EXPOSÉ
GÉNÉRAL :
COMMENT RÉSORBER LE RETARD DE
TRANSPOSITION DES DIRECTIVES
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est appelé à examiner, dans le cadre de son ordre du jour réservé, deux propositions de loi relatives à la transposition des directives communautaires :
- la proposition de loi (n° 183) présentée par MM. Hubert Haenel, Robert del Picchia et Aymeri de Montesquiou complétant l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 en vue de permettre un contrôle du Parlement sur la transposition des directives communautaires ; cette proposition de loi fait l'objet du rapport n° 359 présenté au nom de votre commission des Lois ;
- la proposition de loi constitutionnelle (n° 74) présentée par MM. Aymeri de Montesquiou, Hubert Haenel et les membres du Rassemblement démocratique et social européen tendant à permettre à la France de respecter les délais de transposition des directives communautaires, par l'inscription de ces textes à l'ordre du jour du Parlement en cas de carence gouvernementale .
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Comme l'a montré de manière détaillée votre rapporteur dans son rapport (n° 359) sur la proposition de loi de nos excellents collègues MM. Hubert Haenel, Robert del Picchia et Aymeri de Montesquiou, la France connaît aujourd'hui un retard inacceptable dans la transposition des directives communautaires.
Notre pays figure à l'avant-dernier rang des Etats membres de l'Union européenne en matière de transposition selon le dernier tableau d'affichage du marché intérieur présenté le 28 mai dernier par la Commission européenne.
Ce retard de transposition concerne pour les deux tiers des directives dont la transposition n'implique pas de modifications législatives. L'encombrement de l'ordre du jour des assemblées ne peut donc expliquer la carence de notre pays en cette matière, dont les causes doivent plutôt être recherchées dans des dysfonctionnements administratifs .
En ce qui concerne les directives comportant des dispositions de nature législative, les retards de transposition s'expliquent bien souvent non par la charge de travail du Parlement, mais par des difficultés politiques, qui font redouter au Gouvernement le débat sur certains textes communautaires. Qui peut croire que le projet de loi transposant la directive relative au marché intérieur du gaz naturel n'est pas inscrit à l'ordre du jour prioritaire des assemblées du seul fait de l'encombrement de celui-ci ?
Face à cette situation, le seul remède jusqu'à présent proposé par le Gouvernement pour résorber le retard de transposition, a consisté à demander aux assemblées d'adopter un projet de loi l'habilitant à transposer par ordonnances plus de cinquante directives communautaires. Au cours des débats sur ce projet de loi, définitivement adopté le 21 décembre 2000, de nombreux parlementaires ont souhaité que des solutions soient recherchées pour éviter que le Gouvernement ne recoure à nouveau à une procédure qui porte gravement atteinte aux droits du Parlement.
Dès le 14 novembre 2000, nos excellents collègues, MM. Aymeri de Montesquiou, Hubert Haenel et les membres du Rassemblement démocratique et social européen ont déposé la présente proposition de loi constitutionnelle que le Sénat est invité à examiner en même temps que la proposition de loi de MM. Hubert Haenel, Robert del Picchia et Aymeri de Montesquiou.
I. LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE : IMPOSER L'INSCRIPTION À L'ORDRE DU JOUR DES ASSEMBLÉES DES PROJETS DE LOI DE TRANSPOSITION EN CAS DE CARENCE DU GOUVERNEMENT
Bien souvent, les retards de transposition des directives communautaires s'expliquent par la réticence des gouvernements à inscrire à l'ordre du jour des assemblées des projets de loi de transposition susceptibles de provoquer des débats que l'exécutif préférerait éviter. Un projet de loi de transposition n'est en effet rien d'autre que la conséquence inéluctable des compromis acceptés par le Gouvernement lors des négociations des directives au sein du Conseil de l'Union européenne. Il importe donc au plus haut point que ces compromis fassent l'objet de débats publics devant la représentation nationale.
Or, fréquemment, le Gouvernement retarde le plus possible la transposition de certaines directives, attendant même que des procédures contentieuses soient engagées contre la France, voire que celle-ci soit condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes.
Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle, celle-ci tend à empêcher une telle attitude dilatoire : « L'exécutif ne remplissant pas ses engagements communautaires avec satisfaction, le Parlement doit être en mesure de pallier sa carence afin que la France ne figure plus parmi les mauvais élèves européens.
« Un tiers des directives à transposer présente un caractère législatif. Lorsque le Gouvernement tarde à faire transposer une directive relevant de la compétence du Parlement, celui-ci doit être amené à l'examiner automatiquement . »
Compte tenu de cet objectif, la proposition de loi constitutionnelle tend à insérer dans le titre XV de la Constitution, consacré aux Communautés et à l'Union européenne, un article 88-5 prévoyant que tout projet de loi tendant à transposer les dispositions de nature législative d'une directive doit être déposé devant le Parlement et inscrit à l'ordre du jour prioritaire six mois au moins avant l'expiration du délai fixé par cette directive pour sa transposition.
A défaut de l'inscription d'un projet de loi, toute proposition de loi ayant le même objet serait inscrite de droit à l'ordre du jour prioritaire.