EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 1 ER MARS 2023

M. François-Noël Buffet , président . - Nous examinons maintenant la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Je remercie notre collègue Françoise Gatel de cette initiative. Certes, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entend répondre à un problème ponctuel, mais elle mérite toute notre attention, car certaines communes connaissent des situations de vacances durables de sièges au sein des conseils communautaires faute de candidats de même sexe pour remplacer le conseiller démissionnaire. Ainsi, pour illustrer mon propos, j'évoquerai le recours gracieux formé par le préfet de la Nièvre en 2021 à l'encontre de la délibération procédant au remplacement d'un conseiller de sexe masculin démissionnaire de son mandat municipal par une conseillère municipale, faute de candidats de même sexe, aboutissant à une vacance durable du poste en dépit de cette candidature. Si celui-ci n'a fait qu'appliquer la règle de droit, cette règle conduit, faute de candidats, à freiner la représentation juste et continue des communes au sein de leur intercommunalité.

Ce constat a été partagé par le Gouvernement ainsi que certains de nos collègues députés. En effet, Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger déplorent dans leur rapport d'information sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal d'octobre 2021 « les marges de manoeuvre nulles » des élus locaux face à une telle obligation et appellent le ministre des collectivités territoriales à se saisir du sujet.

De façon analogue, interrogé par Françoise Gatel, l'ancien ministre des collectivités territoriales Joël Giraud avait constaté que « ces situations, qui sont exceptionnelles, pourraient faire l'objet d'une attention particulière à l'occasion d'un prochain vecteur législatif ».

Une telle situation de vacance est préjudiciable aux communes et aux intercommunalités, et ce à trois égards.

Premièrement, la vacance d'un siège aboutit à un amoindrissement de la représentation des communes au sein du conseil communautaire, alors même que les intercommunalités ont de nombreuses compétences.

Deuxièmement, dans certains cas, une telle vacance conduit à un amoindrissement des droits de l'opposition, qui peut se retrouver privée de représentation au sein du conseil communautaire, faute d'un réservoir de candidat de même sexe, fléchés ou non, suffisant.

Troisièmement, des vacances durables sont également préjudiciables au bon fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre eux-mêmes, dont les décisions pourraient être considérées comme entachées d'un défaut de représentativité et de légitimité, en particulier s'agissant des équilibres fragiles de la pondération de la représentation de la ville-centre et de l'ensemble des communes de plus petite taille.

La présente proposition de loi apporte une solution pragmatique en prévoyant, pour les seules communes de plus de 1 000 habitants représentées par plusieurs sièges au conseil communautaire, et lorsqu'il n'existe pas de conseiller municipal, « fléché » ou non, de même sexe candidat à ce siège, de le pourvoir par le suivant de liste « fléché » et élu au conseil municipal sans tenir compte de son sexe. Lorsque la liste concernée ne comporte plus de conseillers municipaux dits « fléchés », le siège serait alors pourvu par le premier conseiller municipal élu sur la liste n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe.

Ces deux assouplissements étant subsidiaires aux modalités existantes de remplacement d'un conseiller communautaire démissionnaire, le dispositif me semble constituer un point d'équilibre satisfaisant entre l'exigence d'égale représentation des hommes et des femmes et l'indispensable représentation juste et continue des communes au sein des conseils communautaires.

Je vous propose, cependant, avec l'accord de l'auteur de cette proposition de loi, d'adopter un amendement de précision.

La principale originalité du dispositif initial est de n'être applicable qu'à l'issue de la première année du mandat. La rédaction de la proposition de loi initiale, si elle a le mérite de prévoir une première limitation, apparaît toutefois imprécise. Le point de départ de ce délai n'est pas suffisamment déterminé, ainsi que l'a indiqué en audition la direction générale des collectivités locales (DGCL).

C'est pourquoi je vous propose de préciser que le dispositif s'appliquerait à compter d'une année suivant la date d'installation du conseil municipal, afin notamment de tenir compte d'éventuels renouvellements locaux.

Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de cet amendement, je suis donc favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

Mme Catherine Di Folco . - Merci à l'auteur de ce texte de nous proposer une mesure frappée au coin du bon sens. Cependant, pourquoi le point de départ se déclenche-t-il à l'issue de la première année du mandat, et non pas dès que le poste devient vacant ?

Mme Brigitte Lherbier . - Pourquoi ne pas simplement flécher au départ davantage de conseillers municipaux ?

M. Guy Benarroche . - Nous voterons cette proposition de loi. Je rejoins l'observation de Mme Lherbier, à savoir flécher plus de personnes dès le départ, voire prévoir un autre système. Toutefois, ce texte corrige un vide juridique existant.

Pour ma part, je resterai vigilant afin que ce nouveau dispositif ne donne pas libre cours à l'imagination de certains qui en tireraient profit pour faire élire plus d'hommes que de femmes. C'est pourquoi, il est essentiel d'avoir prévu qu'il ne sera applicable qu'à l'issue de la première année du mandat.

M. Éric Kerrouche . - Ce texte correctif sera utile, même si les situations de vacances restent à la marge. Fondamentalement, la problématique est celle de la parité au sein des intercommunalités. J'ai cru comprendre que les amendements que j'ai déposés seront déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution. Mais le problème de fond a trait aux différents modes de scrutin. Il conviendrait d'aligner le mode de scrutin en vigueur pour les communes de moins de 1 000 habitants sur celui des communes de plus de 1 000 habitants, avec une représentation miroir des femmes au moins au sein de l'exécutif.

Quoi qu'il en soit, nous voterons cette proposition de loi, en soulignant cependant qu'elle ne malheureusement répond pas aux difficultés auxquelles nous faisons face.

M. Alain Richard . - Je tiens à préciser que l'ordre de remplacement, lorsqu'un poste de conseiller communautaire est vacant, est d'abord le suivant de même sexe sur la liste des conseillers communautaires, puis le conseiller municipal non fléché, mais de même sexe, et, le cas échéant, le conseiller municipal du sexe opposé.

Ce texte vient ainsi corriger deux situations : celle où les listes minoritaires comptent très peu d'élus, et celle des villes-centres, qui concentrent la très grande majorité de la population, dans lesquelles la quasi-totalité des conseillers municipaux sont conseillers communautaires, comme à Besançon ou Le Havre.

J'alerte sur le fait que le législateur privilégierait ici l'intégrité de la représentation d'une composante politique d'un conseil municipal à la parité. Je ne sais pas si l'Assemblée nationale partagera cet arbitrage... L'idée même d'une micro-dérogation au principe de parité est de nature à déclencher quelques tempêtes. Personnellement, je voterai cette proposition de loi, mais sans être sûr qu'elle pourra prospérer.

Mme Françoise Gatel , auteur de la proposition de loi . - Ce texte très modeste apporte des solutions à des situations certes ponctuelles, mais qui représentent néanmoins une atteinte à la démocratie - je pèse mes mots.

La représentation des communes au sein de l'intercommunalité est déterminée quantitativement par le poids de la population, comme l'a rappelé la décision du Conseil d'État dit « Commune de Salbris ». Il ne s'agit nullement de contester ou de nier le principe de parité, mais il ne saurait, néanmoins, être supérieur au principe démocratique, qui permet à une commune d'être justement représentée au sein du conseil communautaire. En outre, les manquements qui ne permettent pas à la commune d'être représentée concernant principalement l'opposition, qui, souvent, avec un faible nombre de conseillers municipaux, se retrouve sous-représentée faute d'un réservoir suffisant de candidats pour siéger au conseil communautaire.

Monsieur Benarroche, si malice il y a, elle n'a pas de genre... Enfin, mes chers collègues, je crois que nous ne devons pas sous-estimer la détermination des femmes conseillères municipales à vouloir être conseillères communautaires.

M. Jean-Pierre Sueur . - M. Éric Kerrouche a évoqué deux amendements qui me paraissent extrêmement pertinents. Il conviendrait d'instaurer la parité au sein des exécutifs des intercommunalités, ou a minima, une clause miroir qui impliquerait la même répartition au sein de l'exécutif qu'au sein de l'assemblée intercommunale. Or ces amendements tomberaient sous le coup du fameux article 45 de la Constitution.

Cette proposition de loi porte sur l'intercommunalité et la parité. Je ne comprends donc pas pourquoi ces amendements seraient irrecevables dans la mesure où l'article 45 dispose que, en première lecture, tout amendement est recevable dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte. Si je conviens que ces amendements n'ont pas un lien direct avec le texte, ils ont un rapport indirect avec le texte que nous examinons. J'aimerais que l'on me dise un jour au nom de quel principe l'adjectif « indirect » n'est jamais pris en compte.

M. Alain Richard . - Je tiens à rappeler à notre collègue Jean-Pierre Sueur qu'un commentaire du Conseil constitutionnel précise qu'il est nécessaire qu'une des dispositions figurant dans le projet de loi initial permette de rattacher un amendement au périmètre du texte, ce qui n'est pas le cas dans cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur . - Ce n'est qu'un commentaire !

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Le texte porte ici seulement sur le remplacement des sièges communautaires en cas de vacance. Par ailleurs, ces amendements visent à modifier le code général des collectivités territoriales, alors que les dispositions proposées concernent le code électoral.

Le coeur du sujet est que nous souhaitons tous davantage de femmes maires, ce qui permettrait de résoudre l'ensemble des questions que nous nous posons ce matin.

Sur l'application de ce dispositif à l'issue d'une année de mandat seulement, l'objectif est très précisément de prévenir les actes de malveillance visant à contourner le principe de parité. L'amendement précise simplement le point de départ de l'application du dispositif.

Mme Catherine Di Folco . - J'entends votre explication sur cette année neutralisée. Cependant, des évènements majeurs peuvent survenir, tel le décès d'un conseiller. Pendant un an, vous pénalisez une collectivité qui subirait cette vacance au sein du conseil communautaire. Or des décisions prises à ce niveau impactent fortement les communes, comme vous l'avez si justement souligné.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Les dispositions existantes s'appliqueraient en cas de vacance du siège au cours de la première année du mandat : le conseiller pourrait être remplacé par un conseiller municipal, « fléché » ou non, s de même sexe.

M. François-Noël Buffet , président . - S'agissant du périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux modalités de désignation des conseillers communautaires représentant les communes en cas de vacance de siège.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'amendement COM-4 est adopté.

Après l'article unique

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Les amendements COM-1 et COM-5 visent à supprimer l'obligation de remplacer un conseiller communautaire par le suivant de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.

J'émets un avis défavorable sur ces amendements qui dérogent au résultat du vote des citoyens, qui ont décidé de l'ordre des conseillers municipaux du fait du mode de scrutin applicable aux communes de moins de 1 000 habitants. En outre, les règles applicables aux communes de moins de 1 000 habitants n'entraînent pas, aujourd'hui, de situation de vacance durable des sièges représentant une commune au conseil communautaire, puisque tous les conseillers municipaux inscrits sur la même liste que le démissionnaire peuvent prétendre à le remplacer. Enfin, s'agissant des règles de désignation des suppléants, l'ordre du tableau du conseil municipal qui régit la désignation des conseillers communautaires titulaires doit également être respecté dans la mesure où le conseiller suppléant a vocation à devenir le conseiller titulaire si celui-ci cesse d'exercer ses fonctions.

Mme Françoise Gatel . - Je rejoins totalement la rapporteure. Cette proposition de loi a pour objet de respecter le résultat démocratique. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers sont élus individuellement et figurent sur la liste en fonction de leur résultat personnel. « Piocher » dans la liste est donc de nature à revenir sur le choix des électeurs. Pour cette raison, j'y suis défavorable.

Mme Brigitte Lherbier . - Vous ne m'avez pas répondu sur la possibilité de flécher dès la constitution des listes municipales davantage de candidats.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - La proposition de loi ne fait que répondre à une difficulté en ajustant une situation très ponctuelle, la vacance durable au sein d'un conseil communautaire. Il ne s'agit nullement ici de faire un travail de fond pour modifier le code général des collectivités territoriales ou le code électoral qui régissent les règles de fléchage des candidats dès la constitution des listes de candidats aux élections municipales. Enfin, je rappelle que le fonctionnement des EPCI repose largement sur des accords locaux, qui peuvent décider aussi des acteurs qui intégreront leur conseil communautaire.

Les amendements COM-1 et COM-5 ne sont pas adoptés.

Les amendements COM-3 et COM-2 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme BELLUROT, rapporteure

4

Précisions relatives au point de départ de l'application des dérogations

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

M. SAURY

1

Supprimer l'obligation de remplacer un conseiller communautaire par le suivant de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants

Rejeté

M. MAUREY

5

Supprimer l'obligation de remplacer un conseiller communautaire par le suivant de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants

Rejeté

M. KERROUCHE

3

Modification du mode de scrutin pour l'élection des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. KERROUCHE

2

Modification du mode de scrutin pour l'élection des vice-présidents au bureau des conseils communautaires

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

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