B. UNE BAISSE BRUTALE DES RENDEMENTS BETTERAVIERS, AYANT DES IMPACTS MAJEURS TANT POUR LA FILIÈRE AGRICOLE QUE POUR LA PRODUCTION INDUSTRIELLE

Source : ITB

Alors que l'Institut technique de la betterave (ITB) estimait les pertes de rendement historiques dues à la jaunisse en moyenne autour de 5 ou 6 %, ce taux est estimé pour 2020, au regard des premiers arrachages, entre 13 et 20 % sur tout le territoire national, qui inclut pourtant des zones non touchées. Dans certains départements, des pertes moyennes se situeront, sans doute au-delà de 40 voire 50 % . Or pour un agriculteur, un recul du volume arraché compris entre 40 et 50 % représente une perte supérieure à 1 000 euros par hectare .

Les industriels sucriers en France et tout l'écosystème actif dans des territoires ruraux souvent désertés subiront aussi de plein fouet les effets de cette crise. La durée de la campagne des usines sera, le plus souvent, divisée par deux. Or l'industrie sucrière étant capitalistique, les coûts fixes ne seront pas amortis et les pertes industrielles seront donc très importantes .

Les planteurs des zones les plus touchées vont donc être confrontés, cette année, à des pertes massives qui ne les inciteront pas à semer de nouveau l'année prochaine, s'ils n'ont pas la garantie de n'être pas confrontés aux mêmes difficultés. À défaut, la conjonction de deux phénomènes, une baisse de rendements due à une éventuelle nouvelle jaunisse et une réduction des surfaces plantées, entraînera la fermeture de sites de production ayant des impacts, en chaîne, sur tout un système économique rural ancré dans les territoires et engendrant une réduction de la souveraineté économique française.

Ces menaces sur un recul massif de la production betteravière faute de semis suffisants en 2021 sont réelles et auraient des impacts économiques majeurs . Compte tenu de la difficulté à transporter la betterave et de la fragilité de la denrée, les distances entre les champs et la sucrerie sont très réduites (environ 32 kilomètres en France). L'avenir d'une sucrerie dépend donc de celui de ses planteurs : sans eux, elle disparaît, à défaut de produits de substitution. Cela sera aussi le cas des transporteurs, des entreprises de travaux agricoles, du matériel... S'en suivra dès lors un plan social massif pour 45 000 emplois, directs et indirects, créés par la filière, et un risque de recul de la production de sucre , menaçant la souveraineté française, le sucre étant un intrant majeur dans plusieurs industries, agroalimentaires mais aussi chimiques, pharmaceutiques, pour les carburants... C'est également cette filière qui produit le gel hydroalcoolique aujourd'hui essentiel pour lutter contre l'épidémie de coronavirus.

Ces fermetures de sites engendreraient à terme un risque d'importations de sucre . Cela serait une aberration écologique car non seulement le bilan carbone d'un tel transport n'est plus à démontrer, mais, en outre, le sucre importé proviendra de semences enrobées de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes, autorisés à l'étranger.

Une telle situation serait d'autant plus paradoxale que l'impact environnemental de notre production de sucre a considérablement diminué , en réduisant par exemple leurs émissions de gaz à effet de serre de plus de 40 % en 20 ans environ.

Enfin, la betterave permet, par la pulpe, de fournir une alimentation en circuit court à nos élevages .

Par conséquent, défendre cette filière en assurant une transition réaliste vers des solutions alternatives viables permettra de défendre une alimentation locale et durable.

C'est pour conjurer ces risques et garantir des semis suffisants l'année prochaine que le Gouvernement s'est engagé à octroyer une dérogation temporaire à l'usage de néonicotinoïdes aux planteurs de betteraves . Cela nécessite de modifier l'interdiction issue de la loi biodiversité.

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