N° 101

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

Rapporteur spécial : M. Pierre BERNARD-REYMOND

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 (2009-2010)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent fortement entre la loi de finances initiale pour 2009 et le présent projet de loi de finances : + 12 % en autorisations d'engagement et + 9,8 % en crédits de paiement. De manière générale, les crédits de la politique transversale d'immigration et d'intégration, retracés dans le document de politique transversale, connaissent également une hausse significative : + 4 %.

2. L'analyse budgétaire des documents annexés au présent projet de loi de finances permet de conclure au caractère majoritairement social des actions menées à la fois au travers de la mission « Immigration, asile et intégration » et au sein de l'ensemble de la politique transversale .

3. Votre rapporteur spécial s'interroge sur la crédibilité des prévisions de flux de demandeurs d'asile à partir desquelles ont été établies les demandes de crédits dans le présent projet de loi de finances. En effet, le projet annuel de performances qui lui est annexé se fonde sur un nombre prévisionnel de demandeurs d'asile de 45.500, en hausse de seulement 6,8 % par rapport aux demandes d'asile de l'année 2008, alors même que le nombre de demandeurs d'asile a progressé de 19,7 % en 2008 et que, d'après les premiers éléments disponibles pour l'année 2009, la hausse s'élève cette année à 16,5 % en rythme annuel. On ne perçoit pas clairement les faits qui pourraient inverser la tendance en 2010.

Le projet annuel de performances prévoit une hausse de 10 % des crédits consacrés aux actions de soutien aux demandeurs d'asile et à l'organisation de la demande d'asile . Il est à craindre que cette augmentation ne soit pas suffisante pour répondre aux besoins réels de l'année 2010 , étant donnée l'évolution actuelle des flux de demandeurs d'asile.

4. L'objectif de doublement du nombre de reconduites à la frontière, fixé en 2003, a été atteint dès 2006. Toutefois, il apparaît que le nombre de retenus dans les centres de rétention administrative effectivement reconduits diminue , un nombre important d'entre eux étant remis en liberté. Ce constat ressort des travaux menés par la Cour des comptes sur la gestion des centres de rétention administrative, à la demande de votre commission des finances.

5. L'Office national de l'immigration et de l'intégration (OFII) retrouve en 2009 une situation financière plus normale , dans la mesure où son fonds de roulement, qui était très important, a diminué.

6. L'organisation interministérielle de la politique de l'immigration rend difficile toute appréhension globale du coût des reconduites à la frontière en France . Les travaux menés par l'Inspection générale de l'administration sur ce sujet, et qui devraient être rendus publics prochainement, permettront d'éclairer la représentation nationale sur ce point.

A la date limite de réponse du 10 octobre, prévue par l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire avait répondu à 28 des 39 questions formulées par vos rapporteurs spéciaux, soit un taux de réponse de 71,8 %.

I. UNE POLITIQUE INTRINSÈQUEMENT INTERMINISTÉRIELLE

A. UNE MISSION QUI NE REGROUPE QUE 15,6 % DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE TRANSVERSALE D'IMMIGRATION ET D'INTÉGRATION

1. Une politique transversale dominée par les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur

La mission « Immigration, asile et intégration » ne représente, selon le présent projet de loi de finances, que 15,6 % des crédits de paiement (CP) consacrés à la politique française de l'immigration et de l'intégration .

Répartition par mission de l'effort financier de l'Etat en faveur de la politique d'immigration et d'intégration

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Mission

Loi de finances initiale pour 2009

Projet de loi de finances pour 2010

Evolution

Action extérieure de l'Etat

38,8

38,6

- 0,5 %

Conseil et contrôle de l'Etat

20,7

20,3

- 1,9 %

Culture

7,5

6,7

- 10,7 %

Immigration, asile et intégration

510,6

560,4

+ 9,8 %

Justice

8,9

9,0

+ 1,1 %

Recherche et enseignement supérieur

1.575,2

1.575,2

-

Santé

490,0

535,0

+ 9,2 %

Sécurité

677,6

682,5

+ 0,7 %

Travail et emploi

13,9

16,5

+ 18,7 %

Ville et logement

40,0

60,0

+ 50,0 %

Administration générale et territoriale de l'Etat

96,5

98,1

+ 1,7 %

Total

3.479,6

3.620,3

+ 4 %

Source : commission des finances, à partir du document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2010

Le document de politique transversale (DPT) annexé au présent projet de loi de finances prévoit un effort financier global de 3,62 milliards d'euros en CP en faveur de cette politique, au sein desquels la présente mission ne représente que 560 millions d'euros.

Au total, 15 programmes répartis dans 11 missions et entre 10 périmètres ministériels participent, par leurs actions, à la politique transversale d'immigration et d'intégration .

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l'analyse du tableau ci-dessus.

a) Les principaux contributeurs à la politique transversale sont les ministères « sociaux »

L'analyse du DPT montre que les principaux contributeurs à la politique d'immigration et d'intégration des étrangers en France sont les ministères « sociaux » .

Ainsi, le ministère en charge de la recherche et de l'enseignement supérieur contribue à hauteur de 43,5 % à l'effort global de l'Etat, soit 1.575 millions d'euros. Cette contribution correspond à la prise en charge des élèves étrangers dans l'enseignement supérieur. Le DPT précise que ce montant est une estimation qui prend en compte les prévisions quant au nombre d'étudiants étrangers en université pour l'année 2010 et au coût moyen par étudiant en université (évalué à 7.710 euros par an pour 2009).

Le ministère en charge de la santé participe pour sa part à hauteur de 535 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour l'année 2010, à rapprocher des 682,5 millions d'euros en provenance du ministère de l'Intérieur et correspondant aux actions de la police et de la gendarmerie nationale dédiées à la surveillance des centres de rétention administrative et au contrôle des flux migratoires.

Il est difficile d'opérer une classification des crédits de la politique transversale entre la politique « répressive » vis-à-vis de l'immigration et les crédits à caractère social, destinés à l'intégration des étrangers en France. Toutefois, on peut relever qu'au total les crédits de la mission « Sécurité » ajoutés à ceux de la mission « Immigration, asile et intégration » qui participent à la politique de lutte contre l'immigration irrégulière ne représentent que 22 % de l'ensemble des crédits de la politique d'immigration et d'intégration des étrangers en France.

Répartition des crédits de paiement de la politique transversale
entre les missions budgétaires en 2010

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances et du document de politique transversale annexés au projet de loi de finances pour 2010

La politique d'immigration et d'intégration est donc bien, au sens budgétaire, une politique d'accompagnement social .

b) Une hausse de 4 % des crédits consacrés à la politique transversale

L'effort budgétaire global de l'Etat en faveur de la politique d'immigration et d'intégration augmente de 4 % entre les crédits votés en loi de finances initiale pour 2009 et ceux demandés pour 2010.

Cette augmentation globale résulte toutefois d'une évolution hétérogène des contributions des différentes missions à cette politique transversale. Parmi les évolutions significatives, et outre la contribution de la mission « Immigration, asile et intégration », qui fait l'objet du présent rapport, votre rapporteur spécial relève :

- une diminution de plus de 10 % de la contribution de la mission « Culture » , qui résulte directement de la diminution en même proportion des crédits de l'action n° 4 « Actions en faveur de l'accès à la culture » du programme n° 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». En effet, la contribution de la mission « Culture » est calculée en appliquant à certains de ses crédits le taux de 8,2 % correspondant à la part de la population étrangère en France ;

- les crédits en provenance de la mission « Santé » sont en progression de 9,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Ils regroupent notamment les dotations consacrées à l'Aide médicale d'Etat (AME), qui bénéficie, sous conditions de ressources, aux personnes en situation irrégulière résidant en France depuis plus de 3 mois. Cette augmentation de 45 millions d'euros correspond à un réajustement au regard des dépenses effectivement supportées par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en 2009 au titre de l'AME ;

- la contribution de la mission « Travail et emploi » augmente de 18,7 % . Ces crédits correspondent au financement des processus de délivrance des autorisations de travail pour les étrangers ainsi qu'aux actions de lutte contre le travail illégal pour sa partie concernant l'emploi d'étrangers sans titre de travail ;

- enfin, la participation de la mission « Ville et logement » augmente fortement, passant de 40 à 60 millions d'euros . Ces crédits correspondent aux moyens consacrés aux actions des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) spécialement ciblées sur des enjeux d'intégration des populations étrangères ou immigrées vivant dans les quartiers prioritaires ainsi qu'aux actions de lutte contre les discriminations et d'accès au droit.

De manière générale, votre rapporteur spécial regrette l'absence de lisibilité de l'évolution des crédits consacrés par chaque mission à la politique transversale . Il serait souhaitable que le DPT indique chaque année les raisons des hausses ou des baisses des contributions de chaque mission à l'effort global de l'Etat.

2. La prépondérance des crédits à vocation sociale au sein de la mission

La mission « Immigration, asile et intégration », qui ne représente que 15,6 % de l'effort budgétaire global en faveur de la politique française d'immigration et d'intégration, correspond aux actions directement sous le contrôle du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Elle n'inclut toutefois pas les crédits destinés à la politique de développement solidaire du ministère. Ces crédits sont en effet regroupés au sein du programme n° 301 « Développement solidaire et migrations » qui fait partie de la mission interministérielle « Aide publique au développement », dont la responsabilité est partagée entre le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le ministère en charge de l'immigration.

Au sein de cette mission , comme le montre le graphique ci-dessous et à l'instar du constat dressé pour le DPT dans son ensemble, les actions sociales en direction des migrants sont très largement majoritaires .

Répartition des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration »

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Les crédits correspondant aux actions de soutien aux demandeurs d'asile et à la garantie de l'exercice du droit d'asile sont majoritaires au sein de la mission. Ils correspondent essentiellement au coût de l'hébergement des demandeurs d'asile, au versement de l'allocation temporaire d'attente (ATA) et aux frais de fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Les crédits destinés aux actions de lutte contre l'immigration irrégulière ne représentent, pour leur part, que 16,8 % des crédits de la mission , soit 94,4 millions d'euros. Ces crédits incluent le coût de mise en oeuvre des éloignements des migrants en situation irrégulière et le fonctionnement courant des centres de rétention administrative. Ils englobent également des actions à caractère non répressif, telles que l'accompagnement social et l'aide à l'exercice des droits dans les CRA et les zones d'attente. Il faut toutefois relever que les dépenses de personnel correspondant aux missions de garde et de gestion des CRA ne font pas partie de la mission mais demeurent inscrites au sein de la mission « Sécurité ».

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