III. DES DÉPENSES FISCALES AYANT FAIT L'OBJET D'IMPORTANTS RECENTRAGES
A. DES DÉPENSES FISCALES DÉPASSANT LES 5 MILLIARDS D'EUROS, FAISANT L'OBJET D'UNE RATIONALISATION PROGRESSIVE
1. Une dépense fiscale supérieure à 5 milliards d'euros dans les outre-mer en 2020
Le montant de la dépense fiscale en faveur de l'outre-mer devrait à nouveau dépasser les 5 milliards d'euros en 2020.
Dépenses fiscales associées à la mission
(en millions d'euros)
Dispositif |
Base légale |
Impôt concerné |
Chiffrage pour 2015 |
Chiffrage pour 2016 |
Chiffrage pour 2017 |
Chiffrage pour 2018 |
Chiffrage pour 2019 |
Chiffrage pour 2020 |
Taux de TVA minoré |
Art. 296 du code général des impôts (CGI) |
TVA |
1 300 |
1 450 |
1 450 |
2 070 |
2 130 |
2 185 |
Défiscalisation des investissements productifs |
Art. 199 undecies B du CGI |
IR |
282 |
282 |
304 |
335 |
313 |
313 |
Défiscalisation des investissements en matière de logement |
Art. 199 undecies A et 199 undecies D du CGI |
IR |
180 |
138 |
110 |
100 |
70 |
72 |
Défiscalisation dans le logement social |
Art. 199 undecies C |
IR |
202 |
225 |
205 |
148 |
68 |
70 |
Réduction du barème de l'impôt sur le revenu |
Art. 197-I-3 du CGI |
IR |
384 |
405 |
405 |
405 |
362 |
362 |
Défiscalisation des investissements productifs |
Art. 217 undecies et 217 duodecies du CGI |
IS |
140 |
97 |
60 |
67 |
65 |
nc |
Exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers |
Art. 295 du CGI |
TVA |
158 |
154 |
154 |
180 |
180 |
180 |
TVA dite « non perçue récupérable » |
Art. 295 A du CGI |
TVA |
100 |
100 |
100 |
100 |
0 |
0 |
Exclusion du champ d'application de la TICPE |
Art. 267 du code des douanes |
TICPE |
940 |
996 |
1 055 |
1 534 |
1 534 |
1 534 |
Crédit d'impôt pour les investissements productifs |
Art. 244 quater W du CGI |
IR et IS |
- |
40 |
85 |
110 |
110 |
106 |
Crédit d'impôt pour les investissements dans le logement social |
Art. 244 quater X du CGI |
IS |
- |
- |
27 |
70 |
60 |
60 |
Autres dépenses fiscales rattachées à la mission (hors dépenses fiscales sur impôts locaux) |
152 |
176 |
491 |
545 |
445 |
449 |
||
Total (en estimant constants, en 2020 le coût des dispositifs non chiffrés) |
3 853 |
3 994 |
4 093 |
5 513 |
5 290 |
5 048 |
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020
2. Un effort de rationalisation de la défiscalisation ne devant pas entrainer une baisse de l'effort de l'État en faveur des outre-mer
Un quart de cette dépense porte sur les dispositifs de défiscalisation . Ces dispositifs d'aide fiscale sont issus, dans leur première mouture, des dispositions de la loi de finances rectificative pour 1986 du 11 juillet 1986 (« loi Pons »), et ont fait l'objet de nombreux aménagements depuis lors. Ils ont ainsi été restreints en 2001 (« loi Paul » 6 ( * ) ), étendus en 2003 (« Girardin immobilier » 7 ( * ) ), puis plafonnés à 18 000 euros au total par contribuable en loi de finances pour 2013 8 ( * ) .
Ils ont été mis en place pour compenser les contraintes particulières pesant sur les économies ultramarines, qui rendent ces dispositifs « vitaux » 9 ( * ) . À ce titre, ils sont considérés par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie 10 ( * ) , car considérées comme de faible ampleur sur la concurrence et de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.
La baisse de la dépense fiscale associée s'explique par le fait que certains dispositifs sont en extinction progressive (199 undecies A du code général des impôts), tandis que d'autres ont été préservés mais revus dans les lois de finances pour 2014 et 2016.
Le législateur a par ailleurs opté pour une montée en puissance des dispositifs de crédit d'impôt (244 quater W et 244 quater X du code général des impôts), au détriment de la défiscalisation classique. Le crédit d'impôt représente une économie pour les finances publiques, l'État n'ayant plus à verser une incitation fiscale aux tiers-investisseurs. Ces dispositifs répondent en partie aux critiques adressées par la Cour des comptes, qui relevait que « pour les investissements productifs, seulement 60 % des réductions d'impôt reviennent, indirectement, aux entreprises d'outre-mer et 40 % bénéficient aux contribuables-investisseurs, alors qu'ils ne courent pratiquement aucun risque 11 ( * ) », même si en contrepartie ils doivent utiliser leur trésorerie.
Ce mouvement s'illustre dans l'évolution de la dépense fiscale. Alors que la réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements dans le secteur locatif social, prévue à l'article 199 undecies C 12 ( * ) du code général des impôts représentait près de 300 millions d'euros en 2012, elle devrait s'élever à moins de 70 millions d'euros en 2020. Parallèlement, le crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X pour les mêmes types d'investissement connaît une montée en puissance progressive depuis sa création et s'est élevé à 60 millions d'euros en 2018.
L'article 30 de la loi de loi de finances pour 2019 13 ( * ) a poursuivi ce mouvement général de rationalisation, en prévoyant l'extinction progressive de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts au profit du crédit d'impôt.
Si ces évolutions participent d'une volonté de rationalisation justifiable, vos rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler que le crédit d'impôt compense la baisse de la dépense fiscale relative à la réduction d'impôt.
Dépense fiscale relative à la
réduction et au crédit d'impôt en faveur
de la
construction de logements sociaux outre-mer
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
En outre, vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il convient de maintenir un effort budgétaire constant en matière de financement du logement outre-mer, le bon fonctionnement des crédits d'impôts nécessitant notamment l'existence de dispositifs de préfinancement efficaces. Vos rapporteurs spéciaux regrettent à cet égard que la ligne budgétaire unique fasse l'objet d'importantes baisses de crédit en 2020 (cf. infra ).
* 6 Loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.
* 7 Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.
* 8 Article 73 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.
* 9 « L'aide fiscale à l'investissement outre-mer, levier incontournable du développement : 10 propositions pour en optimiser l'impact », Rapport d'information n° 628-(2012-2013) d'Éric Doligé et Serge Larcher.
* 10 Règlement d'exemption n° 651/2014 de la commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC).
* 11 Cour des comptes, rapport public annuel de 2012.
* 12 Ce dispositif permet aux contribuables personnes physiques de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition, de la construction de logements neufs ou de l'acquisition de logements achevés depuis plus de vingt ans qui font l'objet d'une réhabilitation dans les départements et collectivités d'outre-mer. Son taux est fixé à 50 % et son assiette est constituée du prix de revient des immeubles, minoré de certains frais ou subventions.
* 13 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019