B. LA RÉAFFECTATION DES DÉPENSES FISCALES SUPPRIMÉES EN DÉPENSES BUDGÉTAIRES DEVRA ÊTRE ÉVALUÉE DANS LA DURÉE
Parallèlement à ces mesures de rationalisation, la précédente loi de finances a supprimé ou limité deux dépenses fiscales :
- la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), qui représentait une dépense fiscale annuelle de 100 millions d'euros, a été supprimée 14 ( * ) . Vos rapporteurs spéciaux, qui avaient relevé que cette dernière était jugée opaque, non ciblée, difficile à contrôler et à chiffrer sans qu'aucun impact réel sur les prix ou sur l'économie ultramarine ne puisse être établi, ne s'étaient pas opposés à cette suppression ;
Le fonctionnement de la TVA non perçue récupérable L'article 295 du code général des impôts prévoyait une série d'exonérations de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au profit des départements d'outre-mer. En particulier, le 5° du 1 de l'article 295 précité exonérait de TVA, dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion 15 ( * ) : - les importations de matières premières et de produits dont la liste, fixée « par arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances et du ministre d'État chargé des départements d'outre-mer » est établie au 1 de l'article 50 undecies et au I de l'article 50 duodecies de l'annexe IV du code général des impôts ; - la vente et les livraisons à soi-même des produits similaires fabriqués localement. L'article 30 de la loi du 27 mai 2009 16 ( * ) a inscrit le principe de la TVA NPR dans la loi , en créant un article 295 A au sein du code général des impôts. Cette déduction ne s'appliquait qu'aux « biens d'investissement neufs » acquis ou importés. Le taux normal de TVA était, dans ces territoires, de 8,5 %, la subvention à l'achat de tels biens s'élevait donc à 8,5 % du montant des biens d'investissement neufs. Source : commission des finances |
- La réduction d'impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, dont les limites ont été abaissées 17 ( * ) . Vos rapporteurs spéciaux avaient à cet égard estimé que l'efficacité de cette dépense fiscale était sujette à caution, et que ses effets étaient concentrés sur les hauts revenus, en contradiction avec la finalité de l'impôt sur le revenu et ne s'étaient donc pas opposés à son recentrage 18 ( * ) .
La réduction de l'impôt sur le revenu dans les DOM D'une manière générale, le calcul de l'impôt sur le revenu obéit aux mêmes règles dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte) que dans l'hexagone. Ainsi, l'impôt brut obtenu en appliquant le même barème qu'en métropole supporte, s'il y a lieu, le plafonnement des effets du quotient familial. Toutefois, en vertu d'une disposition en vigueur depuis 1960, modifiée et codifiée depuis lors au 3 du I de l'article 197 du code général des impôts (CGI), pour les contribuables domiciliés dans ces départements, le montant de l'impôt obtenu par application du barème est diminué d'une certaine proportion. Avant le 1 er janvier 2019, le montant de l'impôt ainsi déterminé était ainsi réduit : - de 30 % dans la limite de 5 100 euros, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ; - de 40 % dans la limite de 6 700 euros, pour les contribuables domiciliés dans le département de Guyane et de Mayotte. La loi de finances pour 2019 a modifié les limites de cette réduction selon les modalités suivantes : Source : commission des finances du Sénat |
Le Gouvernement s'était engagé à « convertir » cette dépense fiscale en dépenses budgétaires, considérées comme plus « pilotables ».
Aussi, en contrepartie de la suppression du mécanisme de la TVA NPR, le gouvernement avait prévu de mobiliser l'équivalent de cette dépense fiscale en dépense budgétaire, soit 100 millions d'euros, afin de favoriser le développement économique des territoires rassemblés principalement dans la nouvelle action 04 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer ».
De même, le gain budgétaire dégagé par l'abaissement de la réduction d'impôt sur le revenu devait être dédié au financement de l'abondement supplémentaire du fonds exceptionnel d'investissement (FEI).
Vos rapporteurs spéciaux avaient indiqué que si cette volonté de rationalisation était bienvenue, elle devait être accueillie avec une extrême prudence. Si le caractère pilotable des dépenses budgétaires permet un meilleur ciblage que la dépense fiscale, il n'offre aucune garantie quant à leur pérennité. Cette question se pose, par ailleurs, avec une prégnance particulière pour le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui a déjà fait l'objet, par le passé, de promesses d'abondement qui n'ont pas été honorées, ou de sous-exécutions importantes, comme en 2018 (cf. infra ).
De même, s'il convient de relever que la nouvelle l'action 04 « Financement de l'économie » du programme 138 voit ses crédits maintenus conformément aux engagements gouvernementaux, vos rapporteur spéciaux ne disposent, par définition, d'aucun recul quant à ses taux d'exécution passés.
Au total, la sincérité de la conversion des dépenses fiscales en dépenses budgétaires pilotables ne pourra donc être pleinement appréciée que dans la durée . Il convient, en outre, de relever que d'autres dépenses pilotables de la mission, qui n'avaient pas fait l'objet d'un engagement ferme de la part du gouvernement (notamment ceux de l'action n°01 « Logement » du programme 138) subissent des baisses importantes.
* 14 Article 17 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
* 15 La Guyane était exclue de ces exonérations, la TVA ne s'y appliquant pas.
* 16 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer - art. 30 (V).
* 17 Article 15 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
* 18 Rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.