II. ENTRE NOUVEAUX INVESTISSEMENTS, ORGANISATION DU TRAVAIL, GESTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS ET DÉSENDETTEMENT, LE BACEA EST CONFRONTÉ À DES DÉFIS MAJEURS

A. NOUVEAU PROTOCOLE SOCIAL ET ANTICIPATION D'UNE VAGUE MASSIVE DE DÉPARTS À LA RETRAITE, DES ENJEUX DE CAPACITÉ ET DE PERFORMANCE POUR LE CONTRÔLE AÉRIEN

1. La DGAC doit se préparer à une vague de départs à la retraite de contrôleurs aériens d'ici à la fin de la décennie

En 2022, du fait de la crise du transport aérien, les effectifs de la DGAC avait été réduits de 72 ETP, ce qui avait eu pour conséquence une diminution des recrutements d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) le nombre de promotions annuelles passant de quatre en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022. En raison de la reprise du trafic et de la perspective d'une vague de départs à la retraite qui touchera les contrôleurs aériens à la fin de la décennie, un schéma d'emplois nul avait été adopté en LFI pour 2023, le nombre de promotions d'ICNA étant remonté à trois pour l'année en cours.

Sur l'année 2023, le total des flux prévisionnel devrait représenter 404 ETP en entrées et en sorties. Le solde prévisionnel devrait être positif à hauteur de 7 ETP pour les ICNA tandis que, notamment en raison de la poursuite de la rationalisation des fonctions supports de la DGAC, une baisse de 10 ETP des effectifs de la catégorie des ouvriers est anticipée au 31 décembre 2023. La synthèse des mouvements d'effectifs prévisionnels pour 2023 est présentée dans le tableau ci-après.

Mouvements prévisionnels d'effectifs en 2023

(en ETP)

ICNA : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne.

IESSA : ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne.

TSEEAC : techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile.

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

Pour 2024, le projet de loi de finances propose un plafond d'emploi de la DGAC39(*) de 10 439 ETPT, en hausse de 28 ETPT par rapport à 2023. Cette évolution traduit la mise en oeuvre d'une trajectoire de recrutement pluriannuelle destinée à pallier aux départs à la retraite qui doivent intervenir en fin de décennie ainsi que l'enjeu capacitaire lié à la reprise du trafic aérien.

Le présent PLF propose de stabiliser les emplois rémunérés de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) : 931 ETPT dont 791 sous plafond et 140 hors plafond.

Détail du schéma d'emplois 2024 de la DGAC

 

Départ

Arrivées

Schéma d'emploi

Administratifs/cadres

104

107

+ 3

ICNA

60

121

+ 61

IESSA-TSEAC

118

105

- 13

Ouvriers

29

6

- 23

Total

311

339

+ 28

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En 2024, quatre nouvelles promotions d'ICNA doivent-elles être recrutées pour une augmentation des effectifs des contrôleurs aériens à hauteur de 61 ETP. Dans la mesure où la formation des contrôleurs aériens s'étale sur cinq années, il est indispensable d'anticiper les besoins et les recrutements pour ne pas se retrouver en situation de manque de capacités dans quelques années.

Le nombre de nouvelles promotions d'ICNA a ainsi vocation à augmenter progressivement jusqu'à cinq par an afin de répondre à cet enjeu. Cette trajectoire prévisionnelle aura vocation à être ajustée en fonction notamment de l'affinement des prévisions de trafic.

Dans le même temps, les catégories des ouvriers d'un côté (- 23 ETP) ainsi que des ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) et des techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC) de l'autre (- 13 ETP) verront leurs effectifs se réduire en 2024, notamment du fait de la réforme des fonctions transverses de la DGAC.

2. Le nouveau protocole social ne doit pas reproduire les erreurs du passé

En 2024, la masse salariale de la DGAC, le principal poste de dépenses du budget annexe, devrait augmenter de 50 millions d'euros (+ 5 %) pour dépasser le milliard d'euros (1 037 millions d'euros). Les dépenses de personnel représentent au total, une fois incluses les cotisations sociales employeurs, les prestations sociales et l'action sociale, un montant de 1 341 millions d'euros, en hausse de 60 millions d'euros (+ 5 %) par rapport à 2023. Cette augmentation s'explique principalement par la revalorisation du point d'indice ainsi que par des mesures catégorielles.

Depuis la fin des années 1980, la DGAC a pris l'habitude de conclure des « protocoles sociaux » avec les organisations syndicales représentatives de ses agents. Ces accords pluriannuels, ayant notamment vocation à assurer une certaine forme de paix sociale, devaient garantir aux personnels de la DGAC des avantages catégoriels en contrepartie de l'adoption de mesures de productivité, notamment en matière d'organisation du temps de travail, visant à améliorer la performance du contrôle aérien.

Depuis de nombreuses années, le rapporteur spécial ne cache pas son scepticisme quant à l'équilibre et à l'intérêt de ces accords. Les mesures catégorielles du dernier protocole social qui a couvert la période 2016-2019 auraient coûté près de 50 millions d'euros à la DGAC, contre 27 millions d'euros pour le précédent, sans qu'une véritable réforme de l'organisation du travail des contrôleurs aériens n'ait aboutie et sans que des gains de performance flagrants n'aient été observés.

Dans le prolongement des interrogations du rapporteur spécial, la Cour des comptes a publié un rapport40(*) en septembre 2021 remettant très fortement en cause la pratique des protocoles sociaux de la DGAC. Selon ce rapport, il est devenu indispensable de « redéfinir le contenu des protocoles sociaux afin qu'ils ne se soldent pas par l'octroi continu d'avantages catégoriels supplémentaires ». Le rapporteur spécial ne peut que souscrire à cette conclusion qu'il avait lui-même tirée de ses observations. Le futur accord devra réellement transcrire le principe de « donnant-donnant » qui constitue la seule légitimité de cette pratique. Il devra enfin cette fois-ci se traduire par une amélioration sensible et mesurable de la performance des services de la navigation aérienne.

La crise sanitaire avait occasionné une suspension des négociations du nouveau protocole. Celles-ci ont repris au début de l'année 2023. Elles sont toujours en cours actuellement et la DGAC a pour ambition d'aboutir d'ici à la fin de l'année pour commencer à le mettre en pratique au début de l'année 2024.

D'après les éléments communiqués par la DGAC, le futur protocole social devrait prévoir plusieurs mesures de nature à améliorer la performance du contrôle aérien :

- une restructuration et une rationalisation des centres de contrôle et d'approche ainsi que des tours de contrôle ;

- la régionalisation de l'implantation territoriale des centres de maintenance de la DSNA ;

- la réorganisation du service de contrôle d'aérodrome qui amènera à remettre en cause la présence de la DGAC sur certaines plateformes pour envisager son remplacement par des services d'information de vol et d'alerte dits « AFIS » (pour Aerodrome Flight Information Service) ;

- la mise en place d'un corps unique de contrôleurs aériens à horizon 2030 ;

- la révision de l'arrêté relatif à l'organisation du temps de travail des contrôleurs aériens dans le but de rendre plus souple la planification des vacations de contrôle afin d'améliorer la performance des services de la navigation aérienne, tout particulièrement lors des périodes de pointes.

Les réformes de l'organisation du temps de travail des contrôleurs doivent s'accompagner de contreparties en termes indemnitaires.


* 39 Plus de 70 % des agents de la DGAC appartiennent à la filière technique et opérationnelle : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) et techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). La DGAC comprend également, entre autres, des adjoints d'administration, des ouvriers d'État ou bien encore des ingénieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (IEEAC).

* 40 Consacré à « la politique RH de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ».

Partager cette page