3. La couverture maladie universelle se contente d'achever la généralisation, alors que l'assurance maladie universelle esquissait réellement l'universalité recherchée depuis 1945
a) Le tabou de l'unification des régimes de protection sociale : pour une véritable universalité de l'assurance maladie
Un
régime universel assure une protection générale et unique.
Un régime généralisé, lui, admet en son sein des
différences. L'universalité recherchée par la couverture
maladie universelle, et avant elle par l'assurance maladie universelle, pose
ainsi la question de l'opportunité d'un régime unique de
protection sociale maladie.
Plusieurs arguments peuvent s'y opposer. Ce sont d'abord les raisons qui
expliquent l'existence de très nombreux régimes distincts, la
persistance de traditions professionnelles qui recouvraient auparavant des
situations réellement différentes entre professions et
réellement similaires au sein d'une même profession. Ces
caractéristiques se sont considérablement atténuées
et laissent la place à des intérêts corporatistes
d'avantages acquis ou bien du refus de participer à une plus grande
solidarité financière. Ensuite, s'y opposent des arguments
libéraux pour lesquels un régime unique, donc géré
par l'Etat, engendrerait des prélèvements importants. Les
libéraux plaident le plus souvent pour un régime universel de
base prenant la forme de minima sociaux et laissant à l'initiative
privée le soin d'une protection complémentaire.
Les arguments existent pourtant pour un régime universel et unique. On
les trouve dans le principe de la solidarité nationale qui proscrit les
fortes inégalités de situation résultant
nécessairement de régimes nombreux et différentes.
Ensuite, un tel régime permettrait une gestion optimale et
équitable d'une ressource, les prélèvements sociaux, dont
la progression doit être maîtrisée. L'universalité de
la protection maladie se justifie d'autant plus que la santé constitue
un droit attaché à la personne et non au travail. En revanche,
l'adjonction de systèmes de protection complémentaire n'est pas
incompatible avec l'objectif universaliste, si leur présence n'incite
pas les pouvoirs publics à se décharger sur eux de l'exercice de
la protection par le biais du ticket modérateur et du
déremboursement. Parce qu'il résoudrait les
inégalités actuelles et simplifierait le système de
protection sociale, la recherche d'un régime universel peut donc
constituer un objectif légitime aujourd'hui.
b) Le projet du précédent Gouvernement : l'assurance maladie universelle
Le
précédent Gouvernement avait développé
l'idée d'une assurance maladie universelle appelant une simplification
de l'ouverture de droits en créant un droit propre à l'assurance
maladie pour tout résident majeur. En ce sens, elle répondait
réellement à l'objectif d'universalité.
L'assurance maladie universelle se faisait sur critère de
résidence et entraînait ainsi des modifications profondes au
bénéfice des assurés : simplification de l'ouverture
de droits, continuité de la prise en charge, affiliation directe des
ressortissants de l'assurance personnelle. Cela imposait de définir des
critères nouveaux de rattachement des personnes couvertes aux
régime professionnels dont l'existence n'était pas remise en
question. Elle conduisait aussi à la suppression de l'assurance
personnelle. Son financement s'inscrivait dans le cadre de la substitution de
la CSG aux cotisations maladie, en harmonisant les efforts contributifs et les
prestations offertes à partir de la référence du
régime général. Le projet s'accompagnait d'un renforcement
de la solidarité financière entre les régimes et d'une
clarification des règles de transferts.
Les différences sont donc nombreuses avec la couverture maladie
universelle. L'assurance maladie universelle se proposait d'ouvrir un droit
personnel aux prestations, droit universel pour tout résident en
situation régulière, sans contrepartie contributive ni
justification de situation familiale ni limitation de durée. En
revanche, le rattachement au régime restait aligné sur
l'activité. Les actifs demeuraient dans leur régime, même
en cas de cessation d'activité. Les inactifs étaient, eux,
rattachés au régime général. Les ayants-droit
pouvaient choisir entre le régime général et le
régime socioprofessionnel dont ils ressortissaient.
Il s'agissait donc d'une fusion de l'assurance personnelle dans le
régime général et d'une simplification de l'ensemble du
système pour en limiter les exclus. Restée à l`état
de projet, l'assurance maladie universelle apportait une réponse simple
au problème de la couverture de base en remplaçant le
critère professionnel par le critère de résidence pour
l'ensemble des assurés et en harmonisant les différents
régimes, autant de choses que ne fait nullement la couverture maladie
universelle.
c) Le projet de l'actuel Gouvernement : une couverture maladie généralisée
La
couverture maladie universelle est une réponse à l'exclusion de
soins par l'aménagement du système existant d'assurance maladie.
Il ne simplifie donc que la protection sociale des plus démunis en
maintenant la superposition d'un mécanisme particulier. En
réalité, il généralise la protection contre la
maladie, mais ne résout en rien les autres problèmes posés
par la coexistence de régimes nombreux et disparates. Pire, il s'y
heurte.
La généralisation est achevée par le biais de la
couverture, mais l'universalité n'est pas atteinte. En effet, le projet
de loi ne substitue pas le critère de résidence au critère
professionnel mais l'y superpose, ce qui aggrave la complexité tant
dénoncée. Il n'aborde pas la question de l'harmonisation des
différents régimes et laisse donc subsister les graves
inégalités de prestations et de cotisations.
Ainsi, la couverture maladie universelle, parce qu'elle n'aborde pas la
question du rapprochement des régimes, ne répond pas à
l'objectif d'universalité mais à celui de
généralité. Il aurait donc mieux valu parler de couverture
maladie généralisée.