II. COMPÉTENCE DES ETATS EN MATIÈRE D'IMPOSITION

Les articles 6 à 23 fixent les règles de détermination du lieu d'imposition des différents revenus couverts par la convention.

En matière de revenus immobiliers , l'article 6 attribue le droit d'imposer, conformément au modèle OCDE, à l'Etat de la source, c'est-à-dire celui sur le territoire duquel ces biens immobiliers 5 ( * ) sont situés.

En outre, la France a obtenu que les revenus des parts ou actions conférant à leur détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant soient imposables dans cet Etat 6 ( * ) . Cet ajout par rapport au modèle de l'OCDE permet à la France d'appliquer les dispositions particulières de sa législation fiscale en ce qui concerne les revenus des sociétés immobilières, en imposant de la même manière les revenus d'immeubles, que le contribuable soit propriétaire du bien ou de seulement de parts de sociétés immobilières.

Corollaire de l'article 5 définissant la notion d'établissement stable, l'article 7 détermine quels sont les bénéfices des entreprises qui constituent des établissements stables. Cet article doit pouvoir permettre de calculer les bénéfices réalisés par une entreprise d'un Etat contractant qui réalise des opérations commerciales avec une entreprise du même groupe de l'autre Etat contractant.

Inspiré du modèle OCDE, l'article 7 rappelle que « les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat . ». Néanmoins, une entreprise d'un Etat qui exerce une activité dans l'autre Etat contractant n'est imposable, dans cet autre Etat, qu'à la condition que cette activité y soit exercée par l'intermédiaire d'un établissement stable. En outre, elle n'est imposable qu'à raison des bénéfices dégagés par cet établissement.

La France n'a pas souhaité utiliser la possibilité décrite dans le modèle OCDE de calculer les bénéfices imputables à un établissement stable selon une méthode forfaitaire. Elle a préféré recourir à la règle d'attribution des bénéfices sur la base d'une comptabilité séparée. 7 ( * )

Le point 7 du protocole précise les règles de détermination des bénéfices imputables à un établissement stable dans le cadre de certaines activités (vente de marchandises, études, fourniture, installation ou construction d'équipements ou d'établissements industriels, commerciaux ou scientifiques, ou d'ouvrages publics).

Il convient de préciser que l'article 8 déroge à la règle posée à l'article 7 puisque les bénéfices provenant de l'exploitation de navires ou aéronefs en trafic international ne sont imposables que dans l'Etat dans lequel est situé le siège de la direction effective. Cet article est conforme au modèle de l'OCDE.

L'article 9 traite de la question des transferts de bénéfices entre entreprises associées telles que les sociétés mères et leurs filiales et sociétés placées sous contrôle commun. Il permet notamment aux Etats contractants de procéder à des ajustements du montant de l'impôt sur les bénéfices de deux entreprises, chacune située sur le territoire d'un Etat contractant, et liées dans leurs relations commerciales ou financières par des conditions qui diffèrent de celles qui auraient été établies entre des entreprises indépendantes.

S'agissant des dividendes 8 ( * ) , l'article 10 9 ( * ) attribue tout d'abord ce droit d'imposition à l'Etat de la résidence de leur bénéficiaire. Il ne s'agit pas d'un principe d'imposition exclusive. Ainsi, les dividendes peuvent être imposés par l'Etat de la source.

Avant d'aborder les cas de retenue à la source sur les dividendes, l'article 10 précise 10 ( * ) le cas d'exonération d'une telle retenue. En effet, ces dividendes ne sont pas imposables dans l'Etat de la source 11 ( * ) si leur bénéficiaire effectif répond à une double condition. Il doit être une société résidente de l'autre Etat, détenant directement ou non, au moins 50 % du capital de la société qui paie les dividendes. Il doit avoir investi au moins trois millions d'euros 12 ( * ) dans le capital de cette société.

La France a demandé à bénéficier de cet avantage complémentaire , qui n'est pas prévu dans le modèle de convention de l'OCDE. Dans les accords conclus par la France avec les autres Etats de la région, l'exonération de retenue à la source est le plus souvent exclue (Arménie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Russie).

Cette exonération particulière de retenue à la source a été également concédée par la Géorgie au Royaume-Uni 13 ( * ) . Elle a été obtenue par la France en contrepartie des conditions posées par la Géorgie en matière de seuil de détention du capital et de montant investi dans la société distributrice, dans le cadre de la retenue à la source appliquée aux dividendes.

En effet, nonobstant cette exonération , l'article 10 réserve 14 ( * ) un droit d'imposition à l'Etat de la source des dividendes, selon un taux n'excédant pas :

- 5 % du montant brut des dividendes lorsque le bénéficiaire effectif est une société détenant directement ou non au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes. Il doit avoir également investi dans le capital de cette société au moins 100.000 euros 15 ( * ) ; ou

- 10 % du montant brut des dividendes, dans les autres cas.

Votre rapporteur observe tout d'abord que le seuil de détention du capital de la société distributrice, de 10 %, est inférieur à celui de 25 % préconisé par le modèle de convention de l'OCDE. Ce taux a été obtenu par la France avec la plupart des Etats de la région 16 ( * ) .

La France a également accepté d'ajouter, à la condition traditionnelle du seuil de participation, une condition supplémentaire liée à un montant d'investissement minimal de 100.000 euros par la société bénéficiaire dans le capital de la société distributrice. Une telle négociation lui a permis d'obtenir de la part de la Géorgie, en contrepartie, un taux réduit de 5 % de retenue à la source sur les dividendes.

S'agissant des intérêts (article 11), des redevances (article 12) et des revenus non spécifiquement visés par la convention (article 22), la Géorgie a accepté la demande française du principe de taxation exclusive par l'Etat de la résidence du bénéficiaire effectif.

L'article 11 du modèle de convention de l'OCDE ne stipule pas un tel droit exclusif d'imposition des intérêts en faveur de l'Etat de la résidence. Ce modèle réserve un droit de taxer les intérêts à l'Etat d'où ces derniers proviennent en le limitant par un plafond d'imposition qui ne peut dépasser 10 %.

Concernant les redevances , votre rapporteur rappelle qu'elles constituent des revenus de location qui peuvent ou non s'effectuer dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise 17 ( * ) . Il est précisé dans le protocole que les prestations d'assistance technique ne constituent pas des redevances pour l'utilisation d'un savoir-faire.

Il est cependant fait exception au principe d'imposition exclusive des redevances dans l'Etat dont le bénéficiaire est résident lorsque ce dernier exerce dans l'Etat de la source une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable et que le bien générateur des redevances se rattache effectivement à cet établissement 18 ( * ) . Il convient également de souligner qu'à la demande de la partie française, il a été ajouté un paragraphe stipulant que les redevances sont considérées comme provenant de l'Etat du lieu de situation de l'établissement stable du débiteur, résident ou non d'un Etat contractant, lorsque cet établissement stable supporte la charge de ces redevances.

Votre rapporteur observe que l'absence de retenue à la source, tant en matière d'intérêts que de redevances, ou encore la limitation de son taux applicable aux dividendes n'a qu'une très faible incidence dans la mesure où les placements de source géorgienne en France sont négligeables.

S'agissant des autres revenus non expressément visés par la convention , il est dérogé au principe de l'imposition exclusive de ces revenus dans l'Etat de la résidence de leur bénéficiaire effectif, s'ils peuvent être rattachés à un établissement stable dont le bénéficiaire dispose dans l'autre Etat. De surcroît, le point 11 du protocole exclut expressément de ce régime les gains provenant des jeux.

L'article 13 aborde le régime applicable aux gains en capital . Inspiré du modèle de l'OCDE, il attribue le droit d'imposer les gains provenant de l'aliénation de biens immobiliers à l'Etat où sont situés ces biens. En revanche, il se distingue du modèle, s'agissant des gains provenant de la cession d'actions, parts ou autres droits dans des sociétés ou entités à prépondérance immobilière.

Il permet à la France, conformément à sa pratique conventionnelle, d'appliquer sa législation pour l'imposition des plus-values provenant de l'aliénation de tels droits.

Cet article prévoit également que les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers appartenant à l'actif d'un établissement stable, qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat, sont imposables dans cet autre Etat. En revanche, les gains provenant de l'aliénation de navires ou d'aéronefs exploités en trafic international ne sont imposables que dans l'Etat contractant accueillant le siège de la direction effective de l'entreprise.

Les articles 14 à 21 exposent les critères de détermination du droit d'imposition des différents revenus d'activités des personnes physiques .

Ainsi, l'article 14 attribue l'imposition des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale à l'Etat de la résidence, sauf si la profession est exercée dans l'autre Etat par le biais d'une base fixe. Cet article est inspiré de l'article 14 du modèle de convention de l'OCDE, dans sa version antérieure à l'année 2000. Cette disposition a été depuis supprimée. Les revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale sont désormais traités à l'article 7 du modèle, en tant que bénéfices d'activité d'entreprise.

S'agissant des salaires du secteur privé, l'article 15, inspiré du modèle de l'OCDE, pose le principe de l'imposition de ces revenus dans l'Etat d'exercice de l'activité. Une exception est prévue dans le cas des missions temporaires effectuées dans un Etat par un résident de l'autre Etat. Elle est soumise à une triple condition. En effet, les salaires sont imposés dans l'Etat de la résidence et non d'exercice d'activité si le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une durée n'excédant pas cent quatre-vingt-trois jours. Les rémunérations doivent également être payées par un employeur qui n'est pas un résident de l'Etat d'exercice de l'activité. Enfin, la charge des rémunérations ne doit pas être supportée par un établissement stable que l'employeur a dans l'Etat où l'activité salariée est exercée.

L'article 16 prévoit d'imposer les rémunérations des membres du conseil d'administration ou de surveillance de sociétés, résidentes de l'autre Etat contractant, dans cet autre Etat.

Concernant les artistes et sportifs, l'article 17 retient le principe de l'imposition de leurs revenus d'activité dans l'Etat d'exercice de l'activité et non de la résidence. Cependant, à la demande de la France et conformément à sa pratique conventionnelle, l'article 17 attribue le droit d'imposer ces revenus à l'Etat qui a financé 19 ( * ) , si tel est le cas, les activités de ces artistes ou sportifs.

Les articles 18 et 19 définissent le régime d'imposition des pensions et rémunérations similaires .

S'agissant du secteur privé , l'article 18 , inspiré du modèle OCDE, attribue le droit exclusif d'imposition de ces revenus à l'Etat de la résidence de leur bénéficiaire.

En ce qui concerne les pensions publiques, l'article 19, également élaboré à partir du modèle OCDE pose le principe d'imposition exclusive de ces revenus dans l'Etat qui les paye, c'est-à-dire l'Etat de la source, à l'exception des revenus versés à des nationaux résidents de l'autre Etat. L'Etat de la résidence dispose alors du droit d'imposer les services rendus dans cet Etat si le bénéficiaire en est non seulement un résident mais en possède la nationalité. Cet article est particulièrement favorable au budget de l'Etat français. Puisque les pensions publiques ne seront imposables que dans l'Etat qui les paye, la France pourra donc imposer les rémunérations qu'elle verse à ses fonctionnaires en poste en Géorgie dès lors qu'ils ne sont pas de nationalité géorgienne.

Quant aux sommes perçues par les étudiants et les stagiaires, l'article 20 prévoit de les exonérer dans l'Etat où ils séjournent, dans la mesure où elles sont destinées à couvrir leurs frais d'entretien et d'études.

La solution relative aux revenus des professeurs et des chercheurs séjournant pour leurs travaux dans l'autre Etat contractant est, quant à elle, originale. En effet nonobstant les dispositions de l'article 15, l'article 21 autorise l'Etat d'origine à imposer ces personnes pendant une période ne pouvant excéder vingt-quatre mois, à compter de la date de leur arrivée dans le pays d'accueil. Sont exclus du bénéfice de cet article les revenus tirés d'activités à caractère principalement privé.

Enfin, l'article 23 relatif à la fortune , pose le principe général de l'imposition dans l'Etat de la résidence du contribuable, à l'exception de certaines catégories de biens. Les biens immobiliers, ainsi que les parts de sociétés immobilières 20 ( * ) , sont imposés dans l'Etat de situation du bien immobilier. Les navires et aéronefs exploités en trafic international, ainsi que les biens mobiliers affectés à leur exploitation, ne sont imposables que dans l'Etat contractant du siège de direction effective de l'entreprise.

* 5 Aux termes du point 6 du protocole, la notion de « biens immobiliers » inclut les options, promesses de ventes et droits semblables relatifs à ces biens.

* 6 Cf. paragraphe 5 de l'article 6 de la convention.

* 7 C'est pourquoi le paragraphe 4 de l'article 7 du modèle OCDE ne figure pas dans le présent article.

* 8 La définition des dividendes est inspirée du modèle de l'OCDE. Elle comprend cependant également tous les revenus soumis au régime fiscal des distributions par la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est un résident, afin de s'appliquer aux distributions occultes ou déguisées.

* 9 Cf. paragraphe 1 de l'article 10.

* 10 Cf. a) du paragraphe 2 de l'article 10.

* 11 C'est-à-dire l'Etat, dont la société qui paie les dividendes est un résident.

* 12 Ou l'équivalent en devise géorgienne.

* 13 Concédée postérieurement au premier paraphe de la convention franco-géorgienne, ce qui avait conduit à actualiser le projet de convention géorgienne et à procéder à un second paraphe.

* 14 Cf. b) du paragraphe 2 de l'article 10.

* 15 ou l'équivalent en devise géorgienne.

* 16 Cf. les conventions avec l'Arménie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et l'Ukraine.

* 17 En effet, la redevance peut être due à raison d'une concession de l'usage d'un brevet par l'inventeur ou par ses héritiers.

* 18 Cf. paragraphe 3 de l'article 12 de la convention inspiré du modèle de convention de l'OCDE.

* 19 Ou l'une de ses subdivisions politico-administratives, ses collectivités territoriales ou l'une de ses personnes morales de droit public.

* 20 Clause insérée à la demande de la France.

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