EXAMEN
DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI
TITRE
IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE
DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS
MONDIALES ET À LA PROGRAMMATION
Article 1er A
Principaux
objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre
les inégalités mondiales
L'article 1 er A de la proposition de loi, issu d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, décline les grands objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, qui ne figuraient, au sein du texte initial, que dans le rapport annexé.
1. De grands objectifs qui font consensus
Introduit par un amendement du rapporteur adopté par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le présent article vise à mettre en exergue les principaux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales . Cette mise en exergue est effectuée « dans un souci de visibilité et d'intelligibilité de la politique que la France entend mettre en oeuvre dans ce domaine ». Dans le texte initial, ses objectifs ne figuraient que dans le rapport annexé (dit « cadre de partenariat global » ou CPG).
Il est ainsi précisé que la politique de développement solidaire de la France vise l'éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la protection des biens publics mondiaux, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l'insécurité alimentaire et la malnutrition, la protection de la planète, la promotion des droits humains, le renforcement de l'État de droit et de la démocratie et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est également indiqué qu'elle inclut l'action humanitaire, veille à assurer la continuité entre les phases d'urgence, de reconstruction et de développement et promeut les normes internationales en matière de droits humains, de droit international humanitaire et de réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.
L'article 1 er A se réfère en outre à trois engagements internationaux de la France : le programme de développement durable à l'horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l'Assemblée générale des Nations unies, l'accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015 et le Programme d'action d'Addis-Abeba sur le financement du développement, approuvé le 27 juillet 2015. La France entend ainsi placer son action dans un cadre multilatéral et partagé dans lequel la nécessité de s'orienter vers un développement durable et solidaire fait consensus.
2.°Clarifier et hiérarchiser les objectifs de la politique de développement solidaire
Votre commission partage l'objectif de conférer un « narratif » clair à la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et de la rendre plus intelligible aux yeux de nos concitoyens . La présentation des grands principes et objectifs de cette politique dans un article séparé en tête de la loi est ainsi bienvenue. Toutefois, elle estime que l'objectif de clarté est insuffisamment atteint par la rédaction actuelle qui, en particulier, ne distingue ni ne hiérarchise les objectifs entre eux.
Dès lors, votre commission a adopté un amendement COM-1 de ses rapporteurs précisant que la politique de développement solidaire poursuit essentiellement trois objectifs, le troisième étant transversal :
- la priorité est d'éradiquer la pauvreté et d'assurer l'accès aux services essentiels pour la population des pays pauvres. Ceci correspond à la compréhension ordinaire et traditionnelle de la politique d'aide au développement ;
- la protection des biens publics mondiaux est la seconde priorité, qui s'est progressivement affirmée comme un objectif de l'ensemble de la communauté internationale, notamment en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Cet objectif vaut aussi bien dans les pays en développement que dans les pays « riches » ;
- en troisième lieu vient l'objectif transversal de promotion des droits humains, qui fait partie intégrante de l'identité de l'aide française et européenne par opposition à celle d'autres pays donateurs.
En outre, la commission a adopté un amendement COM-5 de M. Canévet rappelant le rôle important de la francophonie ainsi qu'un amendement COM-12 rect . de M. Gontard ajoutant la notion d'égalité filles/garçons à celle de l'égalité femmes/hommes déjà présente dans le texte.
Enfin, la commission a adopté un amendement COM-2 de ses rapporteurs rappelant que l'objectif premier des actions d'APD est bien de « répondre aux besoins des populations », ainsi qu'un amendement COM-9 de Mme Carlotti mettant en exergue le principe de non-discrimination dans l'attribution de l'aide aux bénéficiaires.
Enrichi de ces modifications, la commission a adopté l'article 1 er A.
La commission a adopté l'article 1 er A ainsi modifié .
Article 1er
Grands axes
de la politique de développement solidaire, programmation
financière et approbation du cadre de partenariat global (rapport
annexé)
L'article 1 er du projet de loi fixe à la fois les grands axes et la programmation financière de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales pour la période 2020-2022. La commission a prolongé la programmation financière jusqu'en 2025 et précisé certains objectifs afin que les priorités géographiques (pays prioritaires) et l'accent mis sur les dons et sur les actions bilatérales soient mieux mis en oeuvre.
1. Les grands axes de la politique de développement solidaire et la programmation financière
L'article 1 er du projet de loi a pour objet de fixer les grands axes de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et d'instaurer une programmation financière pour la période 2020-2022.
Le paragraphe I de l'article 1 er annonce une programmation financière « complétée, avant la fin de l'année 2022, pour les années 2023, 2024 et 2025 ». En effet, le présent projet de loi a été élaboré il y a plus de deux ans et la programmation financière, qui à l'origine devait couvrir une partie significative du quinquennat, ne concerne finalement plus, en l'état, que l'année 2022. Votre commission a regretté ce retard, qui prive la programmation incluse dans cet article d'une grande partie de son intérêt. Elle note en outre que, comme pour la programmation militaire, le Gouvernement disposait d'au moins une partie des éléments nécessaires pour fixer dès à présent une programmation jusqu'en 2025, notamment en ce qui concerne les crédits budgétaire de la mission « Aide publique au développement ».
En commission, les députés ont adopté un amendement précisant que le complément de la programmation financière pour les années 2023 à 2025 serait ajouté « après consultation et vote du Parlement », ce que votre commission ne peut qu'approuver.
La cible des 0,7 %
Le paragraphe III dispose que la France consacrera 0,55 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement en 2022, ce qui correspond à l'engagement pris par le Président de la République. Le texte initial indiquait également que la France a « l'objectif de porter ultérieurement » la part de l'APD à 0,7 % du RNB, sans préciser de date pour atteindre cet objectif. Toutefois, les députés ont adopté en séance publique un amendement précisant que la France « s'efforcera d'atteindre 0,7 % de ce revenu national brut en 2025 ».
Rappelons que l'objectif des 0,7 % provient du rapport final de la Commission sur le développement international, plus connue sous le nom de « Commission Pearson », du nom de son président, l'ex-premier ministre du Canada et prix Nobel, Lester Pearson, remis à McNamara en septembre 1969. Ce rapport énonce : « Nous recommandons par conséquent que chacun des pourvoyeurs d'aide augmente ses engagements d'aide publique au développement de façon à ce que les décaissements nets atteignent 0,70 % de son produit national brut en 1975 ou peu après, mais en tout cas pas plus tard que 1980 ». Repris par les Nations unies dans les années 80, ce chiffre de 0,7 %, établi d'après des calculs économiques désormais obsolètes, est ensuite progressivement devenu un « mantra » des défenseurs de l'augmentation de l'APD. Il est notamment devenu une référence législative officielle pour le Royaume-Uni en mars 2015 (le pays a récemment décidé de diminuer sa contribution en raison de la crise économique actuelle).
Votre commission estime que cet objectif, bien que dépourvu de valeur économique précise, constitue une référence utile du fait de son acceptation générale et de son réalisme par rapport aux montants actuellement consacrés par les pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE à l'APD. Dès lors, lui donner une certaine efficacité plaidait pour fixer une date, ainsi que les députés l'ont fait.
Des montants en hausse
Le IV (1°) de l'article 1 er dispose ensuite que les crédits de paiement de la mission APD, hors charges de pension, après avoir atteint 3 251 millions d'euros en 2020, se monteront à 3 935 millions d'euros en 2021, puis à 4 800 millions d'euros en 2022. Il précise en outre que 50 millions d'euros de crédits de paiement de la mission « Plan de relance » (programme 364 « Cohésion ») sont alloués à la politique de développement en 2021 : 25 millions pour une contribution à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre de l'initiative ACT-A et 25 millions pour d'autres organismes de santé internationaux.
En outre (3°), les ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) seront augmentées de 100 millions d'euros en 2022 par rapport à leur niveau de 2020 et 2021, atteignant 838 millions d'euros en 2022. Créée en 2005, ce fonds géré par l'Agence française de développement (AFD) est consacré à des dépenses multilatérales, en particulier dans les domaines de la santé, du climat et de l'environnement. Il est alimenté par deux taxes affectées, considérées comme faisant partie des « financements innovants » : la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dont le produit s'est effondré avec la crise sanitaire, et une part du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF), cette dernière ayant été créée spécialement pour alimenter l'aide publique au développement et ayant un rendement croissant (1,7 milliard d'euros de produit en 2020). Le projet de loi indique également qu'en l'absence d'une telle augmentation des ressources du FSD, l'augmentation de 100 millions d'euros alimentera directement la mission « APD ». Cette augmentation de 100 millions d'euros ne proviendra donc pas nécessairement d'une augmentation du prélèvement sur le produit de la TTF, actuellement fixé à 528 millions d'euros.
Enfin, le IV (4°) consolide ces différentes lignes de financement pour indiquer que l'addition des crédits de la mission « APD », de ceux de la mission « Plan de relance » et de ceux du FSD aboutit à un montant global de 3 989 millions d'euros en 2020, 4 723 millions d'euros en 2021 et 5 638 millions d'euros en 2022. Le V précise par ailleurs que l'évolution des autres ressources concourant à l'aide publique au développement, est donnée, mais seulement à titre indicatif, dans le cadre de partenariat global, et que ces ressources seront prises en compte pour l'atteinte de l'objectif de 0,55 % du RNB en 2022. En effet, l'APD française est très dispersée entre de multiples véhicules budgétaires et la mission « APD » proprement dite n'en représente qu'une partie minoritaire. En particulier, les frais d'écolage (frais consacrés en France aux étudiants en provenance des pays étrangers en développement) et de prise en charge des réfugiés sont comptabilisés au titre de l'APD, conformément aux règles fixées par l'OCDE. Il est donc logique, même si cela n'est pas pleinement satisfaisant intellectuellement, qu'ils soient pris en compte dans l'atteinte de l'objectif des 0,55 % du RNB.
Une répartition des financements qui doit suivre les grands objectifs
Plusieurs dispositions de l'article 1 er viennent ensuite préciser la manière dont les financements programmés seront répartis.
D'abord, le paragraphe VI indique, selon un axe déjà défini dans les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, que la hausse de ces moyens « contribuera notamment au renforcement, d'ici 2022, de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France et de la part de cette aide qui est constituée de dons. Ces moyens sont concentrés sur les pays les moins avancés, en particulier les pays prioritaires de la politique française de développement ». Il s'agit d'objectifs très importants et totalement partagés par votre commission, qui regrette d'autant plus qu'aucune disposition nouvelle ne soit proposée au sein du projet de loi pour en renforcer la mise en oeuvre, alors même que celle-ci n'est pas satisfaisante.
Ensuite, le paragraphe VII précise que les moyens transitant par la société civile augmenteront pour doubler en 2022 par rapport à 2017, puis que la France tendra vers la moyenne des pays de l'OCDE dans ce domaine. Le montant de 2017 était de 310 millions d'euros ; l'objectif à atteindre est donc de 620 millions d'euros en 2022.
Montant en M€ |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
APD bilatérale française transitant par la société civile française et internationale |
168,7 |
241,7 |
310,4 |
374,2 |
460 |
Part de l'APD bilatérale française transitant par la société civile française et internationale |
3,63% |
4,44% |
5,31% |
6,57% |
6,96% |
Source DGM/CIV 3 ( * )
Comme indiqué dans le tableau ci-dessus, la part de l'APD transitant par les organisations de la société civile augmente, correspondant en 2019 à 6,9 % de l'APD bilatérale totale. Les perspectives d'évolution de ces financements permettent d'établir une cible à 9 % de la part de l'APD bilatérale qui transitera par les organisations des sociétés civiles (OSC) en 2023. En comparaison avec les bailleurs issus des pays de l'OCDE, la France reste toujours en retrait sur ce point , l'APD bilatérale transitant par les OSC s'élevant en moyenne à 15 % 4 ( * ) .
Le VIII affiche la reconnaissance de l'importance des OSC tant du Nord que du Sud , et prévoit la mise en place d'un dispositif dédié à l'initiative de ces OSC sur des projets en vue de l'octroi d'une subvention. Or un tel dispositif existe déjà : il s'agit du dispositif Initiatives OSC (I-OSC) de l'Agence française de développement (AFD), principal mécanisme de cofinancement des OSC françaises et de leurs partenaires locaux, qui a permis en 2019 l'engagement en cofinancement de 93M€. Toutefois, le fonctionnement de ce dispositif n'offre pas totalement satisfaction aux OSC, qui estiment qu'il ne garantit pas suffisamment un véritable droit d'initiative et que les appels à projets favorisent à l'excès les très grosses organisations au détriment des structures plus légères, comme l'ont indiqué les représentants de Coordination Sud lors de leur audition par vos rapporteurs.
Le IX de l'article 1 er traite des collectivités territoriales, en prévoyant que les fonds consacrés au soutien de l'action extérieure des collectivités augmenteront pour atteindre en 2022, eux-aussi, le double du montant de 2017, objectif déjà fixé par le CICID de février 2018 . Depuis 2014, l'AFD cofinance directement des projets identifiés et mis en oeuvre dans les pays en développement par les collectivités françaises, à travers la Facilité de financement des collectivités territoriales françaises (FICOL). L'AFD a ainsi accompagné 72 projets, représentant un cofinancement AFD de 42 M€. L'enveloppe en 2020 atteint 9 M€. Par ailleurs, les cofinancements de projets de coopération des collectivités territoriales par la délégation à l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) s'élevaient en 2020 à 5 936 500 €.
Outre celles déjà mentionnées, les députés ont apporté les modifications suivantes au présent article :
- par un amendement adopté en commission, ils ont précisé que les services de l'État concourant à la politique de développement solidaire devraient disposer des moyens humains correspondants . Il s'agit de s'assurer que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) bénéficiera, dans les postes diplomatiques des pays éligibles à l'aide publique au développement et dans ses services centraux, des effectifs et des compétences nécessaires pour mener à bien ses missions de pilotage renforcé ainsi que le renouvellement des actions partenariales avec la société civile ;
- par un deuxième amendement adopté en séance publique, ils ont prévu dans un paragraphe X que le Gouvernement devrait mettre en place une base de données ouverte sur l'APD . En effet, le manque de données disponibles et de transparence sur l'aide publique au développement française est un reproche récurrent, alimenté par le classement de l'ONG « Publish What You Found », où la France occupe une place peu valorisante. Les députés ont également prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l'APD de la France. Il s'agit notamment de poser la question de l'intégration des frais d'écolage et de bourses à l'APD, prévue par l'OCDE mais contestable du point de vue de la finalité de ces dépenses. Votre commission partage pleinement cette préoccupation .
Un nouveau dispositif pour les biens mal acquis
Enfin, les députés ont ajouté en séance publique un paragraphe XI instaurant un dispositif de restitution des biens mal acquis confisqués . Une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur avait été adoptée sur ce sujet par le Sénat en mai 2019, avec un champ infractionnel plus large, comprenant toutes les infractions de blanchiment et de recel quelles que fussent les infractions sous-jacentes, dès lors qu'elles ont été commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, au préjudice d'un État étranger. Elle prévoyait ainsi que les sommes confisquées par la justice seraient versées à un fond consacré à « l'amélioration des conditions de vie des populations et au renforcement de l'état de droit ainsi qu'à la lutte contre la corruption dans le ou les pays où les infractions susvisées ont eu lieu . »
Le dispositif introduit par les députés vise, quant à lui, le recel, le blanchiment ou le blanchiment de recel de certaines infractions précises :
- article 314-1 du Code pénal : abus de confiance ;
- articles 432-11 et 432-11-1 du même code : corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique au niveau national ;
- articles 432-12 et 432-13 du même code : prise illégale d'intérêts ;
- article 432-14 du même code : favoritisme ;
- articles 432-15 et 432-16 du même code : détournement de fonds public, y compris par négligence ;
- articles 433-1 et 433-2 du même code : corruption active et trafic d'influence commis par les particuliers ;
- article 433-4 du même code : soustraction et détournement de biens contenus dans un dépôt public ;
- articles 434-9, 434-9-1 du même code : corruption et trafic d'influence par ou à l'encontre de personnel judiciaire national ;
- articles 435 - 1 à 435-4 du même code : corruption et trafic d'influence passifs et actifs d'agents publics étrangers ;
- et articles 435-7 à 435-10 du même code : corruption et trafic d'influence par ou à l'encontre de personnel judiciaire étranger ou international.
Ce dispositif prévoit que les recettes issues de la confiscation des biens « donnent lieu à ouverture de crédits budgétaires au sein de la mission « Aide publique au développement ».
2. Le cadre de partenariat global
Le paragraphe II du présent article approuve le cadre de partenariat global (CPG) annexé au présent projet de loi.
Ce CPG remplace le rapport annexé à la loi de 2014. Il se compose de six parties : les objectifs et principes d'action ; les axes prioritaires, le pilotage, les moyens, les prévisions financières, et enfin le cadre de résultats.
Des objectifs consensuels
Au sein des objectifs de la politique de développement solidaire sont énumérés la protection des biens publics mondiaux, l'éradication de la pauvreté, la lutte contre l'insécurité alimentaire et la malnutrition, la protection de la planète, la promotion des droits humains, le renforcement de l'État de droit et de la démocratie et l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est également fait référence à la paix et à la sécurité en complément de l'action diplomatique et militaire (« approche globale »), ainsi que le rayonnement et l'influence culturelle, diplomatique et économique de la France.
Le cadre multilatéral et européen dans lequel la France poursuit ces objectifs est ensuite évoqué : objectifs de développement durable adoptés dans le cadre de l'Agenda 2030 des Nations unies en 2015, Accord de Paris sur le climat, Cadre stratégique mondial pour la biodiversité 2011-2020, Programme d'action d'Addis-Abeba sur le financement du développement et Consensus pour le développement de l'Union européenne. Les députés ont adopté un amendement en séance publique, ajoutant à ces engagements internationaux de la France la convention internationale des droits de l'enfant. De manière plus générale, le groupe de travail « Enfance » de l'Assemblée nationale est à l'origine, par le biais des amendements de ses membres adoptés par les députés, de plusieurs modifications mettant en exergue la nécessité de tenir compte davantage des droits des enfants au sein de la politique de développement solidaire.
Le rapport évoque ensuite la notion de partenariat , autant avec les pays qu'avec les collectivités territoriales et les organisations de la société civile (syndicats, entreprises, jeunesse, diasporas, établissements d'enseignement supérieur, de recherche et de formation). L'État français doit ainsi mobiliser l'ensemble de ces partenaires aussi bien sur le territoire national que dans les pays de l'aide. Les ambassadeurs, en particulier, doivent mener un « dialogue partenarial renforcé avec les autorités locales ».
La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements relatifs à ces partenariats afin de mettre en exergue l'importance du renforcement du tissu économique local, en particulier celui des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME), de mentionner le rôle important joué par les diasporas et de souligner la nécessité de prendre en compte les stratégies de développement des pays aidés et les besoins des populations. En outre, les orientations stratégiques définies par l'ambassadeur au niveau local devront s'appuyer sur un dialogue avec les élus locaux des Français établis à l'étranger ainsi que, le cas échéant, les organisations françaises de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée et les parties prenantes locales de la solidarité internationale.
En outre, il est précisé que la politique de développement solidaire s'appuie sur des principes partagés en matière d'efficacité de l'aide, définis par la Déclaration de Paris (2005) et réaffirmés à Busan (2011) et à Nairobi (2016) dans le cadre du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement. La France adhère ainsi aux principes de l'appropriation des priorités de développement par les pays partenaires, d'harmonisation, de priorité accordée aux résultats et de responsabilité mutuelle.
De plus, il est précisé que la France veille à l'absence de contradiction entre sa politique de développement solidaire et les politiques qu'elle mène en matière commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, d'appui aux investissements à l'étranger, de francophonie ou encore de développement durable (cette dernière politique étant matérialisée par la Feuille de route nationale de mise en oeuvre des ODD adoptée en 2019).
Par ailleurs, la notion de cohérence entre les différentes politiques pour le développement durable est réaffirmée , dans l'optique d'une mise en oeuvre des ODD et de l'accord de Paris, et suivant la feuille de route nationale de mise en oeuvre des ODD de 2019. Cette partie met enfin en exergue l'importance de la francophonie.
Les axes prioritaires fixés par le CPG
Au premier rang des axes prioritaires figurent les priorités géographiques de l'aide . C'est dans ce cadre qu'est rappelé l'objectif de la France de consacrer à la zone « Afrique et Méditerranée » 75 % de l'effort financier total de l'État en subventions et en prêts, et au moins 85 % de celui mis en oeuvre via l'AFD, fixé par le CICID en 2013. Le projet de loi ne fixe donc pas de nouvel objectif dans ce domaine . Sont également à nouveau évoqués les dix-neuf pays prioritaires définis par le CICID du 8 février 2018, appartenant tous à la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA). Ces pays prioritaires bénéficieront de la moitié de l'aide projet de l'État et des deux tiers des subventions mises en oeuvre par l'AFD, objectif également fixé en 2013 et par ailleurs globalement déjà atteint.
La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un amendement précisant que, au sein du continent africain, la région du Sahel mobilise tout particulièrement les efforts et l'engagement de la France compte tenu du caractère aigu des crises et des fragilités qu'on y rencontre et des liens forts et anciens tissés par la France avec les pays de cette région. Ils ont en outre précisé que, sur la part de 50 % de l'aide projet de l'État consacrée aux pays prioritaires, un tiers est concentrée sur les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).
Le cadre de partenariat définit ensuite quatre priorités thématiques de nature transversale :
- relever les défis environnementaux et climatiques les plus urgents de la planète ;
- soutenir l'égalité femmes-hommes. Sur ce point, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté un amendement mentionnant également l'égalité filles/garçons. Par un autre amendement, les députés ont également précisé que l'État s'engageait à tendre vers un marquage « égalité femmes-hommes » conforme aux recommandations du plan d'action sur l'égalité des genres de l'Union européenne, soit, en pourcentage de l'aide publique au développement bilatérale programmable : 85 % avec objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal, suivant les marqueurs de l'OCDE. Dans cette perspective, l'État s'engage à ce qu'en 2025, 75 % des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale programmable française aient l'égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif et 20 % pour objectif principal. Ces objectifs semblent particulièrement difficiles à atteindre : en effet, en 2019, l'APD bilatérale de la France contribuant à l'égalité entre les femmes et les hommes s'est élevée à 1,7 Md€, soit 25 % de notre APD bilatérale. Une part de 3 % (143 M€) de l'APD bilatérale avait l'égalité femmes-hommes comme objectif principal (marqueur CAD 2) ;
- prévenir et traiter les crises et les fragilités ;
- défendre une approche fondée sur les droits humains.
Enfin, le cadre de partenariat met en avant six priorités thématiques à caractère sectoriel :
- renforcer l'action pour lutter contre les maladies et soutenir les systèmes de santé ;
- renforcer l'effort sur l'éducation, la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, au profit de l'employabilité des jeunes ;
- continuer à oeuvrer pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable ;
- améliorer la gestion de l'eau et l'assainissement ;
- renforcer les capacités commerciales pour une croissance économique inclusive et durable ;
- promouvoir la gouvernance démocratique, économique et financière.
Un pilotage toujours complexe
Le cadre de partenariat global précise les modalités du pilotage de la politique de développement solidaire . Loin de simplifier la situation actuelle, il crée une nouvelle « couche » de gouvernance avec un « conseil de développement » présidé par le Président de la République .
Ce nouveau conseil s'ajoute ainsi au Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), réunissant les ministres concernés sous l'égide du Premier ministre et dont le suivi des travaux est assuré par un co-secrétariat affaires étrangères/finances (COSEC/CICID), au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), instance de concertation large, à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), enfin au Conseil d'orientation stratégique de l'AFD, composé des représentants de l'État au conseil d'administration de l'agence et présidé par le Ministre chargé du développement. En outre, il est confirmé que la définition et la mise en oeuvre de la politique de développement solidaire sont confiées au ministre chargé du développement, « en lien avec les ministres chargés de l'économie et du budget et les autres ministres concernés ». La marge de manoeuvre du ministre chargé du développement semble ainsi réduite compte-tenu de la « comitologie » qui fixe les orientations stratégiques et des autres ministres responsables de cette politique à ses côtés.
L'autorité de l'État sur l'AFD est réaffirmée, avec le Conseil d'orientation stratégique déjà cité et le contrat d'objectifs et de moyens (COM) liant l'agence à l'État. Il est précisé que les activités des opérateurs de l'action extérieure de l'État doivent « s'inscrire en pleine conformité et cohérence avec les orientations stratégiques et priorités définies par l'État dans le cadre de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ».
En outre, l'action à l'étranger de l'AFD doit s'exercer sous l'autorité du chef de mission diplomatique, conformément aux orientations et priorités définies par un nouveau conseil local du développement présidé par l'ambassadeur . Ce conseil regroupe les services de l'État, les opérateurs du développement sous tutelle de l'État ainsi que, le cas échéant, les organisations françaises de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée et les acteurs locaux. Il élabore des projets de stratégie-pays et de programmation-pays, dont l'ambassadeur supervise la mise en oeuvre.
S'agissant de ce conseil local du développement, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté des amendements prévoyant qu'y sont conviés les acteurs de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée, les élus locaux, dont ceux des Français établis hors de France, et les parties prenantes locales de la solidarité internationale. En outre, l'ambassadeur devra veiller à susciter la présence de femmes au sein de ce conseil et à tendre vers une représentation équilibrée et paritaire en termes de genre. Il pourra également y convier les entreprises qui peuvent apporter une contribution au développement du pays par leur activité propre, mais aussi par leur engagement en matière de responsabilité sociale et environnementale et de gouvernance.
Il est enfin précisé que la relation entre l'État et l'AFD « repose sur une transparence et une redevabilité renforcées, s'agissant en particulier des sujets opérationnels, stratégiques et budgétaires, et des relations entre les postes et le groupe AFD dans les pays partenaires ». Par ces dispositions, l'État entend « reprendre la main » sur une AFD souvent considérée comme trop autonome, ainsi par la Cour des comptes (dans son rapport sur « Le pilotage des opérateurs extérieurs de l'État », juin 2020). Toutefois, l'insuffisance des moyens humains de la tutelle au niveau central et l'importance des moyens financiers dont disposent les agences de l'AFD au niveau local comparés à ceux de l'ambassadeur rendent hypothétique un tel renforcement du contrôle exercé par l'État sur son opérateur . La Cour des comptes relevait ainsi que « les outils de pilotage dont dispose le MEAE demeurent insuffisants pour lui permettre d'exercer une véritable tutelle stratégique, au niveau central, sur l'AFD ». De même, au niveau local, la Cour soulignait que « la capacité de l'ambassadeur à influencer les choix qui lui sont présentés s'avère, dans certaines circonstances, assez limitée . »
Les instances de pilotage de la politique de développement solidaire
- le nouveau Conseil du développement, présidé par le président de la République en présence des « principaux ministres concernés ». Il « prend les décisions stratégiques » ;
- le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), réunissant les ministres concernés sous l'égide du Premier ministre. Il « fixe le cadre général des interventions de l'État et l'articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs » et « fixe les orientations relatives aux objectifs et aux modalités de la politique de développement solidaire » ;
- le co-secrétariat affaires étrangères/finances du CICID (COSEC CICID), assuré par conjointement le ministre chargé du développement et celui chargé de l'économie, qui « prend les décisions nécessaires à la réalisation » des politiques mises en oeuvre ;
- le ministre chargé du développement (actuellement le ministre de l'Europe et des affaires étrangères), compétent pour « mettre en oeuvre et définir la politique de développement solidaire en lien avec les ministres chargés de l'économie et du budget et les autres ministres concernés » ;
- le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), instance de concertation large comprenant des représentants de la société civile ;
- la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), qui assure le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales ;
- le Conseil d'orientation stratégique de l'AFD, composé des représentants de l'État au conseil d'administration de l'agence et présidé par le ministre chargé du développement ;
- le conseil d'administration de l'AFD ;
- au niveau des pays partenaires, le nouveau Conseil de développement local présidé par l'ambassadeur, qui « élabore un projet de stratégie-pays et un projet de programmation-pays » et supervise leur mise en oeuvre.
Les moyens
Le cadre de partenariat global décrit ensuite les moyens et les instruments de la politique de développement solidaire . Ces dispositions reprennent les objectifs de l'article premier : 0,55 % du RNB consacrés à l'APD en 2022, puis 0,7 % dans un second temps. La part accordée aux dons, à l'action bilatérale et aux moyens transitant par les organisations de la société civile devra augmenter. Les dix-neuf pays prioritaires bénéficieront d'ici 2022 de la moitié de l'aide-projet de l'État et des deux tiers des subventions mises en oeuvre par l'AFD, objectifs fixés depuis 2013.
En ce qui concerne les canaux, l'importance de l'aide bilatérale est réaffirmée, notamment via les opérateurs AFD et Expertise France, mais aussi l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Canal France international et l'Institut Pasteur. L'aide mise en oeuvre directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (Fonds de solidarité pour les projets innovants, FSPI), en croissance au cours des trois dernières années, est également évoquée, tout comme les crédits gérés par le Centre de crise et de soutien (notamment le Fonds humanitaire d'urgence, FUH), l'aide alimentaire programmée, l'expertise technique, les fonds de soutien aux dispositifs de volontariats et de coopération décentralisée des collectivités territoriales et les bourses octroyées aux étudiants des pays en développement. L'aide apportée par les collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée est également mentionnée.
Les canaux de financement multilatéraux sont ensuite évoqués : instruments de coopération de l'Union européenne (FED), banques multilatérales de développement, fonds de développement qui y sont rattachés, fonds verticaux tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), le Fonds vert pour le climat et le Partenariat mondial pour l'éducation (PME).
Le cadre de partenariat aborde ensuite le sujet du financement du développement, en rappelant le cadre du programme d'action d'Addis-Abeba de 2015. L'accent est mis sur l'effet de levier que doivent exercer les financements français, tant il est vrai que ceux-ci ne peuvent prétendre, à eux seuls, avoir un effet significatif sur le développement économique des pays visés.
Les députés ont par ailleurs adopté, en séance publique, un amendement mettant l'accent sur la responsabilité sociétale des acteurs publics et privés .
Les prévisions
Cette partie comprend un tableau présentant l'évolution des principales composantes de l'APD entre 2017 et 2022, de manière à ce que l'objectif des 0,55 du RNB consacré à l'APD soit atteint en fin de période (cet objectif étant largement dépassé en 2021 du fait d'allégements de dette d'un montant exceptionnel, notamment au bénéfice du Soudan, et de la crise économique). Il énumère ensuite les dépenses françaises comptabilisables au titre de l'aide publique au développement en application des règles fixées par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE :
- crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » (programmes 110 et 209) permettant de financer l'activité en subventions de l'AFD, l'aide-projet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (FSPI) et les crédits de gestion de crise (FUH, aide alimentaire programmée, aide budgétaire) ainsi que de contribuer aux principaux fonds multilatéraux et au FED ;
- prêts bilatéraux de l'AFD ;
- instruments d'aide au secteur privé (prêts, prises de participation et garanties au bénéfice du secteur privé) ;
- autres programmes du budget de l'État et de ses opérateurs (frais d'écolage, frais d'accueil et de santé des réfugiés, travaux de recherche sur le développement conduits par l'IRD et le CIRAD) ;
- les autres prêts, principalement les prêts du Trésor ;
- les prêts multilatéraux au bénéfice des organisations éligibles à l'APD ;
- la contribution française au budget de l'Union européenne finançant l'APD européenne ;
- les opérations de traitement de la dette (allègements et annulations de dettes, contrats de développement et de désendettement) ;
- l'APD financée par les taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) (taxe de solidarité sur les billets d'avion et une part de la taxe sur les transactions financières) ;
- l'APD hors budget de l'État : APD réalisée par les collectivités territoriales, frais administratifs de l'AFD, capitalisation de fonds tels que le fonds STOA, filiale conjointe de la Caisse des dépôts et de l'AFD.
Le cadre de résultats
Le cadre de partenariat global présente enfin un « cadre de résultats » sous forme d'un tableau reprenant toutes les priorités thématiques de l'APD telles qu'énoncées ci-dessus, avec pour chaque priorité des indicateurs de résultats, bilatéraux ou multilatéraux. Le tableau précise également les ODD correspondant à chaque priorité.
3. Inscrire une véritable programmation des moyens, fixer des priorités permettant davantage de concentration sur les pays pauvres
Des moyens programmés jusqu'en 2025, une répartition plus conforme aux priorités françaises
Le projet de loi présenté au Parlement ne comporte pas de véritable programmation des moyens puisqu'il ne couvre que l'année 2022. La commission a estimé qu'à l'instar de la recherche ou des moyens des armées, le développement solidaire devait pouvoir bénéficier d'une trajectoire financière sur plusieurs années , permettant de porter ses moyens à un niveau suffisant pour atteindre ses ambitions. En conséquence, elle a adopté un amendement COM-15 rect de ses rapporteurs fixant une telle programmation financière pour les années 2022-2025 .
En outre, afin de redonner à la TTF sa vocation première, la commission a adopté un amendement COM-16 affectant à compter de 2022 une part de 60 % de TTF , avec un minimum de 1020 millions d'euros (soit 60 % du produit de la TTF en 2020), au Fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Les objectifs en volume de financement ne devant pas constituer l'alpha et l'omega de la politique de développement solidaire, la commission a adopté une série de trois amendements de ses rapporteurs visant à concentrer davantage les crédits sur les priorités affichées :
- l'amendement COM-19 rect a pour but de porter et de maintenir pendant la période de programmation la part d'aide bilatérale à 70 % du total de l'APD (contre 61 % en 2019) ;
- l'amendement COM-17 rect tend à prévoir que la part des dons (par rapport aux prêts) ne pourra pas descendre en dessous de 65 % (en flux bruts) du total de l'APD pendant la période de programmation (contre 50 % environ en 2019);
- l'amendement COM-18 prévoit que 30 % de l'aide pays programmable (APP) devra bénéficier aux pays prioritaires de la politique de développement solidaire française d'ici 2025 (contre environ 15 % actuellement).
En outre, en adoptant un amendement COM-33 rect . de Mme Carlotti, la commission a prévu qu'en 2022, un milliard d'euros d'APD devrait transiter par les organisations de la société civile (OSC).
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement COM-34 de M. Sido permettant d'exclure les dépenses de solidarité internationale des collectivités territoriales du total des dépenses soumises au « pacte de Cahors » relatif au contrôle de l'augmentation des dépenses de fonctionnement de ces collectivités.
Un dispositif relatif aux biens mal acquis précisé
La commission a enrichi le dispositif introduit par les députés relatif à la restitution des biens mal acquis. Rappelons qu'une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale avait été adoptée par le Sénat en mai 2019. Plusieurs amendements ( COM-44, COM-45 et COM-46 ) de M. Sueur ont ainsi été adoptés par la commission, ayant pour objet d'ajouter l'infraction de recel de blanchiment aux infractions visées par le dispositif de restitution des biens mal acquis et d'améliorer la transparence et la redevabilité des procédures de restitution. Un amendement de M. Requier au nom de la commission des finances a également précisé le dispositif ( COM-145 ).
4. Des précisions apportées au cadre de partenariat global annexé
La commission a apporté de nombreuses modifications au cadre de partenariat global annexé à la loi .
En particulier, la commission a adopté un amendement COM-47 de ses rapporteurs afin de hiérarchiser les principaux objectifs de l'aide, dans l'esprit des modifications déjà apportées à l'article 1 er A et à l'article 7 relatif à l'AFD (mettant en exergue le triptyque lutte contre la pauvreté / défense des droits humains / préservation des biens publics mondiaux).
Afin de renforcer le pilotage de la politique d'APD en général et de l'AFD en particulier, la commission a adopté deux amendements de ses rapporteurs :
- un amendement COM-52 qui renforce le rôle de pilotage du ministre chargé du développement et prévoit que le CICID, instance de coordination interministérielle, se réunit au moins annuellement ;
- un amendement COM-53 prévoyant que l'ensemble des priorités fixées par les acteurs responsables du pilotage de la politique de développement solidaire se traduisent par une série réduite d'objectifs fixés au sein du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'agence.
Elle a notamment adopté des amendements COM-75, COM-77, COM 79 rect de Mme Carlotti précisant l'importance de la recherche en matière de santé et en particulier de vaccination, le fait que la France contribuera au fonds pour l'enregistrement des naissances et s'engagera pour un traité international permettant de mieux réagir collectivement aux pandémies.
Elle a par ailleurs adopté des amendements de M. Yung, en particulier les COM-57, COM-64 complétant la mention de l'égalité femmes/hommes par celle de l'égalité filles/garçons et inscrivant la protection des militants syndicaux dans les objectifs associés de l'APD.
Enfin, elle a complété le dispositif relatif aux biens mal acquis introduit à l'article premier en adoptant des amendements COM-56 de M. Sueur et COM-85 de M. Yung.
La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié.
Article 2
Rapport annuel au Parlement sur la politique de
développement
L'article 2 dispose que le Gouvernement transmet chaque année un rapport au Parlement sur différents aspects de la politique de développement solidaire, notamment sur sa stratégie, ses résultats et sa cohérence avec les autres politiques publiques.
La commission a enrichi le contenu de ce rapport en demandant des informations sur les autres flux financiers à destination des pays aidés (transferts des diasporas et dons issus de la générosité privée), sur la répartition de l'aide entre prêts et dons, et sur la coordination entre acteurs militaires et acteurs de l'aide au développement dans le cadre de la « stratégie globale » conduite par la France au Sahel.
1. Une information du Parlement qui s'est enrichie au fil des années.
L'article 15 de la loi du 7 juillet 2014 prévoyait la remise d'un rapport bisannuel au Parlement, dans les termes suivants : « Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale conduite par la France dans les cadres bilatéral et multilatéral. Ce rapport présente en particulier la synthèse des évaluations (...), les modalités d'utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, l'équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts, ainsi que les activités de l'Agence française de développement et l'utilisation de son résultat. Il présente également l'activité de l'ensemble des organismes européens et multilatéraux oeuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport est débattu publiquement à l'Assemblée nationale et au Sénat. » 5 ( * ) .
L'information du Parlement ne se limite pas à ce rapport bisannuel. Outre les documents fournis dans le cadre de l'examen parlementaire de la mission « Aide publique au développement », la loi de finances rectificative pour 2005 6 ( * ) prévoit que la politique de développement est l'objet d'un document de politique transversale (DPT) présenté annuellement en annexe au projet de loi de finances initiale. Le contenu de ce DPT a été progressivement enrichi (voir encadré ci-dessous).
Le document de politique transversale sur la politique de développement
De façon générale, les documents de politique transversale (DPT) portent sur des politiques interministérielles couvertes par plusieurs missions budgétaires.
Ces documents, annexés au projet de loi de finances initiale, développent « la stratégie mise en oeuvre, les crédits, objectifs et indicateurs y concourant. Ils comportent également une présentation détaillée de l'effort financier consacré par l'État à ces politiques, ainsi que des dispositifs mis en place, pour l'année à venir, l'année en cours et l'année précédente ».
S'agissant en particulier de la politique de développement, la loi prévoit, en outre, la fourniture des informations suivantes :
« - une présentation détaillée de l'évolution à titre rétrospectif sur les cinq dernières années et de façon prévisionnelle pour la durée de la programmation triennale des finances publiques :
a) De l'effort français d'aide publique au développement en proportion du revenu national brut comparé avec celui des autres États membres du comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques ;
b) De la répartition entre les principaux instruments de coopération des crédits consacrés à l'aide au développement tels qu'ils sont présentés dans les documents budgétaires et de l'aide publique au développement qui en résulte permettant d'identifier les moyens financiers respectivement affectés à l'aide multilatérale, communautaire et bilatérale, à l'aide bilatérale qui fait l'objet d'une programmation, ainsi qu'aux subventions, dons, annulations de dettes et prêts ;
c) De la répartition de ces instruments par secteurs, par public atteint, en particulier les femmes ;
c bis) De l'effort français d'aide publique au développement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et de l'autonomisation des femmes, et de la prise en compte du genre, pour au moins 50 % des projets et programmes financés, à travers le marqueur genre du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques ;
d) Du montant net et brut des prêts ;
- un récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre ;
- une information détaillée sur les remises de dettes consenties à titre multilatéral et bilatéral sur le fondement de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991) ;
- une présentation détaillée des ressources budgétaires et extra-budgétaires de l'Agence française de développement, de l'emploi de ces ressources et des activités de l'agence prises en compte dans les dépenses d'aide publique au développement ;
- la répartition géographique, sectorielle, et par public atteint, en particulier les femmes, des concours octroyés par l'Agence française de développement, et la ventilation de ces concours par catégorie, en particulier entre prêts, dons, garanties et prises de participation. »
Source : loi de finances initiale pour 2005 (article 128).
2. Un nouveau rapport sur la stratégie, les résultats, et la cohérence de la politique d'aide au développement
Le projet de loi prévoit la transmission au Parlement, non plus à un rythme bisannuel, mais annuellement , d'un rapport portant sur la stratégie et les résultats obtenus, ainsi que sur la cohérence des politiques publiques françaises entre elles. Ce rapport devra également faire un point sur la mise en oeuvre de la trajectoire financière prévue par la loi (crédits budgétaires, ressources extrabudgétaires) et sur les contributions aux fonds et programmes multilatéraux et bilatéraux et leur répartition vers les secteurs et pays prioritaires.
D'après l'étude d'impact, ce rapport sera élaboré par le ministre en charge du développement, en lien avec le ministre de l'économie et des finances et les autres ministres concernés.
Le dernier alinéa de l'article prévoit que ce rapport fasse l'objet d'un débat annuel « en séance publique (...) à l'Assemblée nationale et au Sénat ». Cette disposition est inutile : elle n'est pas nécessaire pour que ce débat ait lieu et ne saurait contraindre l'ordre du jour des deux assemblées. Il est prévu, par ailleurs, qu'un débat ait lieu, sur la base du rapport annuel du Gouvernement, au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) et à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD).
L'Assemblée nationale a avancé la remise de ce rapport, initialement prévue au 15 septembre, au 15 juin , afin de permettre aux parlementaires d'avoir les informations requises en amont du débat budgétaire.
Le contenu du rapport a été, en outre, enrichi par l'Assemblée nationale. Devront être fournis, dans le cadre de ce rapport :
- Une présentation de la contribution des collectivités territoriales et des acteurs territoriaux à l'APD ;
- La liste des pays où l'AFD intervient ;
- Des informations sur la communication relative à l'APD et sa perception par nos concitoyens et par nos partenaires ;
- Les positions défendues par la France au sein des institutions financières internationales ;
- La liste des pays prioritaires ;
- Des éléments sur les progrès réalisés en matière de gouvernance, de droits de l'Homme et de lutte contre la corruption dans les pays bénéficiant de l'APD.
3. Une amélioration de l'information du Parlement
L'amélioration de l'information du Parlement est une évolution positive, de même que le recentrage de ce rapport sur la stratégie suivie et les résultats obtenus , au-delà de la seule information sur les instruments mis en oeuvre.
La quantité ne devra pas nuire à la qualité de l'information fournie. Néanmoins, ce rapport doit être l'occasion de préciser un certain nombre d'informations qui ne sont pas suffisamment explicites dans le cadre existant.
À l'initiative des rapporteurs, la commission a donc enrichi le rapport en demandant l' ajout des informations suivantes :
- Une comparaison des flux d'APD avec les autres flux financiers à destination des pays aidés, en particulier les transferts monétaires effectués par les diasporas et les flux issus de la générosité privée (COM-90) ;
- La répartition des montants de l'aide publique au développement française entre prêts et dons, en distinguant par pays, par programme et par opérateur (COM-92) ;
- Des informations sur la coordination entre acteurs militaires et acteurs de l'aide au développement au Sahel (COM-95), afin de contribuer à un décloisonnement des approches dans cette région où la France mène une stratégie dite des « 3D » (défense, diplomatie, développement).
La commission a également adopté l'amendement COM-146 de M. Requier avançant au 1 er juin la date de remise du rapport, afin de la faire coïncider avec la date limite de dépôt du projet de loi de règlement.
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié
Article
2 bis (nouveau)
Rôle de la société civile
La commission a adopté un amendement COM-88 rect . de Mme Carlotti, portant article additionnel après l'article 2, tendant à reconnaître le rôle essentiel de la société civile dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
La commission a adopté un article 2 bis ainsi rédigé
* 3 Cette étude est basée sur un calcul en année N sur la base des décaissements de l'année N-1.
* 4 OCDE, janvier 2019.
* 5 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
* 6 Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.