TITRE
II
DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA POLITIQUE DE
DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS
MONDIALES
Article 3
Cadre de référence des politiques de l'État et des
collectivités territoriales
L'article 3 du projet de loi tend à introduire les objectifs de développement durables (ODD) des Nations unies dans le cadre de référence des politiques de l'État et des collectivités territoriales.
Ainsi, d'une part, les indicateurs de l'Agenda 2030 feraient l'objet d'un suivi dans le cadre du rapport sur les « nouveaux indicateurs de richesse » prévu par la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.
D'autre part, les ODD serviraient également de référence pour l'élaboration des rapports que les collectivités locales de plus de 50 000 habitants sont tenues d'examiner chaque année sur leur situation en matière de développement durable, en application de la loi de 2010 portant engagement national pour l'environnement (« Grenelle II »).
La Commission a modifié le texte pour préserver la lisibilité du rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse et pour avancer sa présentation au 1 er juin, afin que les conclusions de ce rapport puissent être prises en compte plus en amont dans l'élaboration du projet de loi de finances.
1. L'évaluation de l'action publique au regard du développement durable
Au cours de la dernière décennie, les collectivités publiques ont été incitées à justifier leur action au regard de la notion de développement durable (soit « un développement qui répond[e] aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » 7 ( * ) ).
1.1 Les nouveaux indicateurs de richesse
La loi n°2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, issue d'une proposition de loi, déposée en 2015 à l'Assemblée nationale, vise à remettre en cause la seule prise en compte de l'indicateur de PIB dans la construction des lois de finances ainsi que dans l'élaboration et l'évaluation, en général, des politiques publiques. Cette proposition de loi a été adoptée sans modification par le Sénat.
Elle se fondait sur les travaux d'économistes soulignant les limites de l'indicateur de PIB - notamment le rapport de la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social 8 ( * ) - ainsi que sur des travaux de France Stratégie et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
L'article unique de cette loi dispose :
« Le Gouvernement remet annuellement au Parlement, le premier mardi d'octobre, un rapport présentant l'évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu'une évaluation qualitative ou quantitative de l'impact des principales réformes engagées l'année précédente et l'année en cours et de celles envisagées pour l'année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l'évolution du produit intérieur brut. Ce rapport peut faire l'objet d'un débat devant le Parlement. »
Cette disposition devait permettre d'infléchir l'évaluation des politiques publiques dans un sens plus qualitatif et moins quantitatif, en référence à une grille de lecture nouvelle mettant l'accent, non sur le taux de croissance, mais sur la soutenabilité de celle-ci dans d'autres dimensions (économique, sociale et environnementale).
Ce nouveau cadre d'évaluation des politiques publiques avait vocation à être diffusé, autant que possible, dans les médias et le grand public : loin d'être réservé à des cercles d'experts, il devait permettre plus généralement un autre regard sur l'action du gouvernement.
Le 27 septembre 2015, le Gouvernement a publié le premier rapport annuel sur « Les nouveaux indicateurs de richesse » 9 ( * ) . À la suite d'une consultation citoyenne conduite au printemps 2015 par France Stratégie et par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), 10 indicateurs ont été retenus pour former le nouveau cadre d'évaluation des politiques publiques.
Le rapport présentait, non seulement l'évolution desdits indicateurs, mais aussi l'évaluation, à l'aune de cette nouvelle grille de lecture, de quelques mesures phares du gouvernement : par exemple, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la loi relative à la transition énergétique, le plan très haut-débit ou encore la réforme du collège.
Depuis le rapport pour 2017, toutefois, le rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse ne comporte plus d'évaluations de politiques publiques spécifiques. Il se borne à décrire l'évolution des indicateurs, à donner des éléments de comparaison européenne, et à détailler les ambitions du gouvernement pour chaque indicateur. On peut regretter ce changement de format : la succession des gouvernements ne devrait pas être un obstacle à l'évaluation des politiques publiques dans la durée . L'évaluation a posteriori de mesures spécifiques, au regard des nouveaux indicateurs de richesse, constituait un exercice intéressant.
Par ailleurs, les rapports 2017 et 2018 ont été publiés en février de l'année suivante donc avec 4 mois de retard alors que la loi prévoit une publication « le premier mardi d'octobre », c'est-à-dire, logiquement, avant et non après l'examen par le Parlement du projet de loi de finances. Le rapport pour l'année 2019 n'a pas été publié.
Les 10 « nouveaux indicateurs de richesse » (rapport 2018 10 ( * ) )
Dimension économique
0. Taux de croissance du PIB réel par habitant (indicateur traditionnel)
1. Taux d'emploi des 15-64 ans (%)
2. Dépense de recherche & développement / PIB (%)
3. Dette publique au sens de Maastricht (% PIB)
Dimension sociale
4. Espérance de vie en bonne santé (en années)
5. Satisfaction dans la vie (note de 1 à 10)
6. Inégalités de revenus (rapport masse de revenu détenu par quintile supérieur/masse quintile inférieur)
7. Taux de pauvreté en conditions de vie (%)
8. Sorties précoces du système scolaire (en % de la population des 18-24 ans)
Dimension environnementale
9. Émission de gaz à effet de serre (en tonnes éq. CO2 par personne)
10. Artificialisation des sols (en % du territoire)
1.2 L'action des collectivités locales dans le domaine du développement durable
Depuis 2011, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants sont tenues de rédiger chaque année un rapport sur leur situation en matière de développement durable. Ce rapport est discuté et approuvé par les assemblées de ces collectivités à l'occasion des débats budgétaires.
Introduit par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'article L. 2311-1-1 du Code général des collectivités territoriales dispose en effet que « dans les communes de plus de 50 000 habitants, préalablement aux débats sur le projet de budget, le maire présente un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation. ».
Cette obligation concerne également :
- les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants (même article) ;
- les départements (article L. 3311-2 du même code) ;
- la métropole de Lyon (article L. 3661-2) ;
- les régions (article L. 4310-1) ;
- la collectivité territoriale de Corse (L. 4425-2)
- les métropoles (L. 5217-10-2)
- la Guyane (L. 71-110-2) ;
- la Martinique (L. 72-100-2).
Le contenu de ces rapports est fixé par un décret du 17 juin 2011 11 ( * ) et une circulaire du 3 août 2011. Ces rapports s'articulent autour de 5 finalités : lutte contre le changement climatique et protection de l'atmosphère, protection de la biodiversité, des milieux et des ressources, épanouissement de tous les êtres humains, cohésion sociale et solidarité entre territoires et entre générations, dynamiques de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.
2. La prise en compte des objectifs de développement durable de l'ONU (ODD)
En septembre 2015, soit cinq mois après l'adoption de la loi précitée, les 193 États membres de l'ONU se sont engagés à mettre en oeuvre 17 objectifs universels, contenus dans un Programme de développement durable à l'horizon 2030. Ces objectifs sont déclinés en 169 cibles.
Cet agenda 2030 n'était pas entièrement nouveau puisqu'il fusionnait l'agenda du développement et celui des Sommets de la Terre. Les objectifs se caractérisent par leur universalité c'est-à-dire qu'ils s'appliquent à tous les pays (Nord et Sud).
Pour mettre en oeuvre cet Agenda 2030, l'ONU a adopté, en 2017, un jeu de 232 indicateurs pour le suivi des progrès accomplis.
En France, le 27 juin 2018, à l'issue de la réunion du bureau du Conseil national de l'information statistique (CNIS), 98 indicateurs de suivi français ont été publiés , constituant ainsi un tableau de bord.
Le rapport 2018 sur les nouveaux indicateurs de richesse souligne la cohérence déjà existante entre les 10 « nouveaux indicateurs de richesse » retenus et les ODD.
L'article 3 du projet de loi intègre l'Agenda 2030 et ses 17 ODD dans le droit national.
Il intègre, en premier lieu, les nouveaux indicateurs de richesse dans le cadre des ODD. Cette évolution doit permettre davantage de cohérence et une mutualisation des moyens de suivi des politiques publiques : comme le précise l'étude d'impact, le rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse et celui sur la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable sont actuellement élaborés par des services distincts (le premier, par les services du Premier ministre et le second, par le Commissariat général au développement durable).
Dans la rédaction initiale du projet de loi, il était simplement prévu que les nouveaux indicateurs de richesse correspondent aux ODD ; la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale précise que ces nouveaux indicateurs comprennent « notamment, les indicateurs de suivi mondiaux du programme de développement durable à l'horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l'Assemblée générale des Nations unies, définis par la commission statistique des Nations unies ».
Rappelons que ces indicateurs définis par la commission statistique des Nations unies sont au nombre de 232. Le nouveau rapport sur les indicateurs de richesse comprendra donc, non plus 10 indicateurs, mais un nombre beaucoup plus important, l'insertion d'un « notamment » permettant, en outre, au Gouvernement de ne pas se « limiter » aux 232 indicateurs définis par l'ONU.
En second lieu, l'article 3 intègre l'action des collectivités locales en matière de développement durable dans le cadre de l'Agenda 2030. Pour ce faire, il fait évoluer le rapport débattu annuellement au sein des collectivités de plus de 50 000 habitants : ce rapport devra présenter les actions entreprises pour contribuer à l'atteinte des ODD .
La modification s'appliquera aux communes et groupements de la Polynésie française, soit, en pratique, au seul établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de Polynésie française dépassant la barre des 50 000 habitants : la communauté de communes de Terehçamanu qui regroupe plus de 52 000 habitants (créée fin 2020).
3. La position de la commission : mieux exploiter le rapport sur les « nouveaux indicateurs de richesse »
Cet article 3 n'a qu'une relation très indirecte avec l'objet de ce projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il s'y intègre au titre de la cohérence entre les différentes politiques publiques françaises ayant pour objectif l'atteinte des ODD.
On peut légitimement craindre que la profusion des indicateurs onusiens ne nuise à la lisibilité du rapport sur les nouveaux « indicateurs de richesse » . L'objectif de la proposition de loi de 2015, qui a institué ce rapport, n'était pas de fournir une expertise exhaustive, mais d'évaluer l'impact de quelques mesures particulièrement emblématiques de politique publique à l'aune d'une série d'indicateurs complémentaires de la mesure du PIB.
Les 10 nouveaux indicateurs de richesse embrassaient, certes, un champ limité, mais ils avaient le mérite de la lisibilité. En outre, leur utilisation, les deux premières années, pour évaluer les effets de mesures gouvernementales spécifiques, a constitué un exercice intéressant d'évaluation des politiques publiques, malheureusement sans suites.
Au I, la commission a adopté l'amendement COM-105 de ses rapporteurs, tendant à avancer au 1 er juin la remise du rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse, reprenant en cela une préconisation de notre collègue Antoine Lefèvre, rapporteur au Sénat de la loi du 13 avril 2015. Cette date permettra en effet de mieux prendre en compte les nouveaux indicateurs de richesse dans l'élaboration des réformes 12 ( * ) : « De cette manière, (...) ce rapport pourrait être utilisé à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget de l'exercice écoulé, du débat d'orientation des finances publiques (DOFP), de même que de la réception des recommandations de la Commission européenne et du Conseil de l'Union européenne portant sur le programme de stabilité et le programme national de réforme (PNR) français, rendues dans le cadre du semestre européen - qui constituent autant d'éléments exerçant une influence forte sur les lois financières et les réformes appelées à être examinées lors de la session parlementaire à venir. »
Ce même amendement vise, par ailleurs, à préserver la lisibilité du rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse .
La rédaction issue de l'Assemblée nationale tend en effet à prendre en compte l'ensemble des indicateurs définis par l'ONU, au nombre de 232. Il est même loisible au Gouvernement de considérer davantage d'indicateurs (« notamment »). Or les indicateurs de l'ONU ne sont pas tous adaptés à l'analyse de la situation française. Il convient de se fonder sur les travaux du Conseil national de l'information statistique, qui a constitué un tableau de bord de 98 indicateurs de suivi pour la France, et de ne retenir en définitive qu'une série d'indicateurs significatifs, utiles à l'analyse de la situation française au regard du développement durable.
La démarche instituant de « nouveaux indicateurs de richesse » n'a de sens que si elle est fondée sur un petit nombre d'indicateurs, particulièrement significatifs et visibles dans le débat public. À défaut, il y a fort à craindre que l'indicateur « PIB » ne monopolise encore longtemps l'attention des médias et du public.
Lors de l'examen au Sénat de la loi de 2015, le rapporteur de la commission des finances, M. Antoine Lefèvre, l'a exprimé en ces termes : « il apparaît donc que les nouveaux indicateurs de richesse ne manquent pas. Toutefois, ces derniers ont pour principale faiblesse de présenter une visibilité limitée et ne sont, par conséquent, pas en mesure de « modifier » la perception qu'ont les acteurs publics et les citoyens des politiques qui sont menées. Aussi la finalité de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est-elle de renforcer la saillance de ces nouveaux indicateurs de richesse et de prévoir que ces derniers soient régulièrement actualisés et suivis. » 13 ( * )
Le prochain rapport, attendu donc avant le 1 er juin 2021 , devrait s'attacher à évaluer l'impact de la crise sanitaire et des mesures prises par le Gouvernement tout au long de l'année 2020, au regard d'indicateurs pertinents .
La loi prévoit la possibilité d'un débat au Parlement sur ce rapport : cette disposition est inutile puisque les assemblées ont, en tout état de cause, la possibilité d'initier un tel débat. Celui-ci serait néanmoins bienvenu dans le contexte sanitaire, économique et social actuel.
La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.
Article 4
Financement d'actions de coopération par les
autorités organisatrices de la mobilité
L'article 4 du projet de loi met en place un nouveau dispositif de financement de l'action internationale des collectivités territoriales : en complément des dispositifs « 1 % eau », « 1 % énergie », « 1 % déchets », il instaure un nouveau financement facultatif sur les budgets des services de mobilité (« 1 % mobilité »).
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L'aide publique au développement des collectivités territoriales
1.1. Une compétence de principe et des dispositifs de financement particuliers
Depuis la loi du 2 février 2007 14 ( * ) relative à l'action extérieure des collectivités territoriales (loi « Thiollière »), les collectivités territoriales disposent, aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), d'une compétence de principe pour « mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire », dans le respect des engagements internationaux de la France. À cette fin, les collectivités territoriales concluent des conventions avec des autorités locales étrangères, précisant l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers.
La loi du 9 février 2005 15 ( * ) , dite loi « Oudin-Santini » a institué un dispositif de financement particulier, dit « 1 % eau », complété en 2006 par le « 1 % énergie » 16 ( * ) . Aux termes de ces dispositifs : « Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement ou du service public de distribution d'électricité et de gaz peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement et de la distribution publique d'électricité et de gaz » (article L. 1115-1-1 CGCT).
Cette possibilité concerne également les agences de l'eau (article L. 213-9-2 du code de l'environnement 17 ( * ) ).
La loi d'orientation du 7 juillet 2014 18 ( * ) a institué, de la même façon, un dispositif de financement « 1 % déchets », dans le domaine de la collecte et du traitement des déchets ménagers (article L. 1115-2 CGCT).
1.2 Les dispositifs « 1 % » : des succès inégaux
L'aide publique au développement des collectivités territoriales (hors aide aux réfugiés sur le territoire français) s'élève à 51,4 M€, en augmentation de 3,6 % sur un an 19 ( * ) . Ce chiffre repart à la hausse après une décennie de baisse : il s'élevait en effet à 72 M€ en 2008. La baisse est donc de 30 % entre 2008 et 2018. Parallèlement, l'aide des collectivités territoriales aux réfugiés en France (également comptabilisée au titre de l'APD des collectivités territoriales) a fortement augmenté, passant de 34,9 M€ en 2016 à 70,5 M€ en 2019 (multipliée par deux). L'aide aux réfugiés en France représente donc aujourd'hui 58 % de l'APD des collectivités territoriales (70,5 M€ sur un total de 121,9 M€).
Les dix premiers pays bénéficiaires de l'APD des collectivités territoriales (hors aide aux réfugiés sur le territoire français) sont les suivants : Madagascar, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Maroc, Haïti, Bénin, Territoires palestiniens, Guinée, Togo. 65 % de l'APD des collectivités territoriales est destinée au continent africain. 47 % de l'APD bilatérale des collectivités territoriales françaises est destinée à l'un des 19 pays prioritaires de l'aide au développement de la France (CICID du 8 février 2018). D'un point de vue thématique, le principal secteur de l'APD des collectivités territoriales françaises est l'eau et l'assainissement (25 % du total).
L'APD des collectivités a évolué différemment dans les trois secteurs du 1 %, le premier dispositif de financement de ce type mis en place (« 1% eau ») étant le plus dynamique . En 2019, les montants déclarés par les collectivités territoriales s'élèvent à 12,9 M€ pour l'eau et l'assainissement, 1,2 M€ pour l'énergie et 1 M€ pour les déchets.
Évolution de l'APD bilatérale des collectivités territoriales dans les secteurs du 1 % depuis 2014
Source : rapport précité sur l'APD des collectivités territoriales françaises en 2019
Le bilan annuel 2019 de pS-Eau 20 ( * ) apporte les précisions suivantes : « Tandis que les financements issus des budgets généraux des collectivités territoriales tendent à diminuer, le recours à la loi Oudin-Santini est en augmentation constante et atteint son maximum en 2019 avec la mobilisation de 13 M€ par 75 collectivités, soit près de 90 % du total qu'elles ont engagé sur le secteur [16,4 M€] ». Au total, « 31,9 M€ ont été mobilisés en 2019, dont 16,4 M€ par les collectivités territoriales et 15,5 M€ par les agences de l'eau. Cela représente une augmentation de 3,6 M€, soit 13 % par rapport à 2018 ».
Les montants engagés dans le cadre des dispositifs de 1 % permettent de mobiliser les budgets annexes des collectivités, en plus de leurs budgets généraux, et donc de mobiliser des moyens complémentaires en faveur de la coopération. Par ailleurs, ces dispositifs de financement sont un levier important pour mobiliser des fonds complémentaires.
2. L'introduction d'un dispositif « 1 % mobilité »
En premier lieu, à l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 4 inscrit l'action internationale des collectivités locales dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 des Nations unies. Comme à l'article 3, il s'agit d'introduire dans le droit français les objectifs de développement durable (ODD).
En second lieu, après les articles L. 1115-1-1 (« 1 % eau », « 1 % énergie) et l'article L. 1115-2 (« 1 % déchets ») du code général des collectivités territoriales, l'article 4 insère un article L. 1115-3 instituant un dispositif de financement du même type dans le domaine des transports (ou de la mobilité, selon le terme désormais consacré).
L'étude d'impact du projet de loi note qu'ainsi « 4 thématiques au coeur des ODD seront concernées par ces financements innovants (...). Par ailleurs, ces vecteurs de coopération, de nature à soutenir les exportations, offrent des opportunités de développement pour les entreprises françaises présentes dans ces secteurs ».
L'étude d'impact évalue le potentiel d'un tel dispositif à 100 M€ , soit deux fois plus que le potentiel estimé du « 1 % eau » (50 M€ 21 ( * ) ) et trois fois plus que les financements effectifs au titre du « 1 % eau » (32 M€).
La loi du 24 décembre 2019 22 ( * ) d'orientation des mobilités (LOM) vise à ce que l'ensemble du territoire national soit couvert par des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). En application du nouveau dispositif mis en place par l'article 4, ces AOM pourront mobiliser, dans la limite de 1 % des ressources hors versement mobilité 23 ( * ) affectées au budget des services de mobilité, des actions de coopération avec des collectivités locales étrangères. Ce financement sera consacré à des actions d'aide d'urgence ou de solidarité internationale dans le domaine de la mobilité.
Les ressources tirées du versement mobilité sont exclues de l'assiette du « 1 % mobilité ». Cette exclusion correspond à un souhait des collectivités territoriales. Il s'agit d'éviter que l'usage de l'option du 1 % mobilité n'ait pour conséquence une augmentation de la fiscalité des entreprises. Il était en effet souhaitable de dissiper toute ambiguïté à ce sujet.
À l'initiative du Groupe « Agir Ensemble », la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale avait introduit dans le texte un dispositif de « 1 % Logement solidarité internationale » autorisant les bailleurs sociaux à financer des actions de coopération et de solidarité internationales, dans la limite de 1 % de leur budget d'investissement. Jugeant ce dispositif intéressant mais insuffisamment mûr, le Gouvernement a obtenu sa suppression en séance (« Il importe de sauvegarder les capacités d'investissement du secteur HLM et de les sanctuariser sur leurs missions premières ») et il ne figure donc plus dans le texte.
3. Un nouveau financement facultatif offrant des perspectives intéressantes au-delà de la crise actuelle
D'après l'étude d'impact, l'assiette du dispositif serait de près de 10 Mds € :
- « En dehors de l'Ile-de-France, les ressources des autorités organisatrices et les recettes du trafic des sociétés d'exploitation s'élèvent à 7,3 Mds€ en 2015, dont 3,7 Mds€ de versement transport »;
- « En Ile-de-France, ces ressources étaient d'environ 10 Mds€ en 2015, dont près de 4 Mds€ de versement transport ».
L'exclusion du versement mobilité réduit donc l'assiette du « 1 % mobilité » de 7,7 Mds€ et le potentiel mobilisable de 77 M€ environ.
À court terme, le nouveau dispositif pourrait être peu opérant , en raison de la crise sanitaire qui a fortement réduit les recettes des sociétés de transport. La baisse de la fréquentation induit des pertes de recettes substantielles, s'agissant tant des recettes tarifaires (2 Mds€ de recettes voyageurs perdues pendant le premier confinement) que du versement mobilité (1 Md€ perdu). Au-delà de la situation actuelle, les effets pourraient se poursuivre à plus long terme, puisque, d'après une enquête de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) 24 ( * ) , 30 % des voyageurs habituels des transports prévoient de s'en détourner une fois la crise sanitaire passée. La question de la soutenabilité du modèle actuel de financement des transports du quotidien se pose.
Ainsi, pour monter en puissance, le dispositif du « 1 % mobilité » nécessitera quelques projets pilotes qui auront valeur de modèle. Cette montée en puissance sera, en tout état de cause, progressive.
Néanmoins, ce nouveau financement facultatif offre des perspectives intéressantes dans l'un des domaines cruciaux de l'aide au développement (ODD 11). Il aura aussi vocation à créer un effet de levier, c'est-à-dire à susciter des cofinancements permettant le bouclage de projets dans un secteur clef pour promouvoir la croissance économique et réussir la transition énergétique au niveau mondial. Ces actions seront aussi un facteur de notoriété et d'attractivité des collectivités et entreprises françaises à l'international.
La commission a adopté l'article 4 sans modification .
Article 4 bis (supprimé)
Prise en compte de l'action des
organisations de la société civile dans le champ de
compétence de la commission nationale de la coopération
décentralisée (CNCD)
L'article 4 bis du projet de loi étend le champ de compétence de la commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) à l'action des organisations de la société civile contribuant à la coopération entre territoires.
La Commission a supprimé cet article afin de préserver la spécificité de la CNCD comme organe de dialogue à parité entre l'État et les collectivités territoriales.
1. La commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD)
La Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) réunit deux fois par an, à parité, des représentants des associations nationales de collectivités territoriales et de tous les ministères concernés par la coopération décentralisée.
En application de l'article R. 1115-8 du CGCT, cette commission est présidée par le Premier ministre ou le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Elle comprend, en outre, quarante-quatre membres, dont :
- 14 représentants des collectivités territoriales et d'associations dont l'objet est relatif à l'action extérieure des collectivités territoriales et 14 représentants de l'État , qui ont voix délibérative ;
- 12 représentants d'établissements publics, d'associations ou d'organismes ayant une activité en relation avec l'action extérieure des collectivités territoriales ou la francophonie, qui ont voix consultative, désignés par arrêté du ministre des affaires étrangères ;
- 4 personnalités qualifiées dans le domaine du développement local et de la coopération internationale, qui ont voix consultative.
L'article L. 1115-6 du CGCT dispose que la CNCD « établit et tient à jour un état de l'action extérieure des collectivités territoriales », qu'elle « favorise la coordination » et, enfin, qu'elle « peut formuler toute proposition relative à l'action extérieure des collectivités territoriales ».
2. L'extension du champ de compétence de la CNCD
L'Assemblée nationale a inséré dans le texte un article 4 bis tendant à ce que la CNCD, aujourd'hui compétente pour formuler « toute proposition relative à l'action extérieure des collectivités territoriales » soit également compétente pour formuler toute proposition sur l'action « des organisations de la société civile contribuant à la coopération entre territoires ».
D'après les auteurs de l'amendement qui a introduit cette modification : « Ceci permettra d'élargir l'approche de la CNCD à l'ensemble des acteurs territoriaux partenaires des collectivités (chambres consulaires, réseaux multi-acteurs...). Cette modification dans la loi pourra, au besoin, ouvrir la voie à des modifications relevant du décret, comme la composition ou les modalités de fonctionnement de la CNCD. »
Il s'agit donc potentiellement d'une modification en profondeur de la CNCD , impliquant une ouverture vers les organisations de la société civile.
3. La nécessité de préserver la spécificité de la CNCD
La CNCD est déjà ouverte, à titre consultatif, aux organisations de de la société civile, par l'intermédiaire des réseaux régionaux multi-acteurs, qui sont des dispositifs régionaux d'échange, d'appui et de concertation entre acteurs de la coopération internationale.
Il ne paraît pas pertinent d'aller plus loin car il convient de préserver la spécificité de la CNCD qui est l'instance de dialogue à parité entre l'État et les collectivités locales sur la coopération décentralisée .
La coopération décentralisée recouvre, au demeurant, non seulement la politique de développement solidaire des collectivités territoriales mais aussi leur politique de rayonnement et d'attractivité. Les collectivités locales mènent des actions dans le domaine de l'aide au développement mais coopèrent aussi avec des pays ne relevant pas de l'APD, dans le cadre, par exemple, de leur coopération européenne ou transfrontalière .
Enfin, la gouvernance de la politique de développement solidaire est suffisamment complexe pour ne pas introduire de confusion supplémentaire :
- La CNCD est l'enceinte de dialogue entre États et collectivités.
- Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) est l'enceinte de concertation entre les principaux acteurs du développement et l'État. Les collectivités ainsi que les différentes composantes de la société civile, notamment les ONG, sont représentées, à ce titre, au sein du CNDSI.
La commission a adopté les amendements identiques COM-108 des rapporteurs et COM-109 de M. Yung supprimant cet article.
La commission a supprimé l'article 4 bis.
Article 5
Conseil national du développement et de la
solidarité internationale
L'article 5 reconduit le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), dont l'existence, au niveau législatif, résulte de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOPDSI) du 7 juillet 2014.
La Commission a modifié cet article afin que les conditions de nomination des parlementaires au sein de cet organisme soient conformes aux principes généraux fixés par la loi du 3 août 2018.
1. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale
Suite aux « Assises du développement et de la solidarité internationale » de 2012-2013, l'article 4 de la loi du 7 juillet 2014 25 ( * ) a créé un Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) « qui a pour fonction de permettre une concertation régulière entre les différents acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement ».
L'article 6-1 de la même loi précise, en outre, que le CNDSI comprend deux députés et deux sénateurs, ainsi qu'un représentant au Parlement européen élu en France.
La loi de 2014 ne s'appliquant que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de programmation suivante, une disposition était nécessaire afin de prolonger l'existence législative du CNDSI . C'est l'objet de l'article 5, dont la rédaction est proche de celle précitée de la LOPDSI.
Le CNDSI, qui se réunit deux ou trois fois par an, depuis sa création, est composé de 53 membres, réunis en huit collèges (ONG, syndicats, employeurs, entreprises, parlementaires, collectivités territoriales, universités et centres de recherches, personnalités étrangères).
Par un décret du 30 décembre 2020 26 ( * ) , le gouvernement a modifié la composition du CNDSI, qui comporte désormais 10 collèges : parlementaires et membre du CESE, collectivités territoriales, acteurs associatifs, syndicats, acteurs économiques, acteurs de l'économie sociale et inclusive, fondations, organismes universitaires, scientifiques, de recherche et de formation, plateformes multi-acteurs et personnalités étrangères. Ce décret prévoit, en outre, que le CNDSI se réunira au moins trois fois par an.
2. Les conditions de nomination des parlementaires au sein de la CNDSI
L'article 5 ne reconduit pas la présence d'un membre du Parlement européen élu en France, au sein du CNDSI : en effet, d'après l'étude d'impact, la procédure de désignation par le président du Parlement européen, d'un élu français du Parlement européen, pour siéger dans une instance de droit français, n'a jamais pu aboutir. La disposition n'était donc pas effective.
À l'initiative du Sénat, l'article 13 de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique 27 ( * ) prévoit qu'un parlementaire ne peut plus être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative.
S'agissant des modalités de désignation de ces parlementaires , la loi du 3 août 2018 28 ( * ) , issue d'une proposition de loi identique des présidents des deux assemblées , prévoit qu'en principe « les nominations, en cette qualité, de députés et de sénateurs dans un organisme extérieur au Parlement sont effectuées, respectivement, par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat ». Fruit d'une réflexion commune de l'Assemblée nationale et du Sénat, ce texte vise à rationaliser les procédures de nomination des députés et des sénateurs dans les organismes extraparlementaires (OEP).
En application de cette loi, les parlementaires membres d'un OEP sont systématiquement nommés par le président de l'Assemblée nationale ou par le président du Sénat , sauf disposition législative contraire. Ces nominations doivent respecter les principes de parité et de pluralisme .
Afin de tenir compte des principes généraux de la loi de 2018, et de l'effort de rationalisation de la présence de députés et de sénateurs au sein d'OEP, réalisé à l'initiative des deux assemblées au cours des années récentes, la commission a adopté deux amendements identiques (COM-110 des rapporteurs et COM-150 de M. Requier) renvoyant aux principes généraux désormais applicables : nomination par les présidents des assemblées, parité et pluralisme .
La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié
Article 6
Réciprocité du volontariat de solidarité
internationale
L'article 6 permet des mobilités croisées réciproques en ouvrant le volontariat de solidarité internationale (VSI) à des étrangers de pays tiers (non UE/EEE) souhaitant réaliser des missions en France.
Il inscrit le VSI dans le cadre de la réalisation des objectifs de développement durable de l'ONU (ODD).
L'article 6 permet, non seulement à des associations agréées, mais aussi à des groupements d'intérêt public, de conclure des contrats de VSI.
Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 6 comporte, enfin, une disposition visant à lutter contre les dérives du « volontourisme ».
La commission a adopté un amendement visant à ce que les groupements d'intérêt public souhaitant faire appel au concours de volontaires soient, tout comme les associations, agréés pour l'exercice de cette activité.
1. Le volontariat international : une réciprocité insuffisante
1.1 Le volontariat international, une contribution à la politique de développement
Les dispositifs de volontariats internationaux sont un levier de mobilisation citoyenne en faveur de la politique de développement solidaire. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 prévoit une augmentation de l'effort dans ce domaine.
Créé par la loi n°2005-159 du 23 février 2005, le volontariat de solidarité internationale (VSI) permet à toute personne majeure, sans condition de nationalité ni limite d'âge, de s'engager dans des actions de solidarité dans un pays situé à l'étranger (hors Union européenne/Espace économique européen) 29 ( * ) , dont le volontaire n'est pas le ressortissant ou le résident régulier.
Le contrat de VSI est d'une durée maximale de deux ans , la durée cumulée des missions accomplies de façon continue ou non par un même volontaire ne pouvant excéder six ans. Ce contrat est conclu avec l'une des 29 associations agréées par le ministère des affaires étrangères. Il a pour objet l'accomplissement de missions d'intérêt général « dans les domaines de la coopération au développement et de l'action humanitaire ».
Les associations sont tenues de former les volontaires avant leur départ et de les affilier à un régime de sécurité sociale ainsi qu'à des dispositifs d'assurance. Ceux-ci perçoivent une indemnité dont les montants minimum et maximum sont fixés par arrêté. L'État contribue aux dépenses des associations par le versement d'aides financières. Dans la pratique, le dispositif permet une formation et un suivi des volontaires, et apporte ainsi des garanties de sérieux. Ainsi encadré, le volontariat se distingue fondamentalement des pratiques relevant du « volontourisme » , consistant à proposer des activités de pseudo-volontariat à but touristique et lucratif, ne répondant pas toujours ni à l'attente de l'acheteur de ce service, ni aux besoins des pays d'accueil.
Le soutien du MEAE au volontariat international
Les différents dispositifs d'appui du MEAE ont permis de financer en 2019 le déploiement de plus de 3 500 volontaires associatifs, intervenant dans le champ de la coopération au développement et de l'action humanitaire, dont 1963 volontaires de solidarité internationale (VSI) . Près de 62% de ces volontaires ont moins de 30 ans.
France Volontaires , opérateur du MEAE, est au coeur du dispositif d'appui du ministère. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2018-2020 de cet opérateur est actuellement en cours de renégociation.
L'augmentation des moyens du Volontariat s'inscrit en cohérence avec les conclusions du CICID du 8 février 2018. En 2021 les crédits (24 M€) seront répartis de la manière suivante :
. 9,9 M€ à France Volontaires pour ses fonctions de plate-forme (réseau des espaces volontariat, information du public, services aux associations d'envoi de volontariat, plaidoyer et communication...) et d'envoi de volontaires ;
. 10,6 M€ en faveur du dispositif de volontariat de solidarité internationale (VSI) mis en oeuvre par les associations agréées ;
. 2,4 M€ en faveur des dispositifs d'appui aux engagements relevant du volontariat d'initiation et d'échanges (programmes « Jeunesse Solidarité Internationale » et «Ville Vie Vacances Solidarité Internationale ») ;
. 0,8 M€ pour le volontariat d'échanges et de compétences (congés solidarité, retraités).
L'augmentation de l'enveloppe doit permettre de poursuivre la dynamique engagée sur ces trois dernières lignes, toutes gérées par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP).
Pour le VSI, la dynamique est repartie à la hausse depuis 2019 (barre des 2000 volontaires presque à nouveau franchie) grâce à la prise en charge de la totalité des coûts sociaux rendue possible par l'augmentation de l'enveloppe de près de 2 M€ en 2019 ; l'interruption de nombreuses missions de volontaires et la suspension des nouvelles missions en raison de la pandémie devrait enclencher un flux à la hausse de « rattrapage » en 2021 et une nouvelle politique de communication avec l'opérateur France Volontaires et le CLONG (Comité de liaison des ONG de volontariat) devrait développer l'intérêt pour ce type d'engagement (les marges de progrès sont importantes, si on compare la situation en France et dans d'autres pays européens ou américains).
Pour les chantiers de jeunes, il y a également une grande appétence que les moyens actuels sont loin de pouvoir satisfaire (environ 130 projets financés par an), de même que pour le volontariat « senior » (600 missions par an).
Source : PLF 2021 (documents annexés)
En 2019, 1963 VSI ont été déployés ; 62 % des volontaires étaient des femmes.
En 2018, les VSI sont principalement concentrés en Afrique subsaharienne (45 %), en Asie (30 %), puis dans les régions américano-caribéennes (13,4 %) et en Afrique du Nord et au Moyen Orient (10,9 %). Les 19 pays prioritaires définis par le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) concentrent 33 % des VSI. Les trois pays où l'engagement est le plus important en 2018 sont Madagascar (173 VSI), le Cambodge (156) et les Philippines (125).
Le volontariat de solidarité international ne représente qu'une partie (22 %) des volontariats internationaux d'échange et de solidarité.
1.2 Une réciprocité insuffisante
Le principe de réciprocité permet aux pays accueillant des volontaires français d'envoyer, en retour, des volontaires en France.
Le VSI ne permet pas de réciprocité puisqu'il ne peut être accompli qu'à l'étranger (hors UE/EEE).
D'autres dispositifs permettent une certaine réciprocité :
- Le Service civique , ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, a principalement pour objet de mobiliser les jeunes sur le territoire national (140 000 volontaires en 2019). Entre 2010 et 2019, plus de 6000 volontaires ont effectué un Service Civique à l'international. L'envoi de jeunes à l'étranger permet l'accueil de jeunes provenant de pays étrangers en France. Pour être éligibles au service civique, en effet, les candidats de nationalité étrangère (hors EEE et Suisse) doivent séjourner en France depuis plus d'un an en application de l'un des titres de séjour prévus par l'article L.120-4 du code du service national, ou être en possession d'un titre de séjour éligible (étudiants, réfugiés, protection subsidiaire), ou encore venir réaliser une mission en France dans le cadre d'un projet de réciprocité. En 2019, la réciprocité a permis l'accueil de 220 jeunes de toutes nationalités, principalement en provenance de Tunisie et du Maroc.
- Les programmes Jeunesse solidarité internationale (JSI) et Ville-vie-vacances solidarité internationale (VVV/SI) permettent à des groupes de jeunes de rencontrer d'autres jeunes autour de la réalisation de projets de solidarité internationale de courte durée à l'étranger comme en France (« chantiers »).
L'étude d'impact du projet de loi confirme que ces dispositifs ne suffisent pas à assurer une véritable réciprocité du volontariat : en 2018, moins de 200 jeunes provenant de 40 pays partenaires ont effectué un service civique en France, auxquels il faut ajouter une cinquantaine de jeunes prenant part aux programmes JSI et VVV/SI, soit en tout environ 250 volontaires chaque année, au titre de la réciprocité .
L'accueil de jeunes Européens est, par ailleurs, possible grâce au Corps européen de solidarité qui permet d'envoyer de jeunes européens (18-30 ans) réaliser des missions de volontariat dans des pays européens ou non-européens, grâce à un partenariat entre une organisation d'envoi et une organisation d'accueil.
L'Allemagne fait figure de « modèle » en matière de réciprocité, grâce au dispositif Weltwärts , qui s'inscrit explicitement dans le cadre des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. Outre l'engagement des jeunes dans la politique de développement, l'accent est mis sur l'apprentissage et le renforcement des partenariats entre les organisations de la société civile d'Allemagne et de pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine, d'Océanie et d'Europe orientale. En 2019, ce dispositif a permis à 3293 jeunes (dont 69 % de femmes) de réaliser une mission de volontariat à l'étranger, tandis que 713 jeunes (dont 55 % de femmes) d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine effectuaient une mission en Allemagne .
2. L'ouverture du VSI à des mobilités croisées réciproques
L'article 6 modifie la loi de 2005 afin de permettre à des étrangers de pays tiers (non UE/EEE) de réaliser des missions de VSI en France.
Le dispositif n'est pas ouvert aux personnes résidant dans l'UE ou l'EEE, car celles-ci bénéficient des actions du Corps européen de solidarité : des jeunes volontaires de ces pays peuvent déjà être accueillis, à ce titre, en France.
L'étude d'impact anticipe environ 80 missions financées la première année puis 300 missions en tout à l'horizon 2022.
L'article 6 ouvre, en outre, la possibilité de conclure un contrat de VSI non seulement aux associations agréées mais aussi aux groupements d'intérêt public (GIP). L'Assemblée nationale a adopté des amendements en ce sens pour tenir compte de la volonté du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères de transformer France Volontaires, qui a aujourd'hui un statut associatif, en GIP . Cette transformation du statut de France Volontaires répondrait à une préconisation de la Cour des comptes, qui juge que la structure actuelle de l'opérateur est trop légère compte tenu de son budget et de ses missions.
D'après la Cour des comptes, en effet, le risque de qualification de « gestion de fait » rend nécessaire une évolution juridique rapide de la structure associative de France Volontaires . Lors de la création en 2009 de France Volontaires, par transformation de l'Association française des volontaires du progrès (AFVP), le choix avait été fait de conserver le statut associatif en instituant une cogestion entre pouvoirs publics, collectivités territoriales et associations. La gouvernance de l'association s'est révélée complexe. La présence importante des pouvoirs publics dans cette gouvernance, conjuguée à une contribution financière de l'État qui couvre 85 % de la masse salariale, crée les conditions d'une qualification d' « association transparente » au sens de la jurisprudence administrative.
Il est dès lors nécessaire de prévoir la possibilité, pour un GIP, de signer des contrats de VSI : en effet, France Volontaires gère directement l'envoi d'un petit nombre de volontaires (environ 200 chaque année), bien que ce ne soit pas sa mission principale. Cette possibilité lui permet d'agir en complémentarité avec les associations, notamment sur des missions en lien avec la coopération décentralisée, pour répondre aux demandes des postes diplomatiques, ou pour lancer des expérimentations et projets pilotes.
L'Association française des volontaires du progrès était l'une des principales associations d'envoi de VSI avant sa transformation en France Volontaires en 2009. Le MEAE a maintenu une mission d'envoi de l'opérateur, estimant que ces envois devaient permettre de développer des partenariats stratégiques, et de dynamiser les dispositifs français. À ce titre, France Volontaire dispose d'une subvention d'intervention versée annuellement par le MEAE. La convention signée avec le MEAE, ainsi que le contrat d'objectif et de performance, encadrent cette activité d'envoi.
Par ailleurs, l'article 6 reformule l'objet du contrat de VSI afin d'inscrire ce dispositif dans le cadre des objectifs onusiens : le VSI aura désormais pour objet l'accomplissement d'une mission d'intérêt général visant à participer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a introduit à l'article 6 une disposition visant à lutter contre les dérives du « volontourisme », pratique consistant à proposer des séjours touristiques en les faisant passer pour du volontariat. À cette fin, elle a adopté une disposition tendant à assimiler à un dol 30 ( * ) l'utilisation des termes « volontariat » et « bénévolat » ou leurs dérivés pour caractériser ces activités payantes lorsque la contribution financière ne participe pas au financement du projet d'intérêt général.
D'après la députée Anne Genetet, à l'origine du dispositif, le « volontourisme » recouvre des « séjours courts alliant volontariat et tourisme, qui sont parfois l'objet de dérives, allant de la tromperie des volontaires à des situations de traite des êtres humains. Il convient donc pour l'État de contrer ce phénomène par une approche plus ambitieuse et plus opérationnelle ».
3. Le volontariat, levier de mobilisation en faveur du développement
Le service civique, seul, ne suffit pas à assurer une réciprocité du volontariat : il est limitant par nature puisqu'il ne s'adresse qu'aux jeunes (16-25 ans), alors que le VSI ne comporte pas de limite d'âge. En outre, le service civique est de durée limitée (6 à 12 mois) tandis que le VSI peut aller jusqu'à 2 ans (cumulables jusqu'à 6 ans). Enfin, le volontariat est fondé sur les compétences du volontaire tandis que le service civique est un volontariat d'initiation.
L'instauration d'un VSI de réciprocité, fondé sur la notion de partage de compétences, permettra de remédier aux limites des dispositifs existants.
La montée en puissance du dispositif sera nécessairement progressive, d'autant que la crise sanitaire freine fortement la dynamique du volontariat. Il conviendra d'accompagner cette évolution.
Comme le mentionne l'étude d'impact, des questions telles que celles du visa, du titre de séjour et du logement des volontaires se poseront .
La réciprocité ne signifie pas une égalité en volume entre volontariat « sortant » et volontariat « entrant ». C'est une simple faculté, qui nécessitera une augmentation des moyens si l'on veut éviter de devoir arbitrer entre l'envoi et l'accueil de volontaires .
Enfin, s'il faut encourager un tourisme plus équitable et solidaire, le « volontourisme » entraîne des dérives, voire une forme de tromperie qu'il convient de prévenir. Certains jeunes s'engagent ainsi dans des missions moins solidaires que lucratives, parfois inadaptées aux besoins des pays visités. Toute ambiguïté sur la nature réelle de ces missions risque de nuire à l'image du volontariat français. Un travail de sensibilisation à ce phénomène doit être engagé au niveau national, afin d'inciter chacun à la vigilance. La montée en puissance du volontariat doit permettre de limiter ce « volontourisme », en répondant à une demande croissante d'engagement dans des missions utiles à l'international.
La commission a adopté un amendement COM-111 précisant que tout GIP signant un contrat de volontariat doit, comme les associations, être agréé pour l'exercice de cette activité.
La commission a adopté deux amendements complémentaires, au sein du Cadre de partenariat global (CPG) :
- un premier amendement pour ajouter l'opérateur France Volontaires à la liste des opérateurs de l'État contribuant à l'aide publique au développement française ;
- un second amendement pour préciser que l'augmentation des moyens de l'APD devra permettre de développer le volontariat international, afin que l'offre de missions puisse répondre à la demande croissante d'engagement et contribuer ainsi à endiguer les pratiques de « volontourisme ».
La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .
Article 6 bis (non modifié)
Devoir de vigilance des
organisations proposant des actions de volontariat
L'article 6 bis soumet les organisations proposant des actions de volontariat au contact de mineurs à une obligation de vigilance.
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. Une obligation de vigilance : la vérification du « bulletin n°3 »
L'article L.133-6 du code de l'action sociale et des familles instaure un régime d'incapacité d'exercer au sein des accueils collectifs de mineurs à caractère éducatif à la suite du prononcé de certaines condamnations. Un principe identique existe dans le secteur sportif (article L. 212-9 du code du sport).
Par analogie, afin d'instaurer un principe de vigilance lors de l'envoi à l'étranger de volontaires, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a introduit dans le texte une disposition visant à soumettre les organisations proposant des actions de volontariat au sein de structures oeuvrant auprès de mineurs à des règles comparables à celles appliquées par les organisations travaillant en France, en empêchant l'accès à ces séjours touristiques ou missions aux personnes ayant été condamnées pour crime ou pour certains délits.
Les organisations concernées sont donc tenues de vérifier l'absence de condamnation des candidats volontaires à une peine d'interdiction d'exercer une mission impliquant un contact habituel avec des mineurs .
Il s'agit, en pratique, d'obtenir l'extrait de casier judiciaire dit « bulletin n° 3 », contenant uniquement les condamnations les plus graves. Cette vérification est déjà possible, puisque toute personne peut demander pour lui-même, gratuitement en ligne ou par courrier ce « bulletin n° 3 » (qui ne peut en revanche pas être demandé par un tiers).
Article 777 du code de procédure pénale : le bulletin n°3
Le bulletin n° 3 est le relevé des condamnations suivantes prononcées pour crime ou délit, lorsqu'elles ne sont pas exclues du bulletin n° 2 :
1° Condamnations à des peines privatives de liberté d'une durée supérieure à deux ans qui ne sont assorties d'aucun sursis ou qui doivent être exécutées en totalité par l'effet de révocation du sursis ;
2° Condamnations à des peines privatives de liberté de la nature de celles visées au 1° ci-dessus et d'une durée inférieure ou égale à deux ans, si la juridiction en a ordonné la mention au bulletin n° 3 ;
3° Condamnations à des interdictions, déchéances ou incapacités prononcées sans sursis, en application des articles 131-6 à 131-11 du code pénal, pendant la durée des interdictions, déchéances ou incapacités ;
4° Décisions prononçant le suivi socio-judiciaire prévu par l'article 131-36 - 1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pendant la durée de la mesure.
2. L'instauration d'une obligation de vigilance dans le cadre du volontariat
Bien que ce bulletin n°3 soit déjà bien souvent demandé, lors de l'envoi de volontaires, il s'agit ici de rendre cette vérification obligatoire . Pour le volontariat à l'international, cette proposition, introduite par un amendement de la députée Anne Genetet, cible en priorité les organismes proposant des missions de volontariat en dehors des dispositifs existants, et notamment des missions relevant du « volontourisme ».
Le parcours du volontaire au sein des dispositifs existants est, plus généralement, un facteur de limitation des risques. Le volontaire se voit en effet dispenser une formation portant notamment sur la sécurité, les risques de tous ordres et l'interculturalité : il s'agit de donner aux volontaires les « codes » nécessaires à l'expatriation. Si le « risque zéro » n'existe pas, le parcours associé à l'engagement volontaire contribue à limiter les risques.
En réponse à nos questions, le MEAE a précisé que les conventions passées avec les associations d'envoi de volontaires responsabilisent celles-ci quant au recrutement, à la formation des volontaires, notamment concernant les publics avec lesquels le volontaire sera amené à travailler. Ces dispositifs engagent donc la responsabilité des partenaires associatifs sur le comportement des volontaires : les conventions d'agrément pour l'envoi de VSI stipulent ainsi que la responsabilité juridique des associations agréées est entière vis à vis des pouvoirs publics, pour tous les volontaires envoyés. Les formations au départ incluent des éléments sur les violences sexistes et la conduite à tenir auprès de publics vulnérables. Le ministère a mené avec les opérateurs un travail sur les questions de « tolérance zéro », qui pourrait conduire à des avenants aux conventions d'agrément des associations mentionnant les questions de prévention et de lutte contre l'exploitation et les abus sexuels et la conduite à tenir avec des publics vulnérables.
La commission a adopté l'article 6 bis sans modification.
Article 7
Renforcement de la tutelle de l'agence française de
développement (AFD)
L'article 7 précise les dispositions relatives aux missions et à la tutelle de l'AFD. La commission a précisé les missions de l'agence en distinguant nettement l'aide aux pays les plus pauvres et la contribution au développement des pays à revenu intermédiaire et des pays émergents.
Créée dès 1941 en tant que « Caisse centrale de la France libre », l'Agence française de développement (AFD) est un établissement public industriel et commercial (EPIC), dont les missions et l'organisation sont prévues par les articles L. 515-13, et R. 515-5 et suivants du code monétaire et financier (CMF). Conformément à l'article R. 515-6 du CMF, elle a pour mission de réaliser des opérations financières de toute nature en vue de contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'Etat à l'étranger et contribuer au développement des départements et des collectivités d'outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie.
Le présent article a pour but de clarifier les dispositions législatives relatives à l'AFD.
En premier lieu (I), il reprend au sein de l'article L. 515-13 du code monétaire et financier les missions de l'AFD, qui figurent actuellement au sein de l'article R. 515-6 du même code :
« réaliser des opérations financières de toute nature en vue de :
a) Contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'Etat à l'étranger ;
b) Contribuer au développement des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution . »
Selon l'étude d'impact, ce rehaussement des missions de l'AFD au niveau législatif répond à « l'intérêt marqué du Parlement et notamment des commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée s'agissant des missions de l'agence et du pilotage de l'Etat ».
En second lieu, le présent article indique que « l'AFD est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l'Etat ». Par cette disposition, Le Gouvernement souhaitait placer les dispositions relatives à la tutelle de l'AFD à un niveau équivalent, dans la hiérarchie des normes, à celles relatives aux autres établissements publics concourant à l'action extérieure de l'Etat, encadrés par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat (Campus France, Institut français, Expertise France).
En troisième lieu, le présent article rattache explicitement l'AFD à la catégorie des établissements publics concourant à l'action extérieure de l'Etat, créée par cette même loi du 27 juillet 2010, et vis-à-vis desquels le chef de mission diplomatique exerce son autorité , en vertu de l'article 1 er de cette loi. En effet, l'AFD n'est pas explicitement mentionnée dans le texte de la loi de 2010, d'où, selon le Gouvernement, une incertitude juridique. Cette disposition se veut cohérente avec le renforcement du pilotage de l'AFD au niveau local, par la mise en place d'un conseil local du développement , présidé par le chef de mission diplomatique, regroupant les services de l'Etat, les opérateurs du développement sous tutelle de l'Etat, afin d'orienter leurs efforts vers une stratégie commune en matière de développement dans le pays partenaire. Ce dispositif est par ailleurs plus précisément décrit dans le titre III du cadre de partenariat global annexé à la présente loi (cf. ci-dessus). S'agissant des autres règles fixées par l'article 1 er de la loi de 2010, l'AFD, selon l'étude d'impact, les respecte toutes, à l'exception de la transmission de son rapport annuel d'activité à l'Assemblée des français de l'étranger.
En quatrième lieu (II), le présent article reprend les dispositions prévoyant que l'AFD est autorisée à gérer, sous la forme de fonds de dotation, des fonds publics ou privés . Ces dispositions étaient déjà présentes dans la loi du 7 juillet 2014 précitée, mais leur période de validité était limitée à cinq ans. Elles permettent à l'AFD de mettre en oeuvre des fonds délégués d'autres acteurs, comme l'Union européenne, des acteurs nationaux, multilatéraux ou des fondations privées. L'autorisation donnée à l'AFD de déléguer des fonds à d'autres institutions de développement permet inversement le recours à des organisations de la société civile ou à des partenaires locaux pour mener des projets.
Enfin, le présent article prévoit que l'AFD est autorisée à détenir tout ou partie du capital de la société par actions simplifiée (SAS) Expertise France 31 ( * ) .
Dans sa rédaction initiale, l'article 7 ne prévoyait pas la présence de parlementaires dans le conseil d'administration de l'AFD, alors que l'actuel article L. 515-13 du CMF prévoit que le conseil d'administration de l'agence comprend deux députés et deux sénateurs. Or la présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement doit obligatoirement être prévue par la loi. La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur portant à trois députés et à trois sénateurs le nombre de parlementaires membres du conseil d'administration de l'AFD, selon des modalités de désignation respectant la configuration politique de chaque assemblée. Le passage de deux à trois représentant devait permettre d'assurer un meilleur pluralisme de la représentation.
Toutefois, en séance, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement revenant à deux sénateurs et deux députés, mais prévoyant également deux suppléants pour chaque assemblée. Selon le Gouvernement, cette configuration garantit « une représentation pluraliste et équilibrée des différentes sensibilités politiques (8 sièges à pourvoir au total entre la majorité et les oppositions) tout en contenant la taille du CA, afin d'assurer la qualité des débats, d'accroître l'efficacité des délibérations et de conforter le rôle de pilotage stratégique dévolu à cette instance ».
Enfin, les députés ont adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les coopérations opérationnelles entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations.
Clarifier les missions de l'agence
Votre commission a souligné à plusieurs reprises la nécessité de renforcer la tutelle de l'Etat sur l'AFD . Cet opérateur a en effet changé de dimension au cours des dix dernières années en connaissant une très forte hausse de ses engagements, alimentés par des recapitalisations successives effectués par l'Etat et par des crédits octroyés par la mission « Aide publique au développement ». Cette montée en puissance, le caractère mixte EPIC/établissement financier de l'agence ainsi que sa nouvelle doctrine en matière de financement des biens publics mondiaux, ont conduits à une certaine émancipation de l'AFD par rapport la tutelle de l'Etat . Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur le pilotage des opérateurs extérieurs de l'Etat, « la relative abondance de ses ressources lui permet d'apparaître comme une « caisse universelle » ayant vocation à intervenir partout et sur tous les sujets, sur la base d'objectifs de développement durable à vocation holistique. L'AFD cherche à être identifiée comme une agence ayant pour mission de favoriser des transitions mondiales, sur tous les champs et sur tous les terrains ».
Outre l'affirmation de ses moyens et une nouvelle doctrine d'intervention, la dilution du pilotage de l'agence est l'autre cause principale de l'affaiblissement de la tutelle exercée par l'État . En effet, non seulement l'AFD n'a pas un seul ministre référent, mais deux ou trois (les ministres chargés du développement, des finances et du budget), mais d'autres instances exercent des missions stratégiques en matière de développement, comme le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), le secrétariat de celui-ci, ou encore le Comité d'orientation stratégique de l'AFD. Le Premier ministre ou le président de la République peuvent également confier des missions directement à l'AFD. Comme le souligne à nouveau la Cour des comptes, « sur le plan institutionnel, l'Agence entretient des relations avec l'ensemble des autorités publiques. N'ayant pas de ministère référent, elle peut, en permanence, faire des offres de services à l'ensemble des autorités publiques. Des demandes d'instruction d'un projet particulier lui sont faites directement par la présidence de la République, ou par les services du Premier ministre. »
Dès lors, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ayant pour objet de préciser et hiérarchiser les missions de l'AFD (COM-112) . Il s'agit de préciser et d'afficher clairement que la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités mondiales, notamment au sein des pays les moins avancés, reste au coeur des missions de l'agence , et de bien en distinguer les missions universelles de protection des biens publics mondiaux ou de convergence économique qui concernent aussi bien les pays émergents.
La commission a également adopté un amendement COM-114 de M. Yung prévoyant que chaque année, le ministre chargé du développement et le ministre chargé de l'économie remettent au directeur général de l'agence une lettre d'objectifs. Il s'agit de l'application d'une recommandation de la Cour des comptes dans son rapport précité.
Enfin, la commission a adopté des amendements identiques COM-113 de ses rapporteurs et COM-151 de M. Requier au nom de la commission des finances, replaçant la nomination des parlementaires membres du CA de l'AFD dans le cadre de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination. Celle-ci sera ainsi effectuée par le président de chaque assemblée.
La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.
Article 8
Rapprochement d'Expertise France
avec le groupe Agence
française de développement (AFD)
L'article 8 réécrit les dispositions de la loi du 27 juillet 2010 relatives à Expertise France, dans l'optique de l'intégration de cet opérateur au sein du groupe AFD. La commission a précisé les missions d'Expertise France afin de préserver les relations de l'opérateur avec les ministères, d'une part, et avec les institutions internationales, d'autre part.
1. La transformation d'Expertise France en une société par actions simplifiée et son rattachement au groupe AFD
L'article 8 tend à modifier la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, afin de transformer l'établissement public Expertise France en société par actions simplifiée dont le capital est public et, à la date de sa transformation, entièrement détenu par l'État.
Un opérateur en forte croissance depuis sa création en 2014
Expertise France a été créée en 2014 sous l'impulsion, notamment, de votre commission, afin de remédier à une véritable « atomisation » de l'expertise française internationale entre une multitude d'organismes et de services, généralement de petite taille et disposant de très faibles moyens. L'organisme s'est développé très rapidement, passant d'environ 104 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015 (CA des opérateurs d'expertise regroupés) à plus de 230 millions d'euros en 2019, ce qui est nettement supérieur aux prévisions du précédent contrat d'objectifs et de moyens (qui prévoyait environ 200 millions d'euros).
L'agence est ainsi devenue un opérateur de référence dans le champ de l'expertise internationale et a développé une gamme complète de projets dans les secteurs de l'économie et des finances, de la gouvernance, de la santé, de la décentralisation et des politiques sociales. Expertise France a réalisé cette croissance rapide en allant bien au-delà des traditionnels « jumelages » ministériels internationaux, décrochant en particulier de nombreux contrats auprès de l'Union européenne, qui représentent aujourd'hui la majorité de son chiffre d'affaires. Elle a également mis en oeuvre des « offres intégrées » contenant la fourniture d'équipements, avec les projets emblématiques que sont l'appui à la MINUSMA, l'appui à la force conjointe du G5 Sahel et le projet PARSEC pour la sécurité dans le centre du Mali. Expertise France est ainsi devenue un acteur clef du continuum sécurité-développement. L'agence a acquis une légitimité, une force de frappe et une réactivité qui ont connu un nouveau « test » avec la réponse à la crise du coronavirus en Afrique.
Grâce à ces succès, Expertise France est aujourd'hui un acteur d'expertise internationale de dimension européenne , loin encore de la GIZ allemande dont les financements publics sont beaucoup plus massifs, mais comparable aux autres agences d'expertise internationale de nos partenaires européens.
Un modèle économique non stabilisé
Ces succès reconnus n'ont pas empêché Expertise France de rencontrer des difficultés importantes. Son équilibre économique est fragile depuis sa création, l'Etat français lui ayant fixé un objectif de quasi autofinancement et les commandes européennes ne permettant pas de dégager une marge suffisante. L'augmentation du volume moyen des projets, de 1,4 million d'euros en 2016 à 2,7 millions d'euros aujourd'hui, a fait « exploser » le chiffre d'affaires sans pour autant améliorer la rentabilité.
Ceci avait conduit votre commission à préconiser dans son rapport-bilan de 2018 un financement supplémentaire de l'Etat pour certains projets de caractère stratégique mais pas assez rémunérateurs , à l'instar de ce qui existe déjà pour les opérateurs allemand ou belge. De même, le rapprochement avec l'Agence française de développement (AFD), dans le cadre d'une convention signée dès 2015, n'a produit à l'origine que très peu de résultats tangibles, faute de vision stratégique préalable sur ce que pourrait être l'alliance d'une banque de développement et d'une agence d'expertise internationale. Les relations entre Expertise France et plusieurs ministères ont en outre été parfois marquées par des incompréhensions. Certaines administrations ont sans doute regretté la perte de leur propre organisme d'expertise international et ont parfois eu du mal à se reconnaître dans les gros projets mis en oeuvre par l'agence, d'autant que ceux-ci ne leur paraissaient pas toujours alignés sur leurs propres priorités.
En outre, alors que la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet 2014 prévoyait la poursuite de la fusion des opérateurs d'expertise ministériels au sein d'Expertise France afin de rationaliser ce secteur et d'améliorer la force de frappe de l'opérateur unifié, cette fusion n'a pas abouti pour plusieurs d'entre eux, en particulier Civipol Conseil (sécurité), l'agence pour le développement de la coopération internationale dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (ADECIA) ou encore France Vétérinaires international (FVI). La coopération entre Expertise France et ces opérateurs restés indépendants, inévitable sur certains projets conséquents financés par l'Union européenne, a été marquée par un certain manque de fluidité.
Enfin, l'agence a connu à l'interne une « crise de croissance » liée notamment à la transformation des missions de ses salariés, qui ont dû conquérir des projets sur un marché très concurrentiel et suivre la progression rapide du chiffre d'affaires tout en améliorant la productivité.
Des améliorations récentes
Le Contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour 2020-2022 a cependant apporté en mai 2020 un certain nombre d'avancées qui ont contribué à permettre de surmonter ces difficultés. Conformément aux préconisations de votre commission, le COM a en effet prévu un soutien financier compensatoire de l'Etat pour certains contrats ayant une portée stratégique, mais qui n'offrent pas une rentabilité suffisante . Le COM a également prévu que les opérations bilatérales financées par la commande publique des ministères soient « rémunérées au juste prix pour permettre à Expertise France de couvrir ses coûts ». De plus, la commande publique des ministères est censée progresser, atteignant environ 75 millions d'euros à partir de 2020, ce qui représente une part non négligeable du chiffre d'affaires de l'agence. Enfin, Le COM a prévu un nouveau dispositif pour améliorer les relations entre Expertise France et les ministères pourvoyeurs d'expertise : il s'agit de la mise en place de comités consultatifs opérationnels rassemblant les représentants des ministères qui mobilisent l'agence. Ces nouvelles instances doivent permettre de faire vivre ces relations entre Expertise France et les ministères, mieux que ne l'ont permis jusqu'à présent les 61 accords-cadres déjà signés.
Concernant par ailleurs l'achèvement du regroupement des opérateurs d'expertise internationale, prévu par la loi du 7 juillet 2014 précitée afin de supprimer les doublons et de donner au nouvel opérateur une taille critique, le Comité interministériel de la transformation publique a décidé le 15 novembre 2019 de rattacher le GIP « Justice coopération internationale » (JCI) à Expertise France. Expertise France met notamment en oeuvre des projets confiés par l'Union européenne en gestion déléguée dans le champ du renforcement des services judiciaires et de l'amélioration de la chaîne pénale : cette fusion donnera ainsi davantage de cohérence et d'impact à l'expertise française dans ce domaine. En revanche, le Comité interministériel de la transformation publique du 15 novembre 2019 a décidé que l'opérateur agricole ADECIA ne serait pas rattaché à Expertise France, mais à FranceAgriMer, l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, et que France vétérinaire international (FVI) serait intégré à l'école VetAgroSup.
Au total, Expertise France devrait pouvoir continuer sa croissance sur des bases plus solides.
Le dispositif prévu par le présent article : une intégration à l'AFD dont les bénéfices sont encore à confirmer
Après un début difficile, les financements dont bénéficie Expertise France en provenance de l'AFD sont désormais beaucoup plus importants, avec 130 millions d'euros de projets financés en 2019 contre moins de 40 millions d'euros en 2018. En revanche, de nombreuses inconnues subsistent sur les effets de l'intégration d'Expertise France au groupe AFD. Votre commission avait ainsi estimé que les modalités retenues pour cette intégration devraient impérativement préserver les atouts spécifiques d'Expertise France : capacité à contracter avec les grands bailleurs internationaux ; rapidité d'intervention et agilité ; champ géographique et sectoriel large, y compris sur le continuum sécurité-développement ; enfin lien privilégié avec les administrations françaises. Au-delà des démarches de rationalisation des achats, de rapprochement des fonctions support, d'échange de personnels, de partage de certaines formations et de réflexion opérationnelle conjointe, déjà engagées, se pose aussi à terme la question du rapprochement des statuts des salariés.
La préservation de l'autonomie d'Expertise France dépendra également du renouvellement de l'accréditation à la gestion des fonds européens, qui conditionne la première source de financement de l'agence.
Ainsi, conformément aux objectifs du CICID, les dispositions de l'article 8 du projet de loi rendent possible l'intégration au groupe AFD d'Expertise France .
L'alinéa 4 crée un I de l'article 12 de la loi du 27 juillet 2010 prévoyant la transformation d'Expertise France, à compter du 1 er juillet 2021, en société par actions simplifiée (SAS). L'étude d'impact souligne que le statut de la société par actions simplifiée a été préféré à celui de la société anonyme, dans la mesure où il « permet de bénéficier de la robustesse du cadre légale et réglementaire s'imposant aux sociétés commerciales tout en permettant certaines adaptations en matière de gouvernance, incompatibles avec le statut de société anonyme mais indispensables pour maintenir un lien fort entre la société et ses tutelles ». Par ailleurs, selon l'étude d'impact, la création d'un GIE aurait limité les synergies attendues du rapprochement entre les deux agences, tandis que la création d'un groupement d'EPIC a été écartée en raison des problèmes observées lors de l'expérimentation menée par la SNCF entre 2014 et 2018. Il est également prévu que le capital d'Expertise France est public et entièrement détenu par l'État à sa date de transformation. Par ailleurs, rappelons que l'article 7 prévoit que l'AFD pourra, à terme, détenir « tout ou partie » de son capital.
L'alinéa suivant prévoit la soumission d'Expertise France aux dispositions du présent article, et, dans la mesure où elles ne lui sont pas contraires, aux dispositions du chapitre Ier du titre Ier de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, ainsi qu'aux dispositions législatives applicables aux sociétés par actions simplifiées et à celles applicables aux sociétés dans lesquelles l'Etat détient directement ou indirectement une participation. Ces mentions permettent d'organiser pour Expertise France un statut spécifique, à la foi organisme participant à l'action extérieure de la France, société soumise à la législation sur les SAS (loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciale) et structure soumise à des dispositions particulières prévues par le présent article (par exemple la présence d'un directeur général, cf. ci-dessous), et donc insérées au sein de la loi du 27 juillet 2010.
L'alinéa suivant précise que la transformation prévue par le présent article n'emporte ni création d'une personne morale nouvelle, ni cessation d'activité, et prévoit explicitement le transfert des biens, droits et obligations, contrats et conventions de l'agence actuelle à la nouvelle entité. Il précise également que les opérations résultant de cette transformation ne donnent lieu au paiement d'aucune taxe.
En outre, le régime du personnel d'Expertise France ne sera pas affecté par cette transformation . Au demeurant, les salariés de l'agence, actuellement un EPIC, sont déjà des salariés de droit privé. Comme le souligne l'étude d'impact, ils relèvent de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC), adaptée dans un accord d'entreprise établi le 22 septembre 2016 dans le cadre des articles L. 2232-11 et suivants du code du travail. Le personnel relève par ailleurs du régime général de la sécurité sociale et la transformation d'Expertise France en société par actions simplifiée sera sans incidence en la matière. Par ailleurs, selon l'étude d'impact, « la constitution d'un groupe n'impose pas en elle-même une harmonisation des conditions d'emploi » malgré la possibilité de rechercher une articulation des statuts du personnel. Un accord d'entreprise propre à Expertise France devrait ainsi être maintenu.
Le nouveau II de l'article 12 de la loi du 27 juillet 2010 résultant du présent article précise par ailleurs les missions d'Expertise France , de manière toutefois beaucoup moins détaillée que les dispositions actuelles. Les nouvelles dispositions prévoient en effet que « La société Expertise France participe à des missions d'intérêt public au service de la politique extérieure, de développement, d'influence et de diplomatie économique de la France, dans le cadre des orientations stratégiques définies par l'État . ». Il ne serait ainsi plus spécifié qu'Expertise France concourt à la promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale publique françaises à l'étranger, et qu'elle contribue au développement de l'expertise technique internationale et à la maîtrise d'oeuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux.
Le nouveau III de l'article 12 de la loi du 27 juillet 2010 met ensuite en place une gouvernance spécifique pour Expertise France. Cette gouvernance vise à préserver un lien fort avec la puissance publique et avec l'expertise des administrations . Elle consiste ainsi en un Conseil d'administration composé de quatorze membres, dont un député et un sénateur, quatre membres représentant l'État, dont deux membres nommés par le ministre chargé du développement et deux membres nommés par le ministre chargé de l'économie, quatre membres représentant l'Agence française de développement, deux personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine d'activité de la société, et nommées par décret pris sur le rapport du ministre chargé du développement et du ministre chargé de l'économie, enfin deux membres représentant le personnel.
Adoptant un amendement du rapporteur, les députés de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale ont rétabli un nombre de deux députés et deux sénateurs membres du Conseil d'administration. En outre, en séance publique, ils ont adopté un amendement ajoutant un membre « représentant des organisations de la société civile de solidarité internationale ».
Par ailleurs, le IV nouveau de l'article 12 de la loi du 27 juillet 2010 définit les fonctions de président du Conseil d'administration. En principe, le droit commun des SAS implique l'existence d'un président de la SAS doté des plus larges pouvoir, qui dirige aussi le Conseil d'administration. Pour déroger au droit commun du code du commerce, le dispositif prévu dans le projet de loi prévoyait de distinguer, au sein des futurs statuts de l'entreprise, les fonctions de président de la SAS, doté des pouvoirs exécutifs, de celles de président du conseil d'administration, chargé de l'organisation des travaux du conseil d'administration comme c'est le cas aujourd'hui. La fonction de directeur général, qui existe actuellement n'était donc pas prévue par le texte initial.
Toutefois, les députés ont adopté un amendement de leur rapporteur rétablissant la fonction de directeur général . En effet, selon eux, le dispositif proposé présentait un risque de confusion entre les fonctions des deux présidents, notamment à l'égard des tiers, ce qui aurait pu générer un risque juridique en cas de litige, et aurait également pu recréer des problèmes de gouvernance entre les dirigeants de la SAS, comme Expertise France en a d'ailleurs connu par le passé.
Dès lors, l'amendement adopté distingue les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. Les fonctions de président de la société et de président du conseil d'administration sont ainsi fusionnées, mais une disposition ad hoc limite les fonctions du président à celles des présidents de conseil d'administration, par mimétisme avec les fonctions de président de conseil d'administration de société anonyme (art. L. 225-51 du code du commerce). Le paragraphe IV bis nouveau relatif au directeur général introduit par ailleurs une dérogation au code du commerce pour prévoir la désignation d'un directeur général (précisée dans les statuts de la SAS), qui sera bénéficiaire des prérogatives de gestion opérationnelle de la société normalement dévolues au Président de la SAS (larges pouvoirs).
Enfin, les députés ont adopté en séance publique un amendement prévoyant qu'Expertise France remet tous les deux ans au Gouvernement et au Parlement un rapport recensant le nombre d'experts techniques internationaux français et détaillant leur secteur d'intervention, dans le but de renforcer l'attractivité de ce métier.
2. Préserver les missions actuelles d'Expertise France
Le présent article ne mentionne que de manière très générale les missions d'Expertise France : « missions d'intérêt public au service de la politique extérieure, de développement, d'influence et de diplomatie économique de la France ». Ni la notion même d'expertise, ni les relations avec les administrations publiques pourvoyeuses d'expertise, ni le fait qu'Expertise France puisse mener des projets à la fois sur fonds bilatéraux et multilatéraux, ne sont mentionnés. Ces éléments figurent pourtant actuellement dans l'article 12 de la loi du 27 juillet 2010. Au moment où l'agence va être absorbée par le groupe AFD, il est impératif de rappeler que ces missions pourront continuer à être exercées. Le but de la réforme doit rester de créer des synergies entre deux organismes dont chacun a son identité et ses missions propres . Il est également important d'évoquer les relations de l'agence avec les ministères publics, un des risques de l'opération, identifié notamment par la Cour des comptes, étant que ces relations se distendent du fait, précisément, du passage dans le giron de l'AFD.
En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-119 de ses rapporteurs précisant qu'Expertise France a toujours vocation à entretenir des relations directes avec les ministères pourvoyeurs d'expertise ainsi que, en tant qu'organisme chargé d'une mission de service public, avec les institutions internationales susceptibles de lui confier des missions d'expertise.
En outre, la commission a adopté un amendement COM-122 de M. Yung précisant qu'Expertise France peut soutenir les collectivités territoriales d'outre-mer dans leurs actions de coopération décentralisée. Enfin, elle a adopté des amendements identiques COM-120 de ses rapporteurs et COM-152 de M. Requier au nom de la commission des finances prévoyant que la procédure de nomination des parlementaires au CA d'Expertise France sera celle de droit commun en vertu de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, ainsi qu'un amendement COM-121 de ses rapporteurs prévoyant la présence d'un représentant élu des collectivités territoriales au conseil d'administration. Les collectivités territoriales sont en effet un vivier d'expert en matière de gestion décentralisée.
La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.
Article 9
Création d'une commission indépendante
d'évaluation
compétente en matière de
développement solidaire
L'article 9 crée une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement, placée auprès de la Cour des comptes. La commission a précisé sa composition, qui comportera deux députés et deux sénateurs, ainsi que le « droit de tirage » du Parlement sur les travaux de cette commission.
1. Une institution nouvelle
Le présent article tend à créer une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
Actuellement, l'évaluation interne des projets d'aide publique au développement est assurée en France par trois pôles distincts :
- l'unité d'évaluation des activités de développement (UEAD) du ministère de l'Économie et des Finances (quatre à cinq évaluations par an) ;
- le pôle de l'évaluation et de la performance du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (quatre à cinq évaluations par an également) ;
- le département de l'évaluation et de l'apprentissage (EVA) de l'Agence française de développement, qui réalise environ 35 évaluations par an.
Ces trois entités rendent compte à leurs directions générales respectives et au Parlement et pilotent des évaluations soit individuellement, soit conjointement. Concrètement, les évaluations pilotées par ces services sont en général réalisées par des cabinets de conseil sélectionnés sur appels d'offres, sous la direction d'une équipe de responsables administratifs des ministères concernés et de l'AFD. Les évaluations sont encadrées par un groupe de référence garantissant une pluralité de points de vue (parlementaires, représentants de la société civile, du monde de recherche, autres administrations...) et elles font l'objet d'une restitution publique. Elles sont effectuées avec sérieux et compétence et peuvent permettre aux services d'améliorer leurs pratiques, mais elles présentent aussi de nombreuses limites et aboutissent souvent à des conclusions stéréotypées, mettant l'accent sur la réussite globale du projet ou programme concernés et relevant des marges de progression, comme la nécessité de meilleurs effets d'apprentissage, une meilleure coordination, etc.
Le suivi externe de la politique d'aide au développement est réalisé par plusieurs acteurs :
- comme pour l'ensemble des politiques de l'État, la Cour des comptes peut contrôler tel ou tel aspect ou acteur de la politique d'aide publique au développement ;
- l'Assemblée nationale et le Sénat produisent des rapports de contrôle de la politique du Gouvernement en matière d'aide publique au développement ;
- l'OCDE (Comité d'aide au développement) organise un contrôle par les pairs des dispositifs nationaux d'aide au développement ;
- les ONG effectuent également un suivi régulier et interviennent publiquement sur la politique d'aide au développement : la coordination française « Coordination SUD » intervient ainsi dans le débat sur l'APD en y apportant ses analyses sur les stratégies, les programmes ainsi que les aspects budgétaires.
Toutefois, la France est en retard en ce qui concerne la transparence de l'aide et malgré d'importants efforts de l'AFD, qui a rendu disponible une brève description de l'ensemble de ses projets sur son site Internet, l'ONG Publish What You Fund ne classait en 2020 la France qu'au 30 e rang sur 47 en matière de transparence de l'aide.
Par ailleurs, l'évaluation reproduit l'éclatement du pilotage de la politique d'aide publique au développement française entre deux ministères et un établissement public , ce qui rend plus difficile des appréhensions transversales ou globales de cette politique.
En outre, comme l'a souligné le rapport d'Hervé Berville en 2018, c'est la nature même de l'évaluation réalisée qui apparaît insatisfaisante : « le suivi de la politique d'aide publique au développement constitue rarement une évaluation à proprement parler. Une évaluation est une analyse ayant pour objet d'apprécier l'efficacité d'une politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre. Or, les différentes instances françaises mentionnées précédemment concentrent leur analyse sur les processus de gestion, l'organisation institutionnelle et les enjeux financiers et budgétaires (...) les différentes évaluations menées abordent peu la cohérence externe, l'efficacité, l'efficience, l'impact et la durabilité des interventions françaises et ne suivent pas systématiquement le cadre de la chaîne d'évaluation ».
Si la loi du 7 juillet 2014 a prévu la mise en place d'un observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale afin de permettre une évaluation plus indépendante, cette instance s'est peu réunie et ne dispose pas de l'expertise et des moyens nécessaires.
Dès lors, le présent article propose la création d'une commission indépendante d'évaluation, sur le modèle de l'« Independant committee on aid impact (ICAI) » britannique . L'ICAI a été explicitement créée comme une sorte de contrepartie à la fixation de l'objectif des 0,7 % du RNB dans la loi, celui-ci impliquant une forte hausse des moyens consacrés à l'aide publique au développement. Il s'agissait ainsi de donner des gages au public et aux opposants politiques de cette hausse de crédits, leur garantissant que chaque livre investie le serait sous le regard d'un organisme indépendant à même d'en vérifier le bon usage et l'efficacité. L'ICAI est ainsi conçu comme un organisme indépendant du Gouvernement et dont la mission est de rendre des comptes au Parlement, plus précisément à la Commission parlementaire chargée du développement ( International Development select Committee , IDSC). Elle est dirigée par trois commissaires, dispose d'un secrétariat de dix membres et fait appel à des consultants externes pour conduire les évaluations sous la direction des commissaires.
Ainsi, le présent article prévoit (I) qu'il est institué une « commission indépendante d'évaluation de la politique de développement solidaire », qui, comme le précise une disposition ajoutée par un amendement du rapporteur de la commission des affaires étrangères, « conduit des évaluations portant sur la politique de développement, notamment sur son efficacité et son impact ».
Le II prévoit que cette commission est composée de personnalités compétentes en matière d'évaluation et de développement, dont les modalités de désignations sont fixées par décret. Le III précise que la commission arrête de manière indépendante son programme de travail et, disposition importante, que l'Etat et les autres personnes publiques sont tenues de répondre à ses demandes d'information.
La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements de son rapporteur au présent article.
Tout d'abord, elle a prévu que la nouvelle commission serait placée auprès de la Cour des comptes, et que son secrétariat serait assuré par celle-ci, afin de faire bénéficier la commission de « l'expertise, de l'expérience et de la renommée de cette institution de référence, tant dans le domaine du contrôle que dans l'évaluation des politiques publiques ». Ce rattachement s'inscrirait également dans une logique de « rationalisation et de mutualisation des moyens ». En outre, la commission pourra être saisie de demandes d'évaluation par le Parlement, et lui adressera ses rapports d'évaluation.
Par ailleurs, trois amendements ont été adoptés par les députés en séance publique, prévoyant que :
- la commission remet annuellement au Parlement un rapport faisant état de ses travaux ;
- le CNDSI est destinataire des rapports de la commission d'évaluation ;
- la commission coopère en tant que de besoin avec les institutions et organismes d'évaluation des pays bénéficiaires intervenant dans le domaine du développement.
2. Assurer l'indépendance et l'efficacité de la nouvelle commission d'évaluation
La commission a adopté un amendement COM-153 de M. Requier au nom de la commission des finances précisant que le rôle d'une telle commission ne peut être d'évaluer l'ensemble de la politique publique de développement solidaire (un tel rôle revenant au Parlement) mais plutôt, en évaluant les projets et programmes de développement , de fournir les outils pour une telle évaluation globale.
La commission a souhaité préciser la composition de la commission d'évaluation afin d'en assurer à la fois l'indépendance et l'efficacité. Dans cette optique, elle a adopté un amendement COM-128 de ses rapporteurs prévoyant que cette composition est la suivante, comprenant notamment la présence de deux députés et deux sénateurs :
1°- trois magistrats de la Cour des comptes en activité à la Cour, désignés par son premier président ;
2°- deux députés et deux sénateurs ;
3°- une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé des affaires étrangères ;
4 - une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'économie ;
5°- une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la transition écologique;
6°- un représentant des collectivités locales, nommé par la Commission nationale de la coopération décentralisée ;
7°- un représentant des pays partenaires de la politique de développement solidaire, nommé par décret pris sur le rapport du ministre chargé du développement.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement COM-129 de ses rapporteurs précisant le droit de tirage des parlementaires : les assemblées pourront ainsi demander des évaluations et la commission devra répondre dans un délai de 8 mois. Elle a enfin adopté un amendement COM-127 prévoyant que la commission devra élaborer un cadre d'évaluation scientifique global de la politique de développement dans un délai de deux ans.
La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.
* 7 Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987).
* 8 Rapport de Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi en date du 15 septembre 2009. La création de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social (CMPEPS) a été décidée au début de 2008 par le Président de la République, en réponse aux interrogations sur la pertinence des mesures actuelles de la performance économique, notamment celles fondées sur les chiffres du Produit intérieur brut (PIB).
* 9 Rapport disponible sur le site de France Stratégie .
* 10 Ce rapport, publié le 28 février 2019, est disponible sur le site internet du gouvernement .
* 11 Décret n° 2011-687 du 17 juin 2011 relatif au rapport sur la situation en matière de développement durable dans les collectivités territoriales.
* 12 Rapport n° 362 (2014-2015) de M. Antoine LEFÈVRE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 mars 2015.
* 13 Séance du 2 avril 2015.
* 14 Loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements. Auparavant, la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République est la première à avoir fourni un cadre juridique à la « coopération décentralisée ».
* 15 Loi n° 2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.
* 16 Loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.
* 17 « Dans le respect des engagements internationaux de la France et dans le cadre de conventions soumises à l'avis du comité de bassin, l'agence peut mener des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, dans la limite de 1 % de ses ressources, le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, avec le concours de ses agents. »
* 18 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
* 19 Données issues du rapport annuel 2019 sur l'Aide publique au développement des collectivités territoriales françaises (MEAE).
* 20 Bilan 2019 de l'action extérieure des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, programme Solidarité-Eau (pS-Eau).
* 21 D'après pS-Eau
* 22 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.
* 23 Le Versement mobilité, qui succède au Versement transport, est un impôt payé par les entreprises de 11 salariés et plus, dont l'assiette est constituée des revenus d'activité (masse salariale), dans les conditions fixées par les articles L. 2333-64 et suivants du CGCT.
* 24 Observatoire de la mobilité de l'Union des transports publics et ferroviaires UTP (2020).
* 25 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
* 26 Décret n° 2020-1756 du 30 décembre 2020 portant modification du décret n° 2013-1154 créant un Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
* 27 Loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
* 28 Loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
* 29 Le VSI est nécessairement accompli dans un État situé hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège).
* 30 « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. » (article 1137 du code civil).
* 31 Ce sujet est traité dans le commentaire de l'article 8 relatif à Expertise France.