EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Alignement des modalités du contrôle d'honorabilité applicables au champ sportif sur celles en vigueur dans le secteur social et médico-social

Cet article renforce le contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs, y compris bénévoles, en prévoyant un contrôle systématique du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) par les autorités administratives, ainsi que du bulletin n° 3 du casier judiciaire par les responsables des établissements d'activités physiques et sportives (EAPS), avant leur entrée en fonction.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement tendant à réécrire l'article premier de la proposition de loi afin d'appliquer au champ sportif les améliorations du contrôle d'honorabilité apportées par la loi relative à la protection des enfants en février 2022 pour le secteur social et médico-social. Elle a en revanche supprimé le contrôle du bulletin n° 3 du casier judiciaire.

I. - Le droit en vigueur

L'article L. 212-9 du code du sport règlemente l'enseignement, l'animation ou l'encadrement d'une activité sportive, que ce soit à titre rémunéré ou bénévole. Sont frappées d'incapacité les personnes condamnées pour un crime ou délit relatif :

- aux atteintes à la vie de la personne,

- aux atteintes à l'intégrité physique et psychique2(*),

- à la mise en danger de la personne,

- aux atteintes à la liberté de la personne3(*),

- aux atteintes à la dignité de la personne, incluant la discrimination et le proxénétisme,

- aux atteintes aux mineurs et à la famille4(*),

- à l'extorsion,

- au blanchiment,

- aux atteintes à la Nation, à l'État et à la paix publique,

- à la conduite sous l'emprise de stupéfiants et à la soustraction d'un contrôle de prise de stupéfiants,

- à l'usage illicite de stupéfiants, l'incitation à la prise de ceux-ci et le refus du dépistage de stupéfiants,

- à la fabrication, l'achat, la vente, la détention et le non-respect de la législation en vigueur sur les armes et munitions.

Un certain nombre d'infractions en lien avec le sport entraîne également une incapacité d'exercer la fonction d'éducateur sportif. Il s'agit des condamnations pour dopage, ou incitation au dopage, y compris animale, ainsi que celles relatives à la sécurité des manifestations sportives5(*).

L'article L. 212-9 du code du sport interdit également l'enseignement, l'encadrement et l'animation d'activités sportives aux personnes faisant l'objet d'une mesure administrative d'interdiction ou de suspension à diriger ou encadrer un accueil collectif de mineurs, ainsi celles condamnées pour crime ou délit à caractère terroriste.

II. - Le dispositif proposé

L'article unique prévoit tout d'abord un contrôle par l'administration de l'honorabilité au regard du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), avant la prise de fonction de l'éducateur sportif.

Le contenu du bulletin n° 2 du casier judiciaire

Le bulletin n° 2 du casier judiciaire recense la plupart des condamnations, à l'exception des décisions à l'encontre des mineurs6(*), des contraventions, ainsi que des condamnations assorties d'une dispense de peine, ou avec sursis lorsque le délai d'épreuve a pris fin.

Les modalités d'accès au bulletin n° 2 sont strictes : seules l'administration et les personnes morales chargées de contrôler les incapacités prévues par la loi ou le règlement peuvent le consulter. Les dirigeants de personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès de mineurs une activité culturelle, éducative ou sociale, y ont accès uniquement pour les nécessités de recrutement et à la condition que le bulletin ne porte aucune mention.

Les condamnations sont automatiquement effacées cinq ans après le prononcé de la peine, pour les condamnations sans sursis d'une peine allant jusqu'à un an de prison. Ce délai est de dix ans pour les condamnations à une peine d'emprisonnement supérieure à un an, ou à plusieurs peines de moins d'un an ne cumulant pas une durée supérieure à cinq ans. Il est doublé en cas de condamnation en récidive.

La personne peut demander au juge la dispense d'inscription au bulletin n° 2 lors du procès. Si celle-ci n'est pas accordée, une demande d'effacement peut être faite auprès du procureur de la République six mois après que la condamnation soit devenue définitive. Ces demandes de dispense d'inscription et d'effacement ne sont toutefois pas possibles pour certains crimes ou délits graves, dont le meurtre ou l'assassinat commis avec torture ou actes de barbarie, le proxénétisme à l'égard d'un mineur, le recours à la prostitution des mineurs, l'agression sexuelle ou le viol sur une personne majeure ou mineure.

Le contenu du fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS)

Le FIJAIS (fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) recense les personnes condamnées ou mises en cause7(*), mêmes les mineurs à partir de 13 ans, pour certaines infractions sexuelles ou violentes. Pour ces mêmes infractions, les personnes condamnées, même de façon non définitive, y compris en cas de dispense de peine ou d'ajournement, les personnes déclarées irresponsables pénalement en raison d'un trouble mental ainsi que celles ayant exécuté une composition pénale sont également inscrites. Ce fichier a pour vocation de prévenir la récidive : les personnes inscrites doivent indiquer leur adresse à intervalles réguliers.

Les infractions entraînant une inscription au FIJAIS

Les infractions suivantes peuvent entraîner l'inscription au FIJAIS : viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle sur mineur, traite des êtres humains à l'égard d'un mineur, proxénétisme à l'égard d'un mineur, recours à la prostitution d'un mineur, proposition sexuelle à un mineur de moins de 15 ans par un moyen de communication électronique, enregistrement, acquisition, détention ou offre d'images ou de représentations pornographiques d'un mineur, consultation habituelle ou payante d'un site diffusant des images ou représentations pornographiques d'un mineur, fabrication, transport, diffusion ou commerce de messages violents ou pornographiques pouvant être vus ou perçus par un mineur, incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de moins de 15 ans, torture ou acte de barbarie, meurtre ou assassinat sur un mineur ou en récidive.

L'inscription est automatique pour les infractions d'une peine de prison au moins égale à cinq ans, ou lorsque la victime de l'infraction est mineure (sauf décision contraire expresse du juge ou du procureur).

Pour les peines inférieures à cinq ans de prison, le procureur de la République peut demander l'inscription.

Les informations sont conservées 30 ans pour un crime ou délit puni de 10 ans de prison ou plus, 20 ans pour les autres cas, ou 10 ans lorsque l'auteur est mineur au moment des faits. Le délai court à partir de la notification de la décision d'inscription au FIJAIS ou à partir de la sortie de prison.

Le bulletin n° 2 du casier judiciaire et le FIJAIS ne contiennent pas les mêmes informations : ainsi une condamnation pour dopage ou incitation au dopage n'est pas inscrite au FIJAIS. Dans le même temps, certaines condamnations pénales à caractère sexuel ou violentes peuvent ne pas apparaître sur le bulletin n° 2. Il est donc important que le contrôle de l'honorabilité se fasse au regard de ces deux fichiers.

Le contrôle du bulletin n° 3 du casier judiciaire par les responsables des établissements d'activités physiques et sportives (EAPS)

Le texte impose également le contrôle, par les responsables des EAPS - c'est à dire des clubs sportifs -, du bulletin n° 3 du casier judiciaire des intervenants, y compris bénévoles, intervenant en leur sein, afin de vérifier qu'il n'existe pas d'incapacité pour la personne concernée d'enseigner, d'animer ou d'encadrer une activité physique et sportive. Ce contrôle doit avoir lieu avant sa prise de fonction. Les informations contenues dans le bulletin n° 3 du casier judiciaire ne mentionnent que les condamnations les plus graves : elles sont moins détaillées que celles inscrites au bulletin n° 2 ou inscrites au FIJAIS.

Le texte prévoit une sanction fixée par décret en Conseil d'État, pour les responsables de club ne respectant pas cette nouvelle obligation.

III. - Le texte de la commission

Sur proposition du rapporteur, la commission a souhaité réécrire intégralement l'article unique de la proposition de loi ( COM-2).

Tirer les conséquences dans le champ sportif de la loi de 2022 relative à la protection des enfants

La nouvelle rédaction de l'article premier introduit dans le champ sportif, à l'article L. 212-9 du code du sport, les mêmes modalités de contrôle de l'honorabilité que celles applicables dans le champ social et médico-social (art. L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles).

Elle explicite la nécessité de consulter à la fois le bulletin n° 2 du casier judiciaire et le FIJAIS lors du contrôle de l'honorabilité, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.

Comme c'est le cas depuis de nombreuses années dans le champ social et médico-social, la nouvelle rédaction de l'article L. 212-9 du code du sport élargit l'incapacité d'exercer la fonction d'éducateur sportif en cas de condamnation par une juridiction étrangère, à une infraction contrevenant en droit français à l'obligation d'honorabilité.

Elle introduit également la possibilité, pour une personne concernée par une incapacité d'exercice, de demander au juge d'en être relevée.

Surtout, par exception au principe de réhabilitation pénale, le texte précise que toute condamnation définitive figurant dans le FIJAIS entraîne une incapacité d'exercice, même si celle-ci ne figure pas ou plus au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Il ressort des auditions conduites par le rapporteur que cette disposition est particulièrement attendue par les services déconcentrés du ministère des sports et par les fédérations. En effet, plusieurs d'entre elles sont confrontées à des contentieux lorsqu'elles souhaitent écarter un éducateur sportif inscrit au FIJAIS mais dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne mentionne plus la condamnation. Comme l'exception au principe de réhabilitation pénale n'est actuellement mentionnée que dans le code de l'action sociale et des familles et donc non prévue pour le domaine sportif, certains de ces éducateurs contestent leur incapacité d'exercer. La direction des sports du ministère a indiqué au rapporteur, que plusieurs de ces arrêtés d'interdiction d'exercer ont été annulés par la justice.

Conforter le principe d'un contrôle annuel de l'honorabilité

La nouvelle rédaction de l'article prévoit une annualité du contrôle de l'honorabilité. En effet, de nombreux éducateurs sportifs, notamment bénévoles, restent en poste de longues années au sein d'un même club. Un contrôle uniquement avant la prise de fonction risque de créer une fragilité dans le dispositif.

L'annualité du contrôle est facilitée par l'obligation qu'ont les clubs de relever l'identité complète de toutes les personnes qui sont susceptibles d'exercer des fonctions d'éducateur sportif ou d'intervenir auprès des mineurs en vue de la délivrance de la licence (art. L 131-6 du code du sport), soit chaque année. Ce recueil de l'identité, étape indispensable pour un contrôle automatisé et systématique de l'ensemble des bénévoles a été introduit à l'initiative de la commission lors de l'examen de la loi n° 2021-1109 confortant les principes de la République du 24 août 2021.

Quant aux éducateurs sportifs professionnels, il est déjà procédé à un contrôle annuel de leur honorabilité8(*).

En revanche, la commission a supprimé l'obligation pour les dirigeants des clubs sportifs de vérifier le bulletin n° 3 de leurs futurs éducateurs sportifs avant leur prise de fonction. Elle estime en effet que ce contrôle doit rester une prérogative étatique. En outre, le bulletin n° 3 ne comportant que les condamnations les plus graves, un dirigeant de club sportif peut de bonne foi estimer qu'une personne satisfait au contrôle de l'honorabilité, alors que ce n'est pas le cas.

Enfin, la mise en place d'un criblage automatisé est de nature à permettre, une fois l'ensemble des problèmes techniques surmontés, un contrôle très rapide de l'ensemble des bénévoles. À titre de comparaison, dans le cadre de l'accueil collectif des mineurs, où un système automatisé de contrôle similaire existe depuis onze ans pour les personnes en contact avec les mineurs, l'honorabilité d'une personne - et l'incapacité qui peut la frapper - est contrôlée en quelques jours9(*).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (nouveau)

Obligation de signalement pour les dirigeants de club à l'autorité administrative en cas de comportements à risques et création d'une mesure administrative d'interdiction de diriger un club sportif

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un article additionnel créant une obligation administrative de signalement pour les responsables d'établissements d'activités physiques et sportives (EAPS) en cas de comportements à risques dans leur club et introduit une mesure administrative d'interdiction de diriger un tel établissement pour ceux peu enclins à lutter contre les violences à caractère sexuel.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un article additionnel ( COM-3) permettant d'agir plus vite pour lutter contre les violences à caractère sexuel dans les clubs sportifs.

Instaurer une obligation pour les responsables d'EAPS de signaler à l'administration un comportement au sein du club présentant un risque

Cet article additionnel impose aux responsables d'EAPS, à savoir les dirigeants de club, de déclarer à l'administration les comportements de leurs éducateurs sportifs ou des personnes intervenants auprès des mineurs qui constituent un danger pour la sécurité et la santé physique ou morale des sportifs.

Cette disposition répond à une demande de fédérations dont les clubs affiliés ne transmettent leurs signalements qu'aux seuls procureurs de la République. Ces derniers s'avèrent en effet réticents à signaler ces mêmes faits au préfet ou aux services déconcentrés du ministère des sports en l'absence de base légale.

Certes, l'article 706-47-4 du code de procédure pénale impose au ministère public d'informer par écrit l'administration, lorsqu'une personne fait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire, notamment pour les infractions à caractère sexuel commises sur des mineurs, et qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs. Les services déconcentrés du ministère des sports sont censés être informés par la justice lorsque la personne concernée intervient dans un club sportif au contact de mineurs. Ce n'est cependant pas toujours le cas.

Le signalement direct des faits à l'administration permet de « gagner du temps », selon l'expression de Fabienne Bourdais, directrice des sports, dans la prise de mesures en urgence, afin d'écarter rapidement la personne potentiellement dangereuse. En effet, l'article L. 212-13 du code du sport permet à l'autorité administrative de prononcer à l'encontre de toute personne, dont le maintien en activité constituerait un danger pour la sécurité ou la santé physique ou morale des pratiquants une interdiction temporaire ou définitive d'exercer.

Sévir contre les responsables d'EAPS peu enclins à signaler des comportements déviants au sein de leur club

L'article 2 crée également une interdiction administrative de diriger un club sportif. À la différence des éducateurs sportifs (art. L. 212-13 du code du sport précité), il n'existe actuellement aucune sanction administrative spécifique applicable aux responsables d'établissements d'activités physiques et sportives - le préfet disposant seulement de la faculté de fermer l'établissement (art. L. 322-5 du code du sport).

Cette nouvelle interdiction administrative de diriger, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, un EAPS pourrait être prononcée dans trois cas : lorsque le maintien en activité du dirigeant présente un danger pour la sécurité et la santé physique et morale des pratiquants de son club, lorsqu'il emploie ou maintient en emploi une personne ne respectant pas les conditions d'honorabilité et, enfin, lorsqu'il ne signale pas à l'administration des comportements potentiellement dangereux au sein de son club de la part d'un éducateur sportif ou d'une personne intervenant auprès de mineurs.

Dans les mêmes conditions que la suspension administrative d'un éducateur sportif prévue à l'article L. 212-13 du code du sport, il s'agit de pouvoir sanctionner administrativement et rapidement des dirigeants de club peu enclins à lutter contre les violences commises sur des sportifs de leur club. Sauf en cas d'urgence, où le préfet peut prendre seul la décision de suspension, celle-ci est prise après avis d'une commission comprenant notamment des représentants du mouvement sportif.

Enfin, l'article crée une sanction pénale en cas de non-respect de l'interdiction administrative de diriger un EAPS. Il s'agit du même quantum de peine que celui applicable à un éducateur sportif ne respectant par une interdiction administrative d'exercer (L. 212-10 du code du sport).

La commission a adopté cet article additionnel.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication
a adopté la proposition de loi ainsi modifiée
.


* 2 Torture, actes de barbarie, violences, menaces, viol, agressions sexuelles, exhibitions et harcèlement sexuel, outrage sexiste, harcèlement moral, enregistrement et diffusion d'images violentes, trafic de stupéfiants et d'armes.

* 3 Réduction en esclavage, enlèvement, séquestration et détournements de moyens de transport.

* 4 Délaissement de mineurs, abandon de famille, atteinte à l'exercice de l'autorité parentale.

* 5 Introduction par la force ou la fraude de boissons alcooliques ou état d'ébriété dans une enceinte sportive, provocation lors d'une manifestation sportive des spectateurs à la haine ou la violence contre l'arbitre ou les joueurs, introduction et exhibition de signes incitant à la haine ou à la discrimination, introduction ou utilisation de fusées ou artifices ou d'une arme dans une enceinte sportive, jet de projectiles présentant un danger pour la sécurité des personnes ou encore trouble au déroulement d'une compétition sportive.

* 6 Le retrait d'une décision concernant un mineur est décidé dans les conditions fixées à l'article L. 631-4 du code de la justice pénale des mineurs et à l'article 770 du code de procédure pénale.

* 7 L'inscription est automatique, sauf décision contraire du juge d'instruction, pour une personne mise en examen pour crime. Pour un délit, celle-ci se fait sur décision expresse du juge d'instruction.

* 8 En application de l'article R 212-85 et R 212-86 du code des sports, la carte professionnelle doit être renouvelée tous les cinq ans. Les services déconcentrés du ministère procèdent à un contrôle d'honorabilité à cette occasion, ainsi qu'à la date anniversaire de délivrance de la carte.

* 9 Selon les informations transmises par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au rapporteur.

Les thèmes associés à ce dossier