C. LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'AFITF DEMEURE PRÉOCCUPANTE
Les recettes de l'AFITF sont constituées par différentes taxes affectées . Depuis 2015, elle ne reçoit plus de subvention d'équilibre de la part de l'État (jusqu'en 2014, ladite subvention était portée par le présent programme 203).
Les ressources de l'AFITF Les taxes affectées à l'AFITF proviennent exclusivement du secteur routier : - La redevance domaniale versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (315 millions d'euros prévus en 2016) ; - La taxe d'aménagement du territoire (TAT) prélevée par les concessionnaires d'autoroute (566 millions d'euros prévus en 2016) ; - Une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national (230 millions d'euros prévus en 2016) ; - Une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE - 715 millions d'euros prévus en 2016), en remplacement de l'écotaxe poids lourds. Suite au protocole d'accord conclu le 9 avril dernier, l'AFITF perçoit également depuis 2015 une contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes pour un montant total de 1,2 milliard d'euros courants sur la durée des concessions autoroutières répartis en fonction du trafic de chaque concession. Ainsi, 100 millions d'euros seront versés chaque année à l'AFITF de 2015 à 2017 puis le reliquat sera versé progressivement jusqu'en 2030. Source : AFITF |
À l'heure où votre rapporteur spécial rédigeait le présent rapport, le budget de l'AFITF n'était pas encore arrêté (il ne le sera qu'au mois de décembre).
Cependant, selon les premiers éléments qui lui ont été transmis, l'AFITF disposerait, en crédits de paiement, de 1 855 millions d'euros pour ses dépenses d'intervention en 2016, de 47,1 millions d'euros au titre de la créance Dailly cédée aux banques par Ecomouv' et reprise en charge par l'État (voir infra ), de 24 millions d'euros pour le remboursement d'une avance consentie par l'Agence France Trésor (AFT) en 2009 et d'un budget de fonctionnement inchangé à 760 000 euros, soit un budget total de 1 926,9 millions d'euros .
Le financement des infrastructures de transport se caractérise par sa pluri-annualité . Qu'il s'agisse de l'État ou de l'AFITF, les projets engagés une année font l'objet de décaissements réguliers les années suivantes tout au long de leur réalisation.
D'après les documents transmis à votre rapporteur spécial, l'AFITF a engagé 33 milliards d'euros depuis sa création.
L'équilibre financier de l'AFITF apparaît pour le moins instable car elle doit faire face à ses engagements passés pour des montants très substantiels. Fin 2015, une somme d'environ 11,85 milliards d'euros concernant à 63 % le mode de transport ferroviaire restait ainsi à mandater , soit un montant correspondant à plus de six exercices au regard du budget actuel de l'AFITF.
Montants des restes à payer par l'AFITF en fin d'exercice
(en millions d'euros)
Restes à payer par mode |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Routier |
2 027 |
2 709 |
2 252 |
2 239 |
Ferroviaire |
8 539 |
8 574 |
8 025 |
7 595 |
Fluvial et maritime |
201 |
205 |
177 |
201 |
Transports collectifs d'agglomération |
1 372 |
1 420 |
1 151 |
1 218 |
Divers |
3 546 |
3 555 |
3 547 |
591 |
Total |
15 685 |
16 463 |
15 152 |
11 844 |
Source : AFITF
Plus inquiétant, l'Agence ne parvient plus à faire face au rythme des paiements .
Entendu par votre rapporteur spécial, Philippe Duron, président de l'AFITF, a indiqué que fin 2014 l'Agence devait encore 677 millions d'euros à RFF , dont 511,7 millions d'euros au titre de la ligne à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique et 159 millions d'euros au titre de deuxième phase de la LGV Est. Le paiement de cette dette devrait s'étaler sur trois ans.
Selon Philippe Duron, « le plafonnement envisagé [par l'État pour le budget 2016 de l'AFITF] pour les crédits de paiements à hauteur de 1 855 millions d'euros des dépenses d'intervention, s'il devait être confirmé, ne serait pas compatible avec les besoins de paiements qui, pour les seuls engagements déjà pris se montent à ce niveau pour 2016- ceci sans compter les besoins de paiement générés par les contrats de plan État Région 2015-2020 (270 millions d'euros en 2016), ceux découlant du troisième appel à projets désormais lancé, (au minimum 15 millions d'euros en 2016), ni les besoins de paiement de l'ordre de 60 millions euros en plus à prévoir en 2016 découlant des engagements récurrents de l'AFITF qui sont à prévoir en 2016 comme les années précédentes (régénération des routes, sécurisation des tunnels et du réseau routier hors tunnels, sécurité ferroviaire, régénération du réseau fluvial...).
« Soit en tout un total de besoin de paiements en 2016 de 2 200 millions d'euros , toujours sans compter les grands projets annoncés, en particulier le canal Seine Nord-Europe et le projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon Turin.
« La capacité pour l'AFITF de prendre en 2016 de nouveaux engagements sera étroitement subordonnée au desserrement de la contrainte évoquée ci-dessus pour les crédits de paiement, et donc à l'attribution de ressources supplémentaires pour l'Agence. »
SI l'Agence devra limiter ses engagements sur les projets de nouveaux pour retrouver quelques marges de manoeuvre financières , votre rapporteur spécial estime que le niveau de ses recettes devrait être relevé en 2016 et maintenu au même niveau qu'en 2015 (voir infra ) .
Ceci apparaît d'autant plus urgent que deux projets colossaux, à savoir le canal Seine-Nord Europe et le tunnel ferroviaire Lyon-Turin, devront bientôt être financés.
Le canal Seine-Nord Europe Inscrit au schéma directeur transeuropéen des voies navigables à grand gabarit, le projet de canal fluvial Seine-Nord Europe consiste en la réalisation d'un nouveau canal à grand gabarit, d'une longueur de 106 kilomètres , entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut, permettant l'acheminement de chargements de fret pouvant atteindre jusqu'à 4.400 tonnes . Le canal Seine-Nord Europe, section française de la liaison internationale Seine-Escaut, doit permettre de relier les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau des canaux du nord de la France , et plus largement à l'ensemble du réseau fluvial nord-européen à grand gabarit. Le Gouvernement, lors de la réunion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, a confirmé la nécessité de poursuivre les études de ce nouveau canal. Toutefois, le ministre délégué en charge des transports, de la mer et de la pêche a décidé, le 26 mars 2013, l'arrêt de la procédure de dévolution du contrat de partenariat, qui était en cours depuis 2009, et la mise en place d'une mission de reconfiguration technique du projet de canal Seine-Nord Europe , confiée par lettre du 17 avril 2013 à M. Rémi Pauvros, député du Nord et maire de Maubeuge. Ce dernier a rendu ses conclusions le 11 décembre 2013. À la suite de la remise de ce rapport, le ministre délégué en charge des transports, de la mer et de la pêche a entamé le 19 décembre 2013 les démarches réglementaires liées à la modification de la déclaration d'utilité publique et a mis en place une mission administrative chargée d'approfondir le montage du projet et ses modalités de financement . Conformément aux objectifs fixés par le Premier Ministre le 26 septembre 2014 à Arras, le démarrage des travaux est prévu en 2017, pour une première mise en service du canal en 2023 . La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour créer la société de projet du canal , établissement public qui assurera la construction de l'ouvrage et le développement économique lié à l'infrastructure. L'Union européenne a annoncé en juin 2015 sa participation au financement de l'ouvrage à hauteur de 980 millions d'euros , soit 42 % de son coût prévisionnel de 2 326 millions d'euros sur la période 2016-2019. Le secrétaire d'État aux transports a procédé le 7 octobre 2015 au lancement de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique des modifications du tracé du canal Seine-Nord Europe. Depuis 2005, l'AFITF s'est engagée à hauteur de 182 millions d'euros , dont 139 millions d'euros d'ores-et-déjà payés, au titre de conventions d'études, d'acquisitions foncières, de préparation et de poursuite du dialogue compétitif puis pour la reconfiguration du projet et la poursuite des études et des travaux. Le tunnel ferroviaire Lyon-Turin Le 24 février 2015, le Président de la République et le Président du Conseil de la République italienne ont signé un accord valant décision de construire la section transfrontalière du projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin . La société Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), qui est le promoteur public chargé de mettre en oeuvre le projet, instruit actuellement les appels d'offres européens, dont les premiers pourraient être lancés en 2017 . Les travaux n'en sont plus au stade des études et travaux préliminaires - pour lesquels ont été engagés depuis 2005, y compris les financements italiens et européens, 1 236 millions d'euros dont 334 millions d'euros apportés par la France via l'AFITF. En effet, la galerie de Saint-Martin la Porte, longue de 9 kilomètres et actuellement en cours de creusement, servira d'élément à part entière du tunnel de base. Le coût de ce tunnel de base serait de 8,2 milliards d'euros (valeur janvier 2012). Sa construction durerait 12 ans . Pour 2016-2019, l'Union européenne a accordé au projet 814 millions d'euros en juillet 2015, ce qui représente 41 % des dépenses prévues pour cette période. La France devra pour sa part apporter 2,1 milliards d'euros (valeur janvier 2012), échelonnés sur les 12 ans de construction de l'ouvrage. Selon les préconisations formulées par MM. Bouvard et Destot dans le rapport qu'ils ont remis au Premier Ministre le 13 juillet 2015 et qu'ils ont présenté à la commission des finances du Sénat le 27 octobre 2015, un surpéage pourrait être institué en application de la directive Eurovignette - directive 1999/62/CE, modifiée par la directive 2011/76/UE du 27 septembre 2011 - sur les axes autoroutiers appelés à être en partie délestés par le tunnel. Le montant de subvention budgétaire pourrait alors être réduit par un emprunt à long terme remboursé grâce à ce surpéage. Source : AFITF |