EXAMEN EN COMMISSION
La commission s'est réunie le jeudi 4 juin 2015 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur M. André Gattolin, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean Bizet, président. - Je remercie notre collègue pour son travail. Je crois qu'il était opportun d'enrichir la proposition de résolution qui nous est soumise. Les trois amendements qui sont proposés me paraissent tout à fait pertinents et je les soutiens.
Mme Colette Mélot. - Je travaille moi-même sur cette question du numérique, que ce soit à la commission de la culture sur le droit d'auteur ou avec André Gattolin à la suite des attentats de janvier dernier.
La gouvernance de l'Internet s'affirme de plus en plus comme un sujet majeur. Les révélations d'Edward Snowden et l'utilisation d'Internet par des terroristes ont conduit les pays européens à se positionner sur les enjeux de la sécurité sur Internet. Il est temps que l'Europe s'y intéresse et que la Commission eureopéenne s'empare du sujet. Je soutiens donc l'amendement sur la cybersécurité.
Au-delà de la sécurité, Internet a changé le mode de vie des citoyens et des consommateurs. Et si nous ne sommes encore qu'au début du processus, les Européens doivent prendre toute leur place. Et, dans ce contexte, il est important d'affirmer nos priorités. Je soutiens donc l'ensemble des amendements proposés.
M. Éric Bocquet. - Nous sommes tout à fait favorables tant à l'esprit qu'à la lettre de la proposition de résolution, ainsi qu'aux amendements présentés par André Gattolin.
J'aurai une simple question pour notre rapporteur : le paragraphe 14 évoque une coopération renforcée « pour parvenir à une taxation effective des revenus générés par l'activité numérique au sein de l'Union européenne » . N'irait-on pas à l'encontre de l'unanimité qui s'impose aux questions fiscales en faisant cela ?
M. François Marc. - Je suis également favorable à ce qui nous est soumis. Je soutiens en particulier activement le paragraphe 18 en faveur d'une stratégie industrielle pour le numérique.
On a aujourd'hui un besoin très grand d'avancer sur ce terrain. On sait que quand deux emplois sont supprimés dans l'industrie classique, il y en a cinq qui se créent dans l'industrie numérique. C'est dire à quel point on est en train de changer de modèle !
Dans cette montée en puissance si rapide, l'Union européenne a besoin de plus de cohérence et de synergie. C'est la raison pour laquelle je soutiens très fortement ce point particulier qui me semble essentiel.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je suis pleinement d'accord avec l'analyse de notre rapporteur. Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que nous n'avons pas, en Europe, de grand acteur de niveau mondial comme les « GAFA ».
Nous en avions parlé avec les commissaires Ansip et Oettinger qui soutiennent l'émergence de ces grands ensembles. Mais pour y parvenir, il va falloir revoir la politique de la concurrence dans l'Union européenne. Pour moi, c'est une priorité.
Un autre problème, c'est que des sociétés qui se créent en Europe partent ailleurs pour se développer parce que l'environnement y est plus favorable. Je considère qu'il y a comme une pesanteur. Je rappelle que l'Europe concentre 6 % de la population mondiale, 20 % de la richesse et 50 % de l'action sociale. Je suis d'accord pour dire que c'est un modèle social qu'il faut préserver, mais il faut constater qu'il nous empêche de développer ces grands ensembles.
M. André Gattolin. - Pour répondre à Éric Bocquet, je dirais qu'il est exact que la règle de l'unanimité continue à prévaloir en matière de fiscalité. Mais la question qui se pose est aussi politique. C'est un choix de souveraineté nationale : Mme Merkel, reprise par le Président Hollande, a parlé d'un Internet européen. À un moment donné, l'Union européenne doit donner la possibilité d'agir à des États stratèges.
J'évoque souvent les crédits d'impôt sectoriel qu'utilisent des pays d'Amérique du Nord et d'Asie pour attirer sur leur territoire des entreprises européennes sans condamnation de l'OMC. À côté de ça, en Europe, nous nous fixons des règles de concurrence plus contraignantes ! Je pense qu'il faudrait que l'Union européenne reconnaisse aux États membres la possibilité d'établir un crédit d'impôt pour des secteurs définis comme stratégiques.
Je rappelle que le développement de l'Internet dans les années 90 s'est fait aux États-Unis sous l'administration Clinton qui lui avait apporté un fort soutien. Là, la Commission semble prendre conscience qu'il faut dépasser la vision traditionnelle européenne de la politique de concurrence, qui se fait soi-disant au bénéfice du consommateur. On se rend compte que la partie productive a toujours été négligée. Nous sommes un grand marché, et c'est normal de faire payer un impôt aux « GAFA », mais nous ne sommes pas que ça. Il faut aussi penser aux emplois qu'on peut créer avec ces industries.
Le principe est le même avec la question du haut et du très haut débit. Les grands acteurs américains en demandent toujours plus, de façon à fournir une offre plus attractive. Les États paient pour l'amélioration des infrastructures et les revenus générés par la publicité vont aux grands groupes, mais pas aux États.
En Europe, nous avons un autre problème, c'est le multilinguisme : c'est une richesse culturelle incomparable, mais c'est un handicap pour un développement à l'échelle du continent et l'anglais pratiqué sur les sites américains finit par s'imposer partout.
Concernant la livraison de colis, je me suis un peu renseigné et, visiblement, il semble y avoir des abus sur les tarifs postaux dans des zones proches des frontières. C'est en partie cela que la Commission veut corriger.
Enfin, on sait que l'enveloppe budgétaire du plan Juncker ne sera pas très importante. En complément, il faut que les règles européennes autorisent les États membres à défendre leur industrie ! L'exception culturelle, la seule autorisée jusqu'à présent, a été plutôt efficace, y compris sur les jeux vidéo. Mais dans d'autres secteurs, il faut avouer que beaucoup d'entreprises très performantes sont parties au Canada ou aux États-Unis, comme l'a rappelé Yves Pozzo di Borgo.
C'est pourquoi je pense que notre proposition de résolution sera bienvenue.
M. Jean Bizet, président. - Je mets aux voix la proposition de résolution européenne dans la rédaction proposée par le rapporteur.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée à l'unanimité.