II. L'OBJECTIF DE CE TEXTE : RENFORCER LA PROTECTION DES MINEURS DANS LE MILIEU SPORTIF
A. UNE INITIATIVE BIENVENUE, MAIS FAISANT PORTER UN POIDS TROP IMPORTANT SUR LES DIRIGEANTS DE CLUB
La proposition de loi déposée par Sébastien Pla vise à renforcer le contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs en précisant qu'il s'effectue par la consultation systématique du bulletin n° 2 du casier judiciaire (B2) ainsi que du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
Par ailleurs, elle prévoit l'obligation pour les dirigeants de club de procéder à un contrôle de l'honorabilité de leurs éducateurs sportifs et de l'ensemble des personnes intervenant auprès des mineurs, en leur demandant de présenter leur bulletin n° 3 du casier judiciaire (B3) avant leur prise de fonction : ils doivent vérifier l'absence de condamnations entraînant une incapacité d'exercer.
Si la commission salue cette initiative sénatoriale, elle s'interroge sur l'opportunité d'imposer une telle obligation aux présidents de club. Elle estime que le contrôle de l'honorabilité doit rester une prérogative de l'État. Un contrôle du B3 par les dirigeants du club pourrait être perçu comme un transfert de responsabilité de l'État vers les clubs sportifs. Dans un contexte de crise du bénévolat, cette obligation accroitrait de manière inopportune les responsabilités qui pèsent déjà sur les épaules des dirigeants sportifs. Qui plus est, le B3 n'est pas exhaustif : il ne comporte que les infractions les plus graves. Un dirigeant de club, à la consultation du bulletin n° 3, peut de bonne foi penser que le futur éducateur sportif remplit les conditions d'honorabilité sans que cela ne soit le cas.
B. LA POSITION DE LA COMMISSION : POUVOIR AGIR PLUS VITE FACE À DES PERSONNES POTENTIELLEMENT DANGEREUSES
1. Prendre en compte dans le champ sportif les améliorations dans la protection des mineurs issues de la loi Taquet
À l'initiative de Jean-Jacques Lozach, rapporteur, la commission a réécrit l'article unique de la proposition de loi afin de sécuriser et améliorer les modalités de contrôle de l'honorabilité en introduisant dans le champ sportif les dispositions applicables aux personnes intervenant dans le secteur social et médico-social issues de la loi relative à la protection des enfants (loi Taquet) adoptée en 2022.
La commission a introduit notamment, par exception au principe de réhabilitation pénale, le fait que l'inscription d'une condamnation au FIJAIS, même si celle-ci n'est plus inscrite sur le B2, entraine l'interdiction d'exercer. Le FIJAIS est en effet plus complet pour les délits et crimes à caractère sexuel ou violent : certaines condamnations peuvent être effacées du B2 dès six mois après la date de condamnation, à la demande de la personne condamnée. Elles restent cependant inscrites au FIJAIS au minimum 20 ans. Les faits commis lorsque la personne était mineure restent également inscrits pendant 10 ans. Ce nouveau dispositif répond à une attente forte des fédérations et du ministère qui ont vu plusieurs de leurs décisions visant à écarter un éducateur sportif inscrit au FIJAIS, mais dont l'infraction n'apparaissait plus au B2, remises en cause par la justice.
La nouvelle rédaction de l'article premier ajoute une interdiction d'exercer lorsque la personne a été condamnée à l'étranger pour des faits qui, commis en France, auraient entraîné une incapacité d'exercer.
Enfin, elle inscrit dans la loi le principe d'une annualité du contrôle de l'honorabilité.
En revanche, la commission a supprimé le contrôle du B3 par les dirigeants de club.
2. Mettre en place une obligation de signalement et sévir contre les dirigeants de clubs fermant les yeux sur les violences commises sur les sportifs
Afin de lutter plus efficacement contre les violences dans le sport, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un article additionnel obligeant les présidents de club à signaler aux services de l'État les comportements des éducateurs qu'ils emploient ou de toute personne en contact avec des mineurs présentant un danger pour la sécurité et la santé physique ou morale des sportifs.
« Pour que l'État puisse agir, il faut qu'il soit informé. Il faut que les faits nous remontent », a souligné Fabienne Bourdais, directrice des sports, lors de son audition.
Un tel signalement administratif, en parallèle de l'action judiciaire, est essentiel pour protéger le plus rapidement possible les sportifs. Il permet d'abord le déclenchement d'un contrôle du club par les services déconcentrés du ministère des sports. Il ouvre ensuite la faculté au préfet de prendre en urgence une interdiction temporaire d'exercer envers la personne potentiellement dangereuse.
Les auditions menées par le rapporteur ont également fait apparaître une faiblesse juridique dans le contrôle de l'honorabilité et la protection des mineurs : l'absence de mesures administratives vis-à-vis de certains dirigeants de club peu enclins à lutter contre les violences. Alors que le préfet peut prendre une mesure administrative d'interdiction d'exercer pour les éducateurs sportifs potentiellement dangereux, il n'existe aucune interdiction similaire pour les dirigeants de club. Le préfet dispose seulement de la faculté de fermer administrativement le club - rien n'empêchant le dirigeant d'en ouvrir un nouveau.
C'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un article additionnel portant création d'une mesure administrative d'interdiction, temporaire ou définitive, de diriger un club dans trois conditions :
· lorsque le comportement du dirigeant fait peser un risque sur les pratiquants ;
· lorsque celui-ci emploie, ou maintient en emploi, malgré la notification par les services déconcentrés du ministère des sports, un éducateur qui ne respecte pas les critères d'honorabilité ;
· lorsqu'il ne signale pas aux services de l'État le comportement d'un éducateur sportif ou d'une personne intervenant auprès de mineurs qui présente un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants.
L'interdiction temporaire d'exercer auprès de mineurs s'applique jusqu'à la décision définitive de justice, lorsque le dirigeant de club fait l'objet de poursuites pénales.
En cas de non-respect de cette mesure administrative, le dirigeant de club concerné s'expose à une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.