D. LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
1. La question sensible de la réadmission
La mise en oeuvre de l'accord avec le Sénégal, comme semble-t-il la négociation en cours de l'accord avec le Mali, a longtemps buté sur l'obstacle de la réadmission. Posé par l'Accord du 23 septembre 2006, le principe de la réadmission devait faire l'objet d'un accord d'application proposé par la France avant le 30 septembre 2006. Cet accord n'a été formalisé, de façon très détaillée, que lors de la signature de l'avenant, le 25 février 2008.
Cette obligation, pour le pays signataire, de reprendre sur son territoire ses ressortissants en situation irrégulière sur le territoire d'un autre Etat est particulièrement sensible dans les opinions publiques.
Les retours groupés sont particulièrement dommageables pour l'image des autorités locales tout comme pour celle de la France ; ainsi la mention de « l'organisation conjointe » du retour disparaît-elle, avec l'avenant, de l'accord conclu avec le Sénégal. L'Accord avec la Tunisie prévoit, quant à lui, que « les deux Parties veillent notamment à ne pas recourir aux rapatriements collectifs et à éviter toute forme d'exploitation médiatique ».
Les migrants, souvent lourdement endettés à l'égard de la communauté villageoise qui a « investi » dans leur départ, vivent ce retour comme un échec personnel et un véritable désastre économique.
C'est pourquoi le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables à la mise en oeuvre effective des reconduites à la frontière lorsque la personne est dépourvue de passeport en cours de validité, est en général très faible.
Le nombre de laissez-passer consulaires délivrés en 2007 par le Sénégal a été de 90 pour une demande de 242, ce qui représente un taux de délivrance de 37,19%. Ce taux est en légère diminution par rapport à 2006 (37,77%) et nettement plus bas que celui de 2005, 55,06% pour une demande sensiblement égale.
Pour le Congo, le nombre de laissez-passer consulaires délivrés en 2007 s'élève à 23 pour 112 demandes, soit un taux de délivrance de 20,54%. Ce taux est diminution constante depuis 2005 (25,47%), 2006 (21,82%) pour une demande équivalente (2005 : 106, 2006: 110).
Pour le Bénin ce taux est proche des taux moyens de délivrance de laissez-passer consulaires toutes nationalités confondues, 7 sur 21 ont été délivrés dans les délais en 2007 (36,05 % en 2007, et 31,46 % pour les trois premiers trimestres 2008).
Sur 1 757 demandés, 530 ont été délivrés par les autorités tunisiennes, soit un taux de 30,17 %.
L'avenant signé par le Sénégal en février 2008 marque par conséquent une rupture très forte : les autorités sénégalaises avaient toujours refusé de s'engager sur un principe général de retour de leurs ressortissants en situation irrégulière au profit d'une démarche d'examen au cas par cas.
Pour la mise en oeuvre de la réadmission, le texte de l'avenant précise les documents en vertu desquels la nationalité est présumée établie : carte nationale d'identité, certificat de nationalité, passeport, décret de naturalisation, carte d'immatriculation consulaire, livret militaire. La partie requise s'engage à délivrer le laissez-passer consulaire permettant l'organisation effective du retour, à défaut d'un passeport en cours de validité.
Si ces documents sont périmés ou font défaut, la partie requérante peut produire à l'appui de sa demande un document officiel émanant de la partie requise et mentionnant l'identité de l'intéressé, un acte de naissance, une autorisation ou un titre de séjour ou le procès-verbal de recueil des déclarations de l'intéressé sur le fondement duquel est établi le laissez-passer consulaire. Si le doute persiste, les autorités consulaires de la partie requise peuvent procéder à l'audition de l'intéressé. Il est prévu que si de plus amples vérifications sont nécessaires au terme de l'audition, « la partie requise donne une réponse à la demande de laissez-passer consulaire dans les meilleurs délais ».
Le schéma est identique, avec quelques variantes sur les documents nécessaires et les délais, pour les différents accords.
S'il est établi postérieurement à la réadmission que la personne réadmise ne possède pas la nationalité de l'Etat qui l'a réadmise, elle est reprise dans les trois jours par l'Etat qui a procédé à son éloignement.
Le texte précise également que les frais relatifs au transport des personnes éloignées incombent à l'Etat qui procède à l'éloignement jusqu'à la frontière de l'Etat qui les réadmet.
A l'exception des accords avec le Sénégal et la Tunisie, plus concernés par la migration de transit, les accords prévoient la réadmission des ressortissants des Etats signataires mais aussi des ressortissants des Etats tiers entrés en France à partir de leur territoire.
Le séjour des ressortissants d'Etats tiers est établi ou présumé sur la base d'une liste de documents ou d'un faisceau d'indices.
2. L'admission exceptionnelle au séjour
Prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission exceptionnelle au séjour des personnes en situation irrégulière consiste dans l'attribution d'une carte de séjour temporaire « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ».
Les autorités sénégalaises ont marqué leur attachement à ce que figure explicitement dans l'accord la possibilité d'admission exceptionnelle au séjour. L'Accord précise par conséquent qu'un ressortissant sénégalais en situation irrégulière peut bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour s'il exerce l'un des métiers listés par l'accord (carte de séjour « salarié ») ou s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels (carte de séjour « vie privée et familiale »).
L'Accord avec le Bénin et avec le Congo prévoient que la France et ces États se concerteront sur les critères d'application des dispositions relatives à l'admission exceptionnelle au séjour.
Les règles applicables au séjour et au travail en France des ressortissants tunisiens sont définies par un texte spécifique, l'Accord en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié par des avenants du 19 décembre 1991 et du 8 septembre 2000. L'Accord avec la Tunisie introduit deux stipulations alignant ces règles sur le droit commun : l'obligation de souscrire un contrat d'accueil et d'intégration prévu par la loi du 24 juillet 2006 et la suppression de la régularisation automatique après dix ans de séjour.
3. Les aides au retour volontaire
La France s'engage à proposer son dispositif d'aide au retour volontaire aux personnes qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Ce dispositif, créé en 1991, prévoit le versement d'un pécule de 2 000 euros par adulte, 3 500 euros pour un couple et 1 000 euros par enfant de moins de dix-huit ans. Cette aide est cumulable dans certaines conditions avec l'aide à la réinstallation des migrants.
Les retours effectués au Sénégal dans le cadre de l'aide au retour volontaire ont été de 18 en 2007 et de 16 sur les onze premiers mois de 2008. Ils ont été respectivement de 9 et 12 au titre de l'aide au retour humanitaire qui consiste en la prise en charge par l'ANAEM 3 ( * ) du retour et d'une aide financière de 300 Euros par adulte et de 100 Euros par adulte mineur.
Le nombre de bénéficiaires congolais a été, quant à lui, de 39 en 2007 et 23 en 2008. L'aide au retour humanitaire a bénéficié en 2007 à 5 personnes et en 2008 à 8 personnes.
Pour le Bénin, les chiffres sont de 4 en 2007 et 5 en 2008. Pour la Tunisie, ils atteignent 18 en 2007 et 15 au 30 novembre 2008.
Ce dispositif semble par conséquent peu attractif.
L'ANAEM a mis en place depuis 1990 un programme développement local migrations pour faciliter les retours et la réinstallation des migrants sénégalais invités à quitter le territoire français. 28 projets ont été validés et financés en 2007 contre 5 en 2006, pour un montant moyen de 6 000 euros par projet.
Les aides à la réinstallation ne concernent pas encore le Bénin, le Congo et la Tunisie où l'ouverture d'un programme d'aide à la création d'activité économique est prévue pour 2009.
* 3 Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, opérateur du ministère de l'immigration, auquel succédera en 2009 l'OFII, office français de l'immigration et de l'intégration.