II. LE RÉGIME DE LA PROTECTION TEMPORAIRE INSTITUÉ PAR LA DIRECTIVE DU 20 JUILLET 2001

A. LA GENÈSE DE LA DIRECTIVE DE 2001 INSTITUANT LE RÉGIME DE LA PROTECTION TEMPORAIRE

La création du régime de la protection temporaire résulte d'une situation historique précise : les conséquences du conflit sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie 2 ( * ) puis de la crise du Kosovo 3 ( * ) . Confrontés au cours des années 1990 à des situations particulièrement graves de déplacements massifs de populations en provenance de pays tiers sur le continent européen, les Etats membres, au premier rang desquels figure l'Allemagne, ont voulu en tirer les conséquences en se dotant d'un outil permettant à la fois de répondre à une telle situation à l'avenir en offrant une protection immédiate et temporaire aux personnes déplacées et d'organiser entre eux une solidarité assurant le partage de l'accueil de ces personnes déplacées.

En effet, par son caractère permanent, le statut de réfugié octroyé au terme des procédures classiques d'asile ne pouvait pas constituer une réponse pertinente à des déplacements présumés temporaires de populations.

La directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil est la conséquence directe de cette situation historique particulière.

La directive a été transposée par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers. Les dispositions correspondantes ont par la suite été codifiées aux articles L. 811-1 et suivants et R. 811-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Ainsi, alors que le bénéfice de la protection temporaire, à ce jour, n'a jamais été attribué par le Conseil, le contexte dans lequel ce régime européen de protection internationale a été conçu doit être pleinement gardé à l'esprit pour en apprécier la portée.

B. LA PROCÉDURE D'ATTRIBUTION DE LA PROTECTION TEMPORAIRE ET SES EFFETS

1. La procédure de décision de l'attribution de la protection temporaire

En application de l'article 5 de la directive de 2001, l'attribution de la protection temporaire à un groupe de personnes donné doit résulter d'une décision du Conseil adoptée à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, qui constate l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées justifiant la mise en oeuvre à leur égard de la protection temporaire.

La Commission peut être sollicitée par un Etat membre en vue de soumettre une proposition au Conseil. C'est dans ce cadre que se placent les auteurs de la proposition, puisqu'ils soumettent au Sénat le souhait que « la France (...) puisse transmettre à la Commission européenne une demande en vue de proposer au Conseil d'adopter à la majorité qualifiée une décision constatant la nécessité de déclencher l'octroi de la protection temporaire aux réfugiés afghans en provenance d'Afghanistan et du Pakistan ».

A cet égard, on peut s'interroger sur l'intervention du Parlement dans cette procédure de sollicitation de la Commission, cette intervention n'étant prévue ni par la directive ni, concernant la France, par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La directive énonce plusieurs critères que le Conseil doit prendre en compte pour fonder sa décision, en particulier dans son article 2 : l'existence d'un afflux massif , actuel ou imminent, de personnes déplacées, qu'ils soit spontané ou organisé, l'incapacité pour les systèmes nationaux d'asile d'y faire face dans des conditions normales de traitement des demandes d'asile et l'impossibilité pour les personnes déplacées de retourner dans leur pays d'origine dans des conditions sûres et durables.

La protection temporaire est accordée pour une durée d'un an et peut être prorogée automatiquement par période de six mois pour une durée d'un an au plus, soit une durée totale de deux ans. Elle peut encore être prorogée pour une durée d'un an au plus, lorsqu'il existe des motifs pour la maintenir, soit une durée totale maximale de trois ans. Il peut être mis fin à tout moment à la protection temporaire, par un vote du Conseil à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, celle-ci pouvant être saisie par un Etat membre.

2. Les effets de l'attribution de la protection temporaire

La directive prévoit que la décision du Conseil impose à chaque Etat membre une série d'obligations à l'égard des personnes concernées pendant la durée de la protection temporaire, et principalement : attribution d'un titre de séjour, autorisation d'exercice d'une activité professionnelle, accès à un hébergement, aide sociale et accès aux soins médicaux, accès au système éducatif et de formation, bénéfice du regroupement familial. Les bénéficiaires de la protection temporaire doivent également pouvoir déposer une demande d'asile, étant entendu qu'en cas de rejet de cette demande, ils continuent à relever de la protection temporaire.

En France, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le titre de séjour est accordé par période de six mois renouvelable jusqu'à l'expiration de la protection temporaire et que, comme l'autorise la directive, les droits attachés au statut de demandeur d'asile ne peuvent pas être cumulés avec ceux de la protection temporaire.

Enfin, lorsque cesse la protection temporaire, la directive prévoit que le droit commun des étrangers et de l'asile de chaque Etat membre s'applique aux personnes concernées.

La directive prévoit également certaines mesures de solidarité et de coopération entre les Etats membres en vue de l'accueil des bénéficiaires de la protection temporaire, permettant notamment leur transfert en fonction des capacités d'accueil respectives des Etats.

* 2 A titre d'exemple, l'Allemagne dut faire face en 1992 à 190 000 demandes d'asile, dues pour l'essentiel à la situation dans les Balkans.

* 3 Plus de 100 000 personnes venant du Kosovo ont été accueillies de manière concertée par les Etats membres de l'Union européenne.

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