C. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES »
1. Un programme se déclinant en quatre priorités
Le programme 181 « Prévention des risques » se caractérise par un champ très vaste et transversal . Il met en oeuvre les politiques relatives à la connaissance et à la prévention des risques industriels et des pollutions de différentes sources (chimiques, biologiques, sonores, électromagnétiques et radioactives), à la prévention des risques naturels (inondations notamment) et à la sécurité des ouvrages hydrauliques, à l'évaluation ainsi qu'à la gestion des sols pollués, à la prévention et à la gestion des déchets, ainsi qu'à l'évaluation des risques que présentent les organismes génétiquement modifiés pour la santé et l'environnement.
Ce programme vise à mobiliser les moyens pour répondre aux engagements européens de la France dans ce domaine ainsi qu'à la multiplicité des conventions internationales, dans les différents domaines de la protection écologique.
Ce programme présente également un caractère transversal, puisque la prévention des risques répond à de nombreux enjeux . À ce titre, il requiert le concours au moins de deux autres missions (« Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » ainsi que « Outre-mer ») et mobilise une grande diversité de partenaires.
Il répond ainsi à quatre priorités entre lesquelles se répartissent ses différentes actions :
- la prévention des risques technologiques et des pollutions industrielles , qui intègre la lutte contre les pollutions occasionnées par les installations industrielles et agricoles, et la phase opérationnelle des plans de prévention de risques technologiques (PPRT) aux enjeux humains et financiers importants ;
- la sûreté nucléaire et la radioprotection , via un contrôle considéré comme performant, impartial, légitime et crédible conduit, au nom de l'État, par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) 33 ( * ) ;
- la prévention des risques naturels et hydrauliques, reposant sur une connaissance des risques et destinée à préparer les territoires et la société à faire face aux aléas naturels, afin de réduire leur vulnérabilité et de favoriser leur résilience. Cette stratégie de prévention se décline d'ailleurs à l'ensemble des risques naturels susceptibles de survenir sur le territoire national, comme les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les séismes, les irruptions volcaniques ou encore les cyclones et les tempêtes ;
- la prévention des risques liés aux anciens sites miniers, à travers l'ensemble des mesures nécessaires à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu'à la protection de l'environnement, à l'issue de la fermeture des exploitations minières, selon un triptyque « anticipation, prévention et traitement. »
Placé sous la responsabilité du directeur général de la prévention des risques du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le programme 181 mobilise également comme principaux opérateurs l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Groupement d'intérêt Public INERIS/BRGM (GEODERIS) ainsi que l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).
2. Une réduction assumée des autorisations d'engagement et des crédits de paiement entre 2014 et 2015
Évolution des crédits des actions du programme 181 entre 2014 et 2015
Actions |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Action 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » |
248,2 |
110,4 |
167,9 |
107,8 |
Action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire » y compris T2 |
54,2 |
59,2 |
54,2 |
59,2 |
Action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » |
37,8 |
37,8 |
40,2 |
40,2 |
Action 11 « Gestion de l'après-mines » |
41,8 |
41,8 |
41,8 |
41,8 |
Total |
382,0 |
249,2 |
304,1 |
249 ,0 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le projet de loi de finances pour 2015 propose pour le programme 181 « Prévention des risques » une dotation globale de 304,1 millions d'euros en AE et de 249 millions d'euros en CP . Ces montants traduisent une évolution baissière des AE , de l'ordre de 26 % , et une baisse plus modeste des CP (- 1 %) par rapport à 2014 .
Cette réduction de l'ordre de 78 millions d'euros d'AE résulte essentiellement du réajustement des besoins des crédits consacrés aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prenant en compte le recalage des besoins fondés sur un nouveau recensement effectué lors de la préparation du triennal 2015-2017. Cette évolution des crédits traduit ainsi une prise en compte des exécutions passées.
En outre, 5 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 7,6 millions d'euros de crédits de paiement (CP) de fonds de concours et d'attributions de produits devraient abonder le financement du programme 181 en 2015.
3. Moins de moyens globalement affectés à la prévention
a) La prévention des risques technologiques et des pollutions : une évolution des crédits marquée par le rythme d'avancement des plans de prévention des risques technologiques
L'action 1 , qui est consacrée à cette thématique et qui reçoit 55,2 % des crédits du programme, sera abondée à hauteur de 167,9 millions d'euros en AE et de 107,8 millions d'euros en CP , enregistrant ainsi une baisse respective de 33 % et de 6 % par rapport à 2014.
L es crédits de prévention des risques continuent à soutenir la mise en oeuvre des PPRT 34 ( * ) . Leur coût est ainsi évalué à 7,9 millions d'euros en AE et à 6,83 millions d'euros en CP. La montée en puissance de ces dispositifs, déjà constatée l'année passée, s'est poursuivie tout au long de 2014. Pour preuve, 406 PPRT ont été prescrits tandis que 305 ont été approuvés au 1 er août 2014 (contre 248 au 1 er août 2013) ; l'objectif assigné aux préfets d'approuver 95 % des PPRT à la fin de l'année civile est maintenu.
De ce fait, la participation de l'État au financement des mesures foncières décidées dans le cadre des PPRT relevant de crédits d'intervention, s'élève en 2015 à 82,4 millions d'euros en AE (contre 180 millions en 2014) et à 23,2 millions d'euros en CP (contre 41,5 millions d'euros en 2014). Les montants engagés par l'État demeurent cependant très différents selon les PPRT puisque près de la moitié d'entre eux ne devraient pas impliquer de mesures foncières, tandis que certains pourraient coûter jusqu'à plusieurs dizaines de millions d'euros à l'État.
b) La sûreté nucléaire : une reconduite hasardeuse des crédits à l'identique
L'action 9, qui représente pour l'année 2015, près de 17,8 % des crédits du programme , assure le financement global de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Celle-ci devrait bénéficier d'une dotation de 54,17 millions d'euros en AE, (contre 54,2 millions d'euros en 2014) et de 59,18 millions d'euros en CP (contre 59,2 millions d'euros en 2014) .
Par ailleurs, au-delà de l'appui technique qu'elle offre aux pouvoirs publics, l'ASN assure, en matière de sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, de contrôle des matières nucléaires et de protection contre la malveillance, des opérations spécifiques. Celles-ci reçoivent une dotation prévisionnelle de crédits de 11,7 millions d'euros en AE et de 16,7 millions en CP .
Votre rapporteur spécial s'interroge toutefois sur la pertinence du niveau de ces crédits au regard des lourds enjeux de sécurité auxquels notre parc nucléaire vieillissant est confronté.
Il ne peut, à cet égard, que se faire l'écho du très récent avis de l'ASN 35 ( * ) , qui met en garde les pouvoirs publics quant aux risques encourus du fait des moyens budgétaires insuffisants à répondre aux grands enjeux de la sûreté nucléaire des dix prochaines années.
En effet, l'ASN , dans son avis du 14 octobre dernier, rappelle qu'il lui faudrait obtenir quelque 21 millions d'euros supplémentaires pour répondre aux besoins évalués pour l'année 2015 36 ( * ) .
Il importe ainsi de veiller à ce que l'ASN puisse exercer sa mission, en toute indépendance et partialité. Force est de constater la convergence de vue sur cette question entre votre rapporteur spécial et son homologue de l'Assemblée nationale, Hervé Mariton, s'agissant de l'examen des propositions émises par cet opérateur dans les plus brefs délais.
Par ailleurs, L'actuelle dotation proposée prend en compte l'incidence de l'opération immobilière qui a permis, au 1 er mars 2013, à l'ASN de se regrouper sur un seul site implanté à Montrouge. Cette nouvelle implantation a ainsi entraîné la signature d'un bail d'une durée ferme de neuf ans, dans le cadre d'une autorisation d'engagement exceptionnelle de 45,24 millions d'euros. Cette mesure exceptionnelle a ainsi entraîné une diminution du montant des autorisations d'engagement au titre des exercices suivants, dont celui de 2015.
Cette année encore, les crédits pour les dépenses d'investissement et d'intervention demeurent marginaux .
Les effectifs globaux de l'ASN prennent en compte l'ensemble des agents mis à disposition, dont le nombre s'établissait en 2014 à 105, pour atteindre un effectif total d'environ 480 agents. À cet égard, l'ASN devrait connaître une hausse de ses effectifs avec 12 nouveaux ETP résultant à la fois d'une augmentation en année courante du schéma d'emplois pour 2015 fixée à 8 ETP, ainsi que d'un effet de périmètre de 4 nouveaux ETP issus du transfert de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Hors effet des mesures de transfert, les flux d'effectifs devraient se traduire par un solde positif de 10 ETP .
Il convient de noter également que l'ASN bénéficie de l'apport de près de 120 emplois issus d'autres opérateurs de l'État, parmi lesquels, outre l'IRSN précité, le Commissariat à l'énergie atomique, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, ou encore l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
Les crédits correspondant à ces mises à disposition, effectuées contre remboursement, sont budgétés sur le titre 2 de la loi de finance et exécutés en gestion sur le titre 3 de l'action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » du programme 181. Il est également prévu, en 2015, une mesure de fongibilité asymétrique à hauteur de 7,9 millions d'euros en vue de procéder au remboursement des rémunérations des personnels mis à disposition de l'ASN par des organismes extérieurs.
c) La prévention des risques naturels : une baisse des investissements
L'action 10, qui représente 13,2 % des crédits du programme, disposera en 2015 de 40,1 millions d'euros en AE comme en CP , soit une progression de l'ordre de 6 % par rapport à l'année dernière .
En 2015, les subventions pour charges de service public des opérateurs représentent 7,99 millions d'euros et sont destinées au fonctionnement des opérateurs impliqués dans le domaine de la prévention des risques naturels, à savoir principalement l'Office national des forêts (ONF), le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), Météo-France, ou encore l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) et l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR).
Les dépenses d'investissement connaissent, quant à elles, une réelle baisse de l'ordre de 24 % par rapport à 2014, avec 3,2 millions d'euros . Cette baisse ne devrait pas permettre de contribuer, de façon probante, à la modernisation du réseau de mesures de prévision des inondations, ni de fournir les équipements performants en matière de surveillance des niveaux marins destinés à juguler les effets des submersions marines.
En outre, elle devrait obérer la capacité de la France à finaliser l'acquisition des modèles pertinents prescrits par la directive européenne 2007/60/EC relative à l'évaluation et la gestion des risques d'inondation.
Les dépenses d'intervention connaissent, quant à elles, une augmentation de l'ordre de 68 % par rapport à l'année passée, en atteignant 14,3 millions d'euros .
Près de 8,3 millions d'euros (AE=CP) seront ainsi affectés à la prévision des phénomènes météorologiques assurée par Météo- France, l'élaboration et l'animation des stratégies locales de gestion du risque inondation (SLGRI), la mise en transparence des digues du Réseau Ferré de France (RFF), l'étude sur les submersions marine conduites par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), ainsi que le développement d'alerte aux tsunamis.
Cette montée en puissance devrait également contribuer à la fois au financement de nouveaux programmes d'action de prévention des inondations (PAPI), de l'ordre de 10 à 15 qui devraient être labellisés courant 2015 et s'ajouter aux 73 existants, ainsi qu'à celui des missions d'appui auprès des collectivités locales conduites dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI).
d) La gestion de l'après-mines : une reconduction quasi-identique des crédits
L'action 11 (13,7 % des crédits du programme) bénéficiera du même montant fixé à 41,8 millions d'euros en AE et CP que celui de l'année passée. La majorité des crédits est affectée aux dépenses de fonctionnement et, plus particulièrement, aux subventions pour charges de service public (à hauteur de 32,8 millions d'euros en AE et CP) dont le groupement d'intérêt public, GEODERIS, et le département de prévention et de sécurité minière issu du BRGM, sont les principaux bénéficiaires.
La coordination, au niveau central, de cette action est assurée par le service des risques technologiques de la direction générale de la prévention des risques du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui s'appuie, par ailleurs, sur ses services déconcentrés (DREAL) pour suivre la conduite des travaux de sécurité.
4. 2015 : année de la refondation du cadre d'action de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)
La subvention versée à l'ADEME sur le programme 181 a été supprimée en 2014 et cette évolution est confirmée pour l'année 2015 .
L'ADEME perçoit des ressources propres, à hauteur de 41,5 millions d'euros (à recevoir au titre de l'exercice 2014), issues de subventions contractualisées avec des tiers, de ventes de biens et services ainsi que de divers produits de gestion. L'Agence est également financée pour partie par une fraction du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
La fraction de la TGAP, comme ressource fiscale affectée, qui lui est reversée, conformément au plafonnement inscrit dans l'article 46 de la loi de finances pour 2012, est fixée, pour 2015, à 448 700 euros.
2015 devrait être une année charnière pour le fonctionnement de cette agence . Son cadre d'action devrait ainsi être modifié, du fait des nouvelles priorités dégagées lors de l'examen de la prochaine loi sur la transition énergétique, la mise en oeuvre de nouveaux contrats de plan État-Régions, l'adoption par la Commission européenne de nouvelles règles en matière d'aides d'État, ainsi que par les bouleversements induits par la nouvelle gouvernance des fonds européens, du fait notamment de la délégation de leur gestion aux conseils régionaux.
L'ADEME demeure un acteur essentiel de la mise en oeuvre des du programme d'investissements d'avenir (PIA) et ce, depuis 2010, pour les quatre programmes suivants :
- le programme « véhicules du futur » (920 millions d'euros) ;
- l'action « démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte » du programme « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » (917 millions d'euros) ;
- l'action « économie circulaire » du programme « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées » (144 millions d'euros) ;
- l'action « réseaux électriques intelligents » du programme « développement de l'économie numérique » (149 millions d'euros).
Ainsi, les quatre actions d'investissements d'avenir qui ont été confiées en 2010 à l'ADEME totalisent 2,13 milliards d'euros. Dans ce cadre, ce sont près de 630 projets et 151 lauréats qui ont été sélectionnés au 30 juin 2014.
L'ADEME devrait ainsi consommer, en 2015, 586 millions d'euros en AE et 227 millions de CP dans le cadre de la poursuite de ces actions.
Elle devrait à ce titre recevoir d'ici la fin de l'année 2014 800 millions d'euros au titre de l'action « Énergies nouvelles, économie circulaire, rénovation thermique, biodiversité » et 300 millions d'euros au titre de l'action «Transport de demain ».
S'il est vrai que ce versement demeure subordonné à la conclusion d'une ou plusieurs conventions entre l'État et l'ADEME, force est de constater que ces conventions doivent être soumises pour observations éventuelles aux commissions compétentes du Parlement avant leur signature, afin de s'assurer que leur contenu correspond à l'objet de l'action tel qu'il avait été présenté au Parlement au moment du vote des crédits en loi de finances pour 2014. Il importe également de s'assurer que les financements ainsi obtenus ne serviront pas à des opérations de débudgétisation, en se substituant à des financements qui auparavant étaient pris en charge sur le budget général
A ce jour, soit un mois et demi avant la fin de l'exercice 2014, aucun projet de convention n'a été transmis au Parlement et en tout état de cause, lorsqu'il le sera, le Parlement disposera d'un temps très réduit pour examiner les clauses de ces conventions et n'aura ainsi que peu de chance de voir ses éventuelles remarques prises en compte.
En outre, le schéma d'emplois de l'ADEME s'établit à - 19 ETP en 2015.
2015 marquera enfin la conclusion d'un nouveau contrat d'objectifs portant sur la période 2015-2018 , destiné à remplacer le précédent document stratégique de l'ADEME qui avait été élaboré dans le contexte de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de l'adoption du Grenelle de l'Environnement.
* 33 Autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
* 34 Ces plans ont pour objectif de résoudre les situations difficiles héritées du passé en matière d'urbanisme autour des sites à hauts risques et de maîtriser l'urbanisation future.
* 35 Avis n° 2014-AV-0214 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 17 octobre 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour les années 2015 à 2017
* 36 Parmi lesquels le démantèlement des centrales nucléaires, le déploiement de la troisième génération et la prolongation du fonctionnement au-delà de quarante ans des réacteurs, et la mise en oeuvre du projet CIGEO.