Article 88
Application des
règles de droit commun
pour la compensation financière des
transferts de compétences
à titre définitif entre
l'Etat et les collectivités territoriales
Cet article a pour objet de prévoir les modalités de la compensation financière des transferts de compétences, à titre définitif, entre l'Etat et les collectivités territoriales prévus par le présent projet de loi.
En première lecture, sur proposition de votre commission des Finances, acceptée par votre commission des Lois et le Gouvernement, le Sénat avait prévu un avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges , rénovée par l'article 88 A du présent projet de loi, sur le projet de décret fixant les modalités de calcul du droit à compensation des charges d'investissement transférées aux collectivités territoriales . Le présent article prévoit en effet que ce droit à compensation est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période de cinq au moins précédant le transfert de compétences. Il avait confié à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser ses modalités de calcul, qui ne peuvent être identiques compte tenu des différences de durée d'amortissement des biens tarnsférés.
Sur proposition de votre commission des Lois et de votre commission des Finances, et avec l'accord du Gouvernement, le Sénat avait également prévu que le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées aux collectivités territoriales serait calculé en fonction de la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences . Il s'agissait ainsi d'obtenir une compensation moins tributaire des réorganisations de services effectuées depuis l'annonce de la nouvelle étape de la décentralisation et donc plus loyale.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de votre commission des Lois qui avait présenté un amendement ayant un objet analogue, le Sénat avait précisé les modalités de financement des contrats de plan Etat-régions concernant des domaines ayant fait l'objet d'un transfert de compétences .
Deux cas de figure doivent être distingués :
- le premier concerne les opérations ayant déjà fait l'objet, au moment du transfert, d'un engagement ; cet engagement pouvant être d'ordre juridique ou comptable, selon les explications fournies par le ministre en séance publique mais sans que cette précision figure dans le texte. Dans ce cas, les opérations sont poursuivies jusqu'à leur terme, dans les conditions fixées par les contrats. Cependant, les sommes versées par l'Etat sont déduites du montant annuel de la compensation financière globale prévue au paragraphe précédent ; si tel n'était pas le cas, l'Etat serait amené à payer deux fois, une première fois au titre de la compétence transférée et une seconde fois dans le cadre du contrat de plan.
- le second concerne les opérations qui ne sont pas encore engagées. Dans ce cas, il revient aux collectivités locales de les mener à bien, l'Etat étant dessaisi de la compétence. Les collectivités territoriales recevront cependant, dans les conditions de droit commun, les compensations financières correspondantes
Toutefois, l'article 19 du présent article prévoit le maintien des contrats de plan État-régions en matière de voirie : ces contrats de plan ne seront pas concernés par la distinction établie entre les opérations qui auront, au moment du transfert, déjà fait l'objet d'un engagement juridique et comptable et celles pour lesquelles aucun engagement n'a eu lieu. En matière d'opérations routières inscrites dans les contrats de plan en cours, qu'il y ait eu ou non engagement juridique et comptable au moment du transfert, les contrats seront poursuivis dans les conditions prévues.
En première lecture, l'Assemblée nationale a approuvé l'ensemble de ces modifications .
A l'initiative de sa commission des Lois, de sa commission des Finances et de M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des Finances, et avec l'accord du Gouvernement qui a toutefois souligné l'absence de portée juridique de cette disposition, elle a complété le deuxième paragraphe (II) du présent article afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2003 et de garantir le niveau global des ressources destinées à compenser les accroissements de charges des collectivités territoriales .
Dans cette décision, qui concernait la compensation, par une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, des charges imposées aux départements par la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, le Conseil constitutionnel a indiqué que « si les recettes départementales provenant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers venaient à diminuer, il appartiendrait à l'État de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert ».
En conséquence, aux termes des deux alinéas insérés par l'Assemblée nationale, si les recettes provenant des impositions attribuées à titre de compensation des compétences transférées par le présent projet de loi diminuaient « pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation reconnu aux collectivités bénéficiaires », l'Etat devrait compenser cette perte dans des conditions fixées en loi de finances, afin de garantir à ces dernières un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de la compétence avant son transfert.
Ces diminutions de recettes et les mesures de compensation feraient, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, l'objet d'un rapport du Comité des finances locales qui, à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, devrait également retracer l'évolution du montant des impositions ou produits d'impositions transférés en compensation des créations, transferts ou extensions de compétences.
Votre commission vous soumet trois amendements :
- le premier a pour objet de limiter la compensation des pertes de recettes fiscales aux cas où cette perte résulte de décisions de l'Etat . Il ne serait pas équitable de compenser et donc de faire peser sur le budget de l'Etat les pertes de recettes résultant d'aléas économiques dont serait également frappé l'Etat ;
- le deuxième a pour objet de supprimer l'exigence, inutile, d'un décret en Conseil dEtat ;
- le troisième tend à supprimer les dispositions introduites à l'initiative de M. Bonrepaux, par coordination avec leur insertion à l'article 88 A.
Le premier alinéa du II prévoit que la compensation financière des transferts de compétences s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances.
Cette rédaction permet ainsi de rappeler les principes généraux de la compensation des transferts de compétences, édictés notamment à l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel les charges imposées aux collectivités territoriales doivent être compensées « par le transfert d'impôts d'État, par les ressources du fonds de compensation de la fiscalité transférée et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation ».
Surtout, elle rejoint les prescriptions du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, qui imposent désormais que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Une compensation de l'ensemble des compétences par la voie de dotations de l'Etat, et non par un transfert de fiscalité, porterait atteinte à cette autonomie financière et serait donc contraire à la Constitution..
Le paragraphe II permet également, par une référence à la loi de finances, de prévoir une articulation entre le projet de loi et ses modalités concrètes de financement. Ainsi qu'il l'a été indiqué, la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances interdit de prévoir les modalités de financement ailleurs qu'en loi de finances.
Elle vous propose d'adopter l'article 88 ainsi modifié .