EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'AFPA, UN ACTEUR HISTORIQUE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE MIS EN PÉRIL PAR LES BOULEVERSEMENTS DE SON MARCHÉ

L'intervention de l'État en matière de formation professionnelle de la main d'oeuvre trouve ses origines dans la seconde moitié des années 1930, en lien avec la nécessité de faire face à la montée du chômage et le besoin accru de qualification de la part des industries d'armement.

Dès 1935 1 ( * ) , le Gouvernement subventionnait des « centres de formation professionnelle des chômeurs » agréés par le ministère du travail et qui pouvaient être mis en place par des entreprises, des collectivités publiques, des établissements d'enseignement, des organisations professionnelles d'employeurs ou de salariés ou des associations . Le décret du 6 mai 1939 2 ( * ) a quant à lui précisé le cadre juridique applicable à ces structures, désormais qualifiées de « centres de reclassement professionnel des chômeurs » ainsi que les modalités du soutien financier que pouvait leur apporter l'État et les conditions du maintien, pour le chômeur en formation, de ses allocations d'assistance. S'agissant de la formation continue des salariés, des « institutions de promotion ouvrière » 3 ( * ) pouvaient être créées par des entreprises ou des centres de rééducation professionnelle des chômeurs et percevoir des subventions publiques. Leur objectif était d'assurer la « formation progressive des ouvriers nécessaires à la production » 4 ( * ) , dans des locaux distincts des ateliers. Les entreprises étaient alors tenues de remplacer les ouvriers en formation par des chômeurs, et percevaient des primes pour les y encourager.

Ces préoccupations économiques et sociales sont éclipsées par la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, à la Libération, c'est sur la base de ces premières expériences que sont bâtis l'organisation du système français de formation professionnelle continue et ses opérateurs, au premier rang desquels figure rapidement l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

A. UN OPÉRATEUR PARAPUBLIC AU STATUT ATYPIQUE QUI A ACCOMPAGNÉ LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE SUR TOUT LE TERRITOIRE

Pour répondre aux défis de la reconstruction , principalement dans les secteurs du bâtiment et de l'industrie , qui mettent en lumière l'urgence de former plusieurs centaines de milliers d'ouvriers qualifiés, une politique de développement de la formation professionnelle accélérée (FPA) est engagée dès 1945. Un décret du 9 novembre 1946 5 ( * ) vient définir les conditions de mise en place et de subvention des « centres de formation professionnelle », qu'il s'agisse de centres d'entreprises ou de centres collectifs relevant d'organisations professionnelles d'employeurs, d'organisations syndicales de salariés ou d'associations. Trois structures paritaires assurent à partir de 1947 la gestion de ces centres avec le soutien de l'État :

- l'association pour la formation professionnelle de la main d'oeuvre du bâtiment et des travaux publics (AFPMOBTP) ;

- l'association pour la formation professionnelle des ouvriers de la métallurgie (AFPOM) ;

- l'association pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre (AFRMO), à laquelle l'État est associée et qui, outre des centres de formation pluridisciplinaires, conçoit les programmes pédagogiques et assure la sélection des candidats à une formation.

En 1949, une rationalisation des centres de FPA est engagée, s'accompagnant d'un renforcement du rôle de l'État. Un décret du 11 janvier 1949 6 ( * ) met un terme au subventionnement des centres ne formant pas aux deux activités reconnues prioritaires - le bâtiment et la métallurgie - et plafonne leur nombre à 125 . Surtout, il centralise le versement des subventions d'équipement et de fonctionnement de l'ensemble de ces centres, et par conséquent leur gestion , à un organisme national . Celui-ci est agréé par un arrêté du 26 mars 1949 7 ( * ) : il s'agit de l'association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre (ANIFRMO), issue du regroupement de l'AFPMOBTP et de l'AFPOM avec l'AFRMO.

L'ANIFRMO accompagne au cours de la décennie suivante les évolutions de l'économie française, développant notamment sous l'impulsion de l'État une politique d'élévation des qualifications pour les secteurs économiques connaissant une pénurie de main d'oeuvre et d'accompagnement des évolutions économiques. Elle devient le 1 er janvier 1966 l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) , à la veille de la reconnaissance, par le législateur, du caractère « d'obligation nationale » 8 ( * ) de la formation professionnelle, destinée à « assurer le progrès économique et social » 9 ( * ) et à favoriser l'accès des jeunes et des adultes à la qualification.

La loi du 16 juillet 1971 10 ( * ) , en confirmant la participation financière de l'État aux actions de formation et en instituant une contribution obligatoire pour les entreprises en la matière, est venue accélérer le développement de la formation professionnelle continue (FPC), tout en rappelant son rôle de promotion sociale et d'adaptation des compétences des actifs aux transformations de l'économie, renforçant ainsi indirectement le rôle de l'Afpa.

Son statut d'opérateur parapublic de l'État assurant la mise en oeuvre de sa politique de formation s'est confirmé dans les années suivantes. Se concentrant sur l'accès à la qualification des demandeurs d'emploi , l'Afpa est présente sur l'ensemble du territoire et bénéficie, en sus d'une subvention de fonctionnement, de ressources issues du fonds national de l'emploi (FNE), chargé de soutenir à partir de 1963 la reconversion des salariés d'entreprises subissant la mutation de leur secteur d'activité, et du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale (FFPPS), constitué en 1961 et qui finance les conventions conclues entre l'État et des organismes de formation en réponse à des priorités nationales.

Ces programmes traduisent l' accroissement du rôle de l'État , sous l'égide du ministère de l'emploi, dans le pilotage de la formation professionnelle et sa transformation , avec l'apparition du chômage de masse, en un outil de la politique de l'emploi .

Les années 1970 ont constitué une période de très fort développement pour l'association. À titre d'exemple, en 1974, l'Afpa employait 7 950 salariés, dont 45 % de formateurs, dans 135 centres de formation en France, et voyait son budget de fonctionnement augmenter de 15 % par an 11 ( * ) .

La principale préoccupation de l'époque était d' assurer la reconversion des personnes privées d'emploi et la promotion professionnelle des salariés, dans le respect des orientations définies par l'État. L'association formait alors 53 000 demandeurs d'emploi 12 ( * ) et 9 000 stagiaires salariés annuellement 13 ( * ) .

Les missions de l'Afpa dans les années 1970

Dans un document remis au Parlement en 1974, le Gouvernement définissait ainsi les missions de l'Afpa :

- contribuer à former la main d'oeuvre qualifiée nécessaire aux diverses branches de l'économie ;

- faciliter la reconversion des travailleurs menacés de licenciement ;

- offrir à des adultes la possibilité de perfectionner leurs connaissances techniques ;

- apporter un appui technique et pédagogique aux organismes désirant organiser des actions de formation.

Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la population,
« Afpa : dossier constitué à l'intention de mesdames et messieurs les parlementaires », mars 1974.

Dans ce contexte, l'Afpa restait, à la fin des années 1990, l'association la plus subventionnée de France 14 ( * ) . En 1998, elle percevait de l'État 6 milliards de francs , soit 1,19 milliard d'euros en valeur actualisée, soit un montant supérieur à l'époque aux budgets des ministères de l'environnement ou de la jeunesse et des sports, et comptait 11 000 salariés. Toutefois, les évolutions du cadre juridique de la formation professionnelle , qui avaient été initiées dès le début des années 1980 mais qui se sont amplifiées dans les années 2000, ont remis en cause le modèle économique et organisationnel de l'Afpa et le périmètre de ses missions de service public, fragilisant très fortement l'association.


* 1 Décret-loi du 30 octobre 1935 ouvrant un crédit pour subventions aux centres de formation professionnelle des chômeurs et décret du 30 octobre 1935 relatif à la rééducation professionnelle des chômeurs ; JO 31 octobre 1935.

* 2 Décret du 6 mai 1939 portant codification des textes sur le chômage et modification de certaines de leurs dispositions ; JO 7 mai 1939.

* 3 Instituées par le décret-loi du 12 novembre 1938 relatif au reclassement professionnel des chômeurs et à la promotion ouvrière (JO 13 novembre 1938).

* 4 Art. 131 du décret du 6 mai 1939 précité.

* 5 Décret n° 46-2511 du 9 novembre 1946 relatif aux centres de formation professionnelle ; JO 13 novembre 1946.

* 6 Décret n° 49-39 du 11 janvier 1949 relatif à la formation professionnelle accélérée et réduisant le nombre des centres subventionnés par l'Etat ; JO 12 janvier 1949.

* 7 Arrêté du 26 mars 1949 relatif aux modalités de transfert de la gestion des centres collectifs de formation professionnelle à l'Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre ; JO 2 avril 1949.

* 8 Loi n° 66-892 du 3 décembre 1966 d'orientation et de programmation sur la formation professionnelle, art. 1 er .

* 9 id.

* 10 Loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle dans le cadre de l'éducation permanente.

* 11 Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la population, « Afpa : dossier constitué à l'intention de mesdames et messieurs les parlementaires », mars 1974.

* 12 Sur un total d'environ 400 000 demandeurs d'emploi en France.

* 13 En 1973.

* 14 Source : Michèle Grandclaudon-Leblanc, Michel Leblanc, « Associations loi 1901 : gestionnaires ou citoyennes ? Pour une nouvelle donne associative », ESF éditeur, 2001, p. 35.

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