européenne que si son intention est justifiée par des motifs spécifiques à la situation du pays et à condition de poursuivre un objectif de protection de la santé publique.

Alors que nous devrions connaître le verdict de la Commission à l'égard de la Belgique au mois de mars prochain, la position de la France est scrutée par les institutions européennes, et par d'autres pays qui envisagent une interdiction similaire, notamment l'Allemagne et l'Irlande. Affirmer une volonté politique forte pour interdire les puffs, c'est peser en faveur des pays qui souhaitent se saisir de l'étroite marge de manoeuvre ménagée aujourd'hui par le droit européen. C'est aussi confirmer le rôle proactif de la France, au moment où des travaux sont engagés pour actualiser la directive européenne sur les produits du tabac et les produits connexes.

Vous l'avez compris, l'article unique de cette proposition de loi est lourd d'enjeux. Les auditions menées et l'instruction du texte ont renforcé ma conviction et ma détermination à vous convaincre de l'intérêt de l'adopter.

L'unanimité des acteurs rencontrés dans le cadre de l'instruction de ce texte, malgré leurs intérêts divergents, constitue un argument de plus, s'il en fallait, pour agir. Tous sans exception ont exprimé leurs craintes à l'égard d'un produit qu'ils considèrent comme néfaste et dangereux pour l'environnement.

À ceux qui invoqueraient un risque de report des usagers de la cigarette électronique jetable vers le tabac, je répondrai qu'il est de notre responsabilité de poursuivre et d'accentuer nos efforts en faveur de la lutte contre le tabagisme. Le Gouvernement a annoncé un nouveau programme national de lutte contre le tabac il y a deux mois : s'il propose des mesures intéressantes, on peut regretter sa frilosité sur certains sujets, comme sur le plan des sanctions ou de l'encadrement des produits contenant de la nicotine.

En conclusion, sans la dénaturer et en veillant à préserver sa cohérence, je vous proposerai de consolider cette proposition de loi par quelques amendements et je vous inviterai à l'adopter.

Il me revient enfin de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux dispositifs de vapotage à usage unique, à l'exclusion des autres produits du vapotage, des produits du tabac et des produits connexes.

Il en est ainsi décidé.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci au rapporteur pour son travail. En bon médecin, il a bien souligné les conséquences de l'usage des puffs. Ces objets sont nocifs à la fois pour la santé et pour l'environnement. C'est en effet une porte d'entrée, pour les jeunes, à la nicotine et à la dépendance. De plus, ils sont mauvais pour l'environnement parce que nous ne savons recycler ni leur plastique ni leur lithium.

Lors de la présentation par Aurélien Rousseau de son plan contre le tabagisme, il a parlé de cette proposition de loi, et nous a engagés à la voter résolument. Les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) en la matière sont précieux, et ils aboutissent aux mêmes conclusions que notre rapporteur.

Celui-ci a évoqué le droit européen. La proposition de loi de Valérie Létard sur le protoxyde d'azote n'a toujours pas abouti. Je suis pour l'interdiction des puffs, comme j'étais pour la pénalisation de ceux qui vendent et de ceux qui consomment trop de ce gaz. Mais nous pouvons voter ce que nous voulons, si les textes ne sont pas appliqués... Nous devons nous montrer déterminés, au niveau européen, pour que les choses bougent vraiment à cet égard.

M. Jean-Luc Fichet. - Ce problème pourrait sembler périphérique, mais c'est une question de santé publique. J'admire la capacité créative et imaginative de nos publicitaires, mais, malheureusement, quand l'économie est en jeu, la santé publique semble passer au second rang.

Ces puffs ont connu un développement extraordinaire, particulièrement chez les adolescents, qui en consomment de plus en plus. Nous avons été sollicités par des entreprises qui souhaitaient nous rencontrer autour d'un verre pour discuter de l'intérêt de ces objets, qu'elles présentent comme une manière d'éviter à des adolescents de se mettre à fumer.

On peut faire le parallèle avec l'alcool. Des entreprises commercialisent des prémix pour les soirées d'adolescents, afin que ces derniers ne consomment pas d'alcool, mais ces boissons contiennent des composants très sucrés, dans lesquels se trouve de l'alcool. C'est une initiation à l'alcool, comme les puffs sont une initiation au tabac. Nous devons absolument stopper cela, mais ce n'est pas facile, parce qu'il y a un véritable attrait, un véritable engouement, pour un objet qui est parfaitement bien conditionné, qui ne coûte pas cher et qui est très à la mode : si tu n'as pas ta puff, tu n'es pas dans le coup !

Mon groupe votera donc, bien évidemment, en faveur de l'arrêt de la vente des puffs. Et je souhaiterais que nous prenions la même décision en matière de boissons alcoolisées.

Je ne reviens pas sur les nuisances environnementales, bien décrites par le rapporteur, ni sur la problématique de la validation par les institutions européennes.

Mme Marie-Pierre Richer. - Merci pour ce rapport. Je me suis rendue sur des sites internet pour voir ce qu'on proposait aux jeunes. Déjà, beaucoup d'alternatives sont mises en ligne, comme des perles de nicotine, commercialisées en France, qui prennent la forme de billes et de bonbons aromatisés. Jusqu'où iront les industriels ? Le temps de ces entreprises, très agiles, n'est pas le même que le nôtre...

Cette problématique a été évoquée au Sénat il y a de nombreuses années par notre collègue Catherine Procaccia. Aujourd'hui, le phénomène est bien installé et pose aussi un risque environnemental. Mais le principal risque est la dépendance, et il n'y a pas d'alternative proposée actuellement, sinon par les mêmes sociétés...

Mme Anne Souyris. - Nous soutenons également cette proposition de loi, qui est absolument essentielle. À mon avis, elle a deux objectifs.

D'abord, la rapidité d'exécution, pour que les puffs soient interdites dans les meilleurs délais. Chaque jour perdu, ce sont de jeunes vapoteurs supplémentaires, donc de futurs fumeurs. L'arnaque initiale consistait à dire qu'il n'y avait pas de nicotine dans ces puffs, ce qui s'est avéré complètement faux. Et comme on peut les vapoter toute la journée sans interruption, cela fait des fumeurs très dépendants. Il y a donc un vrai problème de santé publique. J'espère que la Commission européenne sera favorable à ce texte ; en tout cas, nous devons acter les choses rapidement et de manière unanime.

Deuxième objectif : l'agilité. Les billes et tous les dispositifs qui sont déjà en train d'être mis en place et pensés par les différents industriels soulèvent des questions que nous devons envisager d'une manière ou d'une autre. Cela permettrait de faire en sorte que la loi s'adapte au fur et à mesure à la réalité. Évidemment, nous ne pouvons pas anticiper l'intégralité de ces évolutions, mais j'ai déposé un amendement concernant la location. Cette proposition peut sembler absurde, mais celle-ci est déjà envisagée par les industriels, qui envisagent de passer de la vente à la location pour échapper à l'interdiction.

Nous devons aussi élargir les campagnes antitabac au vapotage, notamment auprès des jeunes dans les collèges et les lycées. En effet, il n'y a pas toujours une prise de conscience suffisante des dangers pour la santé liés au vapotage. Je comprends que mon amendement sur ce point puisse être considéré comme un cavalier, mais il vise le même objectif global : aider à prévenir l'entrée des jeunes dans la dépendance nicotinique.

Mme Frédérique Puissat. - Je tiens également à exprimer ma gratitude envers notre rapporteur, que nous suivrons bien entendu dans ses recommandations. Nous sommes dans une commission sociale, axée sur la santé publique, mais également dans une commission traitant du droit du travail. Avons-nous une idée de l'enjeu économique de ce type de produit en termes de nombre de personnes employées et d'implications financières ? Est-il fabriqué en France ou à l'étranger ?

Mme Chantal Deseyne. - Le rapporteur nous dit qu'un État européen n'est pas fondé à interdire l'usage des puffs, au titre de la libre circulation des marchandises. Cependant, je constate que l'Allemagne, la Belgique et l'Irlande interdisent ces puffs au nom de la santé publique. Au Royaume-Uni, pays qui n'est plus dans l'Union européenne, les puffs sont également remises en question. Avons-nous une idée des différentes politiques menées dans les pays européens pour interdire ces produits ? Comme cela a été souligné par plusieurs intervenants, ceux-ci représentent souvent l'entrée des jeunes dans le tabagisme.

Mme Véronique Guillotin. - Merci au rapporteur pour ce premier rapport. Les méthodes de prévention doivent aider à prévenir l'entrée des jeunes dans le tabagisme. Sur le droit européen, j'ai lu quelques articles de Vincent Couronne et effectivement, il semble qu'on risque de nous demander des études scientifiques un peu plus précises sur le sujet. Serait-il possible aussi de travailler sur les emballages, qu'on pourrait rendre moins attractifs ? Nous l'avons fait pour le tabac.

Mme Corinne Bourcier. - Notre groupe soutiendra ce texte. La cigarette électronique jetable soulève des préoccupations quant à ses conséquences sur la santé, notamment en raison de l'utilisation de substances chimiques telles que des humectants et des arômes, qui peuvent poser des problèmes. Elle est encore pire que la version non jetable en raison des implications environnementales liées aux matériaux qui la composent. Est-elle vraiment moins toxique que la cigarette classique ? Permet-elle vraiment l'arrêt du tabagisme ? Elle est utilisée par des jeunes, attirés par son aspect « tendance », ce qui soulève des inquiétudes quant à son potentiel d'initiation au tabagisme.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je m'aligne sur les positions exprimées par mes collègues au sujet des sachets de nicotine et des billes de nicotine. Il semble que ces sachets ne soient pas inclus dans le champ d'application de la loi que nous allons adopter. Toutefois, je partage l'inquiétude quant à la rapide évolution de la situation, en particulier avec les produits présentés aujourd'hui, qui ont des risques avérés chez les adolescents. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a récemment exprimé ses préoccupations à propos de ces substances, mettant en lumière de nouveaux composés appliqués sur la muqueuse bucco-gingivale qui induisent des effets nicotiniques très puissants. Il est crucial de se questionner sur cette problématique, car même en limitant l'analyse aux puffs, il apparaît que ces produits connaissent des dérives constantes visant spécifiquement les adolescents. Nous devons rester vigilants face à cette situation.

Mme Silvana Silvani. - Je partage l'opinion exprimée par mes collègues et je ne reviendrai pas sur les points déjà abordés. Je n'ai pas de question, mais je ferai plutôt une déclaration.

Il me semble crucial de dénoncer la relation mensongère entretenue sur la consommation de nicotine, souvent minimisée et présentée comme anodine. Le ciblage particulier des jeunes, au travers des moyens de communication auxquels ils sont particulièrement sensibles, doit également être souligné. La publicité et la communication, qui devraient être interdites, continuent d'exister et utilisent des stratégies biaisées.

Je rejoins également les préoccupations concernant l'équilibre délicat entre la santé publique et les enjeux économiques. Cette balance soulève des doutes quant à savoir si les enjeux économiques prévaudront sur la santé de notre jeunesse...

Quel sera l'impact réel de ce texte sur la production de ces objets, qui ne sont pas fabriqués en France, ni même en Europe ? Une simple interdiction pourrait se révéler inefficace si l'on ne s'attaque pas également à la production, en envisageant des restrictions à l'importation.

En tous cas, notre groupe votera cette proposition de loi.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - J'ai eu plaisir à travailler avec les associations et l'ensemble des épidémiologistes, avec la direction générale de la santé, les fabricants... Tous mes interlocuteurs se sont montrés favorables à l'interdiction. Nous avons travaillé avec eux de la façon la plus transparente possible.

Cet objet devrait faire 2 millilitres, avec une concentration maximale de nicotine de 20 milligrammes par millilitre. Or sa taille a explosé. De plus, les piles au lithium qu'il utilise sont inamovibles. J'ai discuté avec des usines d'incinération : même si l'on récupère l'ensemble des composants, il est impossible d'extirper la pile, sauf à y consacrer des ressources énormes.

On nous présente ces produits comme des dispositifs de non-combustion du tabac. En fait, ils chauffent jusqu'à 200 degrés le liquide qu'ils contiennent. C'est du glycérol et il y a aussi du propylène : chauffer ce liquide crée des aldéhydes, qui sont toxiques. Le glycérol provoque de fortes crises d'asthme. Les sels de nicotine, plus vite absorbés que la nicotine elle-même, provoquent des irritations bronchiques, voire des crises d'asthme, et une irritation des muqueuses chez des jeunes de 12 ans, 13 ans ; à la longue, cela peut être cancérigène. Et je ne veux pas attendre qu'il y ait des cas de cancer pour décider d'interdire.

Nous avons parlé de l'addiction. En fait, 80 % de ces produits contiennent de la nicotine. Leur facilité d'utilisation conduit à une concentration importante dans le sang, qui peut avoir des effets cardiovasculaires, notamment la tachycardie. Malgré l'absence d'études médicales, puisque ces produits ne sont diffusés en France que depuis 2021, avec un marché qui a triplé depuis, nous ne pouvons pas négliger cet aspect.

Il est capital de voir par quel biais nous devons intervenir sans que l'Europe ne nous retoque, madame Doineau. La Belgique a été retoquée, pour quelques détails que j'ignore, mais a redéposé son dossier. L'Allemagne et l'Irlande attendent aussi le verdict pour interdire.

Oui, monsieur Fichet, c'est un commerce, il ne faut pas se leurrer. Ce qui nous rassure un peu, c'est qu'il y a peu d'intérêts commerciaux de production en France, même si c'est dans notre pays que les arômes chinois sont achetés. Les liquides sont fabriqués, avec une qualité qui semble être faible. Tout cela reste donc nocif pour les jeunes, surtout à moyen et long terme.

Je n'ai pas voulu sortir du périmètre du texte, madame Richer, car l'enjeu se situera au niveau européen, pas entre nous. Nous devons donc être stricts sur ce texte. D'ailleurs, nous avons une réunion de travail avec le ministère cet après-midi pour trouver les bons mots afin que ce dossier ne soit pas retoqué par la Commission européenne.

Sur le délai d'application, nous avons des amendements, mais la question se pose. Cette loi ne pourra pas être promulguée sans l'approbation de la Commission. Comme nous entrons en période d'élections, nous craignons des retards... Il est donc impératif que nous nous entendions entre nous.

Ces produits étant fabriqués en Chine, madame Puissat, il n'y a pas de répercussions chez nous. Les intermédiaires en France ne sont pas alarmés, ils feront autre chose avec leurs arômes.

Mme Guillotin évoque les études cliniques : nous n'allons pas attendre qu'il y ait des cas, s'agissant d'un public aussi jeune. Est-ce une passerelle vers le tabagisme ? Il existe des études, mais elles ne sont pas assez anciennes. L'une se fonde sur un suivi jusqu'en 2020... On parle tout de même de 5 % de jeunes qui basculeraient vers le tabagisme.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement  COM-7 a pour objet d'étendre l'interdiction à la location des puffs. Avis défavorable : les puffs sont des produits à la durée de vie courte. Elles sont à usage unique, consommées immédiatement et en quelques jours. Leurs caractéristiques ne se prêtent pas à la location, même si cela obligerait leurs usagers à les rapporter chez le commerçant, ce qui faciliterait leur recyclage.

Mme Anne Souyris. - L'objectif n'était pas celui-ci : c'était d'empêcher aussi bien la location que la vente.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous aurons le débat en séance.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Mon amendement  COM-2 tend à définir le dispositif électronique de vapotage jetable ou à usage unique, pour circonscrire l'interdiction qui sera examinée par la Commission européenne à l'occasion de la notification de ces dispositions. Cette définition, suffisamment englobante pour tenir compte de l'évolution des produits, permet de viser à la fois les dispositifs dont la batterie peut être rechargée mais dont les liquides ne sont pas rechargeables, et ceux dont les liquides pourraient être rechargés, mais pas la batterie, car de nouvelles gammes sous forme de kits à assembler se développent aussi.

L'amendement COM-2 est adopté, de même que les amendements rédactionnels COM-1 et COM-3.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement  COM-4 concerne une coordination juridique.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Mon amendement  COM-5 prévoit la sanction du non-respect de l'interdiction de fabriquer les puffs. Il tend à permettre que les infractions à l'interdiction de fabriquer les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique soient sanctionnées d'une amende de 100 000 euros, au même titre que les infractions à l'interdiction de vendre, de distribuer ou d'offrir à titre gratuit ces dispositifs, au regard de l'interdiction prévue à l'article L. 3513-5-1 du code de la santé publique.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Mon amendement  COM-6 a pour objet de définir la date d'entrée en vigueur du texte. Cela permet de ménager un délai maximal de six mois entre la publication de la loi au Journal officiel et son entrée en vigueur, afin de donner de la visibilité aux acteurs. En fonction des étapes préalables à la publication de la loi, ce délai pourrait le cas échéant être utilement mobilisé. Nous renvoyons la fixation de la date au pouvoir réglementaire, pour plus de souplesse.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

L'amendement  COM-8 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2 (supprimé)

L'article 2 demeure supprimé.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

Mme SOUYRIS

7

Extension de l'interdiction à la location des puffs.

Rejeté

M. KHALIFÉ, rapporteur

2

Définition du dispositif électronique de vapotage jetable ou à usage unique

Adopté

M. KHALIFÉ, rapporteur

1

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. KHALIFÉ, rapporteur

3

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. KHALIFÉ, rapporteur

4

Amendement de coordination juridique.

Adopté

M. KHALIFÉ, rapporteur

5

Sanction du non-respect de l'interdiction de fabriquer les puffs.

Adopté

M. KHALIFÉ, rapporteur

6

Définition de la date d'entrée en vigueur du texte.

Adopté

Article additionnel après l'article 1er

Mme SOUYRIS

8

Organisation de campagnes de prévention et de sensibilisation aux dangers du tabac et du vapotage.

Irrecevable article 45 de la Constitution

La réunion est close à 11 h 55.

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