Rapport n° 439 (2017-2018) de Mme Nelly TOCQUEVILLE , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 18 avril 2018
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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AVANT-PROPOS
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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ARTICLE UNIQUE
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 439
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 avril 2018 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d' indemnisation pour les interdictions d' habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte ,
Par Mme Nelly TOCQUEVILLE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien . |
Voir les numéros :
Sénat : |
307 et 440 (2017-2018) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSIONLors de sa réunion du mercredi 18 avril 2018 , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté, sous la présidence de M. Hervé Maurey , le rapport de Mme Nelly Tocqueville sur la proposition de loi n° 307 (2017-2018) visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte. Ce texte a pour objet de répondre aux conséquences du recul du trait de côte sur la situation des copropriétaires de l'immeuble Le Signal , situé à Soulac-sur-Mer, frappés par un arrêté d'interdiction d'occuper l'immeuble, compte tenu d'un risque d'effondrement consécutif à une importante et rapide érosion dunaire . La rapporteure et les membres de la commission ont insisté sur le caractère kafkaïen du dossier de l'immeuble du Signal et sur la situation extrêmement préoccupante des copropriétaires, dont la détresse augmente au fil du temps. Depuis quatre ans, ceux-ci se sont vu interdire l'accès à leur bien immobilier, qui représente pour beaucoup le fruit d'une vie de travail, sans pour autant avoir été expropriés en droit. L'attitude des services de l'État et de la commune pose question : sous couvert d'éviter de créer un précédent pour l'utilisation du « fonds Barnier », l'État a laissé la situation se dégrader sans proposer de solution aux copropriétaires. Votre commission rappelle que la construction de cet immeuble, vestige d'un vaste projet d'aménagement abandonné à Soulac-sur-Mer, relève de la responsabilité de l'État puisque c'est la préfecture de la Gironde qui avait délivré le permis de construire. Elle estime que la présente proposition de loi permet d'apporter une réponse rapide, juste et humaine à une situation ubuesque, et l'a en conséquence adopté à l'unanimité . Votre raporteure attire toutefois l'attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier la rédaction du texte sur un point, afin de prévoir un transfert de propriété de l'immeuble vers l'État. L'article 40 de la Constitution ne permet malheureusement pas à votre commission de proposer cet ajustement. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Construit à plus de 200 mètres du rivage en 1967, sur autorisation accordée par le préfet de la Gironde, l'immeuble Le Signal , situé boulevard du Front de Mer à Soulac-sur-Mer en Gironde, est aujourd'hui à moins de 10 mètres de l'océan.
Depuis plus de quatre ans, les 75 copropriétaires ont l'interdiction d'accéder à l'immeuble, qui menace de s'effondrer du fait d'une érosion dunaire particulièrement rapide.
Au-delà de la privation de la jouissance de la propriété des personnes concernées, qui n'a fait l'objet d'aucune indemnisation, ce dossier soulève la question plus globale des conséquences du recul du trait de côte pour les biens et les personnes.
Les origines et l'évolution du dossier mettent en lumière une situation particulièrement complexe et inextricable, dont la spécificité demande la mise en place d'un dispositif lui-même exceptionnel. L'affaire peut être qualifiée d'ubuesque au regard de l'implication et des responsabilités étatiques. C'est, en effet, l'État qui a décidé de lancer une opération d'aménagement de grande ampleur à Soulac-sur-Mer, et c'est encore lui qui a accordé le permis de construire en 1965. Il ne pouvait ignorer à cette époque que plusieurs immeubles de front de mer étaient déjà tombés de la falaise dunaire à Soulac-sur-Mer en 1928 et dans les années 1930, puisqu'il était à l'initiative de la consolidation de la dune.
Depuis l'évacuation de l'immeuble, cependant, son action se fait encore attendre auprès des propriétaires qui se sentent abandonnés. Les personnes entendues par votre rapporteure ont rapporté avoir cruellement manqué d'informations de la part tant des services de l'État que de la mairie au sujet de l'évolution de l'érosion et de la réalité des initiatives conduites pour mettre en oeuvre une solution. Ils n'ont, par exemple, pris connaissance de rapports d'expertise que plusieurs années après leur élaboration.
En outre, en 2014, le ministre de l'Écologie Philippe Martin s'étant rendu sur place avait annoncé la prise en main de la situation et un règlement « rapide et efficace ». Quatre années plus tard, celui-ci se fait toujours attendre.
Déposée au Sénat le 16 février dernier par Françoise Cartron, Laurence Harribey, Philippe Madrelle et les membres du groupe Socialiste et républicain, la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte doit résoudre cette situation ubuesque et kafkaïenne, qui n'a que trop duré .
Il est maintenant essentiel que le Gouvernement prenne ses responsabilités afin de régler le problème de l'indemnisation et de la propriété de l'immeuble .
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LE SIGNAL : VESTIGE D'UN PROJET D'AMÉNAGEMENT OUBLIÉ
Au tournant des années 1960, l'État s'est engagé dans une politique volontariste d'aménagement du territoire , qui s'est traduite par la création du Comité interministériel de l'aménagement du territoire (CIAT), suivi de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Cette dernière a ensuite créé des missions d'aménagement interministérielles dans les régions pour coordonner l'ensemble des acteurs (services de l'État, collectivités territoriales, opérateurs privés) à une échelle intermédiaire entre l'État et le département.
Ainsi, dans le cadre de l'ancienne Mission interministérielle pour l'aménagement de la côte aquitaine (MIACA), active des années 1960 à la fin des années 1980, un grand ensemble de constructions était prévu à Soulac-sur-Mer en Gironde sur 19 hectares de terrain, 4 ares et 3 centiares 1 ( * ) : le programme immobilier défini à l'époque devait s'organiser autour d'un ensemble immobilier de 800 mètres de long en bordure de mer, dont un hôtel de luxe , un grand boulevard , une thalassothérapie et 1 200 logements .
Compte tenu de la défaillance de l'aménageur retenu par les pouvoirs publics, seul l'immeuble Le Signal a été effectivement réalisé . Les terrains dunaires alentours non utilisés sont redevenus la propriété de la commune de Soulac-sur-Mer 2 ( * ) .
Le permis de construire a été accordé le 28 avril 1965 par le préfet de la Gironde et était conforme à la réglementation en vigueur. Il n'est fait mention d'aucune disposition particulière sur la protection contre le recul du trait de côte.
À l'époque de sa construction, en 1967, l'immeuble se situait à 200 mètres du rivage . Aujourd'hui, le Signal est à moins de 10 mètres de l'océan et menace de tomber. Les phénomènes d'érosion et de recul du trait de côte ne font que s'amplifier, en particulier à cause des perturbations météorologiques exceptionnelles.
Un rapport d'expertise, produit à la demande du syndicat secondaire Le Signal sur ordre du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en 2012, relève ainsi que des reculs importants étaient connus dans le premier tiers du XXème siècle à Soulac-sur-Mer. Si le littoral a ensuite peu évolué entre 1930 et 1960, il semble qu'il y a eu une forme d'oubli lors de l'aménagement des parcelles côtières en cause.
Ce phénomène de recul du trait de côte est bien connu sur la côte aquitaine entre la pointe du Médoc et la frontière espagnole et il est particulièrement actif dans le secteur de Soulac. Ainsi, selon l'Observatoire de la Côte d'Aquitaine, le trait de côte recule de 2,5 mètres en Gironde chaque année et d'1,7 mètre dans les Landes. D'ici 2025, 10 kilomètres de côte sableuse sont menacés.
Dans le cas du Signal, le recul du trait de côte est de 5 à 7 mètres par an en moyenne , accentué notamment par la présence d'une digue à proximité, qui protège le quartier de l'Amélie à Soulac-sur-Mer et qui a tendance à accélérer les courants et à empêcher le sable de se déposer.
Carte de la Pointe-du-Médoc
Source : Observatoire de la côte aquitaine.
Le phénomène d'érosion
Source : Observatoire de la côte aquitaine.
II. UN DOSSIER JURIDIQUEMENT COMPLEXE, QUI APPELLE UN TRAITEMENT LEGISLATIF SPÉCIFIQUE
A. DES PREMISSES DE L'AFFAIRE À L'EVACUATION DES HABITANTS
Le dossier Le Signal comprend, outre des échanges et courriers informels, de nombreuses décisions administratives rendues par la mairie de Soulac-sur-Mer et la préfecture de la Gironde ainsi que les requêtes introduites par les copropriétaires auprès de la juridiction administrative.
L'affaire occupe ainsi les copropriétaires depuis plus de dix ans.
En 1996, la compétence en matière de protection de l'environnement et en particulier en matière de lutte contre l'érosion sur le littoral atlantique a été transférée, par arrêté du préfet de la Gironde du 13 juin 1996, de la commune de Soulac-sur-Mer au district de la Pointe du Médoc, auquel la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc a ensuite succédé.
Par un arrêté pris le 28 mars 2003, le préfet de la Gironde a autorisé la communauté de communes de la Pointe du Médoc à réaliser des travaux de protection contre l'érosion marine autour du Signal , notamment la mise en place d'un système de drainage côtier (procédé Ecoplage). Mais cet équipement n'a jamais été installé.
À partir des années 2000, les copropriétaires du Signal se sont mobilisés pour envisager les solutions qui pourraient être apportées à leur situation d'occupation précaire. De nombreux échanges ont eu lieu avec le sénateur-maire de Soulac-sur-Mer sans que des décisions soient arrêtées.
Classé en zone rouge (inconstructible) du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte de la commune de Soulac-sur-Mer, approuvé par arrêté du préfet de la Gironde le 28 juin 2004, Le Signal a fait l'objet d'un diagnostic géotechnique, sur demande de la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc en 2010, pour évaluer la structure du cordon dunaire qui le supporte et envisager la faisabilité de la réalisation de travaux d'urgence de lutte contre l'érosion.
Par un arrêté du 2 décembre 2011 , modifié le 23 avril et le 25 octobre 2012 , le maire de Soulac-sur-Mer a ainsi estimé que la résidence était exposée à un péril grave et imminent du fait du recul du trait de côte. Un dispositif a été mis en place, constitué de piquets de repérage en crête de dune, d'observations visuelles par les agents municipaux chaque semaine, ainsi qu'à chaque coefficient de marée supérieur à 80 et lors d'évènements météorologiques exceptionnels, et de mesures de pré-alerte et d'alerte. Dès lors que la distance entre le bâtiment et la crête de la dune devenait inférieure à un seuil de vingt mètres, l'évacuation de l'immeuble devait être ordonnée, avec un relogement temporaire pendant le temps nécessaire au déménagement 3 ( * ) .
À la demande des copropriétaires de la résidence, une expertise a ensuite été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux le 22 mars 2012 , à partir de laquelle le syndicat secondaire de l'immeuble a demandé à la commune et à la communauté de communes la réalisation de travaux de consolidation du rivage aux abords de la résidence.
Par une décision du 18 février 2013 , le maire de Soulac-sur-Mer a rejeté cette demande et, par décision du 18 mars 2013 , le président de la communauté de communes de la Pointe du Médoc a également rejeté cette demande, compte tenu d'un coût de protection de 17 millions d'euros qui dépassait largement la valeur de l'immeuble, évaluée à 10 millions d'euros sans prendre en compte le risque de recul du trait de côte.
La préfecture de la Gironde a rendu une décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois sur la double demande des copropriétaires en date du 30 janvier 2013, visant d'une part à obtenir la protection de l'immeuble et, d'autre part, à bénéficier du régime de l'expropriation prévu par l'article L. 561-1 du code de l'environnement.
Enfin, le 24 janvier 2014 , un arrêté municipal pris par le maire de Soulac-sur-Mer a donné aux résidents l'ordre d'évacuer et posé l'interdiction d'occuper l'immeuble, compte tenu de la dangerosité de la situation, avec prise d'effet le 29 janvier 2014 4 ( * ) . Les habitants ont été invités à déménager pour le 28 février 2014 au plus tard. Un arrêté complémentaire du 11 juin 2014 a interdit l'accès au bâtiment.
A l'heure actuelle, la situation est inextricable : les habitants sont privés de la jouissance de leur bien et du fruit de leur propriété par l'arrêté municipal du 24 janvier 2014. Ils restent cependant propriétaires puisque cet arrêté ne s'est pas accompagné d'un arrêté d'expropriation, qui leur aurait permis d'être indemnisés. Ainsi les habitants se retrouvent expropriés de facto mais non de jure . Ils pourront par conséquent voir leur responsabilité engagée en cas d'accident consécutif de la chute de l'immeuble.
B. LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE LIÉE AU SIGNAL
Le contentieux relatif à l'immeuble Le Signal est fondé sur trois recours pour excès de pouvoir , introduits entre le 18 avril 2013 et le 30 mai 2013 par le syndicat secondaire Le Signal et deux questions prioritaires de constitutionnalité , soulevées respectivement le 18 avril 2013 et le 23 octobre 2017 :
- la première requête (n° 1301417), enregistrée le 18 avril 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision municipale du 18 février 2013 refusant de réaliser les travaux de consolidation du rivage aux abords de la résidence ;
- par un mémoire distinct, enregistré le 18 août 2014, les copropriétaires ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 qui dispose que la défense contre la mer incombe aux propriétaires du bien exposé, sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d'accorder des secours sur les fonds publics ;
- la seconde requête (n° 1301705), enregistrée le 15 mai 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc du 18 mars 2013 refusant également la mise en oeuvre d'une protection ;
- la troisième requête (n° 1301938), enregistrée le 30 mai 2013, visait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du préfet de la Gironde rendue par le silence gardé pendant deux mois après l'introduction d'une demande des copropriétaires en date du 30 janvier 2013, visant à la mise en place d'une protection autour de la résidence et, à titre subsidiaire, à la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement ;
- par mémoire distinct, enregistré le 23 octobre 2017, les copropriétaires ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Deux moyens étaient soulevés : d'une part, l'atteinte au principe d'égalité devant la loi , entre le propriétaire d'un bien situé sur un terrain exposé au risque d'érosion et le propriétaire d'un bien situé sur un terrain menacé par l'un des risques mentionnés à l'article L. 561-1 du code de l'environnement et, d'autre part, l'atteinte au droit de propriété .
Par un jugement du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande du syndicat secondaire Le Signal et jugé que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne présentait pas de caractère sérieux 5 ( * ) .
Les copropriétaires ont interjeté appel de ce jugement. La cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif dans un arrêt rendu le 9 février 2016 6 ( * ) .
Dans sa décision n° 398671 du 30 novembre 2016, le Conseil d'État a admis les conclusions du pourvoi en cassation du syndicat secondaire Le Signal dirigé contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur le refus du préfet de mettre en oeuvre la procédure d'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Un mémoire distinct de question prioritaire de constitutionnalité a également été transmis à l'appui.
Par une décision du 17 janvier 2018 7 ( * ) , le Conseil d'État a accepté de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et a sursis à statuer en attendant sa décision. Celui-ci a rendu sa décision le 6 avril dernier et conclu à la conformité à la Constitution des dispositions contestées 8 ( * ) .
Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi , le Conseil constitutionnel relève d'abord que les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement n'incluent pas le risque d'érosion côtière et qu'ainsi « le législateur n'a pas entendu instituer un dispositif de solidarité pour tous les propriétaires d'un bien exposé à un risque naturel, mais uniquement de permettre d'exproprier, contre indemnisation, ceux exposés à certains risques naturels » (point 7), rappelant qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété , le Conseil constitutionnel explique que « si la procédure d'expropriation s'accompagne d'une indemnisation du propriétaire, son objet principal est de priver le propriétaire de son bien. Dès lors, il ne saurait résulter de l'absence d'application de cette procédure au propriétaire d'un bien soumis à un risque d'érosion côtière une atteinte au droit de propriété » (point 11).
La décision précise enfin que « si le maire peut, dans le cadre de son pouvoir de police, prescrire l'exécution des mesures de sûreté exigées par la prévention des accidents naturels, au nombre desquels figure l'érosion côtière, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel, qui n'est pas saisi des dispositions en vertu desquelles de telles mesures peuvent être ordonnées, d'examiner l'argument tiré de ce qu'il en résulterait une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété ».
L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État, qui devrait se prononcer en juin.
Une fois cette décision rendue, signifiant l'épuisement des voies de recours interne pour les copropriétaires en cas de rejet de leur demande, ces derniers pourront ultimement saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) . Au-delà de la longueur des procédures et du nouvel allongement du contentieux résultant d'une saisine de la CEDH, votre rapporteure est confiante dans la capacité de cette juridiction européenne à trancher en faveur des copropriétaires, au regard de sa jurisprudence exigeante concernant le droit de propriété et le délai raisonnable de jugement .
III. LA DIMENSION HUMAINE DU DOSSIER : ENTRE FANTASMES ET RÉALITÉ, DES CITOYENS QUI SE SENTENT ABANDONNES PAR LES POUVOIRS PUBLICS
Votre rapporteure souhaite souligner le caractère dramatique de la situation vécue et subie par les propriétaires, qui ne peuvent que constater l'état de désolation de l'immeuble, vandalisé à plusieurs reprises en dépit de nombreuses plaintes.
La longueur des procédures et l'absence de solutions représentent de lourdes épreuves physiques et morales pour les propriétaires, dont près de 80 % sont âgés de plus de 60 ans .
Depuis l'évacuation de l'immeuble, quatre ans plus tôt, douze copropriétaires sont décédés .
Le Signal n'est pas un lieu luxueux et les désormais ex-habitants sont des personnes de condition modeste , pour l'essentiel des retraités, fonctionnaires, ouvriers, artisans ou commerçants qui ont investi leurs économies dans cette acquisition. Certains doivent encore rembourser des dettes jusqu'en 2020 voire 2030. Les habitants permanents, au nombre de neufs, ont du se reloger et acquitter un loyer, tandis que ceux qui attendaient de pouvoir profiter de leur logement pour leur retraite ont dû renoncer à leur projet.
Un rapport d'estimation, auquel votre rapporteure a pu avoir accès, rappelle ainsi que les bâtiments A, B et C de l'ensemble résidentiel regroupent des appartements d'une taille relativement modeste (24 T 3 traversant d'environ 73 m 2 , 24 T 2 d'environ 49 m 2 côté Mer, 24 studios côté Boulevard). Les prestations fournies demeurent simples : il n'y a ni gardien, ni ascenseur, ni interphone et les finitions sont d'origine (sol dalflex, murs tapisserie ou crépi, équipement sanitaires et de cuisine simples et sans finition sortant de l'ordinaire). Selon les types d'appartement, les prix varient entre 1 600 et 2 300 euros le m 2 .
Toujours propriétaires de leurs appartements, ils continuent cependant d'assumer les frais de syndic de copropriété . À cela s'ajoutent ceux liés à la procédure contentieuse (100 000 euros de frais d'avocat depuis 2012, d'après ce que nous ont dit leurs représentants). Votre rapporteure souhaite également rappeler qu'un travail de ravalement a été réalisé sur l'immeuble en 2008, pour un montant total de 700 000 euros selon les copropriétaires.
La question des successions est également apparue comme un problème pour leurs descendants, qui sont en contact avec l'administration fiscale pour estimer la valeur de cette transmission...
Au-delà, le traitement des copropriétaires par les services de la commune et de l'État semble discutable : le syndicat secondaire Le Signal rapporte ainsi que plusieurs rapports d'expertise leur ont été communiqués un voire deux ans après leur mise à disposition auprès des services de l'État.
Ils se sont également interrogés sur le traitement différencié qui leur a été réservé, par rapport notamment au quartier de l'Amélie où une digue a été installée.
Dans son arrêt du 9 février 2018, la Cour administrative d'appel de Bordeaux rappelle toutefois que « si le syndicat secondaire Le Signal fait valoir que le président de la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc et sa famille détiennent des intérêts immobiliers et commerciaux dans le secteur de l'Amélie ou d'importants travaux notamment d'enrochement ont été réalisés, cette seule circonstance ne suffit pas à établir l'existence d'un détournement de pouvoir ». La Cour relève par ailleurs l'importance économique de ce quartier pour la ville de Soulac-sur-Mer.
En 2014, le ministre de l'Écologie Philippe Martin s'était rendu sur place avec le préfet et avait promis « un règlement rapide et équitable ». Votre rapporteure relève que ces deux objectifs, la rapidité et l' équité , ne sont toujours pas atteints quatre ans plus tard.
Le 19 décembre 2015, une proposition d'indemnisation a été formulée aux copropriétaires lors d'une réunion à la préfecture, pour un montant total de 1 500 000 euros soit environ 20 % de la valeur estimée du bien. Cette proposition a été refusée par les copropriétaires.
ARTICLE UNIQUE
Objet : l'article unique de cette proposition de loi vise à apporter une réponse financière satisfaisante à l'actuelle situation des copropriétaires de l'immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer en Gironde.
I. Le droit en vigueur
En l'état actuel du droit, la mobilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, pour l'indemnisation des propriétaires du Signal , n'est pas possible pour deux raisons principales :
- en premier lieu, le législateur n'a pas explicitement classé l' érosion dunaire parmi les risques pouvant être financés par ce fonds (voir encadré ci-dessous) ;
- en second lieu, l'une des conditions d'éligibilité au fonds, consistant en « la menace grave à la vie humaine », ne serait pas remplie en l'espèce.
Ce bâtiment de 78 logements a été construit en 1976 et se situait alors à 200 mètres de la mer. Aujourd'hui, une dizaine de mètres seulement le sépare du rivage. Le recul du trait de côte sur ce littoral est de 5 à 7 mètres par an en moyenne, phénomène notamment accentué par la tempête Xynthia de 2010 et par la présence d'une digue à proximité, qui protège le quartier de l'Amélie à Soulac-sur-Mer et qui a tendance à accélérer les courants et à empêcher le sable de se déposer.
Ainsi, selon Vincent Raynaud, responsable du secteur de Soulac pour l'Office national des forêts (ONF), « le ressac face à la digue empêche le sable de se poser face à l'ouvrage ; même par beau temps, il part vers le large. La digue accélère aussi le courant à marée haute, empêchant le sable de se déposer. Enfin, l'érosion s'amplifie jusqu'à deux fois plus en amont et en aval, façonnant de véritables presqu'îles » 9 ( * ) .
Le rôle du fonds Barnier 10 ( * ) En application de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, l'État peut déclarer d'utilité publique l'expropriation de biens « lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrains ou d'affaissements de terrains dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines ». Les propriétaires de biens qui font l'objet d'une expropriation pour cause de risque naturel majeur peuvent être indemnisés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) , dit « fonds Barnier ». Créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ce fonds était initialement dédié au financement des indemnisations pour expropriations. Son périmètre d'intervention a progressivement été étendu au financement d'autres dépenses , en particulier celles relatives au études et travaux ou équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels entrepris par les collectivités territoriales. En vertu de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, le FPRNM peut ainsi financer : - les expropriations de biens exposés à des risques naturels majeurs ; - les acquisitions amiables de biens exposés à des risques naturels majeurs ou gravement sinistrés par une catastrophe naturelle ; - les dépenses d'évacuation temporaire et de relogement ; - les études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposés par un plan de prévention des risques naturels approuvé ; - les campagnes d'information sur la garantie catastrophe naturelle ; - les opérations menées dans le cadre des programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) validées par la commission mixte inondation ; - les études et travaux ou équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels des collectivités territoriales ; - les dépenses afférentes à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels et aux actions d'information préventive. Un taux maximal de subvention ou d'indemnité est fixé pour la plupart des mesures, certaines d'entre elles étant également plafonnées. S'agissant des expropriations de biens exposés à un risque naturel majeur ou de l'acquisition amiable des biens exposés, le taux maximal d'indemnisation prévu est de 100 % , d'après la circulaire du 23 avril 2007 relative au financement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs de certaines mesures de prévention. |
L'arrêté du 24 janvier 2014 portant ordre d'évacuation et interdiction d'occupation de l'immeuble Le Signal , pris par le maire de Soulac-sur-Mer, n'a pas été accompagné d'un arrêté d'expropriation, privant les propriétaires de l'indemnisation de leur bien.
Si l'arrêté municipal précité fait état de « la gravité et l'imminence du danger qui menace l'immeuble Le Signal [faisant] obligation au Maire de prendre d'urgence les mesures les plus propres à assurer la sécurité des personnes et des biens » et mentionne, en outre, la probable survenue de perturbations météorologiques exceptionnelles, de nature à accentuer l'érosion dunaire devant l'immeuble et entraîner une submersion marine, la condition de la « menace grave à la vie humaine » n'est pas réunie selon l'administration et la juridiction administrative. Le caractère prévisible et progressif du phénomène d'érosion nécessite, pour l'administration, la création d'un dispositif spécifiquement dédié au recul du trait de côte et l'absence de référence à tout type de mécanisme d'assurance-risque.
II. La proposition de loi initiale
Le dispositif indemnitaire
L'article unique de cette proposition de loi a pour objet de rendre éligibles les propriétaires de l'immeuble Le Signal à une indemnisation rétroactive via le « fonds Barnier ».
Ce dispositif indemnitaire ad hoc serait strictement encadré, dans le double objectif de circonscrire la mobilisation du « fonds Barnier » au cas du Signal et de préserver l'équilibre financier du fonds. Deux conditions sont ainsi posées au premier alinéa de l'article pour l'application du dispositif :
- l'interdiction définitive d'habiter ou d'occuper les lieux doit avoir été prise en raison du recul du trait de côte pour des faits intervenus avant le 1 er janvier 2017 ;
- le permis de construire doit avoir été délivré par l'État et non par le maire, disposition qui concerne les communes couvertes ni par un plan d'occupation des sols ni par un plan local d'urbanisme. Le permis de construire a été accordé, en l'occurrence, le 28 avril 1965, par le préfet de la Gironde.
Son deuxième alinéa fixe le montant de l'indemnisation à 75 % de la valeur estimée de chaque bien sans tenir compte du recul du trait de côte.
L'origine de la mesure : un compromis politique transpartisan
Cet article reprend un dispositif introduit dans la proposition de loi portant sur l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique 11 ( * ) lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale en novembre 2016, qui résulte d'un compromis politique. Ce texte, porté par l'ancienne députée Pascale Got (Gironde - SOCR), avait été adopté par le Sénat en première lecture en janvier 2017, puis en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2017 mais n'avait pu aboutir au Sénat compte tenu de la suspension des travaux parlementaires.
Le dispositif de cette proposition de loi a ensuite été repris dans la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux déposée au Sénat en septembre 2017 par Michel Vaspart et de nombreux collègues du groupe Les Républicains 12 ( * ) . L'article 3 de cette proposition de loi prévoyait ainsi une indemnisation rétroactive pour les propriétaires d'immeuble faisant l'objet d'une interdiction définitive d'habitation ou d'utilisation résultant du risque de recul du trait de côte.
En séance au Sénat, cette proposition de loi a fait globalement l'objet d'un avis défavorable de la part du Gouvernement, et la disposition prévoyant la mobilisation du fonds Barnier pour le financement des conséquences du recul du trait de côte n'a pas reçu l'aval du Gouvernement. La secrétaire d'État auprès du Ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire expliquait ainsi, au sujet du fonds Barnier, qu'il est « lié à la prévention des risques [et] n'a pas vocation à financer des opérations d'aménagement, comme ce serait le cas sur la question du recul du trait de côte » 13 ( * ) .
III. La position de votre commission
Votre rapporteure est tout à fait favorable à cette proposition de loi, qui doit permettre de résoudre une situation devenue inextricable .
Si le recul du trait de côte s'impose comme un phénomène commun à de nombreux territoires et nécessite une approche intégrée et globale, sans doute davantage dans une logique d'acquisition que d'indemnisation , le cas du Signal est très spécifique.
La responsabilité évidente de l'État du fait de la délivrance du permis de construire et l'urgence liée à la situation préoccupante des copropriétaires justifient l'adoption d'une mesure législative spécifique. Cette situation injuste a trop duré et une réponse exceptionnelle s'impose pour traiter un problème luimême exceptionnel.
Votre rapporteure attire cependant l'attention de votre commission sur le fait qu'un amendement du Gouvernement serait nécessaire pour sécuriser définitivement la situation des propriétaires.
En l'état actuel, le dispositif permettra uniquement d'indemniser les copropriétaires mais les charges de démolition, de désamiantage ou autre incomberont légalement aux propriétaires. Il s'agirait donc d'établir clairement un transfert de propriété de l'immeuble entre les actuels copropriétaires et l'État, pour que les copropriétaires n'aient pas à supporter le paiement de ces charges.
Il conviendrait donc d'amender légèrement la rédaction du texte pour prévoir explicitement que le fonds Barnier « finance l'acquisition par l'État » de l'immeuble. L'article 40 de la Constitution interdit malheureusement aux parlementaires de déposer cet amendement.
Votre commission a adopté cette proposition de loi sans modification à l'unanimité.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 avril 2018, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte .
M. Hervé Maurey , président . - Nous examinons à présent la proposition de loi déposée par notre collègue Françoise Cartron visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte, qui sera examinée dans l'espace réservé du groupe socialiste et républicain le mercredi 16 mai.
Ce texte reprend à l'identique un article de la proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart, que le Sénat a adoptée en janvier dernier, et que nous avons peu d'espoir de voir inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. J'ai écrit à ce sujet au Président du Sénat pour attirer son attention sur l'absence de prise en considération par le Gouvernement des initiatives sénatoriales.
L'initiative de nos collègues du groupe socialise repose sur la volonté de faire avancer rapidement la législation sur le cas particulier de l'immeuble du Signal, en renonçant à légiférer de manière globale sur la prise en compte du recul du trait de côte, comme le faisait le texte de notre collègue Vaspart, dans l'espoir que cette proposition de loi soit plus rapidement inscrite à l'Assemblée nationale.
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - J'ai l'honneur d'avoir été désignée par notre commission pour rapporter cette proposition de loi qui a été déposée le 16 février dernier au Sénat par notre collègue Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ce texte doit sembler familier à certains d'entre vous, puisque son article unique figurait déjà dans la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée à l'Assemblée nationale en juillet 2016 et adoptée par le Sénat en première lecture en janvier 2017. Ce texte n'avait pas pu aboutir en deuxième lecture compte tenu de la suspension des travaux parlementaires.
Les mêmes dispositions figuraient dans la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, déposée en septembre 2017 au Sénat par Michel Vaspart, Bruno Retailleau, Philippe Bas et de nombreux collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste et adoptée en séance en janvier dernier.
Dans le cadre de l'ancienne mission interministérielle pour l'aménagement de la côte aquitaine (MIACA), active des années 1960 à la fin des années 1980, un grand ensemble de constructions était prévu à Soulac-sur-Mer en Gironde sur 19 hectares de terrain : environ 1 200 logements devaient être construits le long du front de mer, ainsi qu'un boulevard de deux fois trois voies, une thalassothérapie et un hôtel de luxe. Ce projet n'a jamais vu le jour et l'aménageur retenu par les pouvoirs publics a déposé le bilan. Seul le Signal, immeuble de 78 logements, a été construit in fine .
À l'époque, en 1967, il se situait à plus de 200 mètres du rivage et les habitants qui sont présents depuis l'origine rapportent même que l'on peinait à voir l'océan. Aujourd'hui, le Signal est à moins de 10 mètres de l'océan et menace de tomber. Les propriétaires, expulsés depuis 2014, demandent à être indemnisés pour leur bien.
La nécessité d'apporter une réponse à cette situation est partagée par l'ensemble des parties prenantes du sujet, mais la formalisation de la solution tarde à arriver.
La proposition de loi que nous examinons vise à rendre éligibles les propriétaires de l'immeuble du Signal à une indemnisation par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), c'est-à-dire le fonds Barnier, créé en 1995. Je suis tout à fait favorable à cette proposition.
Le dossier du Signal est très spécifique, car il présente un double caractère ubuesque et kafkaïen. Ubuesque d'abord, parce que c'est l'État qui a décidé de lancer une opération d'aménagement de grande ampleur à Soulac-sur-Mer, c'est l'État qui a accordé le permis de construire et c'est l'État qui, à cette époque, ne pouvait ignorer que plusieurs immeubles du front de mer étaient déjà tombés de la falaise dunaire à Soulac-sur-Mer en 1928 et dans les années 1930. La situation actuelle relève donc de la responsabilité de l'État. Or les propriétaires se sentent abandonnés et nous ont rapporté avoir cruellement manqué d'informations de la part tant des services de l'État que de la mairie au sujet de l'évolution de l'érosion et de la réalité des initiatives conduites pour leur apporter une solution. Ils n'ont pris connaissance, par exemple, des rapports d'expertise que plusieurs années après leur écriture !
En outre, en 2014, le ministre de l'écologie, Philippe Martin, s'était rendu sur place avec le préfet et avait promis « un règlement rapide et équitable ». Ces deux objectifs, la rapidité et l'équité, ne sont toujours pas atteints quatre ans plus tard.
Ensuite, le dossier est kafkaïen parce que la situation juridique des propriétaires est absurde ! Une procédure contentieuse a été menée par les propriétaires depuis : d'abord, pour demander au maire et au représentant de l'État dans le département de mettre en place un enrochement autour de l'immeuble, ce qui a été refusé au motif que le coût de protection s'élevait à 17 millions d'euros, ce qui dépassait largement la valeur de l'immeuble estimée à 10 millions d'euros, le tout sans prendre en compte le risque de recul du trait de côte ; ensuite, pour contester le refus d'une indemnisation par le fonds Barnier.
Les propriétaires ont appris que le sujet d'une indemnisation par le fonds Barnier était sur la table depuis plus de dix ans alors que la collectivité n'a jamais constitué un tel dossier ! À l'heure actuelle, la situation est inextricable : un arrêté portant ordre d'évacuation et interdiction d'occupation de l'immeuble a été publié le 24 janvier 2014 par le maire de Soulac-sur-Mer au titre de ses compétences de police administrative. Les habitants sont donc privés de la jouissance de leur bien et des fruits de leur propriété tout en restant propriétaires ! S'ils n'ont pas été expropriés de jure ils le sont de facto ! Ils pourront par ailleurs voir leur responsabilité engagée en cas d'accident consécutif à la chute de l'immeuble.
L'affaire du règlement de cette procédure est pendante devant le Conseil d'État. Le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les propriétaires le 6 avril dernier, le Conseil d'État devrait se prononcer en juin. Deux moyens étaient soulevés : d'une part, l'atteinte au principe d'égalité devant la loi, entre le propriétaire d'un bien situé sur un terrain exposé au risque d'érosion et le propriétaire d'un bien situé sur un terrain menacé par l'un des risques mentionnés à l'article L. 561-1 du code de l'environnement ; d'autre part, l'atteinte au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a écarté ces deux moyens et jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées.
Une fois la décision du Conseil d'État rendue, les propriétaires pourront ultimement saisir la Cour européenne des droits de l'homme.
À ce stade, l'administration refuse toujours d'accéder à la requête des propriétaires visant à obtenir une indemnisation via le fonds Barnier pour deux motifs. D'abord, parce que l'érosion dunaire n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, qui définit le champ d'intervention du fonds Barnier. Ensuite, parce que l'une des conditions d'éligibilité au fonds, « la menace grave à la vie humaine » ne serait pas remplie en l'espèce.
M. Benoît Huré . - Ah bon ?
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - Oui, les occupants ont été évacués...
Cette position est d'autant plus étonnante que l'arrêté d'interdiction d'habitation de 2014 mentionne un péril grave et imminent pour la sécurité des personnes et des biens, considérant la probable survenue de perturbations météorologiques exceptionnelles de nature à accentuer l'érosion dunaire devant le Signal et à entraîner une submersion marine.
Selon l'Observatoire de la côte d'Aquitaine, le trait de côte recule de 2,5 mètres en Gironde chaque année et de 1,7 mètre dans les Landes. Des perturbations météorologiques exceptionnelles pourraient encore amplifier ce phénomène d'érosion dunaire dans des proportions importantes !
Dans le cas du Signal, néanmoins, le recul du trait de côte est de 5 à 7 mètres par an en moyenne, accentué notamment par la présence d'une digue à proximité, qui protège le quartier de l'Amélie à Soulac-sur-Mer et qui a tendance à accélérer les courants et à empêcher le sable de se déposer.
La dimension humaine du sujet est essentielle et insuffisamment relevée dans le débat public. On a entendu beaucoup de choses sur les propriétaires du Signal : ils seraient nantis, privilégiés et devraient assumer sans se plaindre les conséquences de leur désir de vivre au bord de l'eau... Je souhaiterais couper court à ces représentations.
D'abord, parce que la majorité d'entre eux sont des personnes de condition modeste, éprouvées moralement et physiquement par la longueur des procédures et l'absence de réponse. Certains ont investi toutes leurs économies et doivent, en plus, continuer à rembourser leurs dettes jusqu'en 2020, en 2025 ou en 2030.
Les propriétaires ont dû se reloger et acquitter un loyer ; ils continuent d'assumer les frais de syndic de copropriété, les assurances et une procédure longue et coûteuse pour se défendre : 100 000 euros de frais d'avocat depuis 2012, d'après leurs représentants.
Depuis quatre ans, date de l'évacuation, 11 propriétaires sont décédés. La question des successions est d'ailleurs apparue comme un nouveau problème pour leurs descendants, qui sont en contact avec l'administration fiscale pour estimer la valeur de la transmission...
L'immeuble est dans un état piteux. Il a été vandalisé et occupé de façon irrégulière en dépit de nombreuses plaintes des propriétaires.
Enfin, ce dossier a un caractère exceptionnel. Si le recul du trait de côte s'impose comme un phénomène commun à de nombreux territoires et s'il nécessite une approche intégrée et globale, sans doute davantage dans une logique d'acquisition que d'indemnisation, le cas du Signal reste très spécifique. Cette affaire est injuste et inédite. Elle a trop duré et une réponse exceptionnelle, ad hoc , s'impose pour traiter un problème lui-même exceptionnel.
Si nous sommes d'accord sur la nécessité de régler le problème de l'indemnisation et de la propriété de l'immeuble, le Gouvernement doit maintenant prendre ses responsabilités.
Nous devrons également éviter qu'une telle situation se reproduise, c'est pourquoi il est fondamental d'inscrire rapidement dans nos textes une obligation d'information préalable à l'acquisition d'un bien proche du rivage pour que les futurs propriétaires de ce type de bien aient pleinement conscience du risque et des conséquences du recul du trait de côte.
Un mot, enfin, concernant l'attitude du maire de Soulac-sur-Mer. Les auditions ont révélé que tant sa mobilisation que son écoute ont été insuffisantes pour les propriétaires. La protection de l'immeuble demeure également perfectible, alors même que la commune pourrait voir sa responsabilité engagée en cas d'accident.
J'attire votre attention sur le fait qu'un amendement du Gouvernement serait nécessaire pour établir clairement un transfert de propriété. En l'état, le dispositif permettra uniquement d'indemniser les propriétaires, mais les charges de démolition, de désamiantage ou autres incomberont légalement aux propriétaires. Il conviendrait donc d'amender légèrement la rédaction du texte pour prévoir explicitement que le fonds Barnier « finance l'acquisition par l'État » de l'immeuble. L'article 40 de la Constitution nous interdit malheureusement de déposer nous-mêmes cet amendement. J'espère sincèrement que nous pourrons trouver collectivement une solution qui apportera une réponse rapide aux copropriétaires. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter le présent texte sans modification.
M. Hervé Maurey , président . - Il est stupéfiant qu'une telle situation, ubuesque et kafkaïenne, qui dure depuis des années, n'ait toujours pas trouvé de solution. Nous ne demandons pas à l'État d'agir en super assureur, mais d'assumer ses responsabilités.
M. Christophe Priou . - Les ministres passent, les sujets demeurent. Nous avons de plus en plus souvent affaire non pas à une vente à la découpe, mais à une loi à la découpe : de nombreux sujets sont retoqués par l'Assemblée nationale avec l'aval du Gouvernement et des amendements surgissent de-ci de-là, comme l'amendement « éolien ». Nous regrettons que le texte de Michel Vaspart n'ait pas été repris dans son ensemble. Le rôle de notre commission est d'ouvrir une vision globale sur la stratégie maritime, d'autant que nous serons prochainement appelés à émettre des avis sur les documents stratégiques de façade, qui précisent les conditions de mise en oeuvre des objectifs définis par l'État en matière d'urbanisme pour chacune des façades. Il existe également un gros volet européen, avec des strates environnementales. Il est regrettable que l'on ne mette pas davantage l'accent sur la dimension économique.
L'État a tendance à confier toutes les compétences aux communes : plans de prévention des risques littoraux, compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Pourtant, l'État gère l'estran où se trouve implantée la plus grande partie de l'activité, qu'elle soit économique ou touristique. On devrait pousser l'État et le Gouvernement à nous présenter une stratégie globale. On parle très peu des risques liés à l'élévation du niveau des océans, et de l'impact que cela aura sur les bâtiments et les infrastructures. Qui prendra en compte ces risques ? Qui payera ? Les marais salants de Guérande, par exemple, sont protégés par une digue de 20 kilomètres ; des travaux de rehaussement coûteraient environ 1 million d'euros le kilomètre. Si nous continuons à légiférer à la découpe, nous ne serons pas à la hauteur des enjeux. L'État a été vigoureux sur certains sujets : je pense au naufrage de l'Erika qui s'est produit il y a bientôt vingt ans et pour lequel des mesures européennes ont été prises. Il serait bien qu'il en aille de même en matière de stratégie du trait de côte, et de protection des habitants et des habitations.
M. Claude Bérit-Débat . - La situation est kafkaïenne. La dimension humaine du sujet est effectivement essentielle : des gens de condition modeste ont investi toutes leurs économies. La proposition de Françoise Cartron est une proposition de bon sens et d'humanité ; j'espère qu'elle sera adoptée.
Se pose la question de la responsabilité de l'État, mais aussi des collectivités locales qui ont mis en place une opération ayant des conséquences importantes au niveau de l'érosion des dunes. Quid également de la prise en compte de l'avancée de la mer sur le sable ? Jusqu'à présent le fonds Barnier n'intervient que sur les effondrements de rochers. Or un certain nombre de stations balnéaires des Landes vont être confrontées également à des problèmes d'effondrement. Dans quelques années, l'une d'entre elles sera envahie par la mer et 2 000 ou 3 000 maisons devront être reconstruites à l'intérieur des terres. Nous n'avons pas réussi à régler le problème ; il se reposera demain, au sujet des dunes. Toute la côte landaise et girondine est concernée, et même plus loin jusqu'en Charente-Maritime. Au Signal, le problème est kafkaïen du point de vue humain et matériel. Celui des dunes ne sera pas moins compliqué.
M. Michel Vaspart . - Je soutiens ce texte avec force. Les mesures qu'il propose figuraient déjà dans le texte qu'avait préparé Pascale Got, lorsqu'elle était députée de la Gironde, et qui visait à anticiper le recul du trait de côte, qu'il s'agisse des falaises ou des dunes. L'indemnisation du Signal était prévue, à hauteur de 75 %. Le texte n'a pas abouti à cause des échéances électorales. Nous l'avons repris au Sénat, l'été dernier, sous la forme d'une proposition de loi dans laquelle j'avais intégré l'indemnisation du Signal.
À l'époque, le Gouvernement envisageait de mettre en place un autre fonds pour garantir les indemnisations. Nous en avions débattu avec Emmanuelle Cosse, car rien n'était dit sur la manière dont ce nouveau fonds serait alimenté. Il n'a jamais été créé, et c'est donc à raison que nous avions insisté, avec Pascale Got, sur la nécessité de financer les indemnisations par le fonds Barnier. Ce fonds, très excédentaire, est prélevé chaque année par les gouvernements successifs. Il a été plafonné à 131 millions d'euros dans le cadre du budget 2018.
J'ai eu l'occasion de rencontrer le groupe d'études sur le littoral, à l'Assemblée nationale. Mme Panonacle a repris le sujet de l'indemnisation du Signal et plus généralement celui du recul du trait de côte. Elle a mentionné l'utilité du fonds Barnier, qui est bien l'unique et seule solution, incontournable, pour ce type d'indemnisation.
La proposition de loi qui a été votée au Sénat confortait un certain nombre d'éléments, dont le recul du trait de côte tel qu'acté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Plutôt que de le traiter comme un risque, le Gouvernement l'intègre dans sa politique d'aménagement du territoire. Cela change la donne, car les collectivités locales devront prendre des responsabilités supplémentaires, notamment en matière de financement. Il faudra rester très vigilant.
Le Gouvernement souhaite dissocier les deux sujets, avec d'un côté un texte sur le recul du trait de côte et l'indemnisation du Signal, et de l'autre les dispositions visant à alléger les conséquences de la jurisprudence relative à l'application de la loi Littoral, tel qu'elles figurent à l'article 9 de la proposition de loi.
M. Didier Mandelli . - Je ne peux que soutenir les propos de Michel Vaspart : il était l'auteur du texte et j'en étais le rapporteur. L'article 3 de la proposition de loi traitait le cas du Signal, à la fois emblématique et récurrent. Le texte que nous examinons permettrait de résoudre rapidement le problème. Si l'on attend la constitution du groupe de travail sur l'érosion du trait de côte que nous a proposé Brune Poirson, si l'on attend la création d'un autre fonds, et ainsi de suite, cela prendra encore quatre à cinq ans. D'où l'importance de ce texte.
J'avais déposé un amendement sur le plafonnement du fonds Barnier, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Il n'a pas été repris à l'Assemblée nationale. Ce fonds est pourtant l'unique solution pour garantir les indemnisations. Le gouvernement précédent l'a prélevé à hauteur de 55 millions d'euros, dans sa dernière année de mandat. Il a été prélevé cette année à hauteur de 71 millions d'euros, avec un plafond à 139 millions d'euros. Malgré tous les événements liés au transport maritime et malgré les tempêtes successives, notre pays tarde à développer une culture de la prévention, de sorte que nous le payons très cher. J'assistais la semaine dernière à une réunion de la Caisse centrale de réassurance (CCR) : il existe des cotisations, des prélèvements et des fonds pour compenser les catastrophes naturelles. Quant à la prévention, elle ne dispose que de moyens très limités.
M. Charles Revet . - La situation est inacceptable. Il faut trouver des solutions. En Seine-Maritime, une tonnelle de marnière s'est effondrée, à un mètre d'une maison. Le maire a pris un arrêté de péril interdisant d'habiter, de louer ou de vendre cette maison. C'était il y a quinze ou vingt ans. La maison est désormais complètement délabrée. Dans ce genre de cas, le fonds Barnier devrait intervenir. Il intervient de moins en moins. Les prélèvements que l'État opère sur le fonds Barnier n'ont pas d'autre objet que de renflouer son budget. Il y a cinquante ans, Étretat subissait régulièrement des inondations. La digue a été renforcée, ce qui a réglé le problème. C'est un modèle à imiter.
On sait bien que le Parlement ne compte plus beaucoup pour l'administration centrale. On peut penser que cette proposition de loi aura du mal à aboutir. De temps en temps, il faut marquer le coup. Si la commission organisait un déplacement en force, à votre initiative, Monsieur le président, cela aurait un effet considérable sur les responsables locaux, et cela contribuerait peut-être à faire évoluer la situation.
M. Michel Dennemont . - Mon groupe s'était opposé à la révision de la loi Littoral en janvier dernier. Votre proposition a notre assentiment et nous voterons en faveur de ce texte.
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - Nous sommes tous d'accord : le fonds Barnier est le seul recours possible dans cette situation. La direction générale de la prévention des risques nous a précisément expliqué que la création d'un nouveau fonds allongerait encore les délais de quatre ou cinq ans. Ce n'est pas la bonne solution. Il faut que le Gouvernement dépose un amendement pour débloquer le fonds Barnier, car l'article 40 nous interdit de le faire.
Madame Poirson souhaite diluer la problématique du Signal dans une réflexion plus globale qui porterait sur le recul du trait de côte. Nous devons résister, car si nous la suivons, nous risquons de devoir attendre encore quatre ou cinq ans de plus. L'État est responsable de la situation. Les collectivités territoriales doivent s'engager pour soulager la détresse des habitants. Ils ont fait une grève de la faim et ils s'apprêtent à aller devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il serait dommage que nous ne soyons pas capables de régler la situation au niveau national.
Monsieur Bérit-Débat , les risques d'érosion rocheuse sont inscrits dans le fonds Barnier, mais l'érosion sableuse ou dunaire n'a pas été envisagée. Certains propriétaires sont indemnisés en cas d'effondrement de falaise ; dans les autres cas, ils n'ont droit à rien. À Lacanau, on prévoit d'organiser le déplacement de 1 200 personnes dans les 20 à 30 ans à venir. Les techniciens travaillent en concertation avec les habitants et les propriétaires, car la partie de Lacanau qui est en bordure de la côte est en train de disparaître. Les habitants ont exactement la même réaction que ceux du Signal qui ne voyaient pas le danger, car ils ne voyaient pas l'océan, en 1967. S'engager dans l'information et dans la prévention est une question de responsabilité morale. Tant mieux si l'on indemnise les victimes. Cependant, le système a ses limites.
Même constat à Biscarosse, où la commission s'était déplacée : il va falloir déménager un camping. Au Signal, la situation est d'urgence, du point de vue humain. Plus largement, il est indispensable que nous engagions une réflexion avec les élus locaux et les organisations territoriales.
Monsieur Vaspart, le Gouvernement souhaite effectivement dissocier la question du trait de côte et la réflexion sur la loi Littoral, ce qui ne correspond pas à la démarche que nous envisagions. J'ai cru comprendre que la problématique du Signal serait traitée dans le cadre d'une réflexion plus globale. Nous devrons nous y opposer fermement.
L'indemnisation du Signal coûterait entre 7 et 10 millions d'euros. En 2015, les négociations engagées par l'État n'avaient pas abouti par manque de volonté des collectivités territoriales. L'immeuble a désormais perdu de sa valeur.
La direction générale de la prévention des risques a insisté sur la nécessité de développer une culture de la prévention.
Monsieur Revet, les falaises tombent tout le temps en Seine-Maritime. Cependant, le fonds Barnier fonctionne bien et s'applique aussi aux éboulements de falaises qui se produisent au milieu des terres. Nous ne pouvons que nous en féliciter tout en comprenant d'autant mieux l'insatisfaction des propriétaires du Signal.
Au Signal, la solution de l'enrochement est désormais trop tardive. La municipalité a fait le choix d'enrocher le quartier de l'Amélie, pas très éloigné du Signal. Je n'ai pas à commenter ce choix qui soulève des regrets et des protestations au niveau local. En effet, l'enrochement de ce quartier détourne l'eau, de sorte que l'espace du Signal est encore plus agressé et que la dune est laminée par la base. Si l'immeuble tombe et blesse, voire tue des promeneurs, sa responsabilité sera engagée.
La proposition de loi est adoptée sans modification à l'unanimité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mercredi 11 avril 2018 :
- Copropriété du Signal : MM. Vincent Duprat , membre du conseil syndical, et Jean-Michel Duponteil , cabinet C. Rive, syndic de la copropriété ;
- Ministère de la transition écologique et solidaire : Mmes Katy Narcy , adjointe à la cheffe de service des risques naturels hydrauliques à la direction général de la prévention des risques (DGPR), et Kathleen Monod , cheffe du bureau de la gestion des espaces maritimes et littoraux à la direction générale.
* 1 Sur les parcelles cadastrées section AE n° 1 et n° 2, section AS n° 1, 2, 16, 17, 20, 99, 100, 103, 106, 108 et section AT n° 23 et 39 (extrait de la requête en référé expertise déposée par le syndicat secondaire Le Signal au Tribunal administratif de Bordeaux le 15 février 2012 sous le n° 1200568).
* 2 Actes de cession des 27 octobre 1977, 3 novembre 1977 et 3 juillet 1978.
* 3 L'arrêté municipal du 24 janvier 2014 mentionne que les résidents du Signal peuvent être logés au Centre municipal d'hébergement des Oyats.
* 4 Une lettre recommandée leur avait été envoyée le 22 janvier.
* 5 Jugement n° 1301417-1301705-1301938, lecture du 25 septembre 2014.
* 6 Arrêt n° 14BX03289, lecture du 9 février 2016.
* 7 Décision n° 398671, lecture du 17 janvier 2018.
* 8 Décision n° 2018-698 QPC du 6 avril 2018.
* 9 Le Monde du 05/03/18 - Erosion du littoral : à Soulac, les propriétaires du Signal réclament des indemnisations.
* 10 Extrait du rapport n° 243 fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, par M. Didier Mandelli.
* 11 Texte n° 3959 enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le mercredi 13 juillet 2016.
* 12 Texte n° 717 (2016-2017) enregistré à la Présidence du Sénat le 13 septembre 2017.
* 13 Compte rendu intégral des débats - Sénat, séance du 30 janvier 2018 - Intervention de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.