B. LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE LIÉE AU SIGNAL
Le contentieux relatif à l'immeuble Le Signal est fondé sur trois recours pour excès de pouvoir , introduits entre le 18 avril 2013 et le 30 mai 2013 par le syndicat secondaire Le Signal et deux questions prioritaires de constitutionnalité , soulevées respectivement le 18 avril 2013 et le 23 octobre 2017 :
- la première requête (n° 1301417), enregistrée le 18 avril 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision municipale du 18 février 2013 refusant de réaliser les travaux de consolidation du rivage aux abords de la résidence ;
- par un mémoire distinct, enregistré le 18 août 2014, les copropriétaires ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 qui dispose que la défense contre la mer incombe aux propriétaires du bien exposé, sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d'accorder des secours sur les fonds publics ;
- la seconde requête (n° 1301705), enregistrée le 15 mai 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc du 18 mars 2013 refusant également la mise en oeuvre d'une protection ;
- la troisième requête (n° 1301938), enregistrée le 30 mai 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du préfet de la Gironde rendue par le silence gardé pendant deux mois après l'introduction d'une demande des copropriétaires en date du 30 janvier 2013, visant à la mise en place d'une protection autour de la résidence et, à titre subsidiaire, à la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement ;
- par mémoire distinct, enregistré le 23 octobre 2017, les copropriétaires ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Deux moyens étaient soulevés : d'une part, l'atteinte au principe d'égalité devant la loi , entre le propriétaire d'un bien situé sur un terrain exposé au risque d'érosion et le propriétaire d'un bien situé sur un terrain menacé par l'un des risques mentionnés à l'article L. 561-1 du code de l'environnement et, d'autre part, l'atteinte au droit de propriété .
Par un jugement du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande du syndicat secondaire Le Signal et jugé que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne présentait pas de caractère sérieux 5 ( * ) .
Les copropriétaires ont interjeté appel de ce jugement. La cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif dans un arrêt rendu le 9 février 2016 6 ( * ) .
Dans sa décision n° 398671 du 30 novembre 2016, le Conseil d'État a admis les conclusions du pourvoi en cassation du syndicat secondaire Le Signal dirigé contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur le refus du préfet de mettre en oeuvre la procédure d'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Un mémoire distinct de question prioritaire de constitutionnalité a également été transmis à l'appui.
Par une décision du 17 janvier 2018 7 ( * ) , le Conseil d'État a accepté de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et a sursis à statuer en attendant sa décision. Celui-ci a rendu sa décision le 6 avril dernier et conclu à la conformité à la Constitution des dispositions contestées 8 ( * ) .
Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi , le Conseil constitutionnel relève d'abord que les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement n'incluent pas le risque d'érosion côtière et qu'ainsi « le législateur n'a pas entendu instituer un dispositif de solidarité pour tous les propriétaires d'un bien exposé à un risque naturel, mais uniquement de permettre d'exproprier, contre indemnisation, ceux exposés à certains risques naturels » (point 7), rappelant qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété , le Conseil constitutionnel explique que « si la procédure d'expropriation s'accompagne d'une indemnisation du propriétaire, son objet principal est de priver le propriétaire de son bien. Dès lors, il ne saurait résulter de l'absence d'application de cette procédure au propriétaire d'un bien soumis à un risque d'érosion côtière une atteinte au droit de propriété » (point 11).
La décision précise enfin que « si le maire peut, dans le cadre de son pouvoir de police, prescrire l'exécution des mesures de sûreté exigées par la prévention des accidents naturels, au nombre desquels figure l'érosion côtière, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel, qui n'est pas saisi des dispositions en vertu desquelles de telles mesures peuvent être ordonnées, d'examiner l'argument tiré de ce qu'il en résulterait une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété ».
L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État, qui devrait se prononcer en juin.
Une fois cette décision rendue, signifiant l'épuisement des voies de recours interne pour les copropriétaires en cas de rejet de leur demande, ces derniers pourront ultimement saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) . Au-delà de la longueur des procédures et du nouvel allongement du contentieux résultant d'une saisine de la CEDH, votre rapporteure est confiante dans la capacité de cette juridiction européenne à trancher en faveur des copropriétaires, au regard de sa jurisprudence exigeante concernant le droit de propriété et le délai raisonnable de jugement .
* 5 Jugement n° 1301417-1301705-1301938, lecture du 25 septembre 2014.
* 6 Arrêt n° 14BX03289, lecture du 9 février 2016.
* 7 Décision n° 398671, lecture du 17 janvier 2018.
* 8 Décision n° 2018-698 QPC du 6 avril 2018.