Rapport n° 356 (2016-2017) de M. Michel FORISSIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er février 2017

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N° 356

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er février 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , ratifiant l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l' emploi de l' établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes ,

Par M. Michel FORISSIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Émery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Évelyne Yonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4357 , 4364 et T.A. 888

Sénat :

318 et 357 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 1 er février 2017 , sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Michel Forissier sur le projet de loi n° 318 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes .

Après avoir rappelé les graves difficultés financières auxquelles l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a été confrontée depuis la fin des années 2000, le rapporteur a présenté la réforme proposée par le Gouvernement : sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic).

Le rapporteur a estimé que l'ordonnance était conforme au périmètre de l'habilitation conférée par le législateur dans la loi « Rebsamen » du 17 août 2015. Il a en outre considéré que les missions confiées au nouvel établissement public ne méconnaissaient pas les règles relatives aux services d'intérêt économique général (SIEG) au sens du droit communautaire, grâce en particulier à la filialisation des activités concurrentielles de formation.

Ce changement de statut apporte une solution définitive à un imbroglio juridique qui entravait le développement de l'activité de l'Afpa : la question de la propriété des sites qu'elle occupait, jusqu'à présent mis à sa disposition dans des conditions très favorables par l'État mais qui n'avaient jamais pu lui être dévolus. L'ordonnance prévoit leur transfert à titre gratuit à l'établissement public, tout en offrant des garanties quant au maintien de leur affectation à ses missions de service public .

Le rapporteur a enfin souligné que cette réforme est une condition nécessaire mais non suffisante pour assurer la pérennité de cet opérateur de l'État, sa nouvelle direction devant impérativement élaborer un nouveau modèle économique conjuguant compétitivité et utilité sociale .

Sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi sans modification .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 1946, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a formé plusieurs générations d'actifs, leur permettant d'acquérir des qualifications nouvelles répondant aux besoins de l'économie française. Opérateur de l'État à l'utilité sociale reconnue, elle était pleinement intégrée au service public de l'emploi tout en exerçant des activités entrant dans le champ concurrentiel , en particulier la formation continue des salariés.

Depuis la fin des années 2000, l'Afpa a été confrontée à deux bouleversements qui ont profondément remis en cause son modèle économique . D'une part, la décentralisation aux régions des crédits de l'État consacrés à l'achat de formations auprès de l'association a entrainé l'application du droit commun de la commande publique à ces achats, mettant progressivement fin au monopole de fait dont elle jouissait jusqu'alors pour la formation des demandeurs d'emploi. D'autre part, le Conseil de la concurrence, en examinant l'activité de l'Afpa, a estimé que plusieurs de ses caractéristiques faussaient la concurrence au détriment des opérateurs privés de formation.

En conséquence, faute d'une adaptation de ses structures et de ses pratiques à cette nouvelle réalité, l'Afpa a connu au début des années 2010 un très fort déclin de son activité : le nombre de demandeurs d'emploi formés a chuté d'un tiers entre 2007 et 2012, tandis que son chiffre d'affaires s'affaissait de 20 % . A la fin du premier semestre 2012, l'association était au bord de la cessation de paiement .

L'État a réagi en apportant son soutien à la nouvelle équipe de direction, qui a élaboré un plan de refondation ambitieux, dont l'objectif était un retour à l'équilibre en 2015. En souscrivant pour 200 millions d'euros d' obligations associatives émises par l'Afpa, il a également cherché à renforcer ses fonds propres.

Il est toutefois rapidement apparu que ces initiatives étaient insuffisantes pour redonner un nouveau souffle à l'association. De plus, elles ne traitaient pas certaines de ses difficultés structurelles , comme la question du transfert de la propriété du patrimoine immobilier de l'État mis à la disposition de l'Afpa.

C'est pourquoi le Gouvernement s'est résolu, pour garantir la pérennité de cet acteur majeur de la formation professionnelle en France auquel étaient confiées plusieurs missions de service public, à proposer sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). Le législateur l'a habilité à procéder à cette réforme par ordonnance dans la loi « Rebsamen » du 17 août 2015.

L'ordonnance du 10 novembre 2016 crée, au sein du service public de l'emploi, un établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes qui succède à l'Afpa et reprend à son compte ses missions de service public. Il se voit attribuer de nouvelles missions , notamment auprès des différents ministères certificateurs ou en appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle (CEP). Quant aux activités de formation à proprement parler, qu'il s'agisse des demandeurs d'emploi ou des salariés, elles ne pourront être exercées que par des filiales de l'Epic, en raison de leur nature concurrentielle.

Si ce texte fixe un cadre juridique stable permettant d'assurer le bon fonctionnement de l'établissement public, il appartient à sa nouvelle direction, en lien avec ses ministères de tutelle, de redéfinir le modèle économique de cet opérateur. A elle-seule, l'ordonnance ne fait pas disparaître les difficultés structurelles auxquelles était confrontée l'Afpa . C'est grâce à la mobilisation de tous ses salariés, dont l'engagement au service des stagiaires de la formation professionnelle n'a jamais faibli malgré les difficultés rencontrées ces dernières années, et à une vision stratégique partagée , que l'Epic pourra poursuivre son activité d'utilité sociale et que ses filiales pourront prospérer dans un marché concurrentiel .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'AFPA, UN ACTEUR HISTORIQUE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE MIS EN PÉRIL PAR LES BOULEVERSEMENTS DE SON MARCHÉ

L'intervention de l'État en matière de formation professionnelle de la main d'oeuvre trouve ses origines dans la seconde moitié des années 1930, en lien avec la nécessité de faire face à la montée du chômage et le besoin accru de qualification de la part des industries d'armement.

Dès 1935 1 ( * ) , le Gouvernement subventionnait des « centres de formation professionnelle des chômeurs » agréés par le ministère du travail et qui pouvaient être mis en place par des entreprises, des collectivités publiques, des établissements d'enseignement, des organisations professionnelles d'employeurs ou de salariés ou des associations . Le décret du 6 mai 1939 2 ( * ) a quant à lui précisé le cadre juridique applicable à ces structures, désormais qualifiées de « centres de reclassement professionnel des chômeurs » ainsi que les modalités du soutien financier que pouvait leur apporter l'État et les conditions du maintien, pour le chômeur en formation, de ses allocations d'assistance. S'agissant de la formation continue des salariés, des « institutions de promotion ouvrière » 3 ( * ) pouvaient être créées par des entreprises ou des centres de rééducation professionnelle des chômeurs et percevoir des subventions publiques. Leur objectif était d'assurer la « formation progressive des ouvriers nécessaires à la production » 4 ( * ) , dans des locaux distincts des ateliers. Les entreprises étaient alors tenues de remplacer les ouvriers en formation par des chômeurs, et percevaient des primes pour les y encourager.

Ces préoccupations économiques et sociales sont éclipsées par la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, à la Libération, c'est sur la base de ces premières expériences que sont bâtis l'organisation du système français de formation professionnelle continue et ses opérateurs, au premier rang desquels figure rapidement l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

A. UN OPÉRATEUR PARAPUBLIC AU STATUT ATYPIQUE QUI A ACCOMPAGNÉ LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE SUR TOUT LE TERRITOIRE

Pour répondre aux défis de la reconstruction , principalement dans les secteurs du bâtiment et de l'industrie , qui mettent en lumière l'urgence de former plusieurs centaines de milliers d'ouvriers qualifiés, une politique de développement de la formation professionnelle accélérée (FPA) est engagée dès 1945. Un décret du 9 novembre 1946 5 ( * ) vient définir les conditions de mise en place et de subvention des « centres de formation professionnelle », qu'il s'agisse de centres d'entreprises ou de centres collectifs relevant d'organisations professionnelles d'employeurs, d'organisations syndicales de salariés ou d'associations. Trois structures paritaires assurent à partir de 1947 la gestion de ces centres avec le soutien de l'État :

- l'association pour la formation professionnelle de la main d'oeuvre du bâtiment et des travaux publics (AFPMOBTP) ;

- l'association pour la formation professionnelle des ouvriers de la métallurgie (AFPOM) ;

- l'association pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre (AFRMO), à laquelle l'État est associée et qui, outre des centres de formation pluridisciplinaires, conçoit les programmes pédagogiques et assure la sélection des candidats à une formation.

En 1949, une rationalisation des centres de FPA est engagée, s'accompagnant d'un renforcement du rôle de l'État. Un décret du 11 janvier 1949 6 ( * ) met un terme au subventionnement des centres ne formant pas aux deux activités reconnues prioritaires - le bâtiment et la métallurgie - et plafonne leur nombre à 125 . Surtout, il centralise le versement des subventions d'équipement et de fonctionnement de l'ensemble de ces centres, et par conséquent leur gestion , à un organisme national . Celui-ci est agréé par un arrêté du 26 mars 1949 7 ( * ) : il s'agit de l'association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre (ANIFRMO), issue du regroupement de l'AFPMOBTP et de l'AFPOM avec l'AFRMO.

L'ANIFRMO accompagne au cours de la décennie suivante les évolutions de l'économie française, développant notamment sous l'impulsion de l'État une politique d'élévation des qualifications pour les secteurs économiques connaissant une pénurie de main d'oeuvre et d'accompagnement des évolutions économiques. Elle devient le 1 er janvier 1966 l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) , à la veille de la reconnaissance, par le législateur, du caractère « d'obligation nationale » 8 ( * ) de la formation professionnelle, destinée à « assurer le progrès économique et social » 9 ( * ) et à favoriser l'accès des jeunes et des adultes à la qualification.

La loi du 16 juillet 1971 10 ( * ) , en confirmant la participation financière de l'État aux actions de formation et en instituant une contribution obligatoire pour les entreprises en la matière, est venue accélérer le développement de la formation professionnelle continue (FPC), tout en rappelant son rôle de promotion sociale et d'adaptation des compétences des actifs aux transformations de l'économie, renforçant ainsi indirectement le rôle de l'Afpa.

Son statut d'opérateur parapublic de l'État assurant la mise en oeuvre de sa politique de formation s'est confirmé dans les années suivantes. Se concentrant sur l'accès à la qualification des demandeurs d'emploi , l'Afpa est présente sur l'ensemble du territoire et bénéficie, en sus d'une subvention de fonctionnement, de ressources issues du fonds national de l'emploi (FNE), chargé de soutenir à partir de 1963 la reconversion des salariés d'entreprises subissant la mutation de leur secteur d'activité, et du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale (FFPPS), constitué en 1961 et qui finance les conventions conclues entre l'État et des organismes de formation en réponse à des priorités nationales.

Ces programmes traduisent l' accroissement du rôle de l'État , sous l'égide du ministère de l'emploi, dans le pilotage de la formation professionnelle et sa transformation , avec l'apparition du chômage de masse, en un outil de la politique de l'emploi .

Les années 1970 ont constitué une période de très fort développement pour l'association. À titre d'exemple, en 1974, l'Afpa employait 7 950 salariés, dont 45 % de formateurs, dans 135 centres de formation en France, et voyait son budget de fonctionnement augmenter de 15 % par an 11 ( * ) .

La principale préoccupation de l'époque était d' assurer la reconversion des personnes privées d'emploi et la promotion professionnelle des salariés, dans le respect des orientations définies par l'État. L'association formait alors 53 000 demandeurs d'emploi 12 ( * ) et 9 000 stagiaires salariés annuellement 13 ( * ) .

Les missions de l'Afpa dans les années 1970

Dans un document remis au Parlement en 1974, le Gouvernement définissait ainsi les missions de l'Afpa :

- contribuer à former la main d'oeuvre qualifiée nécessaire aux diverses branches de l'économie ;

- faciliter la reconversion des travailleurs menacés de licenciement ;

- offrir à des adultes la possibilité de perfectionner leurs connaissances techniques ;

- apporter un appui technique et pédagogique aux organismes désirant organiser des actions de formation.

Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la population,
« Afpa : dossier constitué à l'intention de mesdames et messieurs les parlementaires », mars 1974.

Dans ce contexte, l'Afpa restait, à la fin des années 1990, l'association la plus subventionnée de France 14 ( * ) . En 1998, elle percevait de l'État 6 milliards de francs , soit 1,19 milliard d'euros en valeur actualisée, soit un montant supérieur à l'époque aux budgets des ministères de l'environnement ou de la jeunesse et des sports, et comptait 11 000 salariés. Toutefois, les évolutions du cadre juridique de la formation professionnelle , qui avaient été initiées dès le début des années 1980 mais qui se sont amplifiées dans les années 2000, ont remis en cause le modèle économique et organisationnel de l'Afpa et le périmètre de ses missions de service public, fragilisant très fortement l'association.

B. UN ACTEUR DOMINANT QUI N'A PAS SU S'ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DE LA GOUVERNANCE ET DU CADRE JURIDIQUE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

1. L'impact de la décentralisation sur le financement de l'Afpa

Dans le cadre du processus de décentralisation engagé à partir de 1982, la mise en oeuvre des politiques d'apprentissage et de formation professionnelle continue a été confiée aux régions par la loi du 7 janvier 1983 15 ( * ) . L'État restait toutefois encore compétent pour financer des stages « assurés par un même organisme dans plusieurs régions », destinés à des stagiaires sans considération de leur origine régionale ou bien encore réalisés en application des orientations prioritaires définies à l'échelle nationale. L'Afpa restait donc, sous ce régime juridique, encore très largement financée par l'État.

L'approfondissement de la décentralisation, et notamment le transfert aux régions de la majorité des financements apportés par l'État à l'Afpa , est venu bouleverser cet équilibre. La loi du 13 août 2004 16 ( * ) a chargé les régions de définir la politique de formation professionnelle des demandeurs d'emploi sur leur territoire. En conséquence, et en application de son article 13, les ressources consacrées par l'État au financement de stages de l'Afpa entrant dans ce champ leur ont été transférées à compter du 1 er janvier 2009 . Ce transfert pouvait être anticipé avant cette date par les régions volontaires, dans le cadre défini par une convention conclue entre le préfet, le conseil régional et l'Afpa et sous réserve du versement par les régions à l'association d'une dotation financière équivalente aux subventions que cette dernière percevait jusqu'à présent de l'État.

Notre ancienne collègue Annick Bocandé, rapporteur pour avis de votre commission sur cette loi, avait bien identifié les conséquences de cette disposition, en soulignant qu'au terme de la période transitoire prévue par ce texte, « les régions deviendront les donneurs d'ordre exclusifs de l'Afpa au titre de la commande publique » 17 ( * ) et que « les relations de l'Afpa avec les régions relèveront du code des marchés publics par le biais des procédures d'appel d'offres » 18 ( * ) et non plus d'une subvention négociée de gré à gré 19 ( * ) .

Ce changement fondamental dans la nature du financement de l'Afpa , avec le passage d'un financeur national très majoritaire à vingt-et-une collectivités territoriales aux pratiques et objectifs parfois divergents est intervenu concomitamment à une ouverture plus large des activités de formation professionnelle à la concurrence , sous l'impulsion du droit communautaire.

2. L'application du droit de la concurrence au champ de la formation professionnelle

Saisi par la Fédération de la formation professionnelle (FFP), organisation professionnelle représentant les structures privées de formation, le Conseil de la concurrence s'est prononcé à deux reprises, en 2000 puis en 2008, sur les conditions d'intervention des personnes publiques dans le secteur de la formation professionnelle et, plus spécifiquement, sur le positionnement de l'Afpa en matière de formation des demandeurs d'emploi au regard du droit de la concurrence.

Dans son premier avis 20 ( * ) , il avait estimé que la transparence et l' égalité entre tous les organismes de formation devait être préservée, indépendamment de leur statut, refusant toute concertation entre les membres du service public de l'emploi et toute « orientation privilégiée » des financements vers une structure publique lorsqu'existent des offres concurrentes émanant d'organismes privés. Il avait toutefois également relevé l' absence de droits exclusifs conférant une position dominante aux acteurs publics, dans un contexte où l'évolution des modalités de commande publique des prestations de formation professionnelle était anticipée mais ne s'était pas encore concrétisée.

Dans son second avis 21 ( * ) , qui traite directement de l'Afpa, le Conseil de la concurrence a rappelé l'assujettissement de principe des activités de formation professionnelle au droit communautaire de la concurrence . Il souligne néanmoins qu'il était loisible à l'État de déléguer à l'Afpa des prérogatives de puissance publique non économique ou de lui confier une mission de service public répondant à la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) au sens du droit communautaire.

Surtout, il identifiait deux domaines dans lesquels l'activité de l'Afpa pouvait être de nature à limiter la concurrence, au détriment des opérateurs privés de formation.

Son impartialité dans l'instruction des demandes d'agrément formulées par ceux-ci auprès des services déconcentrés du ministère du travail pour délivrer les titres du ministère pouvait être mise en doute. L'Afpa bénéficiait en effet d'une disposition réglementaire l'habilitant à délivrer ces titres sur l'ensemble du territoire national, étant donc en concurrence directe avec les organismes dont elle était chargée de contrôler les pratiques. En conséquence, ce statut privilégié lui a été retiré par un décret du 18 janvier 2010 22 ( * ) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) assurent désormais l'intégralité de la procédure d'agrément et de contrôle des organismes délivrant des titres du ministère de l'emploi.

Avec un impact plus profond sur l'organisation de l'Afpa et la façon dont elle assurait son activité depuis sa création, le Conseil de la concurrence a estimé que son activité d'orientation des demandeurs d'emploi vers un stage de formation , exercée en partenariat avec l'ANPE, lui conférait un avantage indu .

Il a souligné que, malgré l'affirmation de la neutralité de ses psychologues du travail par l'Afpa, cette situation ne permettait pas de garantir une concurrence non faussée, le risque étant que les demandeurs d'emploi soient orientés en priorité vers les formations offertes par l'association. La loi du 24 novembre 2009 23 ( * ) a finalement prévu le transfert de 920 de ces personnels à Pôle emploi au 1 er avril 2010.

3. L'incapacité de l'Afpa à tirer profit de cette nouvelle donne

Ces transformations d'ordre financier, juridique et opérationnel ont fait entrer l'Afpa dans une période d'instabilité dont elle n'est depuis jamais réellement sortie. Aux subventions d'État a succédé un programme d'activité de service public (Pasp) destiné à compenser les seules charges liées aux missions de service public qui restent confiées à l'association, essentiellement la mise en oeuvre de la politique du titre du ministère de l'emploi, en particulier l'ingénierie de ses titres professionnels, et les sujétions liées à sa présence territoriale .

Entre 2007 et 2012, les versements de l'État à l'Afpa ont diminué de 64 % , passant de 301 à 77 millions d'euros 24 ( * ) . Dans le même temps, les ressources issues des régions ont diminué de 6 % : si celles allouées par appels d'offres ont progressé de 295 millions d'euros , celles résultant de subventions ont reculé de 355 millions d'euros .

La mise en place par certains conseils régionaux de mandatements avec octroi de droits spéciaux, dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG ; cf. infra ), est restée limitée, ceux-ci ne représentant que 34 millions d'euros en 2012.

L' irrégularité des achats de formation par Pôle emploi a aggravé la situation financière fragile de l'association. Après avoir progressé de 116 % entre 2007 et 2010, atteignant un maximum de 51,4 millions d'euros cette année-là, ils ont ensuite décru de 36 % , ne représentant plus que 33 millions d'euros en 2012. Quant au chiffre d'affaires sur le segment de la formation continue des salariés , décrit comme « insuffisant » par la Cour des comptes 25 ( * ) , il n'a progressé que de 7 % sur ces cinq années, sans compenser les pertes de parts de marché subies sur la formation des demandeurs d'emploi.

Ainsi, comme le souligne la Cour des comptes 26 ( * ) , l'Afpa a perdu sept points de part de marché sur la formation des demandeurs d'emploi entre 2007 et 2011 , passant de 29,3 à 22 % , ses produits d'exploitation liés à cette activité reculant de 9 % alors que les dépenses pédagogiques globales en faveur de ce public, dont les effectifs ont très fortement crû durant la période, progressaient de 25 % . L'Afpa avait formé près de 120 000 demandeurs d'emploi en 2007, mais moins de 90 000 en 2012.

Évolution du nombre de stagiaires formés par l'Afpa depuis 2007

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Demandeurs d'emploi

119 254

120 171

106 423

98 884

92 267

89 424

85 680

82 076

77 040

Salariés

58 745

60 479

67 824

69 263

67 542

57 745

54 645

59 411

56 454

Total

177 999

180 650

174 247

168 147

159 809

147 169

140 325

141 487

133 494

Source : Afpa

Cette dégradation généralisée n'a pu être enrayée par une stratégie de réorientation de l'activité de l'Afpa adaptée à ces nombreux défis. Celle-ci, que la Cour des comptes qualifie de « chaotique », tout particulièrement entre 2010 et 2012, a au contraire contribué à aggraver sa situation, notamment par une recentralisation excessive de la prise de décision , au détriment des directions régionales et des centres de formation. Ceux-ci perdirent toute responsabilité en matière commerciale, malgré leurs connaissances des besoins de leurs territoires et des financeurs locaux, tandis qu'aucune réflexion sur l'évolution du modèle pédagogique de l'association ne fut sérieusement engagée.

Comme l'avait identifié la Cour des comptes, l'Afpa était handicapée par le poids de ses charges de structure , notamment en matière de personnel. Alors que les formateurs représentent toujours moins de la moitié des effectifs de l'association (47,19 % en 2013) 27 ( * ) , la réduction de la masse salariale a été limitée (- 18 % entre 2007 et 2012) et 40 % de celle des effectifs (- 2 339 équivalents temps plein [ETP], passant de 11 354 à 9 015 , soit - 21 %) est liée au transfert des psychologues du travail à Pôle emploi (cf. supra ). La Cour des comptes conclut ainsi qu'en excluant ce phénomène ponctuel, la réduction des effectifs de l'Afpa « s'est opérée à un rythme lent » 28 ( * ) .

Évolution des effectifs de l'Afpa depuis 2007

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017 1

Variation
totale

(en %)

CDI

9 649

9 849

9 370

8 530

8 089

7 970

7 745

7 470

7 115

6 892

6 638

- 31,2

CDD

1 310

1 505

1 309

944

1 061

1 044

924

929

967

1 385

1 491

+ 13,8

Effectif
total

11 354

10 959

10 679

9 474

9 150

9 014

8 669

8 399

8 082

8 277

8 129

- 28,4

1 estimation

Source : Cour des comptes et DGEFP

Dans ce contexte, la classification de l'Afpa par plusieurs structures publiques a évolué dans un sens contradictoire . Elle a ainsi perdu, à compter de l'exercice 2012, son statut d'organisme divers d'administration centrale (Odac) au sens de la comptabilité nationale. Définis par l'Insee comme des organismes auxquels l'État a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national, contrôlés et financés majoritairement par lui et qui ont une activité principalement non marchande, les Odac entrent dans le champ de la mesure de la dette des administrations publiques au sens du traité de Maastricht et ne peuvent par conséquent pas avoir recours à l'emprunt. Cette évolution se justifiait par la transformation des modalités de financement de l'association et l'évolution de l'appréciation du caractère marchand de la majeure partie de son activité. A l'inverse le Conseil d'État, dans son rapport de 2012 sur les agences 29 ( * ) , qualifiait l'Afpa « d'agence de production et de prestation de services » 30 ( * ) de l'État et estimait que le statut associatif ne devait pas être utilisé comme « support juridique » 31 ( * ) d'une telle structure.

Au premier semestre 2012, les interrogations sur le devenir de l'Afpa étaient nombreuses et le constat de sa fragilité économique extrême très largement partagé .

Dans le rapport 32 ( * ) qu'il avait remis au Président de la République au mois d'avril, Gérard Larcher lui consacrait une annexe et appelait à lui « donner un nouvel avenir » 33 ( * ) . Il rappelait la nécessité de coordonner l'action de l'État et des régions en la matière, estimant qu'elles partageaient la responsabilité de la situation que connaissait alors l'association. Il appelait de ses voeux une fluidification de ses relations avec Pôle emploi , afin d'offrir à davantage de demandeurs d'emploi une formation qualifiante. Il soulignait enfin les atouts dont elle disposait, qu'il s'agisse de son caractère national, de la qualité de son offre de formation, des prestations annexes qu'elle offre ou de l'accompagnement social qu'elle peut fournir aux stagiaires. Une partie de ces orientations se sont retrouvées dans le plan de refondation mis en place par la nouvelle direction de l'Afpa à partir de l'été 2012.

C. UN PLAN DE REFONDATION QUI A SAUVÉ TEMPORAIREMENT L'AFPA DE LA FAILLITE MAIS NE L'A PAS REDRESSÉE DURABLEMENT

Après avoir connu une très forte dégradation de sa situation financière entre 2010 et 2011, avec un niveau de pertes multiplié par dix 34 ( * ) , l'Afpa a frôlé en 2012 la cessation de paiement . Alors que son chiffre d'affaires a connu cette année-là une baisse de 10,3 % , ses pertes ont atteint 91 millions d'euros , conduisant à la démission de son président et au remplacement de son directeur général.

Son nouveau président, Yves Barou, nommé en juin 2012,
a dès l'automne suivant présenté un plan de refondation de l'association, dont l'objectif affiché était de la ramener à l'équilibre financier à l'horizon 2015 . Reposant sur onze chantiers prioritaires , il visait notamment à rétablir la place de l'Afpa dans la commande publique régionale, à accélérer le développement de l'activité en direction des entreprises ou encore à réduire ses charges de fonctionnement, tout en accentuant la déconcentration de la prise de décision au niveau régional.

Approuvé par le comité central d'entreprise et les organes de gouvernance de l'association, ce plan avait reçu l'approbation de l'État, qui lui a apporté un soutien financier majeur afin de lui permettre de renforcer ses fonds propres. Il a ainsi souscrit, via l'Agence des participations de l'État (APE), pour 200 millions d'euros d'obligations associatives émises par l'Afpa 35 ( * ) , d'une maturité de 20 ans et rémunérées au taux de 4 %. Cette dernière a également bénéficié d'un moratoire sur sa dette fiscale et sociale , qui s'élèverait à l'heure actuelle à environ 80 millions d'euros 36 ( * ) , intérêts et pénalités compris.

Ce plan de refondation était très ambitieux : il prévoyait une croissance du chiffre d'affaires dès 2014 et une situation financière saine dès l'année suivante. Un an après son élaboration, la Cour des comptes mettait toutefois en garde contre l'impossibilité de tenir les objectifs d'activité fixés , en lien notamment avec une surestimation des produits attendus 37 ( * ) . Cette analyse a été confirmée par les données comptables de l'association : alors que le plan de refondation reposait sur un chiffre d'affaires de 797 millions d'euros en 2013, seulement 757 ont été réalisés. Surtout, la croissance du chiffre d'affaires attendue à partir de 2014 ne s'est jamais produite .

Comparaison des hypothèses d'évolution du chiffre d'affaires de l'Afpa
prévues par le plan de refondation et du chiffre d'affaires constaté

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Plan de refondation

809

797

824

849

880

Chiffre d'affaires constaté

809

757

754

710

742 1

Écart

/

5 %

8,5 %

16,4 %

15,7 %

1 prévision
Source : Cour des comptes et DGEFP

En conséquence, un acte II de la refondation de l'Afpa a été engagé par la direction à l'automne 2014, appelant à des actions structurelles plus fortes afin de rattraper la trajectoire initialement prévue et d'apporter des solutions à plusieurs problèmes anciens grevant son développement, notamment celui des biens immobiliers mis à sa disposition par l'État (cf. infra ), tout en mettant l'accent sur l' utilité sociale de l'association et en adaptant son organisation territoriale à la réforme de la carte régionale.

Toutefois, confrontée à une conjoncture économique moins favorable qu'envisagé et à des difficultés à transformer son modèle économique et pédagogique , elle a subi une forte aggravation de ses pertes qui, après avoir légèrement diminué entre 2012 (91 millions d'euros) et 2013 (82 millions d'euros), se sont à nouveau creusées en 2014 (102 millions d'euros) puis surtout en 2015 (152 millions d'euros). Sa part de marché auprès des conseils régionaux a poursuivi sa dégradation.

Évolution de la part de marché de l'Afpa dans la formation
des demandeurs d'emploi financée par les conseils régionaux

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Part de marché
( en % )

42

37

34

32

29

27

25

Source : Afpa

Pourtant, dans le même temps, le Gouvernement renforçait l'ancrage de l'Afpa dans le service public de l'emploi . La loi du 17 août 2015 38 ( * ) a en effet, pour la première fois, défini dans le code du travail, à son article L. 5315-1 39 ( * ) , les missions de service public de l'association . Outre celle, historique, de formation, de qualification et d'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, il mentionne également le rôle joué dans la politique de certification du ministère de l'emploi ainsi que l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle.

Évolution des produits d'exploitation de l'Afpa depuis 2007

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

État

315,17

292,24

263,36

211,91

194,10

115,78

106,12

121,23

124,55

Organismes institutionnels

34,18

39,60

47,01

63,36

57,57

105,29

55,72

64,83

58,97

Collectivités territoriales

438,26

461,28

491,52

462,33

432,92

409,91

408,57

388,92

365,90

dont conseils régionaux :
appels d'offres

25,55

22,24

38,75

172,87

252,81

320,74

322,64

305,77

289,16

dont conseils régionaux : subventions

407,93

434,35

448,25

286,09

143,5

53,39

40,77

42,49

39,04

dont conseils régionaux : SIEG

-

-

-

-

34,3

33,39

42,74

38,8

36,43

Entreprises

140,30

138,11

152,52

167,36

156,82

150,93

156,99

151,15

139,00

Union européenne

50,49

31,62

15,17

16,20

7,78

11,74

9,50

8,06

1,41

Contribution stagiaires

14,32

14,72

14,65

13,66

12,54

12,92

13,38

12,87

13,08

Autres produits

3,97

5,95

5,00

6,03

2,90

3,01

7,10

7,13

7,31

Total

996,69

983,52

989,23

940,84

864,63

809,58

757,37

754,20

710,22

Source : DGEFP

La situation financière de l'Afpa ne s'est pas améliorée pour autant, malgré les efforts consentis en matière de réduction des charges. La Cour des comptes, qui avait déjà porté un regard critique 40 ( * ) sur l'achat, par l'État, d'obligations associatives émises par l'association, a rappelé qu'au printemps 2016 l'Afpa « était loin d'avoir résolu ses graves difficultés financières » 41 ( * ) . Le plan de refondation n'a pas tenu ses promesses : le Gouvernement en avait déjà pris acte en obtenant du Parlement, dans le cadre de la loi du 17 août 2015 précitée, une habilitation à transformer, par ordonnance, l'Afpa en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) chargé de reprendre l'intégralité de ses missions.

II. L'ORDONNANCE DU 10 NOVEMBRE 2016 : LA CRÉATION D'UN EPIC POUR PÉRENNISER L'ACTIVITÉ DE SERVICE PUBLIC DE L'AFPA DANS LE RESPECT DU DROIT DE LA CONCURRENCE

A. UNE ORDONNANCE QUI RESPECTE L'HABILITATION DONNÉE PAR LE LÉGISLATEUR EN 2015

En application de l'article 39 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 42 ( * ) , l'Afpa, dans le cadre de sa mission de service public pour l'emploi , participe à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et contribue à leur insertion professionnelle 43 ( * ) . Elle participe également à la politique de certification menée par le ministre de l'emploi ainsi qu'à l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

Le II de ce même article 39 a par ailleurs habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Il était ainsi autorisé à prendre, avant le 17 février 2017, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

- transformer l'Afpa en un Epic tout en précisant les missions exercées par cet établissement, notamment celles de service public ;

- définir les conditions de dévolution d'actifs immobiliers de l'État à cet établissement ;

- préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l'association à cet établissement.

Votre rapporteur considère que le champ de cette habilitation a été respecté par le Gouvernement lors de l'élaboration de l'ordonnance du 10 novembre 2016 44 ( * ) .

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devait être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance. Votre rapporteur constate que ce délai a été respecté car le présent projet de loi, qui procède à la ratification de cette ordonnance du 10 novembre 2016, a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 janvier 2017.

B. DES MISSIONS QUI RELÈVENT EN PARTIE DU SERVICE PUBLIC

Les membres du conseil d'administration et du conseil d'orientation de l'Afpa, réunis le 22 décembre 2016 à Paris, ont acté la dissolution de l'association et le transfert universel de son patrimoine à l'Epic.

Le 1 er janvier 2017, l'association s'est transformée en Agence, conservant le sigle Afpa qui désigne désormais l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes. L'Agence exerce directement des missions de service public et indirectement des activités concurrentielles à travers des filiales.

1. Une distinction entre les missions de service public et celles relevant de la sphère concurrentielle

L'article 1 er de l'ordonnance définit les missions de service public de l'Epic au nouvel article L. 5315-1 du code du travail, et ses autres missions au nouvel article L. 5315-2 du même code.

L'établissement public contribue tout d'abord au service public de l'emploi (SPE) qui a pour mission l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion des demandeurs d'emploi. Il est d'ailleurs explicitement mentionné au nouvel article L. 5315-3 du code du travail parmi les autres acteurs du SPE que sont Pôle emploi et l'Unédic.

La présentation en deux volets des missions de l'Agence retenue par le Gouvernement ne correspond pas à la distinction habituelle entre missions obligatoires et missions facultatives ou missions de service public et activités concurrentielles. Elle découle plutôt du souci exprimé par le Conseil d'État de respecter scrupuleusement les termes de l'habilitation législative issue de la loi du 17 août 2015 en distinguant les missions déjà assignées à l'association et les nouvelles tâches, qui ne sauraient remettre en cause les compétences des régions chargées du service public de l'emploi et de la formation professionnelle. Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de la volonté du Gouvernement de ne pas outrepasser le cadre de l'habilitation, il considère néanmoins que la présentation des missions de l'Agence est peu intelligible. Elle a d'ailleurs suscité des interrogations de la part de nombreuses personnes auditionnées.

En outre, la qualification de service public des missions de l'Agence découle de la définition de la dotation de l'État qui lui est destinée.

Votre rapporteur considère que les missions de l'Agence peuvent être regroupées en trois blocs distincts.

• Le premier bloc regroupe les missions de service public précédemment attribuées à l'Afpa par le code du travail, à savoir :

- sa participation à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et à leur insertion sociale et professionnelle ;

- sa contribution à la politique de certification menée par le ministère de l'emploi ;

- sa participation à un égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers ;

- sa contribution à l' égal accès, sur l'ensemble du territoire , aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle 45 ( * ) .

• Le deuxième bloc rassemble les nouvelles missions de l'Agence, qui viennent préciser la portée de celles confiées historiquement à l'association, comme :

- la participation de l'Agence à l'émergence et à l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences , notamment par le développement d'une ingénierie de formation ;

- le développement d'une expertise prospective de l'évolution des compétences adaptées au marché local de l'emploi ;

- l'appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle ;

- sa contribution à la politique de certification des ministères autres que celui de l'emploi.

• En revanche, à la suite des observations de la Commission européenne et du Conseil d'État, le troisième bloc de missions regroupe celles qui relèvent de la sphère concurrentielle comme :

- la formation des demandeurs d'emploi et des salariés , qui ne peut être réalisée que dans deux filiales spécifiques ;

- la contribution de l'Agence au développement des actions de formation en matière de développement durable et de transition énergétique .

La formation des demandeurs d'emploi et des salariés, de même que la contribution de l'Agence à la politique de certification des ministères autres que celui de l'emploi, constituent, selon l'article L. 5315-2 nouveau du code du travail, le « complément normal des missions de service public » confiées à l'Agence et doivent être « directement utiles » à l'amélioration des conditions d'exercice de ces dernières, s'inspirant ainsi largement d'une argumentation juridique utilisée par le Conseil d'État dans son avis du 7 juillet 1994 sur la diversification des activités d'EDF-GDF 46 ( * ) .

Dans cet avis, la haute juridiction administrative avait en effet indiqué que le principe de spécialité d'un établissement public ne s'opposait pas par lui-même à ce que celui-ci, surtout s'il a un caractère industriel et commercial, se livre à d'autres activités économiques à la double condition :

- d'une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale ;

- d'autre part, que ces activités soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement public.

Enfin, le nouvel article L. 5315-6 du code du travail autorise l'Agence à créer des filiales et à prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser des opérations utiles à ses missions.

2. Les règles européennes relatives aux services d'intérêt économique général s'imposent au nouvel Epic

L'article 106, alinéa 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), autorise les États à créer et à organiser librement leurs services d'intérêt économique général (SIEG), tout en précisant que les règles de concurrence et du marché intérieur s'appliquent aux opérateurs chargés de la gestion de ces services, quel que soit leur statut juridique, dès lors qu'elles ne font pas obstacle à l'accomplissement de la mission d'intérêt général qui leur est confiée. En outre, le développement des échanges intracommunautaires ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union par la mise en oeuvre d'un SIEG.

L'article 107 du TFUE stipule que, sauf dérogations prévues par les traités, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sont interdites, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.

En l'absence de définition précise dans le TFUE, la Commission européenne a été amenée à définir les SIEG et les services sociaux d'intérêt général (SSIG) en s'inspirant largement des apports de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Les SIEG désignent des activités économiques remplissant des missions d'intérêt général qui ne seraient pas exécutées par le marché en l'absence d'une intervention de l'État , ou qui seraient exécutées à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d'accessibilité, d'égalité de traitement ou d'accès universel 47 ( * ) . Quant aux SSIG, ils regroupent les régimes légaux et les régimes complémentaires de protection sociale, ainsi que les services essentiels fournis à la personne et notamment aux publics fragiles. Compte tenu de l'interprétation extensive de la Commission européenne de la notion d'activité économique, beaucoup de SSIG de nature économique sont assimilés à des SIEG.

Les collectivités publiques disposent d'une grande latitude pour définir les missions relevant d'un SIEG, le contrôle de la CJUE se limitant à censurer les erreurs manifestes d'appréciation . La Cour a ainsi estimé que la qualification de SIEG de certaines activités liées au domaine des opérations portuaires, comme le débarquement des marchandises, constituait une erreur manifeste d'appréciation d'une autorité nationale 48 ( * ) .

Si un service est déjà fourni par le marché, dans des conditions jugées insatisfaisantes par l'État membre concerné, par exemple quand le marché ne peut pas le fournir avec le niveau de qualité ou à un prix que les autorités publiques pourraient considérer comme revêtant un intérêt public, il peut être qualifié de SIEG et doit être proposé sur une base non discriminatoire 49 ( * ) .

Conformément aux stipulations de l'article 106, il est indifférent que des SIEG soient gérés par des entreprises publiques ou privées. Par conséquent, le statut d'Epic conféré par l'ordonnance à l'Agence ne dispense pas le législateur d'apprécier la conformité des missions de service public qui sont confiées à cet organisme par rapport au droit communautaire.

L' arrêt Altmark du 24 juillet 2003 50 ( * ) a été l'occasion pour la CJUE de déterminer les quatre conditions auxquelles doit répondre le financement public d'un opérateur chargé de la gestion d'un SIEG pour ne pas constituer une aide d'État :

- l'opérateur bénéficiaire doit effectivement être chargé de l'exécution d' obligations de service public clairement définies par un acte juridique ;

- la compensation financière doit être préalablement établie, sur la base de critères objectifs et transparents ;

- cette compensation ne doit couvrir que les coûts nécessaires à l'exécution des obligations de service public, en y intégrant toutefois un bénéfice raisonnable pour l'opérateur concerné ;

- cette compensation peut être accordée soit dans le cadre d'une procédure de marché public , soit à l'issue d'une simulation fondée sur l'exemple d'une « entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée »

Lorsque l'un de ces quatre critères n'est pas rempli, la compensation financière de l'activité de service public relève d'un régime spécifique d'aide d'État sous la forme de compensation de service public . Ce régime spécifique a été introduit en novembre 2005 et a fait l'objet d'une révision en décembre 2011 dans le cadre du « paquet Almunia », qui comprenait notamment la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 51 ( * ) . La philosophie de la réforme de 2011 était d'assouplir les règles relatives aux aides d'État lorsqu'il s'agissait de SIEG soit d'un faible montant, soit portant sur des sujets étrangers par définition aux règles de la concurrence.

Ainsi, la loi du 5 mars 2014 52 ( * ) a autorisé, sous conditions, les régions à financer et à habiliter des organismes pour mettre en oeuvre des actions d'insertion et de formation professionnelle à destination des jeunes et des adultes rencontrant des difficultés d'apprentissage ou d'insertion 53 ( * ) . Une convention, dont la durée ne peut pas excéder cinq ans, est passée avec chaque organisme et fixe les obligations de service public, assimilables à un SIEG, ainsi que le montant des compensations financières. Actuellement, 15 % du chiffre d'affaires de l'Afpa résulte de ces appels d'offres régionaux relatifs à des SIEG.

Si votre rapporteur regrette la complexité des règles européennes relatives aux SIEG , qui altère gravement la confiance d'un grand nombre de nos concitoyens à l'égard des institutions européennes, il convient néanmoins d'examiner chacune des missions de service public de l'Agence à l'aune des critères dégagés par la Commission européenne.

3. Les missions de service public confiées à l'Agence ne sont pas incompatibles avec les règles européennes relatives aux SIEG

L'État sera dispensé de notifier au préalable à la Commission européenne les dotations visant à compenser les sujétions de service public versées à l'Agence liées à « l'accès et la réinsertion sur le marché du travail », quels que soient leurs montants, s'il respecte les règles fixées par la décision précitée du 20 décembre 2011 54 ( * ) .

Le Gouvernement devra notamment indiquer dans le mandat de l'Agence, par un ou plusieurs actes juridiques, le mécanisme de compensation retenu et ses paramètres de calcul, de contrôle et de révision ainsi que les modalités de récupération des éventuelles surcompensations et les moyens de les éviter 55 ( * ) .

Les missions de SIEG assignées par l'ordonnance à l'Agence ne font pas l'objet de droits exclusifs et pourraient être confiées en théorie à d'autres organismes, notamment privés, même si en pratique cette hypothèse paraît peu probable.

La mission de formation, de qualification et d'insertion sociale et professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi était également remplie par l'Afpa en tant qu'association, comme le prévoyait l'article L. 5315-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 novembre 2016. Lors de leur audition devant votre rapporteur, les représentants de la Fédération de la formation professionnelle ont indiqué que les organismes privés de formation poursuivent le même objectif. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a pour sa part indiqué que cette notion de personnes les plus éloignées de l'emploi ne reçoit pas de définition univoque : elle pourrait concerner les chômeurs de très longue durée, des jeunes décrocheurs ou encore des migrants. En tout état de cause, cette mission devrait être limitée à des publics ciblés et peu nombreux car la très grande majorité des demandeurs d'emploi ont vocation à être formés dans la filiale spécifique de l'Agence (cf. infra ).

L'Afpa détenait un monopole pour l'élaboration des titres professionnels délivrés par le ministère de l'emploi : en 2016, 250 titres étaient concernés. Ce monopole est maintenu à l'occasion de la transformation de l'association en agence. A l'instar de la Commission européenne, votre rapporteur considère que cette mission relève d'un service d'intérêt général non économique et non d'un SIEG. L'Agence assurera également le secrétariat de sept commissions professionnelles de certification (CPC) et gèrera l'activité du Centre national des archives (CNA), chargé de la gestion et de la conservation des données relatives aux examens d'obtention d'un titre professionnel du ministère chargé de l'emploi.

En revanche, votre rapporteur considère que la participation de l'Agence à un égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers constitue davantage un principe transversal qu'une mission à proprement parler. La DGEFP, lors de son audition par votre rapporteur, a rappelé que l'inscription de cette mission dans l'ordonnance reprenait une disposition applicable à l'association, à laquelle votre commission s'était d'ailleurs opposée lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi qui l'a introduite dans le droit en vigueur, jugeant qu'elle était insuffisamment précise et qu'elle excluait, a contrario, d'autres publics prioritaires. En outre, l'association bénéficiait de crédits extérieurs pour exécuter cette mission, de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros par an, et ne devrait pas selon la DGEFP bénéficier d'une dotation pour compenser les sujétions liées à l'exercice de cette mission.

Le rôle de l'Agence en matière d' égal accès, sur l'ensemble du territoire , aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle est justifié selon votre rapporteur, car l'Afpa avait historiquement pour objectif de garantir une présence équilibrée dans les régions à travers un maillage territorial dense, y compris dans les zones peu densément peuplées. Il convient à cet égard d'indiquer que le nouvel article L. 5315-7 du code du travail oblige l'Epic à affecter au financement de cette mission les sommes issues directement ou indirectement de la vente de biens immobiliers transférés par l'État (cf. infra ).

À travers la nouvelle mission relative à la participation de l'Agence à l' émergence et à l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences , le Gouvernement souhaite encourager le développement d'expérimentations portant sur des certifications nouvelles, comme la conduite de drones, qui ne concernent pour l'instant qu'un public restreint. Votre rapporteur approuve cette nouvelle mission car l'économie française souffre des retards pris dans l'actualisation des référentiels de formation, ce qui pénalise son attractivité

Régions de France conteste la mission de l'Agence relative au développement d'une expertise prospective de l'évolution des compétences adaptées au marché local de l'emploi, considérant qu'elle empiète sur celle des centres d'animation, de recherche et d'information sur la formation (Carif) et des observatoires régionaux de l'emploi et de la formation (Oref). La DGEFP estime pour sa part que le risque de doublon est très faible, compte tenu de l'accent mis par l'Afpa sur les besoins concrets des employeurs, à travers des visites des agents de l'Afpa dans les entreprises et les contacts directs avec les stagiaires de la formation. Votre rapporteur considère que les expertises de ces organismes sont complémentaires avec celles de l'Afpa, mais il souhaite à terme que tous ces acteurs puissent mettre en commun leurs analyses dans le cadre des travaux des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop).

Votre rapporteur considère par ailleurs que l'Agence peut aujourd'hui encore jouer un rôle d' appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle même si ses modalités d'intervention restent pour l'instant floues et que 920 psychologues du travail ont été transférés de l'Afpa vers Pôle emploi en 2009.

En définitive, votre rapporteur considère que l'ordonnance attribue à l'Agence de nombreuses missions de service public, dont la plupart sont pleinement justifiées compte tenu des missions accordées antérieurement à l'association et de leur caractère non-exclusif (sauf en ce qui concerne la certification des titres du ministère du travail).

Si quelques missions de service public, comme l'appui aux opérateurs chargés des activités de conseil en évolution professionnelle, sont plus discutables, elles ne relèvent pas, selon votre rapporteur, d'une erreur manifeste d'appréciation de la part du Gouvernement et elles ne représenteront en tout état de cause qu'une très faible part de l'activité de l'Agence.

4. Des filiales pour la formation des demandeurs d'emploi et des salariés

La Commission européenne considérant que les établissements publics de l'État bénéficient par construction d'une garantie financière implicite et illimitée de ce dernier, elle se serait opposée à ce que l'activité de formation héritée de l'Afpa soit directement exercée par l'Agence. Elle a suggéré la création de filiales dédiées, estimant que la simple mise en place d'une comptabilité analytique était insuffisante.

Il convient toutefois de souligner que cette notion de garantie illimitée de l'État à l'égard de ses établissements publics est débattue . En effet, en application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances 56 ( * ) , une telle garantie doit être explicitement octroyée annuellement par la loi de finances. Par ailleurs, l'État peut baisser le montant de leurs dotations et il lui est toujours loisible, du moins en théorie, de supprimer un de ses établissements. Au nom de la continuité des missions de service public, le Conseil d'État a toutefois refusé de mentionner explicitement dans l'ordonnance que la garantie de l'État ne s'appliquait pas à la nouvelle Agence.

Le Gouvernement a finalement fait le choix de créer non seulement une filiale pour la formation des salariés, mais également une autre dédiée à la formation des demandeurs d'emploi afin de clarifier le fonctionnement de l'Epic et d'éviter de futurs contentieux avec la Commission européenne.

C'est pourquoi l'association a créé fin 2016 deux filiales , qui auront le statut de sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (Sasu) et dont l'Epic sera l'unique actionnaire. La direction de l'Afpa avait tout d'abord envisagé de donner un statut coopératif à ces filiales mais a abandonné ce projet à la suite notamment de l'opposition des syndicats de l'association et d'obstacles juridiques trop complexes à surmonter.

Ces filiales n'emploient actuellement aucun salarié et n'ont pas été dotées en capital. Toutefois, à partir de mars prochain et à l'issue des procédures d'information-consultation menées par la direction avec les institutions représentatives du personnel de l'Epic, la filiale assurant la formation des demandeurs d'emploi devrait compter quatre cents salariés en charge uniquement des relations commerciales et juridiques, tandis que celle dédiée à la formation des salariés en regroupera deux cents . Le nombre de ces salariés peut paraître élevé mais il s'explique par la complexité des appels d'offres passés par les régions et Pôle emploi et par les besoins des entreprises.

Dans les deux cas, ces salariés seront transférés par l'Epic aux filiales. Les formateurs en revanche, qui peuvent travailler aussi bien avec des demandeurs d'emploi que des salariés, resteront au sein de l'Epic. Les filiales contractualiseront donc avec l'Agence pour disposer d'eux en fonction des marchés remportés.

Votre rapporteur considère que la pérennité de ce montage complexe dépendra du climat social au sein de l'Epic et des critères de facturation retenus pour les mises à disposition du personnel et des locaux, qui devront respecter les règles de la concurrence, comme l'ont souligné avec raison les représentants de la Fédération de la formation professionnelle auditionnés par votre rapporteur. Il est également indispensable que l'administration fiscale reconnaisse l'existence d'un groupement de moyens entre l'Agence et ses filiales afin que les mises à dispositions de locaux et de personnels soient exonérées de TVA 57 ( * ) , les activités de formation n'y étant elles-mêmes pas soumises 58 ( * ) .

Le développement de la filiale consacrée à la formation des demandeurs d'emploi passe par des offres plus compétitives et innovantes afin de répondre aux commandes des régions et de Pôle emploi et enrayer la perte d'attractivité qu'a connue l'Afpa. Pour mémoire, le produit d'exploitation de l'Afpa résultant des marchés conclus avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles figurent les régions, est passé de 468 à 366 millions d'euros entre 2010 et 2015 59 ( * ) . En conséquence, la part de marché de l'Afpa sur le périmètre d'intervention des conseils régionaux en formation continue est passée de 42 à 25 % sur cette même période (cf. supra ).

Les filiales doivent notamment poursuivre les partenariats qu'avait noués l'Afpa avec de nombreux acteurs de la formation, comme les Greta ou l'Association de la formation professionnelle pour l'industrie (Afpi) pour répondre aux appels d'offres dans le cadre de groupement.

Symétriquement, votre rapporteur souhaite que les financeurs de la formation des demandeurs d'emploi coordonnent leurs appels d'offres. Avant la fusion des régions, plusieurs directions régionales de Pôle emploi avaient décidé de former un groupement d'achat unique avec les conseils régionaux, comme en Haute-Normandie, en Bourgogne, en Rhône-Alpes et en Île-de-France. En Pays de la Loire, la direction régionale de Pôle emploi a même décidé de verser directement sa contribution financière au programme régional de formation. Votre rapporteur souhaite que ces initiatives soient poursuivies et amplifiées afin de dégager davantage de moyens pour les actions de formation proprement dites et d'améliorer l'efficacité de la dépense publique en matière de formation professionnelle.

Si les filiales de l'Agence échouent à se moderniser, elles verront leurs chiffres d'affaires et leurs parts de marché poursuivre leur érosion, sans que l'Agence puisse leur venir en aide financièrement en leur versant une partie des dotations de l'État.

C. LA PLACE CENTRALE DE L'ETAT DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION

La gouvernance de l'Afpa avait été modifiée par la délibération de son assemblée générale du 27 janvier 2011, sans pour autant assurer un pilotage satisfaisant de l'association.

Un conseil d'orientation de vingt membres avait été mis en place, composé de cinq collèges pour représenter les régions, l'État, les employeurs, les employés et les personnalités qualifiées. L'État bénéficiait de seulement trois sièges : un pour la DGEFP, un pour la direction du budget et un pour la direction générale de l'enseignement scolaire. Le conseil d'orientation nommait et révoquait le président et les administrateurs.

Le conseil d'administration était, pour sa part, composé de douze membres, mais ni l'État, ni les régions n'y siégeaient. Il revenait au conseil d'administration de nommer le directeur général, une fois sa candidature retenue par le conseil d'orientation.

L'ordonnance du 10 novembre 2016 modifie en profondeur ces règles de gouvernance.

Le nouvel article L. 5315-3 du code du travail prévoit que l'établissement public est dirigé par un directeur général nommé par décret , après avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop). Si cet avis ne lie pas le Gouvernement, il donne en revanche un rôle accru aux régions et aux partenaires sociaux. Le directeur général doit prendre toutes les mesures utiles à l'exercice des missions et des activités de l'Agence jusqu'à l'installation du conseil d'administration 60 ( * ) .

L'ordonnance fixe les principales règles régissant la composition du conseil :

- il comprend des représentants de l'État, des régions, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, des personnalités qualifiées et des représentants du personnel ;

- le nombre de sièges accordés aux représentants du personnel déroge aux règles applicables 61 ( * ) dans les autres Epic, sans que l'ordonnance précise si cette dérogation se fait à leur avantage ou à leur détriment ;

- chaque représentant de l'État ou des régions disposent d'au plus deux voix.

Les membres du conseil d'administration sont nommés par arrêté des ministres de tutelle 62 ( * ) , sauf le président, nommé par décret parmi les personnalités qualifiées. Par ailleurs, les règles de droit commun relatives à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public 63 ( * ) ne s'appliquent pas au candidat à la présidence de l'Agence, dans la limite d'un seul mandat non renouvelable, comme en dispose l'article 5 de l'ordonnance.

Le décret du 15 novembre 2016 64 ( * ) a précisé les règles de composition du conseil d'administration de l'Agence ainsi que son rôle. Il définit également les missions de son président, du directeur général, les règles financières et comptables applicables ainsi que son organisation territoriale. Votre rapporteur constate que les règles de gouvernance applicables à l'Agence ne se distinguent qu'à la marge de celles des autres Epic.

Alors même que l'Agence est qualifiée d'établissement public de l'État, ses représentants n'auront pas à eux seuls la majorité au conseil d'administration (18 voix sur un total de 40). Cette situation n'est pas anormale pour autant car aucune disposition législative n'impose une telle majorité, le ministère ayant privilégié la promotion du quadripartisme au sein du conseil d'administration. L'État nommera quatre personnalités qualifiées qui se rallieront sans doute fréquemment aux votes de ses représentants, et les autorités de tutelle disposeront d'un délai de quinze jours pour s'opposer à l'entrée en vigueur des délibérations du conseil d'administration (art. R. 5315-7 nouveau du code du travail).

La composition du conseil d'administration de l'Agence

Le nouvel article R. 5315-2 du code du travail prévoit que le conseil d'administration du nouvel Epic, comptant 27 membres, est composé de :

- neuf représentants de l'État qui disposent chacun de deux voix (deux sont désignés par le ministre chargé de l'emploi, deux par le ministre chargé du budget, tandis que le ministre chargé de la formation professionnelle, le ministre chargé de l'économie, le ministre chargé de l'éducation nationale, le ministre chargé des affaires sociales et le ministre chargé de l'intérieur désignent chacun un représentant) ;

- quatre personnalités qualifiées , dont au moins une personne choisie parmi les représentants des usagers, nommées sur proposition conjointe des ministres chargés de l'emploi, de la formation professionnelle et du budget ;

- quatre représentants élus des conseils régionaux , nommés sur proposition de Régions de France, qui disposent chacun de deux voix ;

- un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel, désigné par chacune d'elles (soit cinq représentants) ;

- un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, désigné par chacune d'elles (soit trois représentants) ;

- deux représentants du personnel .

La durée du mandat des membres du conseil d'administration est de cinq ans renouvelable une fois.

Participent aux séances du conseil d'administration avec voix consultative le directeur général, le contrôleur économique et financier et le secrétaire du comité central d'entreprise.

Il convient enfin d'indiquer qu'en application du nouvel article L. 5315-4 du code du travail, l'Agence sera dotée d'un médiateur , correspondant du Défenseur des droits, chargé d'instruire les réclamations individuelles des usagers, sans préjudice des voies de recours existantes.

D. LES RESSOURCES DE L'EPIC : LE MONTANT DE LA DOTATION DE L'ÉTAT EST STRICTEMENT ENCADRÉ

En application du nouvel article L. 5315-5 du code du travail, les ressources de l'établissement public sont constituées par des dotations de l'État, des redevances pour service rendu, le produit des ventes et des locations ainsi que par des emprunts autorisés, des dons, des legs et diverses recettes.

La typologie de ces ressources est similaire à celle jusqu'à présent applicable à l'Afpa.

Les dotations de l'État seront calculées pour compenser, sans la dépasser, la charge financière des missions et sujétions de service public de l'Agence.

Pour mémoire, la loi de finances pour 2016 avait fixé à 96 millions d'euros la dotation versée par l'État à l'association au titre du programme d'activité de service public (Pasp), qui concernait principalement :

- le financement des prestations de certification permettant la mise en oeuvre de la politique du titre et des prestations portant sur la réalisation des travaux d'ingénierie relative à la certification du titre professionnel (64 millions d'euros) ;

- une subvention destinée à couvrir les charges de sujétion liées à sa présence territoriale de l'Afpa (11,4 millions d'euros) ;

- la mise en oeuvre du programme « Déclic pour l'action » qui vise à faire découvrir des métiers aux jeunes en difficulté (10 millions d'euros) ;

- une subvention pour la réalisation d' expérimentations permettant l'accompagnement des politiques de l'État sur le dispositif des emplois d'avenir (5 millions d'euros).

- une subvention au titre de l' hébergement et de la restauration des publics spécifiques (4 millions d'euros) ;

Il reviendra au Gouvernement, dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de performance conclu avec l'Agence et du prochain projet de loi de finances, de définir des critères précis, objectifs et publics pour calculer les compensations afférentes à chaque SIEG. Le choix des critères sera capital : si la dotation est trop faible, elle affaiblira l'Agence, mais si elle est trop élevée, elle sera assimilée à une surcompensation et la Commission européenne pourrait alors être amenée à exiger le remboursement du surplus. De l'ordre de 110 millions en 2017 , la dotation de l'État devrait être d'un niveau équivalent l'an prochain puis pourrait baisser régulièrement les années suivantes.

E. L'EPIC ASSURE LA CONTINUITÉ DES DROITS ET DES OBLIGATIONS DE L'ASSOCIATION

L'article 3 de l'ordonnance pose le principe selon lequel l'ensemble des droits et obligations de l'association sont transférés à l'Agence , nonobstant toute disposition ou stipulation contraire 65 ( * ) .

Ce principe s'applique aux créances cédées par l'association et aux sûretés réelles et personnelles les garantissant.

Il s'applique également aux hypothèques qu'elle avait consenties sur les droits réels issus des baux emphytéotiques administratifs conclus avec l'État, à condition toutefois que les biens sous-jacents soient apportés en pleine propriété à l'Agence. C'est le cas des centres de Toulouse-Palays et de Créteil (cf. infra ).

L'État peut toutefois s' opposer à la réalisation des sûretés et des hypothèques précitées si elles sont de nature à porter préjudice à la bonne exécution des missions de service public de l'Agence.

Votre rapporteur rappelle par ailleurs que des négociations difficiles sont toujours en cours pour déterminer la part des dettes fiscales et sociales de l'association transférées à l'Agence qui pourraient être rééchelonnées ou apurées.

L'Agence devient également l'employeur de tous les salariés qui étaient employés par l'association avant sa dissolution, sans distinction selon la nature du contrat de travail ou leur ancienneté. Ils bénéficient en outre des mêmes conventions et accords collectifs que ceux en vigueur dans l'association.

Le second alinéa de l'article 3 de l'ordonnance prévoit le maintien des contrats de travail conclus par les éventuelles filiales de l'association sans modification et leur transfert aux filiales de l'Agence. Cette disposition est toutefois inutile car les deux filiales créées par l'association fin 2016 ne comptaient aucun salarié avant la dissolution de cette dernière.

Votre rapporteur remarque que ces dispositions s'inspirent directement de l' article L. 1224-1 du code du travail , qui indique qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente ou fusion, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Même si l'ordonnance était restée muette sur la question du transfert des contrats de travail, les dispositions de l'article L. 1224-1 auraient trouvé à s'appliquer à l'Afpa car le transfert intervient entre deux entités dont les salariés relèvent du code du travail 66 ( * ) , la nature de l'acte de transfert est interprétée de manière extensive par la jurisprudence et l'entité économique transférée maintient son intégrité.

Les salariés de l'association ne peuvent donc refuser leur transfert vers l'Agence . Tout refus d'un salarié pourrait alors être assimilé à une rupture du contrat de travail à son initiative 67 ( * ) et produirait les effets d'une démission 68 ( * ) . La direction de l'Agence conserve naturellement la possibilité de licencier un salarié transféré si les motifs du licenciement n'ont pas pour objet d'éluder les dispositions de l'ordonnance. Ainsi, le fait pour un salarié transféré de ne pas se présenter sur son lieu de travail pourrait être qualifié d'abandon de poste constitutif d'une faute grave 69 ( * ) .

Quant aux salariés en charge des questions commerciales et juridiques au sein des deux filiales de l'Agence, ils feront l'objet d'un double transfert : de l'association vers l'Epic en application de l'ordonnance du 10 novembre 2016, puis de l'Epic vers la filiale en vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Les représentants de l'Agence auditionnés par votre rapporteur ont toutefois indiqué que les modalités du transfert de personnel vers les filiales seront négociées avec les représentants des salariés jusqu'en mars prochain tandis qu'une unité économique et sociale regroupant l'Epic et ses filiales devrait être créée pour offrir à tous les anciens salariés de l'association un cadre social harmonisé et protecteur, à travers notamment la création d'un comité central d'entreprise.

F. L'ORDONNANCE RÉSOUD LES DIFFICULTÉS PASSÉES LIÉES À LA MISE À DISPOSITION PAR L'ÉTAT DE BIENS IMMOBILIERS À L'AFPA ET CONFIE À L'EPIC LA RESPONSABILITÉ D'EN ASSURER LA VALORISATION

1. Les échecs successifs du transfert de la propriété de biens mis à la disposition de l'association par l'État

Depuis sa création au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et plus encore de la réforme de son statut à partir de 1966, l'Afpa, sous la tutelle de l'État, a été chargée d'offrir un accès à la qualification sur tout le territoire . Opérateur du ministère de l'emploi directement subventionné par celui-ci jusqu'à la fin des années 2000 pour mettre en oeuvre sa politique de formation des demandeurs de d'emploi, elle s'est développée sur des sites - centres de formation, lieux d'hébergement ou de restauration pour les stagiaires ou structures administratives - pour la plupart mis à sa disposition par l'État, qui en était le propriétaire .

Elle bénéficiait d'un régime juridique très favorable . Cette mise à disposition reposait sur des conventions d'occupation temporaire , d'une durée comprise entre trois et douze ans selon les sites, et s'accompagnait d'une redevance symbolique : 15 euros par an et par site . L'entrée de la majeure partie de l'activité de l'association dans le champ concurrentiel, à travers notamment la soumission à des appels d'offres régionaux concernant la formation des demandeurs d'emploi, a conduit l'État à chercher à faire évoluer cette situation, sans succès jusqu'à aujourd'hui.

La première tentative , en 2009, visait à assurer la dévolution à titre gratuit de l'ensemble des biens immobiliers de l'État mis à sa disposition , soit un total de 181 . L'article 54 de la loi du 24 novembre 2009 70 ( * ) prévoyait que les biens appartenant à l'État et contribuant à l'activité de l'Afpa lui seraient transférés au 1 er avril 2010 , sans contrepartie financière ni taxe, constituant ainsi un apport en capital pour favoriser son développement.

Dans une décision 71 ( * ) du 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à la Constitution . Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par les régions Centre et Poitou-Charentes, il a estimé que l' absence de conditions posées à ce transfert à titre gratuit et de garantie sur le maintien de l'affectation de ces biens aux missions de service public de l'Afpa méconnaissait la protection constitutionnelle de la propriété des biens publics . En conséquence, tous les travaux engagés à l'époque sur ce dossier, en particulier le dialogue avec la Commission européenne pour s'assurer de sa conformité avec le droit communautaire des aides d'État, ont été interrompus.

Plusieurs solutions alternatives ont été envisagées à la suite de divers travaux des inspections générales. Une première mission de l'inspection générale des finances (IGF), en 2011, recommandait la conclusion, entre l'État et l'Afpa, de baux emphytéotiques administratifs (BEA) relevant de l'article L. 2341-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), assortis de droits réels et dont l'objectif est la valorisation du patrimoine ainsi concédé.

Le montant des redevances associées à ces baux était alors estimé entre 8 et 12,5 millions d'euros par an . Une seconde mission de l'IGF et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), en 2012, privilégiait le transfert à titre gratuit de ces biens aux régions , dans le cadre d'une décentralisation de l'Afpa.

Au final, cette possibilité sera ouverte par le législateur dans la loi du 5 mars 2014 72 ( * ) , dans des conditions très strictes. Cette même loi a procédé au déclassement , dans le domaine privé de l'État, de l'ensemble des biens mis à la disposition de l'Afpa par celui-ci au 31 décembre 2013, tout en préservant leur affectation aux missions de service public assurées par l'association.

Les conditions du transfert à titre gratuit aux régions
des biens mis à la disposition de l'Afpa par l'
É tat

L'article 21 de la loi du 5 mars 2014 avait offert à l'État la faculté de transférer aux régions volontaires la propriété des immeubles qu'il met à la disposition de l'Afpa pour l'exercice de ses missions de service public.
Il l'avait toutefois assorti de plusieurs conditions destinées à tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le transfert était conditionné à la signature préalable d'un projet de site 73 ( * ) entre la collectivité bénéficiaire et l'Afpa qui devait garantir la mise en oeuvre de ses missions de service public une fois le transfert effectué et présenter notamment la programmation prévisionnelle des investissements de la région sur le site, l'offre de formation qui y aurait été proposée ainsi que les conditions de mise à disposition du site à l'Afpa.

Il ne pouvait porter sur des biens pour lesquels un BEA a été conclu, et devait garantir l'affectation des immeubles concernés aux missions de service public de l'Afpa.

Toutefois, il était prévu que la région puisse mettre fin à cette affectation dès lors qu'elle avait convenu avec l'Afpa de la mise à disposition à cette dernière d'un immeuble équivalent au regard des missions de service public concernées. Si une telle décision était prise moins de vingt ans après le transfert, le bien pouvait revenir dans le patrimoine de l'État. A défaut, la région devait lui verser une somme correspondant à sa valeur vénale au moment de la désaffection, minorée des investissements qu'elle aurait réalisés.

A la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 novembre 2016, ces différents scénarios avaient connu une mise en oeuvre très limitée selon les informations communiquées à votre rapporteur par la direction de l'immobilier de l'État.

Seuls deux BEA , d'une durée de 50 ans , ont été conclus entre l'État et l'Afpa. Ils concernent les sites de Toulouse-Palays (signé le 19 décembre 2013) et de Créteil (25 juillet 2014), et donnent lieu au paiement d'une redevance annuelle calculée selon leur valeur locative. Deux autres BEA ont été envisagés, pour les sites de Lyon-Vénissieux et de Toulouse-Balma, mais n'ont pas abouti.

Quant au transfert à titre gratuit des immeubles aux régions , comme le permet la loi du 5 mars 2014, il n'a été mis en oeuvre qu'une fois, au profit de la région Bourgogne-Franche-Comté . A la veille de la transformation de l'Afpa en Epic, elle a demandé à obtenir la propriété des centres Afpa de Vesoul et de Lons-le-Saulnier , qu'il n'était pas envisagé de transférer à titre gratuit à l'Epic 74 ( * ) (cf. infra ). Si le principe en a été accepté par l'État 75 ( * ) , ce processus ne sera finalisé que si le conseil régional adopte une nouvelle délibération en ce sens avant le 1 er avril 2017 . Le conseil régional de Basse-Normandie s'était par ailleurs porté candidat, par une délibération du 15 octobre 2015, au transfert de deux centres Afpa situés à Cherbourg-en-Cotentin. Toutefois la région Normandie, qui lui a succédé le 1 er janvier 2016, n'a pas repris à son compte cette initiative.

La décision du Conseil constitutionnel de 2010 a donc constitué un obstacle majeur au transfert du patrimoine immobilier mis à la disposition de l'Afpa, auquel aucune solution satisfaisante n'a pu être apportée. Sur les 158 centres de formation de l'Afpa en activité au 31 décembre 2016, les diverses propositions formulées pour sortir de ces difficultés juridiques n'ont été appliquées qu'à quatre d'entre eux, soit 2,5 % de cet ensemble . La conclusion d'un BEA global , qui avait été envisagée en 2014 puis au printemps 2015 selon les informations fournies à votre rapporteur, a été abandonnée avec la transformation de l'association en Epic. Durant cette période, les incertitudes autour du statut de ces immeubles, et les désaccords qui sont apparus entre le bailleur et l'occupant , ont contribué à la fragilisation de la situation financière de l'association puis à l'échec du plan de refondation.

2. Une situation préjudiciable aux deniers publics et à l'entretien de ce patrimoine

Il ressort des travaux menés depuis une dizaine d'années par les corps de contrôle et des auditions réalisées par votre rapporteur qu'un très grand flou entourait encore récemment la question du patrimoine immobilier utilisé par l'Afpa, s'agissant notamment de son inventaire exhaustif, de son état ou encore de son adéquation avec les missions de l'association , chacun des acteurs concernés n'assumant pas pleinement ses responsabilités. Ainsi, dans son rapport de 2013, la Cour des comptes 76 ( * ) soulignait plusieurs irrégularités , comme l'absence de cadastrage de certains biens, ainsi que le fait que l'Afpa ne disposait pas des compétences techniques requises pour gérer un patrimoine aussi vaste.

Mis à disposition après la Seconde Guerre mondiale et confiés à l'ANIFRMO, ancêtre de l'Afpa, par un arrêté du 26 mars 1949 77 ( * ) , ces biens immobiliers sont anciens et, pour certains, vétustes . Si une partie de la subvention de fonctionnement que l'État versait à l'Afpa avant que la majeure partie de son financement soit décentralisée était consacrée à l'entretien de ce patrimoine, sa diminution progressive et son remplacement par un programme d'activité de service public ont réduit les ressources disponibles. L'interdiction de son transfert à titre gratuit à l'association par le Conseil constitutionnel en 2010 aurait aggravé cette situation, rendant indispensables aujourd'hui de très lourds investissements , qui selon certaines estimations s'élèvent à 1,3 milliard d'euros .

La direction de l'immobilier de l'État, lors de son audition par votre rapporteur, a contesté ce chiffrage . Elle a tout d'abord rappelé que les obligations du propriétaire en matière d'entretien et de grosses réparations incombaient à l'occupant , c'est-à-dire à l'Afpa, en vertu des conventions d'occupation temporaire qui régissaient la mise à disposition du patrimoine immobilier de l'État, et qu'elle est donc responsable, à ses yeux, de la situation actuelle. Elle a également précisé que cette évaluation, distinguant chacun des types de travaux à effectuer, aboutissait à compter plusieurs fois les mêmes opérations.

Il n'en reste pas moins qu' un très important effort de remise aux normes du patrimoine immobilier de l'Afpa doit être entrepris , après plusieurs décennies de négligence.

Ces travaux sont de trois ordres : la mise en accessibilité des locaux aux personnes handicapées, le repérage et le retrait de l' amiante , l'amélioration de l' efficacité énergétique . Il n'est pas rare qu'aujourd'hui, dans des centres Afpa, des bâtiments techniques ou d'hébergement soient condamnés en raison d'un entretien défaillant. De plus, la diminution du nombre de stagiaires accueillis a conduit à la diminution du taux d'occupation de ces infrastructures.

La situation du patrimoine immobilier a été rendue plus complexe par les désaccords intervenus entre l'État et l'Afpa , après 2009, lors du renouvellement des conventions d'occupation temporaire. Arguant de l'activité principalement concurrentielle désormais exercée par l'association, de l'avantage ainsi obtenu sur les autres organismes de formation et de la nécessité de mieux valoriser les biens de l'État, France Domaine 78 ( * ) avait cherché à revaloriser les redevances dues par l'Afpa pour les rapprocher de la valeur du marché, tout en appliquant des décotes tenant compte de l'état et de la localisation de chaque bien.

Un contentieux s'est alors engagé sur ce point entre l'État et l'Afpa. Cette dernière ayant refusé de s'acquitter des redevances demandées, de nombreuses conventions d'occupation temporaire ont expiré sans pouvoir être renouvelées. L'association a donc occupé sans titre, pendant plusieurs années, le domaine public , ouvrant potentiellement droit à des indemnités pour l'État.

En conséquence, la direction générale des finances publiques a cherché à recouvrer les importants arriérés de paiement des redevances dues par l'association. Ils s'élèveraient, pour les années 2011 à 2016, à près de 140 millions d'euros selon les informations communiquées à votre rapporteur par la direction de l'immobilier de l'État et l'Afpa. Cette dernière les conteste vigoureusement et a engagé plusieurs recours devant les juridictions administratives. Il est aujourd'hui indispensable, aux yeux de votre rapporteur, de solder ce désaccord dans les plus brefs délais afin qu'il ne fragilise pas l'Epic dès sa création, tout en garantissant le respect des intérêts patrimoniaux de l'État.

3. Un transfert de la plupart des biens à l'Epic qui doit conduire à la rationalisation de ses implantations territoriales

La création de l'Epic apporte une solution définitive aux difficultés juridiques rencontrées jusqu'à présent concernant la propriété des biens immobiliers mis à la disposition de l'Afpa en permettant leur dévolution à titre gratuit de l'État vers une autre personne publique.

a) Le transfert de certains biens immobiliers à l'Epic

L'article 2 de l'ordonnance prévoit en effet que la plupart des biens immobiliers et mobiliers appartenant à l'État et utilisés par l'Afpa dans le cadre de ses missions de service public sont transférés en pleine propriété à l'Epic , au jour de la signature de l'acte authentique constatant ce transfert. Il renvoie à un arrêté le soin de fixer la liste de ces biens.

Cet arrêté a été pris le 28 décembre 2016 79 ( * ) : il recense 116 biens immobiliers , pour une valeur domaniale totale de 410 millions d'euros et des valeurs individuelles comprises entre 303 900 euros pour le centre Afpa d'Aurillac et 14,4 millions d'euros pour le centre de Toulouse-Balma. Les deux centres pour lesquels un BEA avait été conclu sont transférés à l'Epic. Tous ces biens immobiliers doivent rester affectés à ses missions de service public pour une durée minimale de vingt-cinq ans à compter de la date de leur transfert, cette même règle s'appliquant 80 ( * ) aux biens immobiliers financés grâce au produit de la cession de ceux transférés par l'État.

b) Le régime juridique des biens de l'Epic et l'encadrement des possibilités de cession

L'article 1 er de l'ordonnance, en inscrivant dans le code du travail les principes de fonctionnement de l'Epic, traite notamment du statut de ses biens immobiliers et mobiliers. Il précise, à l'article L. 5315-7 nouveau de ce code, qu'ils relèvent du domaine privé de l'établissement public et qu'ils peuvent être librement gérés et aliénés.

Ce même article du code du travail fixe néanmoins des règles spécifiques pour les biens de l'Epic nécessaires à la bonne exécution ou au développement de ses missions de service public . Il confère à l'État un droit d'opposition à tout projet de modification du statut juridique d'un tel bien, qu'il s'agisse de sa cession ou encore de la création d'une sûreté (hypothèque, etc.), et lui reconnaît la possibilité d'exiger qu'une telle opération soit réalisée dans des conditions garantissant l'accomplissement des missions de service public de l'Epic. Dès lors, tout acte réalisé en méconnaissance de ces dispositions est nul de plein droit.

Enfin, pour garantir que l'apport à titre gratuit du patrimoine immobilier mis à la disposition de l'Afpa par l'État ne constitue pas une aide d'État au sens du droit communautaire, les conditions d'utilisation par l'Epic du produit de leur cession sont strictement fléchées. Les ressources financières ainsi obtenues ne pourront en effet être utilisées que pour contribuer à l'égal accès à la formation professionnelle sur l'ensemble du territoire , mission de service public de l'Epic en application de l'article L. 5315-1 nouveau du code du travail.

Il en va de même pour les cessions de biens acquis grâce au produit de la vente de biens transférés par l'État à l'établissement public. Si le produit de ces cessions ne peut être réinvesti à cet effet, il est affecté au budget de l'État , sauf réalisation des sûretés réelles, auquel cas il est destiné aux créanciers.

c) L'évolution du statut juridique des autres biens immobiliers utilisés par l'Afpa

Alors que, selon les informations communiquées à votre rapporteur, l'Afpa occupait au 31 décembre 2016 158 centres de formation , seulement 116 biens immobiliers (73 %) sont dévolus à l'Epic par l'État. Outre les deux centres qui devraient être transférés à la région Bourgogne - Franche-Comté, l'Afpa était propriétaire de trois centres : Alès (Gard), Borgo (Haute-Corse) et Gonesse (Val-d'Oise). Dix-sept sites sont par ailleurs à l'heure actuelle loués à des collectivités territoriales ou à d'autres organismes publics ou privés, comme le siège de l'association.

Surtout, l'État n'a pas transféré à l'Epic l'intégralité des biens immobiliers qu'il mettait à la disposition de l'association . Il conserve la propriété de vingt-et-un d'entre eux , que l'Epic va continuer à occuper sur la base de conventions d'utilisation . Sont par exemple concernés un centre Afpa situé à Paris, trois sièges de directions régionales ou encore le site de La Noue à Montreuil (Seine-Saint-Denis), au sujet duquel la Cour des comptes avait fait des constats sévères 81 ( * ) .

Dans ce contexte, l'article 6 de l'ordonnance abroge les dispositions de la loi du 5 mars 2014 précitée ouvrant la possibilité à l'État de céder à titre gratuit aux régions les biens immobiliers qu'il mettait à la disposition de l'Afpa et déclassant ces immeubles dans son domaine privé.

d) De nouveaux outils pour procéder à la rationalisation du maillage territorial de l'Epic

Désormais propriétaire de la très grande majorité du patrimoine immobilier dans lequel il exerce son activité, l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes doit accentuer le mouvement de rationalisation engagé par le plan de refondation de l'Afpa , tout en veillant à contribuer, dans le cadre de sa mission de service public, à l'égal accès aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle sur tout le territoire. Alors qu'en 2012 l'Afpa disposait de 216 centres de formation sous cinq statuts différents, elle en a depuis fermé 35 , dont quatre en 2016 . Onze autres sites administratifs ont également été restitués à l'État.

L'Epic doit désormais engager avec ses tutelles le dialogue nécessaire à l'élaboration de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) qui pourrait, selon les informations communiquées à votre rapporteur, être présenté à l'automne 2017. Il doit être l'occasion de déterminer les priorités des investissements à réaliser pour la rénovation et la valorisation du parc immobilier mais également de s'interroger sur la pertinence de chacune de ces implantations au regard des missions de service public de l'Agence et de l'activité commerciale des filiales.

Ces dernières années, la réduction des surfaces foncières et bâties occupées par l'Afpa lui a permis de diminuer ses charges , sans que cela suffise toutefois à lui faire retrouver l'équilibre financier. Une telle politique peut encore être poursuivie par l'Epic mais ne saurait être l'unique réponse aux difficultés que connaissent les activités traditionnelles de l'Afpa (cf. supra ) et ne doit pas aboutir à créer des déserts du service public de la formation professionnelle . Il semblerait ainsi pertinent de construire dans les prochaines années un établissement public disposant d'une centaine de centres dotés d'un directeur et d'une large autonomie de gestion .

Ce patrimoine immobilier ne doit toutefois pas être uniquement perçu comme un fardeau mais aussi comme un atout et un argument commercial en faveur du nouvel Epic. Ses capacités d'hébergement , une fois mises aux normes, pourraient être encore davantage qu'aujourd'hui utilisées pour accueillir d'autres publics de la formation professionnelle initiale ou continue, comme des apprentis. Elles peuvent également être un outil au service de l'expérimentation de formations à des métiers rares ou émergents, à recrutement national. Il n'en reste pas moins que la rationalisation de ce parc, notamment à l'échelle locale, doit être poursuivie pour s'adapter à la géographie des bassins d'emploi , des besoins des publics accueillis et des attentes des donneurs d'ordre , au premier rang desquels figurent les conseils régionaux.

G. LA MUTUALISATION DES PLATEAUX TECHNIQUES DE L'EPIC AU PROFIT DU SERVICE PUBLIC RÉGIONAL DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La création de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes permet d'en faire un véritable outil du service public régional de la formation professionnelle et non plus seulement, comme l'Afpa l'était devenue, un simple prestataire de service désigné par appel d'offres. A ce titre, et pour garantir que les ressources dont il bénéficie n'entraîneront aucune distorsion de concurrence, l'ordonnance prévoit d'offrir à certains organismes de formation l'accès à ses locaux et équipements .

L'article L. 5315-8 nouveau du code du travail met en place une première procédure destinée aux structures habilitées , dans le cadre d'un SIEG établi par un conseil régional, à mettre en oeuvre des actions de formation et d'insertion à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières d'apprentissage ou d'insertion 82 ( * ) . Une convention tripartite État-région-Epic, reposant sur la stratégie coordonnée entre la région et l'État en matière d'emploi, d'orientation et de formation professionnelles créée par la loi du 7 août 2015 83 ( * ) , doit définir les modalités de cette mise à disposition des moyens de l'établissement public à ces organismes de formation. Elle doit se faire, pour satisfaire aux exigences du droit de la concurrence, dans des conditions objectives , transparentes et non-discriminatoires , c'est-à-dire offrir une garantie d'égal accès pour tous.

Un cahier des charges national , défini par décret, fixera un cadre auquel ces conventions devront se conformer, en particulier concernant la redevance pour service rendu qui devra être versée à l'Epic. Le montant de celle-ci devra tenir compte du coût d'entretien et de fonctionnement des installations utilisées, déduction faite des coûts liés au patrimoine immobilier transféré par l'État à l'Epic et affecté à ses missions de service public.

Par ailleurs, l'article L. 5315-9 nouveau détermine une seconde procédure à destination cette fois des organismes de formation concourant au service public régional de la formation professionnelle , dès lors qu'ils participent à la politique de certification du ministère de l'emploi ou qu'ils développent des ingénieries de formation adaptées aux nouveaux métiers et aux nouvelles compétences requises par l'évolution de l'économie. Ils pourront accéder aux locaux et équipements de l'établissement public consacrés à l'exercice de ses missions de service public , sur la base d'un cahier des charges qu'il reste à définir par décret.

Dans le premier cas, selon les informations communiquées à votre rapporteur par la DGEFP, il s'agit pour les quelques 2 000 organismes de formation agréés par les Direccte pour délivrer des titres professionnels du ministère de l'emploi d'avoir accès aux locaux de l'Epic comme centres d'examen . Dans le second cas, l'objectif est d'offrir à tous les opérateurs la possibilité de bénéficier d'éventuels investissements matériels qui auraient pu être financés au titre de cette mission de service public de l'Epic.

Une convention tripartite préalable n'est pas requise dans cette hypothèse et les modalités de calcul de la redevance pour service rendu qui est versée à l'Epic sont renvoyées à un cahier des charges distinct de celui prévu à l'article L. 5315-8 nouveau, sans autre précision, contrairement au régime de mise à disposition prévu à ce même. En revanche, le même principe d'accès objectif, transparent et non-discriminatoire à ces infrastructures trouve à s'appliquer.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE ÉTAPE INDISPENSABLE AU REDRESSEMENT DE L'AFPA MAIS INSUFFISANTE POUR GARANTIR LE DÉVELOPPEMENT DE SON ACTIVITÉ

A. UN PREMIER PROJET D'ORDONNANCE INSUFFISANT ET PROFONDÉMENT REMANIÉ

A l'issue d'une demi-douzaine de réunions de travail entre le rapporteur du Conseil d'État et les services de la DGEFP, l'ordonnance du 10 novembre 2016 apporte un grand nombre d'améliorations par rapport à la première version du texte élaborée en juillet dernier.

Tout d'abord, le projet d'ordonnance ne définissait pas avec exactitude l es missions de l'Agence. Il ne distinguait pas les missions de service public de celles relevant de la sphère concurrentielle. Il érigeait au rang de mission l'intégration sociale et professionnelle des personnes vulnérables, qui a disparu de l'ordonnance. A l'inverse, il ne mentionnait pas la mission relative aux actions de formation en matière de développement durable et de transition écologique, présente dans l'ordonnance.

Ensuite, le projet d'ordonnance ne répondait pas de manière satisfaisante aux règles européennes relatives aux SIEG . En effet, aucune disposition n'encadrait le montant des compensations versées par l'État, en méconnaissance des règles définies par la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011. Il n'obligeait l'Epic qu'à créer une filiale pour assurer la formation des salariés, sans l'obliger à en instituer une dédiée à la formation des demandeurs d'emploi. Le texte ne prévoyait par ailleurs aucun droit pour les organismes de formation d'utiliser les plateaux techniques de l'Epic, alors qu'ils seront financés par une subvention de l'État justifiée par la mission de certification des titres professionnels assimilable à un SIEG.

Enfin, le projet d'ordonnance accordait une moindre place aux régions que ne le fait l'ordonnance. D'une part, les représentants des régions ne disposaient pas d'un droit de vote majoré, cette prérogative étant réservée aux représentants de l'État. D'autre part, le projet d'ordonnance ne conférait pas au Cnefop le soin de rendre un avis sur la nomination du directeur général de l'Epic.

Plus généralement, les observations du Conseil d'État ont permis de rationaliser la présentation de l'ordonnance, notamment en ce qui concerne son volet immobilier, nonobstant les réserves de votre rapporteur sur le caractère peu lisible de la présentation des missions de l'Agence dans la version finale de l'ordonnance (cf. supra ).

B. DES GARANTIES SOLIDES AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE QUI DEVRONT ÊTRE CONFIRMÉES DANS LES FAITS

Les échanges soutenus avec les services de la Commission européenne au cours du processus d'élaboration de l'ordonnance et la volonté du Gouvernement de garantir la parfaite conformité de la transformation de l'Afpa avec le droit communautaire ont permis de faire évoluer de manière significative le projet initial. Au terme des auditions qu'il a réalisées, votre rapporteur estime que l'ordonnance offre de fortes garanties théoriques visant à diminuer tout risque de distorsion de la concurrence au profit de l'Epic , mais qu'il convient maintenant de définir les conditions d'une mise en oeuvre assurant à tous les acteurs concernés un accès libre et non faussé aux marchés de la formation professionnelle continue.

Au cours de l'année 2016, le Gouvernement a mené un dialogue avec la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission européenne afin de recueillir ses observations sur la réforme envisagée et de lever tout risque d'incompatibilité avec la réglementation communautaire relative aux aides d'État et à l'exercice par une structure publique d'un SIEG (cf. supra ). L'engagement d'une procédure de pré-notification à partir du mois de juillet 2016 a permis de formaliser cette demande d'avis, facultative au regard de l'article 2 de la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 précitée qui exempte de notification les compensations octroyées , quel que soit leur montant, aux SIEG en matière d'accès et de réinsertion sur le marché du travail .

Au total, sept notes des autorités françaises ont été transmises à la Commission européenne pour présenter la situation de l'Afpa et la création du nouvel Epic. Dans ce cadre, elle a été informée du financement de l'association par l'État dans le cadre du Pasp et de l'émission en 2013, 2014 et 2015 d'obligations associatives pour un montant total de 200 millions d'euros (cf. supra ). Par un premier courrier du 11 octobre 2016, qui n'a pas été transmis à votre rapporteur , la DG concurrence a identifié plusieurs risques en matière de respect des règles de concurrence dans le dispositif envisagé par le Gouvernement. En conséquence, celui-ci a apporté plusieurs modifications à son projet pour y remédier, tenant compte des suggestions formulées par Bruxelles.

S'agissant des activités de l'Epic entrant dans le champ concurrentiel , l'ordonnance rend finalement obligatoire de les confier à des filiales de celui-ci, de statut privé. Alors que sa première version ne prévoyait la création d'une filiale que pour la formation des personnes en emploi, cette obligation a finalement été étendue à la formation des demandeurs d'emploi (cf. supra ).

Afin que le transfert à titre gratuit à l'Epic d'une part importante du patrimoine immobilier de l'État mis à la disposition de l'Afpa ne puisse être considéré comme une aide d'État, les conditions de réutilisation du produit de la cession de certains de ses éléments ont été plus strictement encadrées .

Il était initialement prévu qu'il ne pourrait financer que les investissements nécessaires à l'exercice des missions remplies par l'établissement public dans le cadre du service public de l'emploi (politique du titre ; identification des nouveaux métiers et des nouvelles compétences ; expertise prospective sur l'évolution des besoins des territoires en matière de formation ; appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle ; formation et qualification des salariés et des demandeurs d'emploi). Au final, c'est l'existence d'un lien direct entre ces biens immobiliers répartis dans toute la France et la mission conférée à l'Epic de contribuer à l'égal accès aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle sur l'ensemble du territoire qui rend cette dévolution conforme au droit communautaire . En conséquence, le nouvel article L. 5315-7 du code du travail prévoit que le produit de la cession d'un bien transféré par l'État à l'établissement public ne peut qu'être réinvesti pour remplir cette mission d'équité territoriale dans l'accès à la formation ou être affecté au budget de l'État.

Par ailleurs, les infrastructures de formation de l'Afpa et transférées à l'Epic ayant été financées par des ressources publiques, la Commission européenne a suggéré d'en faire un outil de la politique régionale de formation professionnelle afin de permettre à ses principaux acteurs d'en bénéficier, moyennant le versement d'une redevance pour service rendu. Absente du projet d'ordonnance, cette mutualisation des plateaux techniques de l'établissement public est finalement ouverte par les nouveaux articles L. 5315-8 et L. 5315-9 du code du travail au profit des organismes de formation habilités par un conseil régional dans le cadre d'un SIEG et de ceux agréés pour délivrer des titres professionnels du ministère de l'emploi ou travaillant au développement des formations à de nouveaux métiers ou à de nouvelles compétences (cf. supra ).

Dans un courrier adressé aux autorités françaises le 28 novembre 2016, la Commission européenne a estimé que les risques juridiques qu'elle avait identifiés avaient été correctement pris en compte dans les versions finales de l'ordonnance et de son décret d'application 84 ( * ) , mettant ainsi un terme à la pré-notification de la réforme à ses services. Si le Gouvernement estime qu'il a ainsi obtenu une validation sans réserves ni nuances de sa transformation de l'Afpa en Epic, il ne faut pas y voir un blanc-seing garantissant la parfaite compatibilité de celle-ci avec le droit communautaire , et ce d'autant plus que la pré-notification reste une procédure informelle et facultative de consultation de la Commission européenne.

Ce sont surtout les conditions de mise en oeuvre de ce texte , et les règles de fonctionnement interne qu'adoptera l'Epic, qui vont déterminer si son intervention dans le champ concurrentiel porte atteinte ou non à la concurrence . Le point principal reste les modalités de facturation des prestations et services fournis par l'Epic à ses filiales , qui exerceront une activité concurrentielle. Elles ne seront pas les employeurs des formateurs, et devront recourir aux locaux et équipements de l'Epic, en particulier à ses plateaux techniques. Selon les informations recueillies par votre rapporteur lors de ses auditions, la méthodologie pour déterminer ces coûts reste à définir , notamment la ventilation des charges indirectes. Il est essentiel qu'une comptabilité analytique robuste soit mise en place et que l'ensemble des charges soient remboursées à prix coûtant afin de mettre un terme à la logique de vente à perte qui caractérisait parfois l'association .

L'objectif doit bien être de tendre à la vérité des coûts , en évitant tout autant les sous-facturations que les surfacturations . La même problématique est posée concernant la mise à disposition des plateaux techniques de l'Epic . Dans l'attente de l'élaboration des cahiers des charges déterminant les modalités de calcul de la redevance pour service rendu qui devra être versée par les organismes utilisateurs, votre rapporteur ne peut que mettre en garde contre toute volonté de retenir des critères qui aboutiraient à rendre purement virtuelle cette mutualisation ou qui, au contraire, ne permettraient pas à l'Epic d'assurer l'entretien de ses installations.

C. UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE À INVENTER, DANS LE RESPECT DE L'UTILITÉ SOCIALE DE L'EPIC

La transformation de l'Afpa en Epic témoigne de la volonté du Gouvernement de sauvegarder cet opérateur national historique dont l' utilité sociale n'est pas contestée et qui a rempli de manière satisfaisante ses missions de service public : le taux de réussite au titre professionnel en 2016 s'élevait à 82 % en 2016, tandis que le taux d'accès à l'emploi des stagiaires demandeurs d'emploi six mois après leurs formations atteignait 65,5 % en 2015 85 ( * ) . En revanche, la baisse continue des parts de marché de l'Afpa pour la formation des salariés et des demandeurs d'emploi souligne depuis de nombreuses années les limites d'un modèle économique désormais à bout de souffle.

La nouvelle direction générale de l'Agence doit donc bâtir en urgence un plan de développement ambitieux , dans lequel les filiales auront pour mission d'anticiper et de satisfaire les attentes de leurs prescripteurs , en reprenant les principaux objectifs du plan de refondation.

Ce plan de développement trouvera sa traduction dans un document essentiel qui fixera les lignes directrices de l'Epic pour ses premières années d'activité : son contrat d'objectifs et de performance (COP) triennal, dont la négociation devrait prochainement débuter. Cette feuille de route doit aborder l'ensemble des défis que doit relever l'Agence et dont elle a hérité de l'Afpa. La priorité doit être de garantir la compétitivité des filiales assurant les activités de formation, aussi bien en s'adaptant davantage aux besoins des régions qu'en développant les prestations aux entreprises. Il faut également que ces filiales s'engagent pleinement dans une modernisation de leur offre pédagogique . Elles doivent s'ouvrir aux outils numériques, mieux prendre en compte les besoins des TPE et des PME et les métiers émergents, privilégier les formations itinérantes ou à distance et développer la modularisation de leurs formations.

L'Agence doit rapidement se mobiliser pour bénéficier du plan 500 000 formations supplémentaires en faveur des demandeurs d'emploi mis en place en 2016 et qui est prolongé en 2017. Selon les informations fournies par la DGEFP, après une stabilité du nombre des entrées de stagiaires demandeurs d'emploi pendant le premier semestre 2016, une très nette accélération de l'activité a été constatée à partir de septembre 2016, entraînant une progression de 58 % sur le mois de novembre par rapport à l'année précédente. Au final, sur les onze premiers mois de l'année, le nombre de stagiaires demandeurs d'emploi à l'Afpa a crû de 28 %, les entrées passant de 60 000 à 83 577, générant un chiffre d'affaires additionnel de l'ordre de 40 millions d'euros. Mais les filiales de l'Agence devront veiller à ne pas recourir de manière excessive à des formateurs embauchés en CDD, dont le nombre a augmenté de 750 équivalents temps plein entre novembre 2015 et novembre 2016.

D'un point de vue institutionnel, votre rapporteur souhaite que l'Agence soit rapidement présente dans tous les Crefop afin d'assurer un dialogue nourri avec les conseils régionaux et les acteurs territoriaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

L'Agence devra sans doute continuer ses efforts pour répondre aux préconisations de la Cour des comptes dans son rapport de 2013, en maîtrisant par exemple l'évolution de sa masse salariale et en réduisant ses délais de facturation et d'encaissement, qui pèsent sur sa trésorerie.

Par ailleurs, l'Agence devra poursuivre la rationalisation de son patrimoine immobilier. Il est inutile de maintenir des activités d'hébergement et de restauration dans des sites où elles entraînent un coût excessif, sauf si l'Agence justifie la nécessité d'une présence liée à l'égalité d'accès à la formation professionnelle sur l'ensemble du territoire. Une véritable politique de valorisation de ses emprises, traduite par le schéma pluriannuel de stratégie immobilière de l'établissement public, devra par ailleurs être élaborée avec l'appui de la direction de l'immobilier de l'Etat afin de définir les priorités de la rénovation des biens immobiliers transférés par l'Etat et d'offrir un cadre de formation moderne et conforme aux attentes légitimes des stagiaires.

Votre rapporteur souhaite enfin que les plateaux techniques de l'Agence soient rapidement ouverts aux organismes participant au service public régional de la formation professionnelle, afin de valoriser ces infrastructures et de lui procurer des ressources complémentaires. Surtout, cette mesure doit à terme aboutir à une mutualisation globale des plateaux techniques des centres de formation des apprentis, des lycées professionnels ou encore des Greta sous l'égide des Crefop. Trop de plateaux techniques sont actuellement vieillissants et sous-exploités alors qu'ils sont financés par des ressources publiques.

En définitive, votre rapporteur est convaincu que l'Agence et ses salariés disposent des compétences et de l'énergie nécessaires pour répondre aux évolutions de la formation professionnelle.

Soucieux de témoigner de sa confiance envers les salariés et les responsables de l'Agence, et après un examen attentif de l'ordonnance du 10 novembre 2016, votre rapporteur a invité la commission à adopter sans modification le présent projet de loi, à l'instar de nos collègues de l'Assemblée nationale.

*

* *

Réunie le mercredi 1 er février 2017, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission a adopté sans modification le projet de loi n° 318 (2016-2017) ratifiant l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique (Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes) - Ratification de l'ordonnance créant l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes

Objet : Cet article ratifie l'ordonnance du 10 novembre 2016 ayant créé un établissement public à caractère industriel et commercial chargé de la formation professionnelle des adultes, qui s'est substitué au 1 er janvier 2017 à l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

En application de l'article 38 de la Constitution, le Parlement peut habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances , actes de nature réglementaire, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi . Cette habilitation a une durée limitée et, après l'adoption des ordonnances en Conseil des ministres, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement avant l'expiration d'un délai fixé par la loi d'habilitation, faute de quoi elles deviennent caduques.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, cette ratification doit être expresse , c'est-à-dire qu'elle ne peut intervenir à travers la modification d'une disposition de l'ordonnance par une loi postérieure. Avant leur ratification, les ordonnances restent des actes administratifs qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat. Une fois ratifiées, elles acquièrent valeur législative et ne peuvent donc plus être contestées qu'au regard des droits et libertés garantis par la Constitution dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

L'article 39 de la loi du 17 août 2015 86 ( * ) avait habilité le Gouvernement à procéder à la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) chargé d'exercer les missions actuellement effectuées par l'Afpa . Dans ce cadre, il était autorisé à préciser les missions, notamment de service public, confiées à cet Epic, à organiser la dévolution des actifs immobiliers de l'État à son profit et à définir les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l'Afpa en sa faveur.

L' habilitation , d'une durée de dix-huit mois , arrive à expiration
le 17 février 2017. Le Gouvernement n'a pas attendu son terme, puisque l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes a été créé par l' ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 , dans un délai de quinze mois après la promulgation de la disposition législative d'habilitation. Son projet de loi de ratification a été déposé à l'Assemblée nationale le 4 janvier 2017 , soit moins de trois mois après sa publication, comme le prévoit l'habilitation.

Aux yeux de votre rapporteur, l'ordonnance n'outrepasse pas le champ de l'habilitation conférée par le législateur (cf. supra ). Elle est fidèle à la volonté, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, d'assurer la pérennité de l'outil de formation de l'Afpa et de l'ancrer dans le service public de l'emploi. En apportant des garanties en matière de dévolution du patrimoine jusqu'à présent mis à la disposition de l'Afpa par l'Etat et de respect du droit communautaire de la concurrence , elle doit permettre à l'Epic et à ses filiales de surmonter les difficultés économiques rencontrées par l'association depuis près de dix ans, dès lors qu'ils parviendront à élaborer un nouveau modèle économique permettant de restaurer la compétitivité des activités concurrentielles tout en préservant l'utilité sociale qui caractérise depuis la Libération l'action de l'Afpa.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification. Lors de ses travaux, votre rapporteur a constaté que les choix faits lors de la rédaction de l'ordonnance, s'agissant notamment de la présentation des missions de l'établissement public, ne favorisaient pas son intelligibilité . Toutefois, au vu de la nécessité de procéder à la ratification de cette ordonnance dans les meilleurs délais et du consensus existant sur ses dispositions, il a décidé de ne pas proposer d'amendements la modifiant.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

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M. Michel Forissier , rapporteur . - Le texte que nous examinons aujourd'hui marque l'aboutissement d'un processus enclenché formellement par la loi « Rebsamen » du 17 août 2015, mais dont il faut chercher les origines à la fin des années 2000 : la transformation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) afin de lui donner des fondations solides et de pérenniser ses missions de service public.

Le législateur avait habilité le Gouvernement, à l'article 39 de cette loi, à procéder à la création de cet Epic par ordonnance. Celle-ci a été prise le 10 novembre 2016 et il nous appartient de nous prononcer sur sa ratification. La complexité de cette tâche avait sans doute été sous-estimée et l'élaboration de ce texte a buté sur des questions juridiques d'une grande complexité, au regard notamment du droit communautaire de la concurrence. Elles ont été résolues de manière satisfaisante.

Le savant équilibre atteint est toutefois fragile. Il ne satisfait ni les tenants d'une banalisation de l'Afpa en tant que simple organisme de formation parmi les dizaines de milliers d'autres que compte notre pays ni ceux qui souhaitent un retour au quasi-monopole dont a longtemps bénéficié cette association, sous l'égide de l'État, en matière de formation des demandeurs d'emploi. Face à ces deux points de vue inconciliables, l'essentiel est de préserver la place de cet opérateur au sein du service public de l'emploi tout en évitant des distorsions de concurrence à son avantage.

Quelles sont les justifications du changement de statut de l'Afpa ? Créée au lendemain de la Libération, à une époque où il fallait améliorer la qualification de la main-d'oeuvre pour faire face au défi urgent de la reconstruction, cette association régie par la loi de 1901 est devenue, avec l'avènement de la formation professionnelle tout au long de la vie, un acteur majeur de ce champ, présent sur tout le territoire. À la fin des années 1990, elle était même l'association la plus subventionnée de France, bénéficiant d'un budget supérieur à celui du ministère de l'environnement.

Un tel niveau de dépenses publiques n'était toutefois pas injustifié : l'Afpa était alors chargée de la formation de la très grande majorité des demandeurs d'emploi, dont le financement était à l'époque directement assuré par l'État, hors de tout cadre concurrentiel. En lien avec l'ANPE, l'Afpa assurait également l'orientation des demandeurs d'emploi, évaluant leurs besoins de formation.

Les évolutions du cadre juridique de la formation professionnelle, et en particulier sa décentralisation, ont eu raison de cette organisation. Le transfert aux régions des financements consacrés par l'État aux formations assurées par l'Afpa par la loi du 13 août 2004, effectif au 1 er janvier 2009, a bouleversé l'activité de l'association. À une subvention d'État se sont substitués des appels d'offres régionaux soumis au code des marchés publics et ouverts à l'ensemble des organismes de formation. Du fait de ses charges de structure très importantes, liées à son implantation territoriale, mais aussi aux prestations annexes - hébergement ou restauration - qu'elle offre, l'Afpa s'est révélée très peu compétitive face à ses concurrents.

De plus, ce changement aurait dû entraîner une véritable révolution culturelle et organisationnelle au sein de l'association qui, en raison de résistances internes et d'un pilotage stratégique défaillant, n'a jamais abouti. Dans le même temps, le Conseil de la concurrence a confirmé en 2008 le caractère concurrentiel de la majorité des activités de formation professionnelle et a estimé que l'organisation de l'Afpa n'était pas conforme aux règles communautaires en la matière, entraînant le transfert de plus de 900 psychologues du travail vers Pôle emploi.

En conséquence, entre 2007 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi formés par l'Afpa a diminué de 25 %, de 119 000 à 89 000, et son chiffre d'affaires de près de 20 %, passant d'un milliard à 800 millions d'euros, pour trois raisons principales, identifiées par la Cour des comptes dans un rapport qu'elle a réalisé en 2013 à la demande de notre commission : la diminution des subventions d'État, la réduction des achats de formation par Pôle emploi et la baisse du chiffre d'affaires régional.

Cette situation a abouti en 2012 à une profonde crise financière qui a vu l'Afpa, avec une perte d'exploitation de près de 90 millions d'euros, frôler la cessation de paiement. La nouvelle direction, nommée par le Gouvernement, a alors élaboré un plan de refondation ambitieux visant à ramener l'activité à l'équilibre, en développant notamment l'offre de formation à destination des salariés, en s'adaptant davantage pour répondre aux appels d'offres régionaux et en réduisant les charges internes. L'État y avait apporté son soutien en souscrivant à des obligations associatives émises par l'Afpa, pour un montant total de 200 millions d'euros, afin de renforcer ses fonds propres.

Dès 2013, la Cour des comptes avait signalé que les perspectives d'exécution du plan de refondation étaient inférieures aux objectifs affichés, trop optimistes. Le retour à l'équilibre, initialement envisagé pour 2015, n'a jamais eu lieu et les pertes financières se sont même aggravées, atteignant 152 millions d'euros cette même année. La question du patrimoine immobilier mis à la disposition de l'association n'était toujours pas réglée. Il s'est donc avéré nécessaire de réfléchir à une transformation plus profonde de l'Afpa et notamment à une modification de son statut associatif. Cet héritage historique de l'après-guerre n'est pas adapté à un opérateur national du service public qui demeure, malgré ses difficultés, le principal acteur du champ de la formation professionnelle continue.

Conformément aux dispositions de l'ordonnance du 10 novembre 2016, la dissolution de l'association a été prononcée fin 2016 afin de permettre le 1 er janvier dernier sa transformation en un Epic, dénommé Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.

À la suite des observations de la Commission européenne et du Conseil d'État, qui ont effectué un travail approfondi sur le projet d'ordonnance, les missions de la nouvelle Agence peuvent être regroupées en trois blocs. Le premier bloc reprend les missions jusqu'alors remplies par l'association : la participation à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi, l'élaboration des titres professionnels du ministère du travail - on en comptait 250 en 2016 - et la contribution à un égal accès à la formation professionnelle des femmes et des hommes sur l'ensemble du territoire.

Le deuxième bloc liste les nouvelles missions qui s'inscrivent dans le prolongement des premières. L'Agence devra ainsi expérimenter de nouveaux titres professionnels pour des métiers émergents, aider les autres ministères à élaborer leurs propres titres compte tenu de l'expertise largement reconnue à l'Afpa dans ce domaine, analyser les besoins en compétences dans les bassins d'emploi ou encore fournir un appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle.

Le dernier bloc de missions concerne la formation des demandeurs d'emploi et des salariés. Afin d'éviter des subventions croisées et des entorses aux règles de la concurrence, l'ordonnance oblige l'Agence à créer deux filiales spécifiques et indépendantes pour assurer la formation de ces publics, qui représentent plus de 80 % de l'activité de l'Afpa. À ce dernier bloc se rattache également la contribution de l'Agence au développement des actions de formation en matière de développement durable et de transition écologique.

Toutes les missions relevant des deux premiers blocs sont qualifiées par l'ordonnance de missions de service public, l'Agence voyant ainsi son rôle conforté au sein du service public de l'emploi. À l'exception de son rôle en matière de certification qui relève d'un service d'intérêt général non économique, et reconnu par le droit européen, toutes ses missions sont assimilables à des services d'intérêt économique général (SIEG) et pourraient en théorie également être confiées à d'autres acteurs, même si cette probabilité demeure très faible.

Si la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne accordent une grande latitude aux autorités nationales pour définir un SIEG, sauf erreur manifeste d'appréciation de ces dernières, les compensations versées par une personne publique aux organismes qui sont chargés de ces missions, en contrepartie des sujétions qui leur sont imposées, sont strictement encadrées.

Toutefois, les compensations versées à un organisme mettant en oeuvre un SIEG concernant l'accès et la réinsertion sur le marché du travail, quels que soient leurs montants, ne sont pas soumises à l'obligation d'une notification préalable à la Commission européenne si elles remplissent les conditions fixées par sa décision du 20 décembre 2011, qui impose aux autorités nationales de définir très précisément le mandat de l'organisme chargé d'un SIEG, les critères pour calculer la compensation et les moyens d'éviter une surcompensation.

Le Gouvernement devra définir dans les mois qui viennent, et notamment dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de performance conclu avec l'Agence, des critères précis, objectifs et publics pour calculer les compensations afférentes à chaque SIEG. Le choix des critères sera capital : si la dotation est trop faible, elle affaiblira l'Agence, mais si elle est trop élevée, elle sera assimilée à une surcompensation et la Commission européenne pourrait alors exiger le remboursement du surplus. Actuellement de l'ordre de 110 millions par an, la dotation de l'État devrait être d'un niveau équivalent l'an prochain puis baisser régulièrement les années suivantes.

En revanche, la Commission européenne a été très claire sur la formation des demandeurs d'emploi et des salariés : il ne s'agit pas d'un SIEG, mais d'une activité concurrentielle, qui ne saurait donc faire l'objet d'une aide publique. Elle considère que les établissements publics de l'État bénéficient par construction d'une garantie financière implicite et illimitée de ce dernier et s'est donc opposée à ce que cette activité de formation soit exercée directement par l'Agence. Elle a suggéré la création de filiales dédiées, estimant que la simple mise en place d'une comptabilité analytique était insuffisante, en raison de la perméabilité des crédits.

L'Afpa a créé fin 2016 deux filiales, qui auront le statut de sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) et dont l'Epic sera l'unique actionnaire. Elles n'emploient actuellement aucun salarié et n'ont pas été dotées en capital : ce sont pour l'heure des coquilles vides. Toutefois, à partir de mars prochain, la filiale assurant la formation des demandeurs d'emploi devrait compter quatre cents salariés en charge uniquement des relations commerciales et juridiques, tandis que celle dédiée à la formation des salariés en regroupera deux cents. Dans les deux cas, ces salariés seront transférés par l'Epic aux filiales. En revanche les formateurs, qui peuvent travailler aussi bien avec des demandeurs d'emploi que des salariés, resteront au sein de l'Epic. Les filiales contractualiseront avec l'Agence pour disposer d'eux en fonction des marchés remportés.

La pérennité de ce montage complexe dépendra du climat social au sein de l'Epic et des critères de facturation retenus pour les mises à disposition du personnel et des locaux, qui devront respecter les règles de la concurrence, comme l'ont souligné avec raison les représentants de la Fédération de la formation professionnelle que j'ai rencontrés.

Pour garantir une concurrence libre et non faussée, l'ordonnance reconnaît aux autres organismes participant au service public régional de la formation professionnelle un droit d'utilisation des plateaux techniques de l'Agence, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.

La gouvernance de l'Agence est par ailleurs rationalisée par rapport à l'association : le conseil d'orientation est supprimé et l'État devient le principal acteur du conseil d'administration, compte tenu du droit de vote double accordé à ses neuf représentants. Ce droit est également accordé aux quatre représentants élus des conseils régionaux, comme le réclamait l'Association des régions de France. La nouvelle directrice générale de l'Agence, Pascale d'Artois, devrait apporter à l'Agence un regard neuf : elle a notamment dirigé l'Organisme paritaire collecteur agréé (Opca) du travail temporaire.

La création de l'Epic règle définitivement l'imbroglio juridique qui entourait jusqu'à présent le statut des biens immobiliers mis à la disposition de l'Afpa par l'État. Depuis sa création, l'association occupait en effet des sites appartenant dans leur très grande majorité à l'État, sur la base de conventions d'occupation temporaire et dans des conditions financières extrêmement favorables, puisqu'elle devait seulement s'acquitter d'une redevance de 15 euros par an et par site. Une première tentative de céder les 181 biens concernés à l'époque directement à l'Afpa, à titre gratuit, a été prévue par l'article 54 de la loi du 24 novembre 2009. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par deux régions, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition en raison de l'absence de garantie du maintien de leur affectation aux missions de service public de l'association.

Diverses solutions ont ensuite été envisagées à la suite de nombreux rapports des inspections générales. La signature de baux emphytéotiques administratifs n'a au final concerné que deux sites. Ensuite, le transfert à titre gratuit aux régions, autorisé par la loi du 5 mars 2014, n'a été mis en oeuvre que dans une seule région - en Bourgogne-Franche-Comté, et pour deux sites seulement.

La création de l'Epic lève les difficultés liées au transfert à une personne privée de biens de l'État et à la censure du Conseil constitutionnel. Depuis cette date, France Domaine a cherché à augmenter le montant des redevances dues par l'Afpa. Celle-ci aurait refusé de les acquitter, entraînant, à l'expiration des conventions d'occupation temporaire antérieures, l'occupation sans titre de certains sites.

L'article 2 de l'ordonnance prévoit le transfert à l'Epic des biens mobiliers et immobiliers mis à la disposition de l'Afpa par l'État et nécessaires à l'exercice de ses missions de service public. Leur liste a été fixée par arrêté : 116 centres sont concernés, pour une valorisation de 403 millions d'euros. D'importants travaux de mise aux normes et de rénovation de ce patrimoine sont indispensables. Son entretien a été jusqu'à présent négligé, le propriétaire et l'occupant se renvoyant la responsabilité à ce sujet. L'Epic va par ailleurs conclure des conventions d'utilisation avec l'État pour 21 sites supplémentaires, qui vont rester la propriété de ce dernier.

Les modalités de cession des biens transférés à l'Epic sont encadrées par l'ordonnance. Afin que ceux-ci ne constituent pas une aide d'État, le produit de la cession d'un de ces biens ne pourra qu'être réinvesti pour garantir une implantation équilibrée de l'Agence sur le territoire et un égal accès à la formation professionnelle pour tous nos concitoyens. À défaut, il sera affecté au budget de l'État. La rationalisation de ses implantations immobilières n'en reste pas moins un impératif.

L'ensemble des droits et des obligations de l'association sont transférés à l'Agence en application de l'article 3 de l'ordonnance. Ainsi, l'Epic accueille tous les salariés qui travaillaient avant le 1 er janvier 2017 dans l'association. En revanche, des négociations difficiles sur ses dettes fiscales et sociales sont toujours en cours pour savoir si elles seront rééchelonnées ou en partie apurées.

Cette ordonnance respecte le cadre de l'habilitation accordée par la loi du 17 août 2015 et elle ne méconnaît pas les règles européennes en matière d'aide d'État et de concurrence. La transformation de l'Afpa en Epic est un témoignage supplémentaire du soutien du Gouvernement à son opérateur historique. Elle est réalisée dans des conditions qui préservent l'utilité sociale de son activité, à laquelle ses salariés sont viscéralement attachés. L'ordonnance devrait lever les ambiguïtés, voire le flou, qui caractérisaient la gestion de l'association. Des personnes publiques délèguent trop souvent des missions de service public à des associations sans disposer des leviers suffisants pour assurer leur pilotage.

Cette transformation ne constitue toutefois qu'une condition nécessaire, mais non suffisante, pour assurer la pérennité de l'activité de formation de l'Agence. La nouvelle direction doit mettre en place très rapidement une stratégie de développement ambitieuse pour répondre aux besoins des entreprises et des régions et rassurer ainsi un personnel échaudé par des années d'incertitude et de tentatives avortées de réforme. Faute d'une telle stratégie, l'Epic et ses filiales continueront de perdre des parts de marché et de voir diminuer leur nombre de salariés, en dépit des actions nationales engagées ces dernières années en faveur de la formation des demandeurs d'emploi.

C'est pourquoi je vous propose aujourd'hui d'adopter sans modification le présent projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 novembre 2016.

Mme Nicole Bricq . - Je n'ai rien à redire. Vous avez bien fait de prendre le temps nécessaire pour nous présenter votre rapport ; la lecture de l'ordonnance est complexe. Vous avez parfaitement retracé l'historique compliqué de l'Afpa, qui a subi un double choc : la décentralisation de 2004 et l'ouverture à la concurrence de 2008. Fin 2011, l'association était au bord de la cessation de paiement. L'État n'a pas assumé son rôle de 2003 à 2011. Le nouveau gouvernement a recapitalisé l'Afpa petit à petit, mais des modifications de structure étaient nécessaires.

Vous avez fort bien décrit les différentes filiales et les missions de service public du nouvel établissement public. Il connaîtra une forte contrainte immobilière en raison de la cession par l'État d'un patrimoine qui n'est pas en très bon état, même si son implantation en région est un atout : il doit être au plus près des bassins d'emploi pour s'adapter aux mutations économiques et sociales de la formation professionnelle.

Nous récoltons le fruit de nos actes pour les missions de service public. Lors de l'examen du projet de loi « Rebsamen », mon groupe avait déposé un amendement pour que l'Afpa joue un rôle en faveur de la question de la mixité entre les femmes et les hommes. Nous avions réussi à trouver une majorité, et je suis heureuse que ce travail sénatorial transpartisan soit repris dans l'ordonnance.

Vous avez rappelé la dimension juridique de l'ordonnance ; c'est une condition nécessaire, mais pas suffisante. La France dépense beaucoup d'argent - 34 milliards d'euros par an - pour la formation professionnelle, une somme qui bénéficie surtout à ceux qui sont déjà à l'intérieur de ce système très complexe car seul un chômeur sur cinq bénéficie d'une formation.

Ce n'est pas seulement une question de coût - voyez l'Autriche qui dépense trois fois plus que nous -, mais d'efficacité. Le Gouvernement pourra nous informer en séance publique sur la mise en oeuvre du plan de 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi, dont la pérennisation intéresse les personnels de l'Afpa. La loi de finances pour 2017 prévoit une dotation de 500 millions d'euros pour financer ce plan.

Les régions, qui doivent déjà digérer les conséquences de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), fournissent peu de stagiaires. Le contingent des stagiaires de l'Afpa provient principalement de Pôle emploi. L'évolution à la baisse des demandes nécessite une reconfiguration de l'organisation de l'Epic et un aménagement des effectifs. Je comprends l'inquiétude du personnel de l'Afpa. Cette ordonnance règle les problèmes sur un plan juridique, mais comment l'Epic prendra-t-il sa place dans les mutations en cours ? Le plan de 500 000 formations longues doit être cohérent avec la loi Travail, qui prévoit un capital-formation qu'on garde toute sa vie à travers le compte personnel d'activité (CPA).

Ayons un vrai débat en séance publique sur la formation professionnelle, trop peu abordée dans le débat politique : c'est essentiel pour l'avenir de la France.

M. Philippe Mouiller . - Bravo, monsieur le rapporteur, pour votre travail sur ce sujet complexe. Nous sommes très inquiets de l'évolution financière de l'Afpa, en raison des observations de la Cour des comptes dans son rapport de 2013. Le patrimoine immobilier se trouve dans un très mauvais état. Le transfert est-il une bonne ou une mauvaise opération ? N'est-ce pas un cadeau empoisonné ?

Je m'étonne de l'absence de décision de l'État sur les dettes fiscale et sociale, qui laisse une épée de Damoclès de plusieurs dizaines de millions d'euros. Comment bâtir un plan de redressement sans disposer de tous les éléments pour estimer la situation financière de l'Epic ?

Qu'en est-il des contrats de partenariat noués avec les autres ministères, comme celui sur la reconversion des militaires de carrière ? Les inquiétudes sont fortes sur le terrain.

Le niveau des dépenses de personnel de l'Afpa est pointé du doigt par la Cour des comptes. Ce sujet a-t-il été évoqué lors de vos auditions ? Le problème juridique a été réglé mais il reste encore des choses à faire.

Mme Nicole Bricq . - Il y a eu des progrès !

M. Philippe Mouiller . - Oui, mais attention à la façon dont on obtient le chiffre d'affaires. Tout n'est pas calé dans le plan de redressement, notamment la maîtrise des charges.

M. Dominique Watrin . - Le groupe communiste républicain et citoyen s'est abstenu lors du vote de l'article de la loi Rebsamen habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur l'Afpa et il adoptera la même position sur ce texte.

Le rapporteur a mené un travail approfondi grâce à ses nombreuses auditions et il a clarifié des points juridiques complexes. Nous saluons les avancées de ce projet de loi qui contraste avec l'attentisme de la majorité précédente, qui a failli mettre en faillite l'Afpa : la dévolution du patrimoine immobilier est désormais sécurisée juridiquement ; les aides financières ont empêché la liquidation de la structure. L'Afpa est un opérateur historique aux atouts nombreux, qui fournit des services spécifiques sur l'ensemble du territoire national.

Mais sa pérennité est loin d'être assurée. Son modèle économique a été bousculé par la décentralisation de la commande publique, désormais dévolue à la région, et à l'ouverture à la concurrence du « marché » de la formation. Le projet de loi consacre une interprétation très restrictive des « publics éloignés de l'emploi ». Les chômeurs de longue durée continuent à relever du marché concurrentiel, alors que leurs besoins ne sont pas fondamentalement très différents de ceux des publics très éloignés de l'emploi. Ce périmètre trop étroit risque de compromettre le devenir de l'Afpa. L'Autorité de la concurrence et le Conseil d'État ont imposé une interprétation trop libérale des règles européennes de la concurrence. Notre groupe ne peut l'accepter, d'autant que de nombreux points ne sont pas réglés. Dans le cadre du plan 500 000 formations supplémentaires, l'Afpa n'a bénéficié que de 18 000 stagiaires, dont seulement un millier provenait des régions, le reste de Pôle emploi. Cela prouve le faible enthousiasme des régions.

Les problèmes financiers ne sont pas réglés : qu'en est-il des dizaines de millions d'euros de dette fiscale et sociale et des arriérés de loyer demandés par France Domaine ? L'ordonnance ne règle pas ces problèmes qui pèseront fortement sur l'avenir de l'Afpa. Des suppressions d'emplois ont été mises en oeuvre et d'autres devraient être annoncées.

Notre abstention devrait inciter le Gouvernement à poursuivre la négociation avec les représentants du personnel de l'Afpa, qui ont voté contre ce projet et posent des questions vitales restant toujours sans réponse.

Mme Catherine Procaccia . - En tant que rapporteur de la loi Rebsamen, je peux vous assurer que l'objet de ce texte est conforme à ce que nous avons voté il y a un an et demi, contrairement à ce qu'affirment certains courriels que nous avons reçus, et même si l'ordonnance est complexe. J'espère que celle-ci règlera les problèmes juridiques de l'Afpa.

Déjà en 2009, alors que je présidais la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, les problèmes immobiliers et de respect de la concurrence se posaient. Durant toutes ces années, l'Afpa et d'autres acteurs ont refusé de reconnaître les règles de concurrence européennes. J'espère que le statut d'Epic et les dispositions prises règleront définitivement ces questions.

M. Jean-Marc Gabouty . - Nous ne connaissons pas les chiffres les plus récents, même si l'on nous assure que la situation s'est améliorée. Mais la situation de toute entreprise peut s'améliorer lorsqu'elle ne paie pas ses charges fiscales et sociales ! On parle de rééchelonnement de la dette. Est-ce le nouvel organisme qui devrait la reprendre ou est-ce l'ancienne structure qui doit l'assumer avec l'aide de l'État ? Voyez ce gâchis : le statut associatif n'était manifestement plus viable. En 2012, malgré 83 000 demandeurs d'emploi formés, le déficit était considérable par personne formée - entre 10 % et 12 % -, qui pouvait être compensé par l'État. Le changement de statut ne règlera pas ce problème.

Cette transformation en Epic répond-elle aux impératifs d'un appareil de formation qui doit évoluer dans un monde concurrentiel ? Non. Nous retrouverons ce dossier de l'Afpa dans trois à quatre ans puisque son changement de statut, même s'il entraîne une nouvelle organisation interne, n'améliorera pas les choses. L'Afpa devra assumer ses charges immobilières et investir dans la plupart de ses bâtiments, qui sont excessivement vétustes. Dans le champ concurrentiel actuel, cette nouvelle structure est un gage d'échec.

La solution, c'est de décentraliser. Auparavant, on avait déconcentré au lieu de décentraliser. Nous avons décentralisé les politiques de l'emploi et du logement ; faisons-le pour la formation ! Nous devons avoir une organisation à dimension régionale, dirigée par les conseils régionaux, et des structures qui évoluent de manière adaptée à chaque région. Or, le fonctionnement actuel de l'Afpa est administratif, lourd et peu réactif. Les contrats d'objectifs sont négociés durant trois à six mois, alors que les concurrents privés sont organisés différemment. Je ne réclame pas la privatisation de l'Afpa, mais si on ne va pas vers plus de régionalisation tout en conservant le caractère public de l'Afpa, on restera jacobin et on renforcera la politique menée depuis dix ans...

M. Georges Labazée . - Merci, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre rapport. Longtemps conseiller régional, j'ai pu observer que la formation, partagée entre les compétences de l'État et celles des régions, est un éternel sujet de questionnement. Les débats sur la décentralisation lors de la loi NOTRe ont montré que chaque camp comptait des partisans. Tant que cette répartition des missions n'aura pas été tranchée au niveau législatif, l'Afpa restera dans une situation difficile. Le péché originel, c'est qu'elle devrait se calquer sur le calendrier des réformes successives des régions.

Mme Hermeline Malherbe . - Merci pour cet exposé, qui clarifie une ordonnance un peu confuse pour les non-spécialistes. Durant dix ans, le sujet de l'Afpa n'a pas réellement été traité par le Gouvernement dans les lois de 2004 et 2009. En 2011-2012, le Gouvernement s'est trouvé au pied du mur, ce qui l'a obligé à prendre le taureau par les cornes pour ne pas laisser mourir l'Afpa.

Mme Nicole Bricq . - Elle était condamnée...

Mme Hermeline Malherbe . - L'Afpa poursuit un certain nombre de missions spécifiques, qui ne sont pas remplies par d'autres organismes. Une solution, certes perfectible, a été trouvée aujourd'hui après quatre ans de réflexion.

L'ordonnance permet d'avancer a minima et d'avoir une solution d'avenir. Le dossier n'est pas clos et devra être retravaillé pour trouver des solutions juridiques et patrimoniales.

Dans les collectivités locales, nous avons l'habitude de récupérer le patrimoine non entretenu de l'État - comme les digues ou les barrages -. Les plateaux techniques de l'Afpa ont évolué en fonction des besoins : les mettre à disposition d'autres structures est intéressant. Accompagnons le plus possible le dispositif pour qu'il bénéficie aux salariés de l'Afpa et à la formation. Actuellement, ceux qui auraient le plus besoin de formation n'en bénéficient pas.

La formation doit bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin au moment où ils en ont besoin. L'Afpa doit trouver des solutions spécifiques pour ces publics.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Monsieur le rapporteur, ne craignez-vous pas que la mission de l'Agence portant sur l'évaluation des besoins en compétence dans les bassins d'emploi soit redondante avec celle du Centre d'études et de recherches sur les qualifications professionnelles (Cereq) ?

M. Jean Desessard . - Selon vous, quatre cents salariés seraient uniquement en charge des relations commerciales et juridiques. Pourquoi un tel nombre, alors que la formation est le coeur de métier de l'Afpa ?

M. Olivier Cadic . - A-t-on évoqué la possibilité de franchir une autre étape, à savoir de confier complètement au secteur privé la formation continue pour se dégager de cette situation ?

Mme Hermeline Malherbe . - L'Afpa était une association privée à but non lucratif.

M. Michel Forissier , rapporteur . - Je constate avec satisfaction que ce texte suscite beaucoup de questions de la part de nos collègues, alors que ce sujet est technique.

La partie concurrentielle des missions de l'Agence sera réalisée par des filiales, au statut de SASU, sans perméabilité possible avec elle. Les filiales ne sont pas à l'abri d'une faillite.

En outre, l'Agence ne recevra pas automatiquement des crédits de l'État : la garantie illimitée de l'État n'est pas automatique, Bercy n'ouvrira pas les vannes.

La dette fiscale et sociale de l'Afpa - vis-à-vis de l'Urssaf et du fisc - atteint plus de 80 millions d'euros. Ce problème devra être traité au niveau interministériel et en respectant les procédures requises. Il peut y avoir un échelonnement, voire un apurement d'une partie de la dette par l'État, en partie responsable de la situation actuelle. Je pense qu'il y aura un partage du fardeau entre l'Agence et ses créanciers.

Les filiales ont besoin de beaucoup de personnels compétents pour répondre aux appels d'offres dont la technicité s'accroît sans cesse.

Si l'ensemble des sites est transféré à l'Afpa, leur entretien prévisionnel lui coûterait, selon certaines sources, entre 1,2 et 1,4 milliard d'euros. Ce cadeau empoisonné représente cependant une garantie capitalistique pour les banques.

Seule une région s'est portée volontaire pour devenir propriétaire de deux sites mis à la disposition de l'Afpa. Le discours de Régions de France diffère de celui tenu par les présidents de région. Certaines régions, plus pauvres ou en récession économique, sont incapables de financer la formation. C'est pourquoi le statut d'Epic relevant de l'État conféré à l'Agence est une sage solution.

C'est pour répondre aux règles de la concurrence qu'ont été créées les deux filiales. La nouvelle direction générale devra élaborer un nouveau modèle économique pour assurer la pérennité des filiales.

M. Jean-Marc Gabouty . - Avec cette organisation, c'est sûr qu'elles vont péricliter...

Mme Nicole Bricq . - Le pire n'est jamais certain. Donnons-leur une chance.

M. Olivier Cadic . - Nous allons la leur payer !

Mme Hermeline Malherbe . - Arrêtons de polémiquer...

M. Michel Forissier , rapporteur . - La solution choisie est la meilleure à court terme, même si elle ne garantit pas la pérennité de l'Agence et de ses filiales à long terme. Si la structure est bien gérée, elle perdurera. Notre pays compte une multitude de plateaux techniques dans des lycées professionnels, les maisons familiales rurales, les CFA, mais ils sont, pour la plupart, obsolètes et sous-utilisés.

Mme Hermeline Malherbe . - Certaines régions agissent.

M. Michel Forissier , rapporteur . - Il faut mutualiser les plateaux techniques, mais ce sujet dépasse le cadre de l'ordonnance.

L'Afpa a bénéficié des retombées du plan 500 000 formations. Après un premier trimestre en baisse puis une stabilité globale au premier trimestre, l'activité de l'Afpa s'est fortement accrue à partir de septembre 2016. Le nombre de stages pour les demandeurs d'emploi a progressé de manière très importante dans les centres de formation de l'Afpa, concomitamment à l'activité de formation des salariés. Beaucoup a été fait sur onze mois ; 28 % des entrées de stagiaires proviennent de la commande publique ; 83 577 chômeurs ont été formés en novembre 2016, contre 60 000 en novembre 2015. Nous attendons avec impatience les décisions de la nouvelle direction et du conseil d'administration.

Le Cereq a une approche générale sur l'évolution des compétences alors que l'Afpa travaille sur des opérations concrètes dans les territoires.

L'Agence doit donner plus d'autonomie à ses directions régionales qui doivent nouer des liens étroits avec les organisations professionnelles. Tout le monde doit travailler ensemble.

À la Libération, l'Afpa répondait à l'objectif de redressement de la France. Ces valeurs doivent perdurer, mais la France du XXI e siècle ne peut conserver la même organisation. Adaptons-nous ! Prévoir des formations d'avenir nous fera d'abord perdre beaucoup d'argent, car cela nécessite d'investir dans des machines onéreuses et de former des formateurs. Tout ne peut pas être traité par le secteur concurrentiel. Dans quelques années, la représentation nationale devra tirer un bilan de l'ordonnance et l'ajuster, le cas échéant.

Mme Nicole Bricq . - Pouvez-vous nous rappeler la place des régions dans le conseil d'administration de l'Agence ? S'agissant du devenir de ses sites, rappelons-nous que la question du patrimoine immobilier des universités, centrale lors de l'examen parlementaire de la loi sur l'autonomie des universités, n'est plus un problème aujourd'hui. Cet exemple devrait nous inspirer sur le dossier de l'Afpa pour avoir une vision d'avenir.

M. Michel Forissier , rapporteur . - Les représentants de l'État ont neuf voix comptant double, et ceux des régions, désignés par Régions de France, ont quatre voix comptant double également, soit un poids bien plus important que ce que prévoyait le projet d'ordonnance.

M. Olivier Cadic . - Je m'abstiens sur ce texte.

M. Jean Desessard . - De même pour moi.

Le projet de loi est adopté sans modification.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

___________

Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop)

Jean-Marie Marx , président

Catherine Beauvois , secrétaire générale

Fédération de la Formation Professionnelle ( FFP)

Jean Wemaëre , président

Emmanuelle Peres , déléguée générale

Geoffroy Vignoles , responsable droit économique et territoires

Bernard Masingue , expert en droit de la formation, ancien directeur des ressources humaines de l'Afpa

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Hugues de Balathier-Lantage , chef de service, adjoint à la déléguée générale

Mikaël Charbit , chef de la mission « Suivi et appui de l'Afpa »
Eloy Dorado , chef de projet Afpa-Epic

Audition conjointe des syndicats représentant les salariés de l'Afpa

CGT Afpa

Catherine Ribot , secrétaire du comité central d'entreprise
Yann Chérec , secrétaire général adjoint

CFDT Afpa

Danièle Artiguenave , déléguée syndicale d'entreprise
Thierry Cheype , secrétaire général adjoint

FO FPA

Nathalie Tondolo , secrétaire générale
Pascal Chabas , secrétaire national

Sud FPA

Jean-Marc Cellier , secrétaire général
François Duval , délégué syndical central

CFE-CGC Afpa

André Thomas , président

Dominique Jeuffrault , déléguée nationale confédérale

CFTC Afpa

Pierre Molinet , secrétaire général
Michel Natali , représentant pour la Corse

Direction de l'immobilier de l'État

Nicolas Vannieuwenhuyze , chargé de la sous-direction « Administration et valorisation de l'immobilier de l'État »
Philippe Bourreau , chef de bureau

Etablissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (Afpa)

Pascale d'Artois , directrice générale

Christophe Donon , directeur général adjoint

Direction du budget

Jean-François Juéry , sous-directeur
Emmanuel Fermond , adjoint au chef du bureau de l'emploi et de la formation professionnelle

Pôle emploi

Audrey Pérocheau , directrice du programme formation

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

Bertrand Jéhanno , chef du secteur MICA (marché intérieur, consommateurs, concurrence, aides d'État, Europe 2020, mieux légiférer)

Mélanie Ceppe , adjointe au chef du secteur MICA

Le rapporteur a entendu Clotilde Valter , secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage .

Il a également reçu une contribution écrite de Régions de France .


* 1 Décret-loi du 30 octobre 1935 ouvrant un crédit pour subventions aux centres de formation professionnelle des chômeurs et décret du 30 octobre 1935 relatif à la rééducation professionnelle des chômeurs ; JO 31 octobre 1935.

* 2 Décret du 6 mai 1939 portant codification des textes sur le chômage et modification de certaines de leurs dispositions ; JO 7 mai 1939.

* 3 Instituées par le décret-loi du 12 novembre 1938 relatif au reclassement professionnel des chômeurs et à la promotion ouvrière (JO 13 novembre 1938).

* 4 Art. 131 du décret du 6 mai 1939 précité.

* 5 Décret n° 46-2511 du 9 novembre 1946 relatif aux centres de formation professionnelle ; JO 13 novembre 1946.

* 6 Décret n° 49-39 du 11 janvier 1949 relatif à la formation professionnelle accélérée et réduisant le nombre des centres subventionnés par l'Etat ; JO 12 janvier 1949.

* 7 Arrêté du 26 mars 1949 relatif aux modalités de transfert de la gestion des centres collectifs de formation professionnelle à l'Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre ; JO 2 avril 1949.

* 8 Loi n° 66-892 du 3 décembre 1966 d'orientation et de programmation sur la formation professionnelle, art. 1 er .

* 9 id.

* 10 Loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle dans le cadre de l'éducation permanente.

* 11 Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la population, « Afpa : dossier constitué à l'intention de mesdames et messieurs les parlementaires », mars 1974.

* 12 Sur un total d'environ 400 000 demandeurs d'emploi en France.

* 13 En 1973.

* 14 Source : Michèle Grandclaudon-Leblanc, Michel Leblanc, « Associations loi 1901 : gestionnaires ou citoyennes ? Pour une nouvelle donne associative », ESF éditeur, 2001, p. 35.

* 15 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, art. 82.

* 16 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

* 17 Annick Bocandé, avis n° 33 (2003-2004) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, 22 octobre 2003, p. 25.

* 18 Id., p. 27.

* 19 Il convient toutefois de noter qu'un régime juridique dérogatoire reste en vigueur pour la collectivité territoriale de Corse, qui en application de l'article L. 4424-34 du code général des collectivités territoriales signe une convention avec l'Afpa pour déterminer le programme de ses formations et de ses opérations d'équipement sur son territoire.

* 20 Avis n° 00-A-31 du 12 décembre 2000 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération
de la formation professionnelle.

* 21 Avis n° 08-A-10 du 18 juin 2008 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération
de la formation professionnelle.

* 22 Décret n° 2010-59 du 18 janvier 2010 relatif à l'agrément des organismes organisant des sessions de validation du titre professionnel délivré par le ministre chargé de l'emploi.

* 23 Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, art. 53.

* 24 Source : Cour des comptes, « L'association nationale pour la formation professionnelle des adultes », décembre 2013, p. 30.

* 25 Id., p. 34.

* 26 Id., p. 35.

* 27 Id., p. 99.

* 28 Id.

* 29 Conseil d'Etat, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », étude annuelle 2012,
septembre 2012.

* 30 Id., p. 43.

* 31 Id., p. 125.

* 32 Gérard Larcher, « La formation professionnelle : clé pour l'emploi et la compétitivité », rapport au Président de la République, avril 2012.

* 33 Id., p. 47.

* 34 Passant de 5,7 à 55,6 millions d'euros ; cf. Cour des comptes, op. cit., p. 97.

* 35 110 millions d'euros en 2013, 50 millions d'euros en 2014 et 40 millions d'euros en 2015.

* 36 60 millions d'euros de cotisations sociales non acquittées dus aux Urssaf et 20 millions d'euros de taxe sur les salaires dus à l'Etat.

* 37 Cour des comptes, op. cit., p. 115.

* 38 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, art. 39.

* 39 Réécrit par l'article 1 er de la présente ordonnance.

* 40 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2013 - compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », mai 2014, p. 21.

* 41 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 - mission « Travail et emploi », mai 2016, p. 75.

* 42 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi précitée.

* 43 Art. L. 5315-1 du code du travail.

* 44 Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes

* 45 Cette mission ne figurait pas à l'article L. 5312-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 novembre 2016.

* 46 Conseil d'Etat, 7 juillet 1994, n° 356089, « Diversification des activités d'EDF/GDF ».

* 47 Guide relatif à l'application aux services d'intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d'intérêt général, des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État, de «marchés publics» et de «marché intérieur», Commission européenne, 29 avril 2013, p. 20.

* 48 CJCE, 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, aff. C-179/90, et 17 juillet 1997, GT-Link A/S, aff. C-242/95.

* 49 Op. cit., p. 25.

* 50 CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans GMBH, aff. C-280/00.

* 51 Décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106 paragraphe 2 du TFUE aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG, et notamment l'article 2 qui précise son champ d'application.

* 52 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 53 Art. L. 6121-2-1 du code du travail.

* 54 Art. 2, point 1. c).

* 55 L'exemption de notification préalable n'est valable que si la période pendant laquelle un organisme est chargée d'un SIEG ne dépasse par dix ans, sauf en cas d'investissement important (art. 2, point 2 de la décision précitée). Toutefois, cette disposition de la décision semble inapplicable dans le cas d'un établissement public, et la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance entre l'État et l'Agence, actualisé tous les trois ans, devrait satisfaire les attentes de la Commission européenne.

* 56 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 57 Art. 261 b du code général des impôts.

* 58 En application du 4° du 4. de l'article 261 du code général des impôts.

* 59 Parmi ces 366 millions d'euros en 2015, 289 millions proviennent des appels d'offres remportés par l'Afpa, 39 millions de subventions régionales et 36 millions de missions de SIEG confiées par les régions.

* 60 Art. 3, II, de l'ordonnance du 10 novembre 2016.

* 61 En application de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le nombre de représentants des salariés doit être égal au moins au tiers du nombre des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Compte tenu de sièges accordés aux partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel dans le conseil d'administration de l'Agence, le nombre de sièges pour les représentants des salariés est inférieur à celui prévu dans le droit commun (cf. infra ).

* 62 C'est-à-dire les ministres chargés de l'emploi, de la formation professionnelle et du budget.

* 63 L'article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public dispose qu'en l'absence de dispositions particulières prévues par les textes législatifs ou réglementaires régissant l'établissement, la limite d'âge des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'État est fixée à 67 ans.

* 64 Décret n° 2016-1539 du 15 novembre 2016 relatif à l'établissement public chargé au sein du service public de l'emploi de la formation professionnelle des adultes.

* 65 En conséquence, l'article 7 de l'ordonnance assure les coordinations juridiques nécessaires dans les différents codes pour remplacer la référence relative à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes par celle d'établissement mentionné à l'article L. 5315-1 du code du travail.

* 66 Il convient toutefois de rappeler qu'un fonctionnaire était en détachement à l'Afpa au 1 er janvier 2017.

* 67 Cass. soc., 5 nov. 1987, n° 85-40.629.

* 68 Cass. soc., 10 oct. 2006, n° 04-40.325.

* 69 Cass. soc., 4 avr. 2006, n° 02-42.735.

* 70 Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

* 71 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010.

* 72 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, art. 21.

* 73 Dont le contenu est défini par l'arrêté du 22 septembre 2014 relatif au projet de site préalable au transfert de propriété de l'État à titre gratuit aux régions d'un ou de plusieurs immeubles utilisés par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ; NOR : ETSD1420535A.

* 74 Source : Délibérations n os 16AP.281 et 16AP.282 du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, 16 décembre 2016.

* 75 Arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux projets de site préalables au transfert de propriété de l'État à titre gratuit aux régions d'un ou plusieurs immeubles utilisés par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ; NOR : ETSD1637905A.

* 76 Cour des comptes, op. cit., p. 123.

* 77 Arrêté du 26 mars 1949 relatif aux modalités de transfert de la gestion des centres collectifs de formation professionnelle à l'Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre ; JO 2 avril 1949.

* 78 Service de la direction générale des finances publiques auquel a succédé le 19 septembre 2016 la direction de l'immobilier de l'Etat.

* 79 Arrêté du 28 décembre 2016 relatif à la liste des biens immobiliers transférés à l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes ; NOR : ECFB1634497A.

* 80 Jusqu'au terme des vingt-cinq ans initiaux.

* 81 Cour des comptes, op. cit., pp. 132-133.

* 82 Selon les modalités prévues à l'article L. 6121-2-1 du code du travail.

* 83 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 84 Décret n° 2016-1539 du 15 novembre 2016 relatif à l'établissement public chargé au sein du service public de l'emploi de la formation professionnelle des adultes.

* 85 Le taux d'accès à l'emploi désigne le pourcentage de stagiaires qui ont trouvé un emploi dans les six mois suivant la fin de leur formation, quelle que soit la durée de l'emploi et même si ces derniers sont sans emploi au moment de l'enquête.

* 86 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

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