B. UNE RÉFORME DE LA GARDE À VUE NON ANTICIPÉE ET MAL CONÇUE
Le projet de loi (article 28) vient par ailleurs réformer de manière substantielle la garde à vue pour mettre fin à des dérogations à l'accès à un avocat - qui, non prévues par la directive 2013/48/UE (dite « directive C »), ont poussé la Commission européenne à mettre en demeure la France en 2021, puis à lui adresser il y a quelques semaines un avis motivé, dernière étape avant la mise en oeuvre d'un recours en manquement, potentiellement assorti de sanctions financières.
Informé depuis plus de deux ans des risques pesant sur la garde à vue, le Gouvernement a gardé par-devers lui cette information. Plutôt que de conduire une concertation ouverte, respectueuse des institutions et de la démocratie, il a préféré soumettre en urgence au Parlement une réforme tout aussi cruciale que mal préparée et mal conçue dans le cadre du présent texte, avec des choix contestables.
Il a, en particulier, fait le choix de supprimer toute possibilité d'audition immédiate des gardés à vue alors même que la « directive C », si elle encadre les conditions dans lesquelles une telle audition peut être conduite, ne l'interdit pas. Ce faisant, il a privé le Parlement et les citoyens de l'opportunité d'avoir un débat serein sur un sujet essentiel et a pris le risque de dégrader sans cause sérieuse les capacités d'enquête des parquets et des officiers de police judiciaire qui, partout en France, ont découvert le projet de loi avec inquiétude et stupéfaction.
Tout en condamnant vivement l'attitude du Gouvernement, la commission n'a eu d'autre choix que de prendre ses responsabilités. Elle a, en conscience et sur la double initiative du rapporteur et du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, apporté des clarifications aux conditions dans lesquelles la nouvelle procédure de recours à un avocat pourra être mise en oeuvre, supprimant les incertitudes - donc les risques juridiques - que créait la rédaction initiale du projet de loi et, surtout, des modifications pour rétablir la possibilité d'une audition immédiate des gardés à vue dans le respect des strictes conditions prévues par le droit européen (amendements COM-38, COM-39, COM-62 et COM-63).