PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 18 décembre 2012, « Une stratégie numérique pour l'Europe: faire du numérique un moteur de la croissance européenne » COM(2012) 784 final,
Vu les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013,
Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 6 mai 2015, « Stratégie pour un marché unique du numérique en Europe », COM(2015) 192 final,
Considérant que l'Union européenne ne peut se contenter d'être un espace unifié de consommation de biens et produits numériques mais doit prendre une place de leader dans l'économie numérique pour assurer la croissance et les emplois de demain, mais aussi pour garantir en ligne l'identité européenne à travers le pluralisme et la diversité culturelle ;
Jugeant nécessaire de revoir la répartition de la valeur dans l'écosystème numérique sur le sol européen afin de garantir la viabilité et le développement des acteurs européens, sans remettre en cause la neutralité de l'Internet ;
Déplorant les insuffisances de la régulation concurrentielle ex post et le temps pris à mettre fin aux abus de position dominante dans l'économie numérique, dont la vitesse d'évolution rend irréversible l'éviction de certains acteurs du marché ;
Estimant que l'érosion fiscale qui accompagne la numérisation de l'économie menace de saper les ressources fiscales et, à terme, de remettre en cause la survie de notre modèle social et la possibilité de l'action publique ;
Insistant sur les enjeux en termes de sécurité et de protection de la vie privée que revêt pour l'Union européenne la maîtrise des données circulant en ligne ;
Reconnaissant la nécessité d'adapter le droit d'auteur à l'ère numérique tout en préservant le financement de la création culturelle, élément clef du rayonnement européen ;
Plaide pour une stratégie numérique européenne offensive, ambitieuse et globale, qui appréhende toutes les conséquences de la transformation numérique, notamment le bouleversement des chaînes de valeur, et qui ne se limite pas à la construction d'un marché unique numérique ;
Défend la nécessité d'améliorer l'efficacité du droit européen de la concurrence et d'adopter de nouvelles règles destinées à encadrer spécifiquement les plateformes numériques structurantes pour l'économie, afin de rééquilibrer les relations entre ces plateformes et les tiers proposant des services, applications ou contenus et d'assurer le libre accès des usagers aux services, applications et contenus de leur choix ;
Appelle, sans attendre la lente finalisation des travaux en cours à l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques, à prendre tout moyen, y compris le recours à la coopération renforcée, pour parvenir à une taxation effective des revenus générés par l'activité numérique au sein de l'Union européenne, tant en matière de fiscalité directe qu'indirecte, grâce à la création d'une taxe ad hoc assise sur une assiette rattachée au territoire de l'activité effectivement réalisée ;
Soutient la modernisation du droit d'auteur et son adaptation à l'ère numérique pour améliorer l'accès aux oeuvres mais en assurant, par une assise territoriale préservée et le recours à de nouvelles formes contractuelles, la juste rémunération des auteurs et le financement de la diversité culturelle, afin de valoriser le potentiel de l'industrie créative européenne ;
Rappelle que la numérisation de la consommation culturelle doit être soutenue par un alignement des taux de TVA applicables aux livres numériques et à la presse en ligne sur ceux applicables aux produits physiques correspondants ;
Renouvelle son soutien à une adoption rapide du règlement sur la protection des données, socle nécessaire pour encadrer la collecte et l'exploitation de données sur le sol européen dans le respect de la vie privée et de la sécurité publique, et invite à garantir l'effectivité de ces nouvelles règles européennes à travers les négociations transatlantiques en cours ;
Appelle à une véritable politique industrielle en faveur du numérique dans l'Union européenne, grâce à un pilotage stratégique et une plus grande cohérence entre la politique de concurrence de l'Union et sa politique industrielle, en assouplissant le régime des aides d'État, en mobilisant le fonds européen d'investissement stratégique du plan Juncker, en encourageant le développement du capital-risque dans l'Union, en promouvant l'adoption de normes communes en matière industrielle dans l'objectif de faciliter le développement et la croissance des entreprises innovantes du numérique et de soutenir des projets industriels d'envergure européenne - traitement des données de masse, services sécurisés mais ouverts d'informatique en nuage ;
Insiste sur la nécessité de renforcer la cybersécurité en Europe et sur l'importance stratégique de développer des compétences et des capacités publiques et privées dans ce secteur au sein de l'Union européenne ;
Souligne l'importance pour l'Union européenne de défendre son ambition numérique dans les négociations commerciales en cours, tant en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité publique que l'établissement de conditions de concurrence équitable et non discriminatoire entre opérateurs européens et américains ;
Insiste enfin sur l'enjeu pour l'Union européenne d'être présente et impliquée dans les enceintes techniques internationales où s'élaborent les normes et protocoles qui dessinent l'avenir.