B. QUELLE LISIBILITÉ BUDGÉTAIRE POUR UNE POLITIQUE INTERMINISTÉRIELLE ?
1. Un ministère largement constitué par regroupement de services préexistants
Le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a été créé par le décret du 19 juin 2007 relatif à la composition du Gouvernement et son champ d'intervention a été précisé par un décret 1 ( * ) et un arrêté du 26 décembre 2007, portant organisation de son administration centrale.
La création du ministère a été permise, en pratique, par la loi de finances pour l'année 2008 2 ( * ) , qui a autorisé le transfert de 509 emplois en provenance des ministères partenaires :
- 140 emplois en équivalent temps plein travaillé (ETPT) du ministère des affaires étrangères et européennes ;
- 110 ETPT du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;
- 239 ETPT du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports ;
- 20 ETPT du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique .
Cette loi avait également prévu la création de 100 nouveaux emplois pour compléter les effectifs du ministère. Cette redistribution des personnels ne s'est pas accompagnée de la création de corps propres à cette nouvelle administration.
Le choix a été fait de partager la gestion de ces personnels entre les ministères partenaires et le ministère en charge de l'immigration . Les ministères partenaires conservent notamment la compétence des actes de gestion à portée statutaire, les actes de gestion « de proximité » étant délégués au ministère de l'immigration. Quatre conventions générales de délégation de gestion des personnels ont été signées avec les ministères partenaires pour matérialiser ces partages de compétences 3 ( * ) .
Par ailleurs, plusieurs conventions de délégation de gestion ont été signées pour prévoir la mise à disposition de locaux et les soutiens logistique, bureautique et informatique dont bénéficient le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire auprès des divers ministères partenaires.
2. Une organisation qui brouille la lecture globale des crédits de la politique de rétention et des reconduites à la frontière
En octobre 2008, votre commission des finances avait demandé à la Cour des comptes, dans le cadre de la procédure de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances, d'examiner la gestion des centres de rétention administrative (CRA) et notamment la répartition des crédits qui leur sont consacrés entre les différents ministères et les missions budgétaires. Le rapport rendu par la Cour des comptes a fait l'objet, le 1 er juillet dernier, d'une audition de M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et de la publication d'un rapport d'information 4 ( * ) .
A l'issue de ses travaux, la Cour des comptes a conclu à l'absence de synthèse du coût global de la rétention .
Cette difficulté résulte directement de l'organisation du ministère et des partages de compétences opérés, en particulier avec le ministère en charge de l'intérieur . En effet, si le ministre en charge de l'immigration a autorité conjointe avec le ministre de l'intérieur sur la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ainsi que sur la direction générale de la politique nationale, dont la direction centrale de la police aux frontière (DCPAF) fait partie, il ne gère pas directement les services de la PAF. Or, ce sont essentiellement ces services qui prennent directement en charge la gestion des CRA. Des conventions de délégation relatives à la gestion des crédits de rétention administrative et d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ont donc dû être signées.
Or, la Cour estime que le partage actuel des rôles en matière de rétention entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'immigration vis-à-vis de la DCPAF n'est pas sans inconvénients . Elle indique que « le schéma retenu, transversal et fonctionnel, aboutit à ce que le ministère de l'immigration fixe les objectifs de reconduites aux frontières alors que la DCPAF est en charge de l'exécution des mesures [...] au risque de conduire à des doublons et à des divergences de vues ou d'analyses. [...] La création du ministère de l'immigration n'a pas conduit à une solution claire relative au rattachement de la police aux frontières. Cette question mérite d'être réexaminée ».
Lors de son audition par votre commission des finances, M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a estimé que le rattachement de la PAF au ministère de l'immigration irait à l'encontre des objectifs de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a, au contraire, préconisé un regroupement de l'ensemble des services de police et de gendarmerie auprès du ministre en charge de l'intérieur.
En matière de coût global des reconduites à la frontière, il a par ailleurs indiqué que « compte tenu des divergences dans les chiffrages jusqu'à présent rendus publics, il [...] a paru indispensable de commander une étude approfondie à l'Inspection générale de l'administration. Nous obtiendrons des conclusions de ce travail, à l'automne ».
Votre rapporteur spécial sollicitera donc le ministre sur ce sujet pour connaître les conclusions du travail mené par l'Inspection générale de l'administration.
* 1 Décret n° 2007-1891 du 26 décembre 2007 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
* 2 Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
* 3 Le 10 juillet 2008 avec les ministères sociaux, le 4 février 2008 avec le ministère de l'intérieur, le 21 mai 2008 avec le ministère des affaires étrangères et le 6 janvier 2008 avec les ministères économiques et financiers. Une délégation de gestion concernant 4 agents a par ailleurs été signée le 14 avril 2009 avec l'Institut nationale de la statistique et des études économiques.
* 4 Immigration : la gestion des centres de rétention administrative peut encore être améliorée, rapport d'information n° 516 (2008-2009) de M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des finances.