II. UN DOSSIER JURIDIQUEMENT COMPLEXE, QUI APPELLE UN TRAITEMENT LEGISLATIF SPÉCIFIQUE

A. DES PREMISSES DE L'AFFAIRE À L'EVACUATION DES HABITANTS

Le dossier Le Signal comprend, outre des échanges et courriers informels, de nombreuses décisions administratives rendues par la mairie de Soulac-sur-Mer et la préfecture de la Gironde ainsi que les requêtes introduites par les copropriétaires auprès de la juridiction administrative.

L'affaire occupe ainsi les copropriétaires depuis plus de dix ans.

En 1996, la compétence en matière de protection de l'environnement et en particulier en matière de lutte contre l'érosion sur le littoral atlantique a été transférée, par arrêté du préfet de la Gironde du 13 juin 1996, de la commune de Soulac-sur-Mer au district de la Pointe du Médoc, auquel la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc a ensuite succédé.

Par un arrêté pris le 28 mars 2003, le préfet de la Gironde a autorisé la communauté de communes de la Pointe du Médoc à réaliser des travaux de protection contre l'érosion marine autour du Signal , notamment la mise en place d'un système de drainage côtier (procédé Ecoplage). Mais cet équipement n'a jamais été installé.

À partir des années 2000, les copropriétaires du Signal se sont mobilisés pour envisager les solutions qui pourraient être apportées à leur situation d'occupation précaire. De nombreux échanges ont eu lieu avec le sénateur-maire de Soulac-sur-Mer sans que des décisions soient arrêtées.

Classé en zone rouge (inconstructible) du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte de la commune de Soulac-sur-Mer, approuvé par arrêté du préfet de la Gironde le 28 juin 2004, Le Signal a fait l'objet d'un diagnostic géotechnique, sur demande de la communauté de communes de la Pointe-du-Médoc en 2010, pour évaluer la structure du cordon dunaire qui le supporte et envisager la faisabilité de la réalisation de travaux d'urgence de lutte contre l'érosion.

Par un arrêté du 2 décembre 2011 , modifié le 23 avril et le 25 octobre 2012 , le maire de Soulac-sur-Mer a ainsi estimé que la résidence était exposée à un péril grave et imminent du fait du recul du trait de côte. Un dispositif a été mis en place, constitué de piquets de repérage en crête de dune, d'observations visuelles par les agents municipaux chaque semaine, ainsi qu'à chaque coefficient de marée supérieur à 80 et lors d'évènements météorologiques exceptionnels, et de mesures de pré-alerte et d'alerte. Dès lors que la distance entre le bâtiment et la crête de la dune devenait inférieure à un seuil de vingt mètres, l'évacuation de l'immeuble devait être ordonnée, avec un relogement temporaire pendant le temps nécessaire au déménagement 3 ( * ) .

À la demande des copropriétaires de la résidence, une expertise a ensuite été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux le 22 mars 2012 , à partir de laquelle le syndicat secondaire de l'immeuble a demandé à la commune et à la communauté de communes la réalisation de travaux de consolidation du rivage aux abords de la résidence.

Par une décision du 18 février 2013 , le maire de Soulac-sur-Mer a rejeté cette demande et, par décision du 18 mars 2013 , le président de la communauté de communes de la Pointe du Médoc a également rejeté cette demande, compte tenu d'un coût de protection de 17 millions d'euros qui dépassait largement la valeur de l'immeuble, évaluée à 10 millions d'euros sans prendre en compte le risque de recul du trait de côte.

La préfecture de la Gironde a rendu une décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois sur la double demande des copropriétaires en date du 30 janvier 2013, visant d'une part à obtenir la protection de l'immeuble et, d'autre part, à bénéficier du régime de l'expropriation prévu par l'article L. 561-1 du code de l'environnement.

Enfin, le 24 janvier 2014 , un arrêté municipal pris par le maire de Soulac-sur-Mer a donné aux résidents l'ordre d'évacuer et posé l'interdiction d'occuper l'immeuble, compte tenu de la dangerosité de la situation, avec prise d'effet le 29 janvier 2014 4 ( * ) . Les habitants ont été invités à déménager pour le 28 février 2014 au plus tard. Un arrêté complémentaire du 11 juin 2014 a interdit l'accès au bâtiment.

A l'heure actuelle, la situation est inextricable : les habitants sont privés de la jouissance de leur bien et du fruit de leur propriété par l'arrêté municipal du 24 janvier 2014. Ils restent cependant propriétaires puisque cet arrêté ne s'est pas accompagné d'un arrêté d'expropriation, qui leur aurait permis d'être indemnisés. Ainsi les habitants se retrouvent expropriés de facto mais non de jure . Ils pourront par conséquent voir leur responsabilité engagée en cas d'accident consécutif de la chute de l'immeuble.


* 3 L'arrêté municipal du 24 janvier 2014 mentionne que les résidents du Signal peuvent être logés au Centre municipal d'hébergement des Oyats.

* 4 Une lettre recommandée leur avait été envoyée le 22 janvier.

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