EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Une nouvelle fois, votre commission des lois est saisie d'un projet de loi destiné à simplifier le droit applicable aux entreprises, véritable « rituel parlementaire » pour reprendre les termes de notre collègue Bernard Saugey en 2010. Plus de dix années se sont ainsi écoulées depuis l'examen de la première loi explicitement qualifiée de loi de simplification 1 ( * ) .

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 25 juin 2014, le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises a été adopté, après engagement de la procédure accélérée, le 22 juillet 2014 par nos collègues députés. Comptant initialement trente-sept articles, le texte tel qu'il a été transmis au Sénat en comporte désormais quarante-huit, dont deux ont été supprimés.

Votre rapporteur a souhaité se placer dans la continuité des travaux de ses prédécesseurs, nos collègues Bernard Saugey et Thani Mohamed Soilihi, rapporteurs de plusieurs lois de simplification au cours de ces dernières années, dans une démarche constructive d'examen de ce projet de loi. Toutefois, il n'a pu qu'exprimer une certaine déception face à ce texte, manquant d'ambition et dont de nombreuses dispositions, sans lien direct avec son intitulé, ne concernent pas, en réalité, les entreprises.

Compte tenu des opérations de reconstitution du Sénat à la suite des dernières élections sénatoriales, votre rapporteur n'a disposé que d'un temps très limité pour préparer l'examen du texte. Dans ces délais particulièrement contraints, il n'a donc pas été en mesure de formuler les propositions qui lui auraient parues nécessaires pour lui donner une plus grande portée, d'autant qu'un tel projet de loi, principalement constitué d'habilitations à légiférer par ordonnance, ne permet pas un examen approfondi des modifications de fond envisagées.

En dépit de ces limites, votre commission a tenu à examiner ce projet de loi dans un esprit constructif, considérant que la simplification du droit des entreprises était aujourd'hui un objectif politique partagé et que la plupart des avancées et des améliorations rendues possibles par ce texte, aussi modestes soient-elles, méritaient d'être approuvées, dans l'intérêt de nos entreprises, à condition pour certaines d'entre elles d'être ajustées ou précisées.

Enfin, comme elle en a l'habitude lorsqu'elle est saisie d'un pareil texte de simplification, votre commission a décidé de déléguer au fond les articles qui ne relèvent pas de sa compétence aux commissions qui se sont saisies pour avis.

Dans sa réunion du 15 octobre 2014, elle a ainsi délégué trente-et-un articles, sur un total de quarante-huit articles dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale :

- les articles 1 er , 2, 2 bis , 2 ter , 2 quater , 23, 24 et 31 à la commission des affaires sociales ;

- les articles 7, 9, 10, 11 bis A, 20, 28, 29, 31 bis et 34 bis à la commission des affaires économiques ;

- les articles 8, 11 et 11 bis à la commission du développement durable ;

- les articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 30, 33 et 35 à la commission des finances.

Votre commission des lois a conservé l'examen au fond de dix-sept articles, qui relèvent de sa compétence au titre du droit des sociétés, mais aussi du droit administratif, du statut de la copropriété, du droit de la consommation, du droit de la commande publique ou encore du droit des collectivités territoriales.

I. LA POURSUITE DU PROCESSUS DE SIMPLIFICATION DU DROIT : UN IMPÉRATIF POUR LA COMPÉTITIVITÉ DE NOS ENTREPRISES

En premier lieu, votre commission se réjouit de constater que l'objectif de simplification de notre édifice juridique demeure une priorité pour les gouvernements successifs. La simplification de l'environnement juridique des entreprises est un élément, parmi d'autres, qui contribue à faciliter les conditions d'exercice de leur activité, en allégeant leurs contraintes diverses, et donc à soutenir leur compétitivité. Dorénavant, la simplification est une priorité politique partagée, par-delà des clivages partisans, dans l'intérêt du développement des entreprises françaises, donc de l'emploi.

L'ensemble des personnes entendues en audition par votre rapporteur, qu'il s'agisse des organisations représentant les entreprises ou de celles des professionnels qui accompagnent les entreprises au quotidien, ont souligné combien il était important que le processus de simplification se poursuive et se pérennise, de façon à être une préoccupation permanente des pouvoirs publics et du législateur, quand bien même la méthode d'élaboration des mesures de simplification peut être parfois contestable ou perfectible. Le présent projet de loi fait donc l'objet d'une approbation globale des acteurs concernés, qui sont au demeurant associés aux travaux gouvernementaux en matière de simplification.

La recherche de règles plus simples et mieux adaptées aux réalités de la vie économique ne doit toutefois pas faire oublier une autre exigence, aussi utile pour les entreprises, que sont la stabilité de leur environnement juridique et la prévisibilité des normes qui leur sont applicables.

Si l'exigence de simplification a été soulignée à l'occasion de plusieurs projets de loi présentés par l'actuel Gouvernement, le présent projet de loi est le cinquième à afficher pour objet exclusif la simplification du droit. Il s'inscrit dans le programme engagé par le Gouvernement depuis 2012 de modernisation de l'action publique et de simplification du droit, dans la continuité des travaux conduits par le Gouvernement précédent.

On rappellera ainsi la loi n° 2013-569 du 1 er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises - dont le présent projet de loi est la suite - ainsi que le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, encore en cours de navette parlementaire.

Ces trains successifs de simplification ont pris, depuis 2012, la suite des quatre propositions de loi de simplification, adoptées lors de la précédente législature à l'initiative de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, elles-mêmes faisant suite à deux projets de loi de simplification adoptés lors de la législature antérieure 2 ( * ) .

Pour autant, l'examen de la noria des textes de simplification, qu'il s'agisse de projets ou de propositions de loi, demeure un exercice parlementaire difficile, tant la diversité et l'inégale importance des sujets abordés dans ces textes ne favorisent pas toujours un débat conscient et éclairé sur les enjeux des mesures envisagées. Le débat est d'autant plus difficile lorsque le texte est constitué pour l'essentiel d'habilitations sollicitées par le Gouvernement pour légiférer par ordonnance. Aussi votre commission a-t-elle régulièrement appelé de ses voeux des lois de simplification plus brèves et construites autour de sujets circonscrits, de façon à permettre un authentique débat de fond.

À cet égard, votre rapporteur tient à saluer l'initiative récente de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui a déposé, dans le prolongement de ses travaux de rapporteur de la loi du 2 janvier 2014 précitée, une proposition de loi de simplification, de clarification et d'actualisation du code de commerce, clairement délimitée à un champ particulier du droit des entreprises, dans le cadre d'un seul code dont elle passe en revue un certain nombre de parties, qui permettrait un examen parlementaire nettement plus rationnel et méthodique 3 ( * ) . Il estime que cette proposition de loi mériterait d'être inscrite prochainement à l'ordre du jour du Sénat.

Enfin, en dépit de cette continuité politique qu'il convient de saluer sur la politique de simplification du droit, et singulièrement du droit des entreprises, votre rapporteur déplore que ce sujet donne parfois lieu à des annonces qui tardent à se concrétiser, ce qui ne peut être qu'une source de confusion et de méfiance des entrepreneurs à l'égard du discours politique sur la simplification. On peut ainsi citer, à titre d'exemples, deux mesures ambitieuses annoncées lors des Assises de la simplification du 29 avril 2011 et qui n'ont donné lieu à ce jour à aucun résultat tangible : la création d'un « coffre-fort numérique » destiné à conserver les informations déclarées aux administrations par les entreprises, pour leur éviter d'avoir à les fournir à plusieurs reprises, et la simplification tant attendue du bulletin de paie.

D'une part, le « coffre-fort numérique », sous la nouvelle dénomination d'« armoire sécurisée numérique », a donné lieu à une habilitation accordée au Gouvernement par l'article 62 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. Cette ordonnance n'a jamais été prise 4 ( * ) ... Le programme « Dites-le nous une fois », initié par l'actuel Gouvernement, vise à prendre le relais de ce projet abandonné, en cherchant, plus modestement, à réduire les redondances dans les informations demandées aux entreprises dans les formulaires administratifs.

D'autre part, le chantier de la simplification du bulletin de paie, ouvert par les dispositions adoptées à l'article 51 de la loi du 22 mars 2012, ne semble pas avoir avancé. Certes, il ne faut pas en sous-estimer la complexité juridique et administrative dès lors qu'il ne s'agit pas seulement de simplifier la lisibilité du bulletin de paie pour le salarié, mais aussi d'en faciliter l'établissement par l'employeur, ce qui suppose de réduire le nombre de charges à payer à des organismes différents ou d'harmoniser les assiettes de cotisations. La loi du 22 mars 2012 comportait, notamment, une habilitation en vue de simplifier le calcul des charges sociales. Si le délai d'habilitation n'a pas expiré à ce jour 5 ( * ) , l'ordonnance n'a pas encore été prise et le Gouvernement, interrogé par votre rapporteur, n'a pas été en mesure d'indiquer précisément l'état d'avancement de ce chantier.

Fort heureusement, cette absence de résultat tangible n'affecte pas tous les chantiers de simplification. Ainsi, prévue par l'article 35 de la loi du 22 mars 2012 précitée, la déclaration sociale nominative (DSN) doit en principe entrer en vigueur, de façon obligatoire, au 1 er janvier 2016. Cette déclaration unique, qui a vocation à remplacer toutes les déclarations que les employeurs sont tenus de transmettre aux organismes sociaux, reçoit les suffrages des représentants des entreprises entendus par votre rapporteur.

Dans ces conditions, l'effort de simplification ne doit pas être relâché. Or, le risque de procéder trop systématiquement par la voie des ordonnances dans les lois successives de simplification peut conduire dans les faits à privilégier un processus de simplification plutôt orienté vers les administrations que vers les entreprises.


* 1 Il s'agit de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

* 2 Pour un historique plus détaillé des lois de simplification et du processus de simplification, on se reportera au rapport de M. Jean-Pierre Michel n° 224 (2011-2012) sur la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (page 10). Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l11-224-1/l11-224-11.html#toc9

* 3 Cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-790.html

* 4 Un tel projet, d'une grande complexité administrative et technique, supposait une harmonisation des informations requises par les administrations et l'échange d'informations entre administrations, dans le cadre d'une plate-forme informatique sur laquelle les entreprises auraient fourni toutes leurs informations à l'usage de l'administration. Le délai d'habilitation était de dix-huit mois.

* 5 Le délai d'habilitation est de trente-six mois, de façon à permettre un travail préalable avec l'ensemble des organismes sociaux, lui-même prévu par la loi du 22 mars 2012.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page