III. LE PROTOCOLE ET LES DROITS EUROPÉEN ET FRANÇAIS

A. LES PROJETS EN COURS AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

La grande similitude d'approche entre le protocole des Nations Unies et les actions menées par l'Union européenne mérite d'être relevée.

Une proposition de décision cadre relative à la lutte contre la traite des êtres humains est en cours d'examen au sein de l'Union européenne. Elle vise à prolonger les dispositions des instruments des Nations Unies en opérant de nouvelles avancées dans les domaines de l'harmonisation des sanctions et de la protection des victimes. Un accord politique sur la quasi-totalité des dispositions a été enregistré lors du Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures tenu à Bruxelles en mai 2001 mais le texte n'a pas encore été formellement adopté.

Ce projet d'instrument harmonise les législations des Etats membres en ce qui concerne la définition de la traite des personnes Il prévoit l'obligation de mettre en oeuvre certaines circonstances aggravantes 6 ( * ) entraînant obligatoirement une peine d'emprisonnement dont le maximum ne doit pas être inférieur à 8 ans, ainsi qu'une harmonisation des sanctions (obligation de prévoir des peines privatives de liberté dont le quantum maximum ne doit pas être inférieur à un certain seuil).

Ces dispositions vont donc plus loin que le présent protocole.

Par ailleurs, au-delà des instruments normatifs, l'Union européenne met en oeuvre des programmes permettant le financement de coopérations dans la lutte contre la traite des personnes , y compris au profit des pays candidats. Ainsi, le programme Stop (Sexual trafficking of persons), mis en place en 1996, permet de développer la formation et les programmes d'échange de personnes responsables de la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que les études et les recherches dans ce domaine.

Enfin, sur un plan plus opérationnel, la résolution relative à la création de centres et d'organismes nationaux de lutte contre la disparition et l'exploitation sexuelle des enfants, adoptée à l'initiative de la Belgique en septembre 2001, organise la participation du monde associatif à la recherche des enfants disparus ou exploités sexuellement, notamment par la mise en place de lignes téléphoniques d'urgence, la diffusion d'informations, l'organisation de recherches et le soutien des familles.

Ces initiatives, spécifiques à la traite des personnes, complètent les mesures adoptées dans le cadre plus général de la lutte contre la criminalité organisée.

B. LA LÉGISLATION FRANÇAISE ET LE PROTOCOLE

La définition de la traite des personnes donnée par le protocole repose sur l'accomplissement, en amont, de certains actes matériels dont la finalité est l'exploitation de la personne.

S'agissant de «l'exploitation» de la personne, le droit français contient déjà plusieurs incriminations susceptibles d'en réprimer les différentes formes énoncées par le protocole .

En ce qui concerne l'exploitation de la prostitution d'autrui ou de tout autre forme d'exploitation sexuelle, notre dispositif repose sur l'arsenal législatif de répression du proxénétisme simple (défini notamment comme étant le fait de tirer profit de la prostitution d'autrui, même lorsque cette personne est consentante - article 225-5 du code pénal), de faits matériels qui lui sont assimilés (article 225-6), du proxénétisme aggravé (telles que le proxénétisme commis à l'égard d'un mineur, d'une personne particulièrement vulnérable, d'une personne qui a été incitée à se livrer à la prostitution, soit hors du territoire de la République soit à son arrivée sur celui-ci - article 225-7 du code pénal) et du crime de proxénétisme (lorsque les faits sont commis en bande organisée ou en recourant à des actes de torture ou de barbarie - article 225-8 du code pénal).

De manière complémentaire, certaines formes d'exploitation sexuelle des mineurs de 15 ans peuvent également être appréhendées, sur le fondement des incriminations d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans contre rémunération et de corruption de mineurs (respectivement prévues par les articles 227-26 4° et 227-22 du code pénal). Ce dispositif devrait être complété par la disposition adoptée au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi relative à l'autorité parentale, visant à réprimer le recours à la prostitution d'un mineur. Il s'agit d'incriminer le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle (infraction aggravée lorsqu'il s'agit d'un mineur de 15 ans, lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de plusieurs mineurs, lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication, ou encore lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions).

S'agissant des autres formes d'exploitation, notamment celles liées à l' esclavage , au travail forcé et à la servitude , les articles 225-13 et 225-14 du code pénal répriment l'obtention de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli, ainsi que les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine (infractions aggravées lorsqu'elles sont commises à l'égard de plusieurs personnes). Ces infractions reposent notamment sur les notions d'abus de la vulnérabilité ou de dépendance de la personne.

Par ailleurs, certaines dispositions, telles que celles relatives à la complicité (articles 121-6 et 121-7 du code pénal), permettent de réprimer certains des actes commis en amont des diverses formes d'exploitation.

Toutefois, le code pénal ne connaissant pas actuellement d'infraction spécifique permettant d'appréhender l'ensemble des comportements visés par le protocole, l'Assemblée nationale a adopté le 24 janvier dernier à l'unanimité la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui, qui comporte notamment la création d'une infraction de traite des personnes .

Enfin, le protocole contient également des dispositions relatives à la protection des victimes de la traite des personnes, rédigées cependant en termes très généraux et peu contraignants.

Sur ce point, notre droit positif prévoit et organise déjà la protection de ces victimes, notamment par le recours possible à l'anonymat de leur témoignage et leur prise en charge médico-psychologique, sociale et juridique tout au long de la procédure pénale.

* 6 Lorsque l'infraction a délibérément ou par négligence grave mis la vie de la victime en danger, lorsqu'elle a été commise par recours à des violences graves ou a causé un préjudice particulièrement grave à la victime, lorsqu'elle a été commise à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable (notamment les victimes n'ayant pas atteint l'âge de la majorité sexuelle) ou lorsqu'elle a été commise dans le cadre d'une organisation criminelle.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page