B. HAUSSE MODÉRÉE DES DÉPENSES AGRICOLES
Le
projet de budget du Conseil
25(
*
)
prévoit une hausse de
1,3 % des dépenses agricoles
et une importante marge sous le
plafond des perspectives financières (2,55 milliards d'euros),
permettant de répondre le cas échéant à une crise
agricole en 2003. Les
trois priorités
à financer sont la
dernière étape de la réforme de la PAC de 1999 (induisant
une hausse des aides directes dans le secteur bovin), la réforme du
secteur ovin et caprin de 2001, et la dégradation de certains secteurs
à l'exportation (laitier en particulier).
Les dépenses de marché ne progressent que de 1 %
, du
fait d'une diminution des besoins dans le secteur végétal et des
dépenses « annexes » telles que le coût de
l'épidémie de fièvre aphteuse, presque
intégralement couvert sur 2001 et 2002. Les dépenses dans le
secteur animal augmentent en revanche fortement et correspondent aux
priorités de la PAC pour 2003. Le niveau des crédits des
dépenses de marché sera toutefois réexaminé en
seconde lecture à la lumière des prévisions
actualisées que la Commission établit à l'automne dans sa
lettre rectificative agricole. L'appréciation de l'euro par rapport au
dollar pourrait ainsi conduire à une réévaluation des
dépenses de marché.
Budget 2002 et projet de budget 2003 |
||||||
(millions d'euros) |
Exécution 2000 |
Exécution 2001 |
Budget 2002 |
Projet Conseil 2003 (CP) |
Projet Parlement 1ère lecture (CP) |
Ecart Parlement 2003/budget 2002 |
Produits végétaux |
25 811 |
26 714 |
27 349 |
26 811 |
||
Produits animaux |
9 276 |
9 558 |
10 860 |
12 496 |
||
Dépenses annexes |
1 173 |
1 448 |
1 451 |
825 |
||
Mesures d'accompagnement |
- |
- |
- |
- |
||
Total mesures de marché |
36 260 |
37 720 |
39 660 |
40 132 |
40 476 |
2,1% |
Sous-plafond des perspectives financières |
41 992 |
42 680 |
||||
Marge |
2 332 |
2 548 |
||||
Développement rural |
4 176 |
4 363 |
4 595 |
4 698 |
||
Total développement rural |
4 176 |
4 363 |
4 595 |
4 698 |
4 698 |
2,2% |
Sous-plafond des perspectives financières |
-55,3 |
4 698 |
||||
Marge |
434 |
0 |
||||
Total FEOGA-garantie |
40 436 |
42 083 |
44 255 |
44 830 |
45 174 |
2,1% |
Plafond des perspectives financières |
46 587 |
47 378 |
47 378 |
1,7% |
||
Marge |
2 332 |
2 548 |
2 204 |
-5,5% |
||
Source : "jaune" annexé au PLF 2003 et document du Parlement européen |
|
|
Le
projet de budget ne semble toutefois pas tirer pleinement les leçons de
la sous-exécution des dépenses agricoles constatée en 2001
et anticipée pour 2002
. Le budget 2001 a ainsi été
exécuté à hauteur de 96 %, la sous-réalisation
étant essentiellement le fait des dépenses de marché
(1,81 million d'euros - dont 610 pour la viande bovine - sur
1,94 milliard d'euros), ce qui a permis de financer une partie des
dépenses générées par l'épidémie de
fièvre aphteuse, sous forme d'une avance de 400 millions d'euros
accordée aux Etats membres sur leur remboursement
26(
*
)
. Le bilan complet des
dépenses engagées par l'Union pour atténuer les
conséquences des crises animales de 2001 ne pourra toutefois être
établi q'une fois l'exécution de l'exercice 2002 achevée,
dans la mesure où nombre d'opérations sont encore
financées sur cet exercice. L'exercice 2002 paraît confirmer la
tendance à la surestimation des dépenses de marché (en
particulier dans le secteur de la viande bovine, que la
détérioration du secteur laitier compensera toutefois
partiellement par des dépenses supplémentaires pour
191 millions d'euros), qui d'après les estimations de la Commission
de juillet dernier était de l'ordre de 1,3 milliards d'euros, mais
les crédits du second pilier relatif au développement rural
devraient être bien consommés.
Les surestimations de crédits sont assez largement tributaires des
évaluations et méthodes de gestion des administrations nationales
et régionales. A ce titre, la Cour des comptes européenne a
souligné dans son rapport sur l'exercice 2001 que les dépenses
agricoles sont «
affectées de manière significative
par des erreurs dans les déclarations présentées par les
exploitants
».
Ce phénomène de passager
clandestin est bien connu (surdéclarations de superficie ou de
troupeaux) mais continue de se manifester, faute de contrôles et de
sanctions efficaces.
Initiatives et débats actuels sur la PAC
La PAC,
traditionnellement considérée comme un
secteur communautaire
« à part »
27(
*
)
, a connu des avancées
majeures au cours des derniers mois, et demeure au centre des débats
entre les principaux Etats membres et du cadre financier élaboré
dans la perspective de l'élargissement.
La réforme de 1999 comporte deux volets qui contribuent à
réinsérer quelques mécanismes de marché dans le
dispositf
: une réforme des organisations communes de
marché et un volet structurel consistant en une baisse des prix
d'intervention dans les trois principaux secteurs concernés
(céréales, viande et lait), compensée par une
revalorisation des aides au revenu, un renforcement de la politique de
développement rural, et l'instauration des deux nouveaux
mécanismes de réorientation des aides directes que sont
l'écoconditionnalité et la modulation des aides (en fonction de
trois critères : l'emploi, la richesse de l'exploitation, et le
total d'aides reçues).
La Commission a adopté le 10 juillet 2002 le principe d'une
« revue à mi-parcours » de la PAC
, afin de
pousser à son terme la logique de la réforme de 1999 selon les
axes suivants : découplage total des aides directes de la
production, baisse des prix d'intervention, bilan des quotas laitiers et
renforcement de la politique de développement rural
. La France a
exprimé son opposition à ce projet, qui aboutirait selon elle
à une véritable réforme de la PAC dès 2004
, et
non pas en 2006 ainsi que le prévoyaient les accords de Berlin. Cette
position se heurte à celle des principaux pays contributeurs nets, au
premier rang desquels l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui souhaitent amender la
PAC dès aujourd'hui et prônent la dégressivité
temporelle des aides directes.
Le président Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard
Schröder sont cependant parvenus à un accord inattendu le 24
octobre
- permettant notamment de lever les blocages aux discussions
budgétaires sur l'élargissement - qui prévoit le maintien
des aides directes jusqu'en 2006 (et donc l'absence de réforme de la PAC
d'ici cette date), assorti d'un versement partiel et progressif aux nouveaux
pays adhérents dès 2004, puis la stabilisation, entre 2007 et
2013, des dépenses agricoles réelles (ie. une progression au
rythme de l'inflation) au plafond prévu pour 2006 pour une Europe
à 25, soit 46,3 milliards d'euros constants. Les dépenses de
développement rural ne sont cependant pas incluses dans ce dispositif,
ce qui est loin d'être négligeable, considérant notamment
la proposition de la Commission de leur transférer 20% des mesures de
marché. Cet accord prévoit également que l'approche des
dépenses agricoles serait
globalisée
, c'est-à-dire
étendue aux actions structurelles et à la compensation
britannique, et que les deux pays coordonneraient leurs positions dans le cadre
des négociation du cycle commercial de Doha L'accord franco-allemand est
en tout état de cause
tactiquement important
, dans la mesure
où le fonctionnement des marchés agricoles se décide
à la majorité qualifiée.
Le 25 octobre, le Conseil européen de Bruxelles a
confirmé ces
dispositions
et précisé la mise en oeuvre des
paiements
directs par paliers aux nouveaux Etats membres
(cf. encadré
correspondant), qui ne devraient pas bénéficier du régime
« petits agriculteurs ». Les pays qui avaient émis
des réserves (notamment les Pays-Bas et la Grande-Bretagne) se sont
finalement ralliés à l'accord en obtenant une concession :
la limitation à 1% par an de la progression des dépenses
agricoles à partir de 2006, afin de tenir compte de l'inflation, au lieu
de 1,5 % comme présenté dans une première version.
Cette norme aboutirait à un montant nominal de 48,6 milliard
d'euros en 2013.
Si le calendrier initial des propositions de réforme de la Commission
paraît désormais ajourné, leur contenu, et en
particulier le principe de la dissociation des aides au revenu et de la
production, est toujours sujet à discussions
. Le débat
devrait être moins tendu et la France plus réceptive à
présent que Paris a obtenu des concessions sur le cadre
budgétaire global, mais les positions française et britannique
demeurent difficilement conciliables. Les Pays-Bas ont en outre repris à
leur compte la proposition allemande originelle (diminution des aides directes
de 2 % par an à compter de 2004) et défendent le principe
d'un « phasing out » (réduction des dépenses
agricoles globales) proportionné au « phasing in »
de l'octroi progressif aux nouveaux Etats membres. Enfin les parties prenantes
devront s'assurer de la compatibilité du nouveau cadre avec les accords
de libéralisation du commerce conclus à Doha fin 2001, qui
prévoient que les aides directes devront prendre fin en 2005.