B. LA RECONNAISSANCE CROISSANTE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION PAR LES JURIDICTION INTERNATIONALES

La Cour internationale de justice (CIJ) a été saisie à deux reprises d'une argumentation fondée sur le principe de précaution. Dans une première affaire datant de 1995, la Nouvelle Zélande attaquait la France pour la reprise de ses essais nucléaires et lui demandait de faire la preuve de leur innocuité au nom du principe de précaution. La France avait alors souligné que la valeur du principe de précaution en droit positif était incertaine et ne pouvait pas entraîner un renversement total de la preuve. La Cour a débouté la Nouvelle Zélande sur la base du précédent arrêt du 20 décembre 1974, qui avait opposé les deux pays sur le problème des essais nucléaires, et ne s'est pas prononcé sur la valeur juridique du principe de précaution.

Dans une seconde affaire opposant la Hongrie et la Slovaquie à propos de l'aménagement du Danube, la Cour sans retenir le principe de précaution a relevé que les nouvelles normes du droit de l'environnement devaient être prises en considération et que les Etats devaient respecter leurs obligations de vigilance et de prévention.

L'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a, quant à lui, refusé de faire application du principe de précaution. Dans le conflit commercial sur la viande aux hormones entre l'Union européenne et les Etats-Unis, l'organe d'appel a notamment indiqué que le principe de précaution « n'a pas encore fait l'objet d'une formulation faisant autorité dans d'autres domaines liés à l'environnement ». L'Union européenne ne pouvait donc se dispenser d'apporter la preuve de la dangerosité de telles viandes.

Par ailleurs, l'accord concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) contient une définition de la précaution, mais dont le champ d'application est restreint (article 5 §7) : « dans le cas où les preuves scientifiques seront insuffisantes, un membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que de ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres membres : dans de telles circonstances, les membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à l'évaluation objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable ».

Aujourd'hui, seule la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a clairement reconnue une validité juridique au principe de précaution. Cela s'explique par le fait que l'article 174 du traité le mentionne explicitement : « La politique de la communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé [...] Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, et sur le principe du pollueur payeur. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la communauté tient compte : des données scientifiques et techniques disponibles, des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action ». La CJCE en a fait application à plusieurs reprise en 1996 et 1998 à propos de l'embargo sur le boeuf britannique en raison de l'ESB, puis en 2000 au sujet du maïs transgénique.

L'émergence progressive du principe de précaution en raison des menaces croissantes sur l'environnement et la santé humaine et les difficultés de le faire reconnaître de manière incontestable au niveau international mettent en valeur, aux yeux de votre rapporteur l'importance du Protocole de Carthagène dont l'approbation est soumise à l'accord du Sénat.

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