EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 25 MAI 2011
M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur . - Après nous être prononcés sur la répartition des conseillers territoriaux par département et par région dans le cadre du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous sommes aujourd'hui amenés à réexaminer cette question à la suite de la censure constitutionnelle intervenue le 9 décembre dernier.
Dans sa décision, si le Conseil constitutionnel a confirmé que la création des conseillers territoriaux et le mode de scrutin retenu -uninominal majoritaire à deux tours- étaient conformes à la Constitution, il a censuré la répartition des conseillers territoriaux, qu 'il a jugée contraire au principe d'égalité des électeurs devant le suffrage. Il a considéré que la mise en place d'un « plancher » de quinze conseillers territoriaux dans chaque département n'encourait aucune censure, puisqu'elle poursuivait un objectif d'intérêt général : « assurer le fonctionnement normal d'une assemblée délibérante locale ». Néanmoins, il a jugé que l'écart du quotient électoral départemental à la moyenne régionale était « manifestement disproportionné » dans six départements, où il était supérieur à 20% : tel était le cas dans la Meuse, dans le Cantal, en Haute-Garonne, dans l'Aude, en Mayenne et en Savoie. Cet argument a poussé le Conseil à censurer le tableau dans son intégralité, estimant que les dispositions relatives à la répartition des conseillers territoriaux étaient indissociables les unes des autres.
Tirant les conséquences de cette décision, le présent projet de loi reprend à l'identique les dispositions adoptées par le Parlement en décembre 2010, sauf dans les six régions qui ont justifié la censure du Conseil constitutionnel et sauf en Guadeloupe. Le nombre de conseillers territoriaux passerait ainsi : de 21 à 20 dans le Cantal ; de 27 à 26 dans l'Aude ; de 89 à 90 en Haute-Garonne ; de 19 à 18 en Mayenne ; de 19 à 15 dans la Meuse ; de 27 à 25 dans les Vosges ; de 53 à 51 en Moselle ; de 25 à 24 en Savoie ; de 33 à 34 dans l'Ain ; de 27 à 28 dans la Drôme.
Les changements proposés sont donc marginaux. Le tableau établi par le gouvernement ne laisserait subsister aucun écart de plus de 20 % entre le quotient départemental et la moyenne régionale : comme l'ont confirmé trois professeurs de droit, Mme Anne Levade, M. Didier Maus et le président Jean-Claude Colliard, le texte est donc conforme à la jurisprudence constitutionnelle. En conséquence, je vous propose d'adopter le présent projet de loi sans modification.
M. Pierre-Yves Collombat . - Le Conseil constitutionnel ayant donné entière satisfaction au gouvernement -dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons- il convenait qu'il montrât son indépendance en pinaillant sur quelques chiffres après la virgule. Mais les critiques que nous faisions au texte initial valent toujours : les zones rurales vont perdre la moitié de leurs élus de proximité, tandis que les métropoles en gagneront. Et pour quel résultat ? Pléthore de conseillers régionaux ! Selon l'étude d'impact, les économies attendues s'élèveraient à quelques millions d'euros, soit 0,6 millièmes des dépenses de fonctionnement des départements et régions ! Et ce sans compter les frais de déplacement des nouveaux conseillers territoriaux, qui n'auront pas le don d'ubiquité, ou les frais d'agrandissement des hémicycles, évalués à 1 milliard d'euros. Au moins, cela relancera-t-il le bâtiment ! Espérons que ce texte marque la fin du premier épisode de cette réforme. Le second en sera la déconstruction, avant la reconstruction.
M. Simon Sutour . - Je veux à nouveau crier ma colère, même si c'est en vain : pour montrer qu'il sert à quelque chose, le Conseil constitutionnel a annulé le tableau, faisant perdre au passage un conseiller territorial au département de l'Aude. En Lozère, il y aura un conseiller territorial pour 5 000 habitants ; dans le Gard, en revanche, le ratio sera de un pour 18 000 ! Où est la justice annoncée ? Au niveau du conseil général, peut-être, mais au niveau régional, c'est une injustice profonde et scandaleuse !
M. Jean-René Lecerf . - Quelques questions. Nous avions souhaité que les conseils généraux soient composés d'un nombre impair d'élus, afin de dégager une majorité. Qu'en est-il ?
M. Pierre-Yves Collombat . - C'est fini !
M. Jean-René Lecerf . - Nous connaissons le nombre de conseillers territoriaux par département, mais pas le nombre de cantons par circonscription législative. On nous impose déjà de respecter les frontières des circonscriptions, et la rumeur parle d'une règle d'égalité territoriale de plus ou moins 20 % entre les cantons. Cela posera un problème pour les cantons ruraux, qu'il risque de falloir réunir. Ne faudrait-il pas demander au ministre des explications sur ces différents points ?
M. Jean-Jacques Hyest , président . - Nous interrogerons le gouvernement en séance publique.
M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur . - J'ai l'intention de poser des questions au ministre, notamment sur la fusion des communautés de communes avant 2014.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Nous posons des questions, mais nous n'obtenons pas de réponses satisfaisantes. On demande au législateur de voter par petits bouts une réforme globale ; ainsi, il vote sans connaître le découpage des cantons dans lesquels seront élus ces ovnis que sont les conseillers territoriaux !
Le Conseil constitutionnel -auquel, dans sa composition actuelle, nous n'accordons pas grande vertu- ne s'est préoccupé ni de l'égalité dans la représentation des citoyens, ni de la parité, qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Les économies attendues sont dérisoires au regard des dépenses qu'entraînera la création des conseillers territoriaux, entre frais de déplacement et agrandissements des locaux. Si nos concitoyens en connaissaient le coût réel, ils seraient sidérés ! Nous manifesterons notre hostilité à cette réforme en séance publique, en nous faisant l'écho des doutes et des inquiétudes des élus locaux que nous représentons.
M. Jacques Mézard . - Je m'étonne que ce texte, qui porte pourtant sur les collectivités territoriales, nous vienne de l'Assemblée nationale... Le Sénat aurait-il donc perdu son premier rôle en la matière ?
Nous connaissons les raisons de la décision du Conseil constitutionnel : la Meuse, le Cantal... Il faudra interroger le gouvernement. Nous connaissons le nom de celui qui va manier les ciseaux. ( Mme Gourault se fait préciser qu'il s'agit d'un député du Cantal ). Sans méconnaître la différence entre domaine législatif et domaine réglementaire, il serait bon que nous connaissions également les moyens qui seront utilisés pour le découpage. Vu nos discussions sur la commission départementale de coopération intercommunale et sur l'intercommunalité, les choses auraient dû se passer harmonieusement...
M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur . - La création des conseillers territoriaux ayant été validée par le Conseil constitutionnel, ce projet de loi n'a pour objet que de fixer le nombre de conseillers territoriaux par département. Comme il respecte la décision du Conseil constitutionnel, je vous invite à le voter conforme. Pour le reste, il faudra interroger le ministre.
Le projet de loi est adopté sans modification.