D. LA FIN DU FEUILLETON DE L'ÉCOTAXE : UNE CHARGE DE 969,2 MILLIONS D'EUROS POUR L'AFITF

L'écotaxe devait être une ressource pérenne affectée à l'Agence de financements des infrastructures de transport de France (AFITF) pour un montant net d'un peu moins de 800 millions d'euros par an . L'article 16 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 l'avait par la suite largement vidée de sa substance en la transformant en un péage de transit poids lourds qui n'aurait rapporté à l'AFITF que 200 à 300 millions d'euros par an.

Pour assurer le prélèvement de l'écotaxe, le Gouvernement de l'époque avait conclu un contrat d'une durée de 13 ans et 3 mois avec le consortium Ecomouv' 6 ( * ) le 20 octobre 2011 à l'issue d'un appel d'offres dont le résultat avait été contesté devant le Conseil d'État le 7 septembre 2011.

Ce contrat prévoyait que le prestataire bénéficierait d'une rémunération de 230 millions d'euros hors taxes par an pendant 12 ans et engageait l'AFITF à verser à l'État des fonds de concours s'élevant à un total de 3,4 milliards d'euros courants en versements trimestriels à compter de la mise en place du dispositif.

Les missions confiées par l'État à Ecoumouv' en vertu
du contrat du 20 octobre 2011

- Le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation, l'entretien et la maintenance du dispositif nécessaire à la perception et au contrôle de l'écotaxe poids lourds nationale et de la taxe expérimentale alsacienne, y compris le dispositif de traitement automatisé et la mise à disposition des redevables d'équipements électroniques embarqués ;

- La collecte de l'ensemble des informations nécessaires à l'établissement de l'écotaxe poids lourds nationale, la facturation aux redevables et aux sociétés habilités de télépéage, le recouvrement des sommes facturées et le reversement à l'État ;

- Le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation, l'entretien et la maintenance des appareils de contrôle permettant de détecter les véhicules en situation irrégulière au regard de l'écotaxe poids lourds nationale et à la taxe expérimentale alsacienne ;

- La constatation des manquements détectés au moyen des appareils homologués de contrôle automatique et la notification aux redevables concernés, ou le cas échéant à leur société habilité de télépéage, de la taxation forfaitaire, des éventuels frais de dossier ainsi que le recouvrement des sommes dues, à l'exception du recouvrement forcé ;

- L'information et l'assistance aux redevables (abonnés et non-abonnés) et aux agents de l'État.

Source : projet annuel de performances pour 2016

La suspension du contrat par le Gouvernement le 29 octobre 2013 a entraîné la signature d'un protocole d'accord le 20 juin 2014 prévoyant un arrêt temporaire des paiements envers Ecomouv'.

Puis l'annonce le 30 octobre 2014 de la résiliation du contrat a conduit à la signature, le 18 février 2015, d'un avenant n° 1 à la convention du 20 octobre 2011 précitée.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, votre rapporteur spécial avait estimé à 830 millions d'euros environ la somme totale que devrait débourser l'État suite au « fiasco » de l'écotaxe.

L'ardoise est en réalité beaucoup plus lourde, puisqu'elle s'élèvera à 969,2 millions d'euros entièrement financés par l'État, donc par le contribuable, via l'AFITF.

Ce montant recouvre notamment :

- l'indemnité totale versée à la société Ecomouv', soit 395,1 millions d'euros ;

- les frais de rupture des SWAP pour 11 millions d'euros ;

- le rachat aux sociétés habilitées de télépéage (SHT) des équipements embarqués, soit 142 millions d'euros ;

- le montant des créances Dailly 7 ( * ) détenues par les établissements de crédit sur Ecomouv' pris en charge par l'État en 2015 ( 46,8 millions d'euros ) et de 2016 à 2024 (pour 439,8 millions d'euros ) ;

- le coût des mesures de sauvegarde et d'urgence des dispositifs (serveurs et portiques) pour 10 millions d'euros .

Pour 2015, l'AFITF a décaissé 527,4 millions d'euros le jour même de la conclusion de l'avenant précité auxquels se sont rajoutés les frais de rupture des SWAPS calculés le 26 février (384 782 euros), soit un total de 527,8 millions d'euros .

Le reste à payer au titre de cet avenant est donc de 441,4 millions d'euros . Les paiements s'échelonneront jusqu'en 2024 par tranche d'un peu moins de 50 millions d'euros par an au titre des créances Dailly prises en charge par l'État.

Pour remplacer les recettes que l'AFITF aurait dû percevoir au titre de l'écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés en 2015 par la résiliation du contrat, la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d'une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers (2 centimes d'euros par litre) et le déremboursement d'une partie de l'exonération sur le gazole des poids lourds (4 centimes d'euros par litre) , soit la somme de 1 139 millions d'euros pour l'année 2015.

Les décaissements liés à la résiliation du contrat liant l'État à Ecomouv' étant nettement moins importants en 2016, l'article 14 du présent projet de loi de finances prévoit que l'État n'affectera l'an prochain à l'AFITF qu'une fraction du rehaussement de la TICPE, soit un montant de 715 millions d'euros .

Étant donné que la situation financière de l'AFITF est très dégradée, et ce, depuis de nombreuses années (voir supra ), votre rapporteur spécial estime pour sa part qu'il sera nécessaire de lui affecter de nouveau en 2016 l'intégralité du rehaussement de la TICPE .

Dans cette perspective, elle déposera un amendement à l'article 14 du projet de loi de finances afin de garantir à l'AFITF un financement à hauteur de ses besoins, évalués par Philippe Duron à 2,2 milliards de crédits d'intervention .


* 6 Mené par la société Autostrade per l'Italia, il était également composé des sociétés SNCF, SFR, STERIA et Thales.

* 7 La cession de créances Dailly est une convention en vertu de laquelle un créancier (ici, Ecomouv') transmet sa créance qu'il détient sur l'un de ses débiteurs (l'État, dans le cas d'espèce) à des établissements de crédit.

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