DEUXIÈME PARTIE : UNE CONVENTION ISSUE D'UN COMPROMIS ENTRE LE MODÈLE ONUSIEN ET CELUI DE L'OCDE
I. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU LIEN FISCAL AVEC LE KENYA
Votre rapporteur constate que la France et le Kenya se trouvent pour la première fois 5 ( * ) liés par une convention fiscale qui a pour objet d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôt sur le revenu.
On ne dénombre que neuf conventions fiscales en vigueur conclues par cet Etat avec le Canada, l'Allemagne, le Danemark, l'Inde, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni, la Zambie et l'Italie 6 ( * ) .
La France a adressé au Kenya un projet de texte en septembre 2002, sur la base duquel les premières négociations ont eu lieu en juillet 2003. Les discussions ont été finalisées à Nairobi du 1 er au 3 février 2006. Le projet de convention fiscale a été signé le 4 décembre 2007.
Les deux pays sont parvenus à un compromis entre la proposition kenyane qui s'inspire du modèle de l'ONU, et celle française qui correspond au modèle de l'OCDE.
Il existe en effet deux modèles de convention fiscale internationale : le modèle de l'OCDE et celui de l'ONU. Le plus couramment utilisé à ce jour est celui issu des travaux du comité des affaires fiscales de l'OCDE. Ce Comité est composé de hauts responsables de tous les pays membres de cette organisation.
La première version non publiée de ce modèle, alors élaboré par le comité fiscal de l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE), date du 1 er juillet 1958. Publié en 1963, le texte intitulé « Modèle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune » a été à nouveau révisé en 1977.
Ce cadre offre la souplesse et la transparence nécessaire aux négociations en matière fiscale, domaine par nature régalien. En effet, de nature non contraignante, il s'est imposé dans la pratique comme un cadre de références pour plus de 3.000 conventions fiscales.
Il est mis à jour régulièrement et ponctuellement par le comité des affaires fiscales depuis 1991 7 ( * ) . L'élaboration de ce modèle donne lieu à un dialogue permanent depuis 1996 non seulement entre Etats membres de l'OCDE mais également avec les Etats non membres ainsi que les entreprises du secteur privé, afin d'enrichir le modèle de l'ensemble des expériences des acteurs de la fiscalité internationale. Chaque année un forum mondial réunissant les hauts fonctionnaires spécialisés dans le domaine des conventions fiscales est organisé en septembre par l'OCDE.
Le modèle OCDE a essentiellement pour objectif d'éviter toute perte financière ou discrimination dans les échanges internationaux, liées au risque de compétence partagée du droit d'imposition par l'Etat de la résidence et l'Etat de la source du revenu.
Votre rapporteur rappelle qu'il existe un second modèle de convention internationale développé par l'Organisation des Nations Unies afin de répondre au besoin de conventions fiscales entre pays développés et pays en voie de développement. En effet, un groupe spécial d'experts des conventions fiscales a été mis en place en 1968 par le secrétaire général des Nations Unies afin d'élaborer un modèle plus approprié pour les pays en développement ou importateurs de capitaux.
Il a fallu attendre néanmoins 1980 pour disposer de la première publication du modèle de convention des Nations Unies concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement. Cette première version a donné lieu à un travail de mise à jour au cours des années 1990 par le groupe spécial d'experts. Ces travaux ont conduit à la publication en 2001 du nouveau « Modèle de convention des Nations Unies » concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement.
Au premier abord, les différences entre le modèle onusien et celui de l'OCDE sont peu nombreuses. En effet, le groupe spécial d'experts s'est largement inspiré du modèle de l'OCDE publié en 1977.
Cependant, il convient de noter que les spécificités rédactionnelles onusiennes sont significatives en ce qu'elles octroient de manière générale plus de droits en matière d'imposition à l'Etat de la source ou au pays importateur de capitaux que le modèle de l'OCDE.
Votre rapporteur relève que la convention fiscale conclue entre la France et le Kenya répond aux préoccupations des deux Etats en recourant aux dispositions de référence de chacun des deux modèles, selon le cas.
Il prend note des difficultés de négociation qui ont notamment porté sur les taux de retenue à la source, la qualification d'établissement stable et sa force d'attraction, ainsi que sur la taxation des bénéfices des entreprises de navigation maritime en trafic international.
L'accord fiscal conclu avec le Kenya et objet du présent projet de loi soumis à votre examen, est composé de trente articles et d'un protocole en six points.
Conformément aux modèles de conventions internationales, les articles 1 er à 5 définissent le champ d'application de la convention. Puis les articles 6 à 21 établissent les règles d'attribution du droit exclusif ou non d'imposer les revenus couverts par la convention. Ces critères d'imposition s'accompagnent des mécanismes de suppression des doubles impositions précisés à l'article 22 de la convention. Enfin, celle-ci comprend des dispositions spéciales, notamment celle relative à l'échange de renseignements, et des dispositions finales sur l'entrée en vigueur et la dénonciation de l'accord.
Votre rapporteur tient à souligner que les clauses conventionnelles ainsi négociées constituent un compromis e ntre la proposition initiale kenyane , inspirée du modèle de convention de l'ONU, et le projet français , correspondant principalement au modèle de l'OCDE.
* 5 L'accord de 1996 ne concerne que l'élimination des doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international.
* 6 Le Kenya n'a pas conclu de convention fiscale depuis 1987.
* 7 En 1992, 1994, 1995, 1997, 2000, 2003, 2005 et 2008.