ARTICLE 68 - Prorogation des régimes d'amortissement exceptionnel des investissements en faveur de la protection de l'environnement
Commentaire : le présent article a pour objet de reconduire pour trois ans, jusqu'à l'année 2009, les régimes permettant aux entreprises d'amortir plus rapidement quatre types de biens contribuant à la protection de l'environnement.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES RÉGIMES D'AMORTISSEMENT DE DROIT COMMUN ET EXCEPTIONNEL
1. Le principe de l'amortissement
L'amortissement, notion commune à la comptabilité, à l'analyse financière et au droit fiscal, rend compte de la dépréciation des éléments inscrits à l'actif du bilan de l'entreprise, en application du principe de la comptabilisation au « coût historique », c'est-à-dire au prix de revient ou d'acquisition. Ce coût est alors réparti, par le biais d'une dotation inscrite au passif et qui vient minorer le résultat, sur la durée prévisible d'utilisation de l'élément d'actif , lorsque cette durée est limitée par un critère physique (usure du bien), technique (obsolescence), légal ou contractuel. Pour être amorti, un bien doit donc avoir la nature d'immobilisation, se déprécier de façon irréversible avec l'usage ou le temps, constituer une valeur d'actif pour l'entreprise, et avoir été acquis dans l'intérêt de l'exploitation. L'amortissement permet de reconstituer sur la durée d'utilisation le montant des capitaux nécessaires au renouvellement du bien à hauteur de son prix de revient initial.
L'obligation d'amortissement participe du principe de sincérité comptable , et son omission constitue l'une des formes que peut prendre le délit de présentation des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du patrimoine de l'entreprise, dans la mesure où elle contribue à faire figurer au bilan une immobilisation pour une valeur qui n'est plus la sienne.
La durée d'amortissement est fixée par les règles comptables, en fonction de la catégorie du bien et de la nature de l'industrie ou du commerce, d'après les pratiques généralement en vigueur. L'amortissement est dans la majorité des cas linéaire , donc réparti en dotations équivalentes pour chaque exercice. Un système d'amortissement dégressif a toutefois été introduit pour des raisons économiques, afin d'inciter les entreprises au renouvellement de leurs investissements par une majoration des premières annuités d'amortissement. Les biens susceptibles de relever de l'amortissement dégressif, acquis à l'état neuf et d'une durée d'utilisation de trois ans au moins, sont ceux mentionnés à l'article 22 de l'annexe II du code général des impôts.
Les amortissements ont une incidence fiscale importante puisque, aux termes du 2°du 1 de l'article 39 du code général des impôts, « les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation » constituent une charge déductible du bénéfice imposable .
2. Les amortissements dérogatoires ou exceptionnels
L'amortissement exceptionnel s'apparente à une subvention fiscale d'aide à l'investissement dans certains types d'immobilisations ou pour des catégories déterminées d'exploitations, par laquelle l'entreprise peut, dès la première année, inscrire une dotation importante que ne justifie aucune dépréciation particulière. Il répond essentiellement à des préoccupations de nature écologique ou au souci de favoriser l'introduction de nouvelles technologies dans l'entreprise, et se distingue de l'amortissement linéaire « accéléré » , qui rend compte de la réduction de la durée d'utilisation en fonction de conditions particulières.
L'amortissement exceptionnel peut consister :
- en une combinaison des amortissements dégressif et linéaire , par un amortissement massif au titre de l'année d'entrée du bien dans le bilan, suivi d'un amortissement normal pour la période résiduelle de droit commun (donc sans « accélération » sur la période) ;
- ou en l'inscription d'un amortissement complémentaire (supplément fiscal d'amortissement par rapport à l'amortissement technique) pour chaque exercice, comptabilisé au passif en charge exceptionnelle.
B. LES RÉGIMES EXCEPTIONNELS D'AMORTISSEMENT DE BIENS CONTRIBUANT À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT
Le code général des impôts contient plusieurs articles instituant des dispositifs d'amortissement exceptionnel de biens contribuant à la protection de l'environnement, qui s'appliquent tous aux achats réalisés avant le 1 er janvier 2006 .
1. Les régimes d'amortissement applicables aux véhicules automobiles et cyclomoteurs non polluants et leurs équipements
Quatre articles du code général des impôts instaurent des dispositifs d'amortissement spécifiques pour les véhicules et cyclomoteurs non polluants et leurs équipements.
a) Les véhicules automobiles et les cyclomoteurs
L'article 39 AC du code général des impôts instaure un amortissement exceptionnel sur douze mois qui s'applique, à compter de la première mise en circulation, aux véhicules automobiles terrestres dont la conduite nécessite un permis de conduire ainsi qu'aux cyclomoteurs fonctionnant au moins partiellement au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules (GNV) ou du gaz de pétrole liquéfié (GPL). Pour entrer dans le champ de ce dispositif, ces véhicules ou cyclomoteurs doivent avoir été acquis à l'état neuf avant le 1 er janvier 2006.
Il est toutefois précisé que, pour les véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières , l'amortissement exceptionnel ne s'applique pas à la fraction du prix qui excède la somme prévue à l'article 39 du code général des impôts, soit actuellement 18.300 euros. Il convient de rappeler que l'article 11 du présent projet de loi de finances pour 2006 , examiné dans le cadre du deuxième tome de ce rapport général, tend à abaisser ce seuil pour les véhicules les plus polluants , en prévoyant que l'amortissement des véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières ne sera plus déductible que pour la fraction de leur prix d'acquisition qui est inférieure à 12.300 euros , si ces véhicules émettent plus de 200 grammes de CO 2 par kilomètre .
b) Les matériels liés à ces véhicules
Les accumulateurs et équipements spécifiques nécessaires au fonctionnement de ces véhicules fonctionnant au moins partiellement au moyen de l'énergie électrique, du GNV ou du GPL font également l'objet d'amortissements exceptionnels, définis par les articles 39 AD et 39 AE du code général des impôts.
Ces matériels peuvent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de leur mise en service, dès lors qu'ils ont été acquis entre le 1 er janvier 2003 et le 1 er janvier 2006.
c) Les dispositions relatives aux véhicules ou matériels donnés en location
L'article 39 AF du code général des impôts définit enfin les dispositions applicables en cas de véhicules ou matériels donnés en location . Il dispose ainsi que « pour bénéficier de l'amortissement exceptionnel mentionné aux articles 39 AC, 39 AD et 39 AE, les véhicules, accumulateurs, équipements ou matériels qui sont donnés en location doivent être acquis avant le 1 er janvier 2006 par des sociétés ou organismes soumis à l'impôt sur les sociétés, de droit ou sur option ».
2. Les matériels destinés à lutter contre le bruit
L'article 39 quinquies DA du code général des impôts définit le régime d'amortissement exceptionnel applicable aux matériels acoustiques destinés à réduire le niveau acoustique d'installations existant au 31 décembre 1990.
Ces matériels peuvent faire l'objet d'un amortissement de type linéaire, sur douze mois à compter de leur mise en service.
Cet amortissement s'applique aux matériels acquis ou fabriqués avant le 1 er janvier 2006 qui figurent sur une liste établie par l'arrêté du 31 juillet 1992 (codifiée à l'article 06 de l'annexe IV au code général des impôts). Entrent ainsi dans ce champ les cabines d'insonorisation, les panneaux à baffles acoustiques ou encore les sonomètres et limitateurs de bruit.
3. Les immeubles anti-pollution
Les articles 39 quinquies E et 39 quinquies F du code général des impôts prévoient des dispositifs d'amortissement exceptionnel favorisant deux catégories d'immeubles antipollution : ceux destinés à l'épuration des eaux industrielles et ceux destinés à lutter contre la pollution de l'air.
a) Les immeubles destinés à l'épuration des eaux industrielles
L'article 39 quinquies E institue un régime d'amortissement exceptionnel en faveur des « entreprises qui construisent ou font construire des immeubles destinés à l'épuration des eaux industrielles ».
Selon la doctrine administrative 4 D 2411 du 26 novembre 1996, les immeubles visés sont ceux spécialement conçus pour la lutte contre la pollution des eaux, c'est-à-dire de constructions édifiées par les entreprises du secteur industriel, chimique ou autres, qui déversent dans les rivières des produits polluant les eaux et qui sont invitées à édifier des installations d'épuration. Ils doivent avoir reçu l'approbation préalable du préfet, afin de répondre aux exigences de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.
b) Les immeubles destinés à lutter contre la pollution de l'air
L'article 39 quinquies F institue un régime d'amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui construisent ou font construire des immeubles destinés à lutter contre la pollution de l'air , afin de satisfaire aux obligations prévues par la loi n° 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs et par la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Pour pouvoir en bénéficier, il doit alors s'agir d'immeubles spécialement conçus pour la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs, comme les récupérateurs de gaz, les électrofiltres ou encore les chambres de sédimentation.
c) Les dispositions communes à ces deux dispositifs
Trois dispositions sont communes à ces deux dispositifs :
- la valeur résiduelle des immeubles est amortissable sur leur durée normale d'utilisation ;
- les dispositions s'appliquent aux constructions achevées avant le 31 décembre 1990 à condition qu'elles s'incorporent à des installations de production existant au 31 décembre 1980 . Dès lors, elles doivent être exclusivement affectées au traitement de la pollution des eaux ou de l'air qui résulte des activités de production de l'entreprise utilisatrice, à l'exclusion de celles qui servent à les purifier avant leur utilisation par celle-ci ;
- toutefois, dès lors qu'elles répondent aux critères précédemment définis, les constructions achevées avant le 1 er janvier 2006 peuvent également faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois, à condition qu'elles s'incorporent à des installations de production, sans qu'aucune date de construction ne soit alors précisée.
4. Les installations de production agricole
Enfin, l'article 39 quinquies FC du code général des impôts met en place un dispositif d'amortissement exceptionnel concernant les entreprises qui exercent en tout ou partie une activité relevant du secteur agricole.
La doctrine administrative 4 D 2421 du 26 novembre 1996 précise que ce dispositif n'est pas réservé aux seules entreprises dont les résultats relèvent de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles. Il s'applique dans les mêmes conditions aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, sous réserve que celles-ci exercent une activité de nature agricole. En cas d'activités mixtes, l'application du régime d'amortissement exceptionnel est limitée aux investissements affectés intégralement au secteur d'activité agricole.
Ce dispositif d'amortissement exceptionnel s'appliquent aux constructions qui s'incorporent à des installations de production agricole destinées à satisfaire aux obligations prévues par les textes d'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Seuls les immeubles spécialement conçus pour la protection de l'environnement sont susceptibles de bénéficier de ce dispositif.
Ces dispositions s'appliquent aux investissements réalisés avant le 1 er janvier 2006.
Les constructions éligibles à ce dispositif peuvent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose de proroger de trois ans les différents dispositifs d'amortissement exceptionnel précités et prévus par les articles 39 quinquies E (immeubles destinés à l'épuration des eaux industrielles), 39 quinquies F (immeubles destinés à lutter contre les pollutions atmosphériques), 39 quinquies DA (matériels destinés à lutter contre le bruit), 39 quinquies FC (constructions s'incorporant à des installations de production agricole classées et satisfaisant des obligations environnementales) et 39 AC à 39 AF (véhicules et cyclomoteurs non polluants et leurs matériels). La date du 1er janvier 2009 se substitue ainsi dans ces références à celle du 1 er janvier 2006.
En revanche, le dispositif relatif à l'amortissement exceptionnel des immobilisations acquises ou créées grâce à des subventions publiques accordées avant 2006, prévu par l'article 39 quinquies FA du code général des impôts, n'est pas reconduit , dans la mesure où il serait susceptible de constituer une aide d'Etat , prohibée par le code de bonne conduite européen dans le domaine de la fiscalité des entreprises, adopté par le conseil Ecofin le 2 décembre 1997. Par ailleurs, ce dispositif ne se rattache pas à la catégorie des dispositifs favorisant des biens qui contribuent à la protection de l'environnement, comme le sont les différents dispositifs reconduits par le présent article.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur général demeure circonspect sur l'utilité de ces amortissements exceptionnels.
En effet, le coût et l'utilisation réelle de la plupart ces mesures ne sont pas connus, et leur efficacité peut être considérée comme faible . Le seul chiffrage disponible fait apparaître un coût nul pour l'amortissement exceptionnel pour les véhicules fonctionnant au moins partiellement à l'énergie électrique, au GNV ou au GPL ainsi que de leurs matériels, ce qui corrobore cette impression de faible efficacité.
Dans son rapport de 2005 sur la fiscalité et l'environnement, le Conseil des impôts a ainsi considéré que « les mesures fiscales dérogatoires sont pour la majorité d'entre elles peu utilisées et ont peu d'effet pour limiter la pollution ». En outre, il apparaît que ces dispositifs n'ont pas fait l'objet de l'évaluation préalable qui eût été légitime pour juger du bien-fondé de la prorogation.
Aussi votre rapporteur général vous propose-t-il de supprimer le présent article, à titre conservatoire et afin de permettre au gouvernement de justifier précisément la nécessité de proroger ces dispositifs.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.