B. LA NÉCESSAIRE CONSOLIDATION DE LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS
1. La commission des recours des réfugiés, une organisation atypique
La commission des recours des réfugiés (CRR) est la juridiction administrative spécialisée chargée de se prononcer en première instance sur les recours des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire auxquels l'OFPRA a refusé de reconnaître la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Elle est présidée par un membre du Conseil d'Etat, nommé par le vice-président du Conseil d'Etat.
Les formations de jugement sont originales. Tripartites, elles se composent :
- d'un président nommé parmi les magistrats administratifs, les magistrats de la Cour des comptes ou les magistrats judiciaires du siège ;
- un représentant du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ;
- un représentant du Conseil d'administration de l'OFPRA.
Après avoir augmenté jusqu'en 2004, le nombre des recours enregistrés par la Commission a baissé de 22 % en 2005, puis de 24 % en 2006.
Nombre de recours enregistrés par la Commission des recours des réfugiés
2004 |
2005 |
2006 |
2007
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Nombre de recours enregistrés par la CRR |
52.168 |
40.341 |
30.495 |
12.195 |
Il semble qu'une stabilisation puisse être constatée depuis le mois d'août 2006, la Commission enregistrant un nombre mensuel de recours de l'ordre de 2 000 et une prévision en année pleine, en 2007, de 25.000 recours, soit une confirmation de la tendance à la baisse. Les délais de jugements sont d'environ onze mois.
Les recours présentés devant la CRR dans le cadre de sa fonction juridictionnelle, présentent le caractère de plein contentieux. En d'autres termes, la Commission ne juge pas seulement de la légalité des décisions de l'Office mais apprécie le bien-fondé de l'éligibilité au statut de réfugié.
Au cours du 1 er semestre 2007, la CRR a annulé environ 19,5 % des décisions de l'OFPRA portées devant elle 12 ( * ) . Ce pourcentage est en hausse depuis 2002.
2. Mettre en accord le mode de fonctionnement de la CRR avec son indépendance juridictionnelle
L'indépendance de la CRR est largement reconnue. Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA en témoigne. Pourtant, la Commission souffre d'une apparence contraire en raison de son fonctionnement et de son financement.
En effet, l'établissement public OFPRA comporte deux entités, créées par la même loi : l'OFPRA proprement dit, qui remplit les missions précitées, et la Commission des recours des réfugiés. Le budget de la CRR est donc inclus dans la dotation budgétaire allouée à l'OFPRA 13 ( * ) . Le contrôlé finance le contrôleur.
En outre, les rapporteurs de la CRR, qui présentent à la formation de jugement les dossiers sur lesquels elle doit statuer, appartiennent statutairement au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA qui prennent la décision d'accorder ou pas le statut de réfugié. La procédure disciplinaire est également commune.
Cette apparence de non indépendance de la CRR pourrait conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
Une réforme est donc indispensable.
Selon M. François Bernard, président de la CRR, le gouvernement envisagerait de rattacher le budget de la CRR au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » à partir de la loi de finances pour 2009. Il ne serait plus fondu dans celui de l'OFPRA. Cette évolution mérite d'être saluée, tout en regrettant que cela ne puisse se faire dès le budget pour 2008. Des problèmes liés à la passation de marchés publics et aux règles comptables s'y opposeraient. En dépit de ces obstacles invoqués, votre rapporteur juge indispensable d'aller plus vite et d'assurer l'autonomie budgétaire de la CRR dès 2008.
Cette réforme doit être également l'occasion de titulariser une partie des magistrats qui exercent au sein de la CRR comme vacataires. De même, les rapporteurs de la CRR ne devraient plus appartenir au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA.
Pour donner le départ de ces réformes à venir, l'Assemblée nationale a souhaité, sur l'initiative du rapporteur de la commission des lois, changer la dénomination de la CRR qui prendrait désormais le nom de « Cour nationale du droit d'asile » (article 9 bis). L'actuelle dénomination est à la fois ambiguë -l'utilisation du mot « commission » évoquant davantage un organe administratif qu'une juridiction indépendante- et inexacte -les requérants n'ont encore que la qualité de demandeur d'asile même s'ils peuvent espérer bénéficier soit du statut de réfugié, soit de la protection subsidiaire.
Votre rapporteur approuve pleinement cette initiative.
En revanche, il est contradictoire que les députés aient adopté simultanément un amendement réduisant d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la CRR (article 9 ter). Lors de la loi du 24 juillet, votre rapporteur avait précisément tenu à inscrire dans la loi le délai d'un mois. Compte tenu de l'importance de ce délai pour constituer un dossier argumenté devant la CRR, votre commission vous propose un amendement maintenant le délai d'un mois.
La réduction des délais de procédure ne doit pas peser sur les demandeurs d'asile, mais doit passer par une réflexion sur l'organisation et les moyens de fonctionnement de la CRR. Selon M. François Bernard, président de la CRR, les décisions sont souvent signées par les magistrats une ou deux semaines après avoir été prises du fait qu'étant vacataires, ils ne sont à la CRR que deux ou trois fois par mois. Il conviendrait de réduire ces délais administratifs avant de réduire les délais de recours.
Enfin, votre rapporteur souhaiterait qu'à l'occasion de la réforme de l'organisation et du fonctionnement de la CRR s'engage une réflexion sur son champ de compétence. La CRR est en effet la juridiction spécialisée en matière de droit d'asile. Il pourrait dès lors y avoir une certaine cohérence à lui confier les recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile. Le projet de loi attribue cette compétence aux tribunaux administratifs. Pourtant, comme l'a confié M. Axel Barlerin, président de l'Union syndicale des magistrats administratifs, les magistrats administratifs ont des difficultés à évaluer dans l'urgence si le requérant est menacé ou non dans son pays. Les magistrats de la CRR ont à l'inverse une expertise plus assurée en ce domaine. Votre rapporteur souhaiterait donc la constitution d'un groupe de travail sur l'attribution à terme de cette compétence à la CRR.
* 12 Le taux de recours est d'environ 85 % depuis 2005.
* 13 Le budget de la CRR représente environ 38 % de la subvention attribuée à l'OFPRA.