Projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle
OUDIN (Jacques)
AVIS 382 (98-99) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
-
I. LA DYNAMIQUE DANGEREUSE DU FINANCEMENT D'UN PROJET LÉGITIME
- A. L'EXTENSION DE LA COUVERTURE SOCIALE, INSCRITE DANS L'HISTOIRE DE L'ASSURANCE-MALADIE
-
B. LES DIFFICULTÉS IMMÉDIATES DU FINANCEMENT DE LA COUVERTURE
MALADIE UNIVERSELLE
- 1. Le montage financier : des réaffectations de recettes, des dotations budgétaires et un prélèvement obligatoire
- 2. Le coût initial du projet de loi n'est jamais neutre
- 3. Le contexte actuel des finances sociales ne dégage aucune marge de manoeuvre
- C. LA DYNAMIQUE INFLATIONNISTE DU FINANCEMENT DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
-
II. UN COÛT INCERTAIN POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES
ORGANISMES DE PROTECTION COMPLÉMENTAIRE
-
A. LE COÛT D'UNE RECENTRALISATION JUSTIFIÉE
- 1. L'essentiel du financement de la couverture de base repose sur la recentralisation de l'aide sociale départementale
- 2. Les collectivités locales supportent le coût de la transition et de la correction des inégalités engendrées par ce projet
- 3. Quelle place pour les contingents communaux d'aide sociale ?
-
B. LA PLACE AMBIGUË DE LA PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE :
PAYER SANS DÉCIDER ?
-
1. L'association problématique des organismes de protection sociale
complémentaire
-
a) Le projet de loi constitue une lecture ambiguë du partenariat
affiché
- (1) Les rapports entre protection de base et protection complémentaire : les limites de l'intervention privée
- (2) La couverture maladie universelle remet en cause ces rapports
- (3) Les organismes de protection complémentaire jouent un rôle subsidiaire dans le fonctionnement de la couverture maladie universelle et central dans son financement
- b) Il instaure une inégalité sur la correction de l'effet de seuil
- c) Il risque de susciter un partage inégal de la charge
-
a) Le projet de loi constitue une lecture ambiguë du partenariat
affiché
- 2. Le volet complémentaire de la couverture maladie universelle fait peser de lourdes menaces sur chacun des acteurs de la protection sociale complémentaire et crée un nouveau prélèvement obligatoire
- 3. Un mécanisme facteur de lourdes inégalités
-
1. L'association problématique des organismes de protection sociale
complémentaire
-
A. LE COÛT D'UNE RECENTRALISATION JUSTIFIÉE
-
III. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES : NEUTRALITÉ
FINANCIÈRE, COÛT MAÎTRISÉ
- A. L'EXAMEN EN COMMISSION
-
B. LES AMENDEMENTS DE LA COMMISSION DES FINANCES
- 1. Renforcer la neutralité pour les finances locales
-
2. Atténuer les doubles impositions pour les organismes de protection
complementaire
- a) En supprimant le lien entre la contribution de 1,75 % et l'allocation versée par le fonds de financement de la protection complémentaire
- b) En excluant le nouveau prélèvement obligatoire de l'assiette de l'impôt sur les sociétés
- c) En excluant le nouveau prélèvement obligatoire de l'assiette de la taxe sur les assurances
- 3. Assurer une meilleure incitation à la prévoyance santé
-
LISTE DES AUDITIONS ET
CONSULTATIONS DU RAPPORTEUR - SIGLES UTILISÉS
N°
382
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 1999
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant création d'une couverture maladie universelle ,
Par M.
Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
1419
,
1518
et T.A.
288
.
Sénat
:
338
et
376
(1998-1999).
Assurance maladie maternité. |
Mesdames,
Messieurs,
En quelques articles, le projet de loi portant création d'une couverture
maladie universelle
1(
*
)
traite tous les aspects
de l'assurance maladie, depuis ses idées les plus
généreuses jusqu'aux problèmes les plus techniques de son
financement. Il concerne tous les acteurs de la protection sociale : Etat,
organismes d'assurance maladie, assureurs, mutuelles, institutions de
prévoyance, départements, communes, assurés sociaux,
contribuables. Il devrait profiter aux plus démunis et améliorer
leur situation. En tout état de cause, il n'est neutre pour personne et
se traduira par des transferts financiers importants, des
inégalités fortes, des remises en cause profondes de certains
principes qui fondaient notre protection sociale depuis 1945.
La couverture maladie universelle est juste quand elle permet d'offrir une
protection aux 150 000 personnes qui, aujourd'hui, ne possèdent aucun
droit à la santé. Elle doit être financée par la
solidarité nationale. L'assurance maladie universelle
préparée par le précédent Gouvernement devait ainsi
supprimer cette inacceptable exclusion du système de soins.
La création d'une couverture totale et gratuite pour 6 millions de
Français ne bénéficiant pas de protection
complémentaire doit, quant à elle, se mesurer à l'aune des
marges de manoeuvre financières dont dispose notre système de
protection sociale. Notre pays possède en effet le double record de la
dépense de soins et du niveau des prélèvements fiscaux et
sociaux. L'assurance maladie connaît des déficits persistants
qu'aucun mécanisme de régulation ne parvient à
maîtriser. Il paraît ainsi difficile d'envisager toute
dépense supplémentaire hors des indispensables
redéploiements au sein d'une enveloppe financière constante
allouée à la santé.
Le projet de loi remplace tout d'abord la protection de base qu'offrait le
régime de l'assurance personnelle fondé sur le principe de la
contributivité et de l'ouverture de droits, par une affiliation
automatique sous condition de résidence régulière. Elle
devrait permettre de couvrir l'ensemble de la population française par
une assurance de base. S'y ajoute une couverture complémentaire
assurée, au choix du bénéficiaire, sous condition de
ressources, par la CNAMTS ou un organisme de protection complémentaire
facultative (assureurs, mutuelles, etc.). Disparaissent donc les
mécanismes de prise en charge de cotisations de l'assurance personnelle
et l'aide sociale départementale.
Ce système à deux étages présente dans son
détail des modalités d'application, de mise en place, de
transition qui le rendent extrêmement complexe et donc critiquable. Son
financement s'appuie ainsi sur trois piliers : une réallocation de
divers transferts financiers actuels sous forme de redistribution de
pourcentages de recettes difficilement lisibles et de recentralisation de
crédits d'Etat ; une forte augmentation de la participation de
l'Etat ; la création d'une taxe nouvelle pesant sur les entreprises
ayant une activité protection complémentaire santé. Au
bout du compte, son coût reposera sur les générations
futures, de contribuables et d'assurés sociaux.
Par ailleurs, la couverture maladie universelle va engendrer des
inégalités fortes de situation entre ses
bénéficiaires (en dessous des seuils de ressources) et ceux qui
en seront exclus, entre assurés sociaux, entre salariés d'une
même entreprise, entre régimes de protection sociale, entre
départements, entre les assurances et les mutuelles, entre les
assurances et mutuelles et l'assurance-maladie. Il risque de susciter une
trappe à pauvreté et d'inciter au travail clandestin.
Votre commission des finances a décidé de se saisir pour avis au
regard des importantes conséquences financières d'un projet de
loi portant sur plus de 18 milliards de francs de dépenses,
régimes de base et complémentaire confondus, dont au moins 4,5
milliards seront des dépenses nouvelles pour l'année 2000 et dont
tout indique qu'elles iront croissant dans les années à venir. Le
chiffrage du projet de loi ne lui est ainsi pas apparu sincère.
Elle a estimé que la création d'une couverture
complémentaire gratuite et totale était susceptible de changer la
nature même de la sécurité sociale, qu'elle soulevait de
vrais problèmes de gestion et qu'elle n'était pas
complètement financée.
Laissant à la commission des affaires sociales, saisie au fond, le soin
d'apporter au texte du projet de loi les aménagements essentiels qu'il
requiert, votre commission des finances a ainsi décidé d'axer sa
réflexion autour de trois thèmes : la dynamique du
système de financement, ses conséquences pour les
collectivités locales et les organismes de protection sociale
complémentaire.
I. LA DYNAMIQUE DANGEREUSE DU FINANCEMENT D'UN PROJET LÉGITIME
A. L'EXTENSION DE LA COUVERTURE SOCIALE, INSCRITE DANS L'HISTOIRE DE L'ASSURANCE-MALADIE
1. A la recherche de l'universalité
a) De l'idée de l'universalité à un système différentiel
L'histoire de la protection maladie montre qu'elle est d'abord
née du souci de protéger les plus faibles
2(
*
)
. Les premières initiatives sont, comme pour
toute l'histoire de la protection sociale, celles de sociétés
mutualistes et d'un patronat ouvert aux questions sociales. L'Etat intervient
en 1893, en créant une aide médicale gratuite s'adressant aux
nécessiteux et indigents. En 1910 sont énoncés les
principes des assurances sociales obligatoires pour les ouvriers et les
paysans.
Les idées de l'obligation et de l'universalité inspirent alors
les grands débats de l'entre-deux-guerres. L'assurance maladie
obligatoire n'est véritablement envisagée en France qu'en 1920,
soit 39 ans après l'Allemagne. Le débat naît d'ailleurs
d'abord du problème posé par le maintien du régime
spécial mis en place en Alsace-Moselle par les Allemands durant leur
occupation. S'y ajoutent la question de la dette de la Nation envers les plus
de trois millions de blessés de guerre, les veuves et les orphelins et
l'inquiétude face à la contestation ouvrière.
Les professions indépendantes, les paysans et les professions
libérales s'opposent, ainsi que les syndicats révolutionnaires et
le corps médical (malgré l'accord sur un tarif
conventionné en 1925, dénoncé en 1927), à
l'idée d'assurance maladie obligatoire. Les médecins plaident
alors pour le remboursement par les caisses d'un tarif fixé par elle
plutôt que l'entente directe au sujet des honoraires. Ils obtiennent gain
de cause. Apparaît ainsi le principe du remboursement de base
pratiqué encore aujourd'hui : en 1930, le Parlement vote la
première assurance maladie remboursant
" une part contributive
garantie par les caisses "
. En même temps que le remboursement
de base apparaît donc la nécessité d'un remboursement
complémentaire.
Limitée à certaines professions et aux plus pauvres, la
protection sociale maladie avant la deuxième guerre mondiale laisse
encore de côté la très grande majorité de la
population.
b) Le choix trahi de 1945
Les
débats sur la mise en place de la Sécurité sociale en 1945
montrent l'intention des concepteurs de mettre en place une protection
universelle et unique, selon un modèle beveridgien
3(
*
)
. Le plan Beveridge de 1942 au Royaume-Uni
prévoyait ainsi les deux composantes de l'universalité : la
généralité de la couverture et l'uniformité des
prestations. Se dégage alors un courant universaliste en matière
de protection sociale, attribuant une protection à tout résident
selon ses besoins et ressources (conditions absentes du plan de Beveridge). La
France fait, elle, le choix d'un courant intermédiaire entre celui-ci et
le courant plus professionaliste, où la protection contre le risque
s'inscrit dans le cadre du contrat de travail. La première conception se
heurtait en effet en 1945 aux réticences de certaines professions et aux
idées de démocratie sociale. D'où les principes fondateurs
de notre sécurité sociale : universalité,
unité, uniformité et gestion paritaire. D'où aussi
cependant une organisation ne reflétant pas ces principes, les
ordonnances se contentant d'appeler à l'harmonisation et à
l'extension des régimes mis en place.
Le choix de 1945 n'est donc pas celui de l'universalité. Demeurent les
régimes spéciaux de certaines professions, principalement les
administrations de l'Etat, les collectivités locales, les marins, les
mineurs, les cheminots, et de certains organismes (Comédie
française, Opéra de Paris, Banque de France, Compagnie
générale des eaux, EDF-GDF, Crédit foncier de France,
clercs de notaire, ports autonomes, chambres de commerce, etc.). Les cadres
sont intégrés, mais ils peuvent cotiser à partir d'un
plafond de ressources aux régimes particuliers existant avant la guerre
et qui donnent naissance à la protection complémentaire.
Certaines professions sont exclues, à commencer par les
indépendants.
La généralisation qui se met alors en place n'est pas non plus
marquée du sceau de l'universalité, puisqu'elle prend la forme de
régimes autonomes et non pas d'une intégration dans le
régime général. Il faut attendre la loi du 12 juillet 1966
pour que les " non-non " (travailleurs non salariés, non
agricoles) bénéficient du régime d'assurance maladie
qu'ils avaient toujours refusé : la CANAM est créée.
L'histoire de l'édification de la Sécurité sociale montre
donc que passée l'aspiration de 1945 à une protection
universelle, la généralisation ne s'est pas faite par
l'intégration des régimes et des prestations mais par
l'empilement de premiers et l'éclatement des seconds. Cela explique le
nombre de personne exclues du système et le souci, à partir de
1972, de revenir à une protection véritablement universelle.
c) Elargissement et approfondissement de la protection depuis les années 1970
Le
législateur a conduit depuis la loi du 3 juillet 1972 un effort
d'harmonisation des régimes, notamment par le biais de la compensation
financière instaurée en 1974. Mais surtout, il s'est
penché sur le sort des exclus du système. Ceux exerçant
une activité non répertoriée au registre du commerce ou
dans les chambres de métiers, les ordres professionnels et les chambres
de commerce ainsi que ceux sans activité échappaient en effet
à tous les régimes. Il fallait trouver un régime de
rattachement, mettre en place des mécanismes de ressources pour
compenser l'absence de cotisations des plus démunis et remplacer pour
les autres le revenu professionnel par une autre base de cotisation. La loi du
4 juillet 1975 fixait ainsi dans son article premier cet objectif :
" un projet de loi prévoyant les conditions d'assujettissement
à un régime obligatoire de sécurité sociale de
toutes les personnes n'en bénéficiant pas devra être
déposé au plus tard le 1
er
janvier 1977 "
.
La loi du 2 janvier 1978 relative à la généralisation de
la sécurité sociale se donne pour ambition d'y répondre.
Elle renonce à l'assurance maladie universelle et obligatoire, pour
créer un régime de l'assurance personnelle facultative. Les
pouvoirs publics prennent en charge les cotisations de ceux ne pouvant les
assumer. Ainsi, l'assurance maladie s'est-elle progressivement
généralisée en maintenant le principe de l'affiliation
professionnelle et de la contribution nécessaire à l'ouverture de
droits.
L'objectif d'universalité a donc été approché par
la création de l'assurance personnelle. Il n'a cependant pas
été complètement atteint, ce qui justifie une nouvelle
intervention du législateur.
De l'assurance volontaire à l'assurance personnelle
" L'assurance personnelle trouve son origine dans la faculté
d'adhérer volontairement au régime général
d'assurance maladie ouverte à certaines catégories d'ayants-droit
dès l'ordonnance du 19 octobre 1945. Après l'institution de
régimes d'assurance maladie pour les non salariés, ce
régime concernait essentiellement des personnes sans activité
professionnelle et se caractérisait par un niveau élevé de
cotisations, souvent aggravé par l'obligation de rachat des cotisations
afférentes aux années antérieures ; dans son principe
même, il excluait les personnes les plus défavorisées.
C'est pourtant une formule dérivée de ce système qui fut
choisie par la loi du 2 janvier 1978 pour assurer au prix de son
élargissement et d'une transformation de ses modalités, la
généralisation de la sécurité sociale dont le
principe avait été posé par la loi du 4 juillet 1975.
Faute d'un régime unique ouvert à tous, et obligatoire pour tous,
la transformation de l'assurance volontaire en assurance personnelle
crée un régime d'accueil pour des groupes sociaux très
divers dont certains disposent de revenus (rentiers titulaires de revenus
fonciers, membres de professions diverses telles que voyants, mages,
cartomancienne, détectives privés, récupérateurs de
ferraille,...) et d'autres relèvent plus ou moins de la
solidarité nationale.
La loi du 2 janvier 1978 instituait une relation forte entre l'assurance
personnelle, établie en principe, comme l'assurance volontaire à
l'origine, sur une base contributive, et l'aide sociale en prévoyant que
celle-ci pourrait prendre en charge, en tout ou partie, les cotisations dont
les assurés seraient personnellement redevables. "
Source : Cour des Comptes,
Rapport annuel au Parlement sur la
Sécurité sociale
, septembre 1995
2. Une réponse aux besoins des Français souffrant d'exclusion de soins
a) L'échec de l'assurance personnelle, coûteuse et inefficace
La
nécessité d'une couverture maladie universelle provient du
constat de l`échec de l'assurance personnelle à remplir
efficacement son rôle de protection sociale généraliste.
Comme l'indique la Cour des Comptes en 1995 :
" Cette
enquête a montré que l'assurance personnelle ne remplit que
partiellement son rôle au service des exclus de l'assurance maladie et
que sa gestion soulève de nombreuses difficultés "
.
En effet, ce régime n'a plus sa raison d'être d'abord parce qu'il
recouvre des situations trop différentes. Son extension a en effet suivi
les deux voies parallèles de la poursuite de l'objectif de l'assurance
volontaire - régime contributif pour personnes bénéficiant
de revenus - et de l'extension de son champ au coup par coup. Se retrouvent
ainsi dans le même régime : les assurés personnels
acquittant eux-mêmes leurs cotisations (assises sur les revenus ou bien
selon une cotisation forfaitaire), les assurés hors RMI pris en charge
par une autre institution (allocation spéciale vieillesse, aide sociale,
etc.) et les titulaires du RMI.
Répartition des assurés personnels suivant le
mode
de prise en charge
de leur cotisation
Effectif au 31 décembre 1998 |
|
|
Assurés acquittant leur cotisation en totalité |
55.153 |
9 % |
Titulaires d'une prise en charge
de cotisation :
|
45.370 |
7 % |
- Par la Caisse d'Allocations Familiales |
128.199 |
21 % |
- Par une collectivité publique d'aide médicale (Etat, Conseil Général) |
381.622 |
63 % |
TOTAL |
610.344 |
100 % |
source : CNAMTS
Chacun est traité selon un barème différent et avec une
prise en charge par un organisme différent, comme le montre ce tableau
tiré du rapport de la Cour des Comptes :
Tableau simplifié de la situation des ressortissants
des
minima sociaux
au regard de la couverture maladie
Catégories d'assurés sociaux |
Plafond de ressources mensuel pour personne seule (1 er janvier 1999) |
Couverture |
|
|
|
Organisme payeur de la cotisation |
Couverture complémentaire
|
RMI Aide sociale métropole |
2502 |
département |
département |
RMI Aide sociale sans résidence stable (SRS) |
2502 |
Etat |
Etat |
RMI - CAF |
2502 |
CAF ou MSA |
aide sociale |
Jeunes 17-25 ans (sous cond. RMI) |
2502 |
aide sociale |
aide sociale (facultative) |
Assistés médicaux - SRS sur barème Etat |
2502 |
Etat |
Etat |
Autres assistés médicaux départementaux |
Règlement départemental d'Aide Médicale |
département |
selon règlement département |
Autres assistés médicaux (hors barème) |
Examen
besoins/ressources/
|
aide sociale (facultatif) |
aide sociale (facultative) |
Veuvage |
3930 |
aide sociale |
aide sociale |
ASV |
3540 |
CDC |
aide sociale (facultatif) |
Prestataires familiaux
prise en charge partielle
|
de 480
à 10.338
|
CAF ou MSA
|
aide sociale (facultatif) |
Source : Cour des Comptes
L'assurance personnelle versait en 1998 plus de 11 milliards de francs de
prestations réparties entre une dotation au budget global des
établissements hospitaliers pour 48 % et des prestations pour 52 %, soit
une dépense de soins de plus de 9 400 F par assuré. Elle a
reçu la même année 7,2 milliards de francs de
cotisations. Elle avait 610 344 ressortissants au 31 décembre 1998.
Et pourtant elle ne suffisait pas à assurer l'universalité de la
couverture maladie de base.
b) L'exclusion financière des soins difficilement acceptable
L'exclusion des soins se présente sous deux aspects
très différents : il y a une exclusion juridique et
financière de la couverture de base d'une part, une exclusion
financière de la couverture complémentaire d'autre part. Il
convient néanmoins de remarquer que toute personne se présentant
dans un hôpital public est en droit d'y trouver l'assistance
médicale que son état requiert.
Le Gouvernement estime à 150 000 personnes le nombre d'exclus de tout
système d'assurance maladie. La cause en est à rechercher dans
les problèmes subis lors du passage entre deux régimes
(délai d'attente pour la radiation d'un régime, formalités
lourdes), dans le montant élevé des cotisations personnelles
proportionnelles au revenu de l'assurance personnelle et dans l'exclusion pure
et simple des catégories les plus défavorisées de la
population, hors de tout système social (sans-abri, illettrés).
Pour résoudre ces difficultés, il faut abandonner le
critère professionnel ou social pour celui de la résidence.
La seconde exclusion est à la fois plus délicate et plus
aisée à établir. La Sécurité sociale a connu
au gré de ses dix-sept plans de réforme successifs une
série de déremboursements. Cette évolution laisse donc
à l'assuré une part croissante de dépenses à
prendre en charge, directement ou indirectement. Ainsi, la part des organismes
de protection complémentaire dans le financement de la santé en
France n'a fait qu'augmenter depuis les années 1970. Cependant, cette
protection complémentaire s'effectue d'une manière très
inégale dans l'ensemble de la population au regard du niveau de revenu.
Le mode d'obtention de la couverture complémentaire
(en %)
|
Taux de personnes couvertes par couverture complémentaire obtenue |
||||
Niveau
de revenu
|
|
Par leur entreprise et c'est obligatoire |
Par leur entreprise et ce n'est pas obligatoire |
Mode d'obtention autre ou inconnu |
|
Moins de 2.000 Francs/uc |
26 |
4 |
13 |
4 |
47 |
2.000 à 3.000 Francs/uc |
37 |
13 |
21 |
1 |
72 |
Plus de 3.000 Francs/uc |
34 |
23 |
32 |
2 |
91 |
Ensemble (y c inconnu) |
32 |
21 |
28 |
3 |
84 |
source : CREDES
Évolution de la part de chacun des financeurs de la protection sociale
(en millions de francs)
|
|
|
|
|
|
Evolution moyenne annuelle |
Dépense de soins et biens médicaux |
|
|
|
|
|
|
Sécurité sociale |
71,7 % |
72,3 % |
71,4 % |
- 0,4 % |
- 1,2 % |
- 0,04 % |
Etat et collectivités locales |
4,2 % |
3,7 % |
3,8 % |
- 10,0 % |
2,7 % |
- 1,0 % |
Ménages + complémentaires |
24,7 % |
24,8 % |
25,2 % |
2,0 % |
1,6 % |
0,2 % |
dont complémentaires |
|
10,5 % |
11,9 % |
|
13,3 % |
2,2 % |
Hospitalisation |
266.769 |
312.886 |
349.843 |
31,1 % |
11,8 % |
3,11 % |
Sécurité sociale |
90,2 % |
89,8 % |
89,0 % |
- 1,3 % |
- 0,9 % |
- 0,13 % |
Etat et collectivités locales |
1,7 % |
1,2 % |
1,1 % |
- 35,0 % |
- 8,3 % |
- 3,5 % |
Ménages + complémentaires |
9,8 % |
9,0 % |
9,9 % |
1,0 % |
10,0 % |
0,1 % |
dont complémentaires |
|
3,2 % |
3,7 % |
|
15,6 % |
2,6 % |
Soins ambulatoires |
160.865 |
189.593 |
195.298 |
21,4 % |
3,0 % |
2,14 % |
Sécurité sociale |
60,7 % |
58,7 % |
57,8 % |
- 4,6 % |
- 1,5 % |
- 0,48 % |
Etat et collectivités locales |
0,7 % |
0,6 % |
0,8 % |
14,0 % |
33,3 % |
1,4 % |
Ménages + complémentaires |
38,6 % |
40,8 % |
41,4 % |
7,0 % |
1,5 % |
0,7 % |
dont complémentaires |
|
16,6 % |
19,6 % |
|
16,7 % |
2,8 % |
Dentistes |
34.737 |
42.198 |
43.160 |
17,5 % |
2,3 % |
1,75 % |
Sécurité sociale |
39,7 % |
34,1 % |
31,8 % |
- 19,9 % |
- 6,7 % |
- 1,99 % |
Etat et collectivités locales |
0,2 % |
0,1 % |
0,3 % |
50,0 % |
200,0 % |
5,0 % |
Ménages + complémentaires |
60,2 % |
65,7 % |
67,9 % |
13,0 % |
3,3 % |
1,3 % |
dont complémentaires |
|
24,8 % |
30,6 % |
|
23,4 % |
3,9 % |
Pharmacie |
100.323 |
118.196 |
134.400 |
34,0 % |
13,7 % |
3,4 % |
Sécurité sociale |
59,4 % |
61,2 % |
60,8 % |
2,4 % |
- 0,7 % |
0,24 % |
Etat et collectivités locales |
0,8 % |
0,7 % |
0,9 % |
13,0 % |
28,6 % |
1,3 % |
Ménages + complémentaires |
39,8 % |
38,1 % |
38,3 % |
- 4,0 % |
0,5 % |
- 0,4 % |
dont complémentaires |
|
17,7 % |
19,1 % |
|
7,9 % |
1,3 % |
Lunettes et orthopédie |
12.028 |
17.758 |
19.806 |
64,7 % |
11,5 % |
6,47 % |
Sécurité sociale |
39,1 % |
41,4 % |
41,3 % |
5,6 % |
- 0,2 % |
0,56 % |
Etat et collectivités locales |
1,2 % |
0,6 % |
0,5 % |
- 58,0 % |
- 16,7 % |
- 5,8 % |
Ménages + complémentaires |
59,6 % |
58,0 % |
58,2 % |
- 2,0 % |
0,3 % |
- 0,2 % |
dont complémentaires |
|
27,6 % |
37,1 % |
|
34,4 % |
5,7 % |
Source : FNMF
Cela génère des effets pervers importants, à commencer par
une plus grande exclusion des soins de ceux qui ont déjà une
faible couverture. Un déremboursement conduit à l'augmentation de
la protection complémentaire de la population la plus
intégrée et solvable, et à des difficultés accrues
d'accès aux soins pour les plus démunis.
Taux
de protection par une couverture complémentaire et
renoncement aux
soins selon le milieu social
(en %)
|
Taux de protection par une assurance complémentaire |
Taux de renoncement aux soins au cours de l'année |
Agriculteur |
84,4 |
6,4 |
Ouvrier non qualifié |
69,9 |
18,1 |
Ouvrier qualifié |
82,1 |
17,7 |
Employé |
79,4 |
24,4 |
Profession intermédiaire |
92,1 |
17,8 |
Cadre supérieur |
90,9 |
11,2 |
Artisan-commerçant |
82 |
14,9 |
Ensemble de la population |
86,4 |
16,5 |
source : CREDES
Il faut néanmoins relativiser ce constat d'une part en rappelant que la
définition du renoncement aux soins reste subjective, d'autre part en
indiquant que les filets de protection existent et que l'aide sociale et
l'action sociale apportent à beaucoup un soutien qui leur permet de
recourir aux soins de base.
La couverture maladie universelle a pour but légitime de remédier
à cette exclusion.
3. La couverture maladie universelle se contente d'achever la généralisation, alors que l'assurance maladie universelle esquissait réellement l'universalité recherchée depuis 1945
a) Le tabou de l'unification des régimes de protection sociale : pour une véritable universalité de l'assurance maladie
Un
régime universel assure une protection générale et unique.
Un régime généralisé, lui, admet en son sein des
différences. L'universalité recherchée par la couverture
maladie universelle, et avant elle par l'assurance maladie universelle, pose
ainsi la question de l'opportunité d'un régime unique de
protection sociale maladie.
Plusieurs arguments peuvent s'y opposer. Ce sont d'abord les raisons qui
expliquent l'existence de très nombreux régimes distincts, la
persistance de traditions professionnelles qui recouvraient auparavant des
situations réellement différentes entre professions et
réellement similaires au sein d'une même profession. Ces
caractéristiques se sont considérablement atténuées
et laissent la place à des intérêts corporatistes
d'avantages acquis ou bien du refus de participer à une plus grande
solidarité financière. Ensuite, s'y opposent des arguments
libéraux pour lesquels un régime unique, donc géré
par l'Etat, engendrerait des prélèvements importants. Les
libéraux plaident le plus souvent pour un régime universel de
base prenant la forme de minima sociaux et laissant à l'initiative
privée le soin d'une protection complémentaire.
Les arguments existent pourtant pour un régime universel et unique. On
les trouve dans le principe de la solidarité nationale qui proscrit les
fortes inégalités de situation résultant
nécessairement de régimes nombreux et différentes.
Ensuite, un tel régime permettrait une gestion optimale et
équitable d'une ressource, les prélèvements sociaux, dont
la progression doit être maîtrisée. L'universalité de
la protection maladie se justifie d'autant plus que la santé constitue
un droit attaché à la personne et non au travail. En revanche,
l'adjonction de systèmes de protection complémentaire n'est pas
incompatible avec l'objectif universaliste, si leur présence n'incite
pas les pouvoirs publics à se décharger sur eux de l'exercice de
la protection par le biais du ticket modérateur et du
déremboursement. Parce qu'il résoudrait les
inégalités actuelles et simplifierait le système de
protection sociale, la recherche d'un régime universel peut donc
constituer un objectif légitime aujourd'hui.
b) Le projet du précédent Gouvernement : l'assurance maladie universelle
Le
précédent Gouvernement avait développé
l'idée d'une assurance maladie universelle appelant une simplification
de l'ouverture de droits en créant un droit propre à l'assurance
maladie pour tout résident majeur. En ce sens, elle répondait
réellement à l'objectif d'universalité.
L'assurance maladie universelle se faisait sur critère de
résidence et entraînait ainsi des modifications profondes au
bénéfice des assurés : simplification de l'ouverture
de droits, continuité de la prise en charge, affiliation directe des
ressortissants de l'assurance personnelle. Cela imposait de définir des
critères nouveaux de rattachement des personnes couvertes aux
régime professionnels dont l'existence n'était pas remise en
question. Elle conduisait aussi à la suppression de l'assurance
personnelle. Son financement s'inscrivait dans le cadre de la substitution de
la CSG aux cotisations maladie, en harmonisant les efforts contributifs et les
prestations offertes à partir de la référence du
régime général. Le projet s'accompagnait d'un renforcement
de la solidarité financière entre les régimes et d'une
clarification des règles de transferts.
Les différences sont donc nombreuses avec la couverture maladie
universelle. L'assurance maladie universelle se proposait d'ouvrir un droit
personnel aux prestations, droit universel pour tout résident en
situation régulière, sans contrepartie contributive ni
justification de situation familiale ni limitation de durée. En
revanche, le rattachement au régime restait aligné sur
l'activité. Les actifs demeuraient dans leur régime, même
en cas de cessation d'activité. Les inactifs étaient, eux,
rattachés au régime général. Les ayants-droit
pouvaient choisir entre le régime général et le
régime socioprofessionnel dont ils ressortissaient.
Il s'agissait donc d'une fusion de l'assurance personnelle dans le
régime général et d'une simplification de l'ensemble du
système pour en limiter les exclus. Restée à l`état
de projet, l'assurance maladie universelle apportait une réponse simple
au problème de la couverture de base en remplaçant le
critère professionnel par le critère de résidence pour
l'ensemble des assurés et en harmonisant les différents
régimes, autant de choses que ne fait nullement la couverture maladie
universelle.
c) Le projet de l'actuel Gouvernement : une couverture maladie généralisée
La
couverture maladie universelle est une réponse à l'exclusion de
soins par l'aménagement du système existant d'assurance maladie.
Il ne simplifie donc que la protection sociale des plus démunis en
maintenant la superposition d'un mécanisme particulier. En
réalité, il généralise la protection contre la
maladie, mais ne résout en rien les autres problèmes posés
par la coexistence de régimes nombreux et disparates. Pire, il s'y
heurte.
La généralisation est achevée par le biais de la
couverture, mais l'universalité n'est pas atteinte. En effet, le projet
de loi ne substitue pas le critère de résidence au critère
professionnel mais l'y superpose, ce qui aggrave la complexité tant
dénoncée. Il n'aborde pas la question de l'harmonisation des
différents régimes et laisse donc subsister les graves
inégalités de prestations et de cotisations.
Ainsi, la couverture maladie universelle, parce qu'elle n'aborde pas la
question du rapprochement des régimes, ne répond pas à
l'objectif d'universalité mais à celui de
généralité. Il aurait donc mieux valu parler de couverture
maladie généralisée.
B. LES DIFFICULTÉS IMMÉDIATES DU FINANCEMENT DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
1. Le montage financier : des réaffectations de recettes, des dotations budgétaires et un prélèvement obligatoire
a) Le financement de la couverture de base : un montage financier complexe
La
couverture de base sera assumée par le régime
général de l'assurance maladie. Elle est
déconnectée de tout paiement de cotisation ouvrant droit à
prestation en dessous d'un seuil de revenus fixé par décret et
pour l'instant annoncé à 3.500 F par mois pour une personne
seule. Le projet de loi met en place dans ses articles 9 à 13 une
mécanique complexe pour essayer de rendre le plus neutre
financièrement possible pour la caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs salariés (CNAMTS) ce transfert de charges.
Le texte aménage en effet les transferts existants autour de l'actuelle
assurance personnelle pour rendre la nouvelle couverture de base la plus neutre
financièrement possible lors de sa première année de mise
en place. Il fait ainsi disparaître l'ensemble des cotisations
versées par les départements, l'Etat, la caisse nationale
d'allocations familiales (CNAF), le fonds de solidarité vieillesse (FSV)
et les assurés. Pour équilibrer l'ensemble, il procède
à des transferts de recettes au profit de la CNAMTS.
La CNAF transfère à la CNAMTS 28 points sur les 50 points du
produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et
produits de placement qui lui sont affectés, soit 2,7 milliards de
francs pour un allégement de 2,38 milliard de francs de dépenses.
Au total, elle supporte une perte de 320 millions de francs justifiée,
d'après le Gouvernement, par la non prise en charge de cotisations
d'assurance personnelle pendant plusieurs années, au détriment
des départements.
Pour compenser la charge actuelle de 4,05 milliards versés par les
départements et l'Etat au titre de l'aide médicale gratuite, la
CNAMTS obtient l'affectation à son profit d'une fraction du produit des
droits de consommation sur les tabacs (3,5 milliards de francs), soit une
différence de 550 millions de francs.
La CNAMTS récupère 5 points des 60 % des droits de consommation
sur les alcools affectés au FSV, soit une recette de 600 millions de
francs compensant 610 millions de dépenses supprimées par ce
dernier.
Les cotisants voient leurs cotisations se réduire, pour passer de 440
à 100 millions de francs, ce qui représente une perte de recettes
pour la CNAMTS de 340 millions de francs.
La CNAMTS doit par ailleurs prendre en charge l'intégralité du
déficit de l'assurance personnelle, actuellement réparti entre
les régimes obligatoires, soit un surcroît de dépenses de
570 millions de francs. En compensation, elle devrait percevoir 830 millions de
francs au titre de la cotisation sur les véhicules terrestres à
moteur. Les 260 millions de francs de différence aujourd'hui
perçus par les autres régimes devraient être
compensés par une subvention de l'Etat.
Enfin, la CNAMTS devra supporter le coût de l'extension du champ de la
couverture de base, estimé à 600 millions de francs.
Synthèse du financement annoncé par le Gouvernement pour la
première année de la couverture de base de la CMU
Pertes de recettes et dépenses supplémentaires |
|
Recettes supplémentaires et moindres dépenses |
|
CNAF |
|
|
|
reprise de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement |
2,7 MMF |
suppression des cotisations à l'assurance personnelle |
2,38 MMF |
|
|
Perte nette |
0,32 MMF |
CNAMTS |
|
|
|
Perte des cotisations de la CNAF à l'assurance personnelle |
2,38 MMF |
Affectation de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement |
2,7 MMF |
Perte des cotisations versées par l'Etat et les départements au titre de l'assurance personnelle |
4,05 MMF |
Fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs |
3,5 MMF |
Perte es cotisations versées par le FSV |
0,61 MMF |
Fraction des 60 % des droits de consommation sur les alcools affectés au FSV |
0,6 MMF |
Prise en charge du déficit de l'assurance personnelle |
0,57 MMF |
Cotisation sur les véhicules terrestres à moteur |
0,83 MF |
Perte de cotisations des assurés |
0,44 MMF |
Cotisations nouvelles des assurés |
0,1 MMF |
Extension du champ |
0,6 MMF |
Perte nette |
0,92 MMF |
Départements |
|
|
|
Reprise de 95 % des sommes affectées à l'aide médicale sous forme de DGD |
8,7 MMF |
Suspension du versement des prestations d'aide médicale |
9,15 MMF |
Gain net |
0,45 MMF |
|
|
Etat |
|
|
|
Subvention aux régimes spéciaux pour compenser la perte de recettes liée à l'arrêt de la cotisation sur les véhicule terrestres à moteur |
0,26 MMF |
Perte nette |
0,26 MMF |
Cette
tuyauterie apparaît comme éminemment critiquable dans les
transferts financiers qu'elle met en oeuvre au titre de l'affectation de
ressources diverses. Deux principales critiques se font jour. La
première concerne l'affectation de la contribution obligatoire des
assurés automobiles au titre de la cotisation sur les véhicules
terrestres à moteur. Celle-ci avait été
créée pour compenser la charge pesant sur les régimes
obligatoires de sécurité sociale suite aux accidents de la
circulation. Cependant, cette charge pèse autant sur la CNAMTS que sur
la CANAM et la MSA, ce qui expliquait la répartition de son produit
entre les trois organismes. L'affectation totale au profit de la CNAMTS
pourrait donc justifier dans l'avenir une augmentation de cette contribution au
profit de ceux qui en ont été privés par ce projet de loi,
la faisant revenir à son lien initial avec les accidents de la route.
Par ailleurs, les transferts de droits sur les alcools opérés par
l'article 9 du projet de loi soulève deux ambiguïtés.
D'abord elle réduit la part des droits sur les alcools perçus par
le FSV de 5 points la faisant passer de 60 à 55 %. Comme les 40 %
restants perçus par l'ACOSS demeurent inchangés, dans
l'état actuel du projet de loi le solde de 5 % ne lui revient pas
à droit constant (l'article L. 139-1 du code de la
sécurité sociale n'est pas modifié). Le texte s'appuie
donc sur un équilibre financier qu'il n'achève même pas
juridiquement ! D'autre part, le transfert devrait se faire au
1
er
janvier 2000 mais ne tiendra pas compte des créances.
Donc certaines sommes dues au titre de 1999 mais seulement recouvrées en
2000 seront transférées alors qu'elles ne l'auraient pas
dû.
b) Le financement de la couverture complémentaire : budget de l'Etat et prélèvement obligatoire
Le texte
crée à son article 25 un fonds de financement de la protection
complémentaire. Il doit prendre en charge le coût de la couverture
complémentaire, évalué la première année
à 1500 F par an et par bénéficiaire pour 6 millions de
personnes, soit 9 milliards de francs. Il obéit à un principe
inégal : reversement pour les organismes privés (dès
qu'un organisme prend en charge un bénéficiaire de la CMU, il
reçoit cette somme forfaitaire), remboursement au franc le franc pour
l'assurance maladie.
Les recettes de ce fonds proviennent :
• d'une contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires des activités
" santé " des mutuelles et des compagnies d'assurance, avec un
paiement trimestriel. Cette contribution est nette des reversements aux
mêmes organismes par le fonds pour la prise en charge de
bénéficiaires de la CMU (1500 F par affilié), chaque
organisme ne versant au fonds que la différence (ou percevant le surplus
théorique) entre sa contribution et les reversements ; sa ressource est
estimée à un montant maximum de 1,8 milliard de francs ;
• d'une subvention d'équilibre de l'Etat évaluée
ex post
, estimée en première année à 7,2
milliards de francs au moins.
Le financement du volet complémentaire de la couverture maladie
universelle repose ainsi sur un prélèvement obligatoire nouveau
et sur une subvention d'équilibre qui servira de variable d'ajustement.
Or comment est-elle financée dans les crédits de l'Etat ?
L'étude d'impact révèle qu'il manque au moins 1,7
milliards de francs la première année du financement. Mais de
plus toute hausse des dépenses du fonds ou toute baisse de ses recettes
pèsera entièrement sur l'Etat, sauf à augmenter davantage
la contribution des organismes de protection complémentaire.
2. Le coût initial du projet de loi n'est jamais neutre
a) Pour les organismes de Sécurité sociale
En
l'état actuel du projet, le coût pour la Sécurité
sociale peut être estimé à au moins 1,24 milliards de
francs.
En effet, le transfert de l'ancienne assurance personnelle et les changements
de règles d'accès devraient se traduire par un coût de
920 millions de francs pour la CNAMTS (7,73 milliards de recettes
nouvelles contre 8,65 milliards de dépenses ou moindres recettes
dont 600 millions liés à l'extension du champ des personnes
couvertes). En y ajoutant le coût de 320 millions de francs pour la
CNAF, le total est de 1,24 milliard de francs pour la
Sécurité sociale, au lieu des 900 millions annoncés
par le Gouvernement.
Cependant, il faut ajouter à ces chiffres les fortes tensions qui
pèsent sur le mécanisme de financement. Il s'agit d'abord des
frais d'accueil et de gestion pour l'assurance-maladie des nouveaux
bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Ces frais de
gestion devaient être nuls en raison des économies de personnel et
de moyens dégagées par la mise en place de la transmission
informatique des feuilles de soins par le biais de la carte
Sésam-Vitale. Ce système ne rencontre pas le succès
escompté et la CNAMTS a dû souscrire un nouvel accord en mai 1999
avec les généralistes pour accélérer la
transmission. En attendant, le traitement des feuilles s'effectue toujours
manuellement et les moyens d'accueillir les bénéficiaires de la
couverture maladie universelle n'existent pas. De plus, l'instruction des
dossiers exigera un savoir-faire dont la CNAMTS est aujourd'hui
dépourvue en matière de vérification des ressources. Il va
lui falloir effectuer des investissements informatiques et de formation afin
d'être en mesure de traiter les demandes d'affiliation.
Les coûts de gestion futurs de la CNAMTS
" Les coûts de gestion induits sont en cours
d'estimation et ne pourront être précisés que lorsque les
tâches incombant à l'assurance maladie seront
précisément définies.
D'après une première approche qui reste à confirmer, la
charge de travail supplémentaire qui pèsera sur les services
administratifs des caisses primaires d'assurance maladie, principalement
liée à l'accueil des personnes concernées, à
l'examen des déclarations de ressources pour les
bénéficiaires non Rmistes, et aux liaisons avec les organismes
complémentaires pourrait représenter près de
l'équivalent de 3 000 agents temps plein. La charge est actuellement
difficile à estimer pour les autres services (comptabilité par
exemple).
D'autres charges peuvent s'y ajouter : équipements liés
à la scannerisation des déclarations de ressources, extension des
locaux d'accueil,... sachant que les dépenses de personnel
représentent environ 80 % du budget des caisses primaires.
Par ailleurs, les caisses primaires bénéficiaient, sous forme de
recettes propres, de frais de gestion payés par les conseils
généraux pour les services rendus en matière de gestion de
l'aide médicale. Actuellement rien n'est prévu dans le cadre de
la couverture maladie universelle. "
source : CNAMTS
Les deux autres régimes d'assurance maladie, la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse autonome d'assurance maladie des travailleurs indépendants et professions libérales (CANAM) vont également subir de lourdes conséquences financières, non chiffrées par le Gouvernement. En effet, l'un et l'autre régime subiront la " concurrence " de la couverture maladie universelle. Les niveaux de seuils de ressources annoncés, bien que demeurant en deçà du seuil de pauvreté, semblent assez élevés pour que, sur la base des revenus connus par l'Observatoire économique et sociale de la MSA, un pourcentage important de la population agricole active et retraitée soit concernée : environ 210 000 chefs d'exploitation pour la MSA.
b) Pour l'Etat
Le
coût pour l'Etat est estimé à un minimum de
1,71 milliard de francs la première année de mise en place
du dispositif.
L'Etat récupérera en effet sous forme de minoration de la
dotation globale de décentralisation 95 % de la somme
dépensée chaque année par les départements au titre
de l'aide médicale, soit 8,69 milliards de francs. Par ailleurs,
ses dépenses au titre de l'aide médicale devraient diminuer de
400 millions de francs. Au total, ces moindres dépenses doivent
être considérées comme un montant maximum.
Les dépenses supplémentaires et les moindres recettes ont, elles,
un caractère plus aléatoire.
La subvention au fonds de financement s'élève à
7,2 milliards de francs. Il s'agit cependant d'un solde dépendant
du montant du produit de la contribution sur les organismes
complémentaires, qui ne pourra dépasser 1,8 milliard de
francs. Cependant, si ceux-ci prennent en charge 1,2 million des
6 millions de bénéficiaires attendus de la CMU, cette
contribution ne rapportera rien, et l'Etat devra prendre en charge
l'intégralité des dépenses du fonds, c'est-à-dire
des dépenses supportées par l'assurance maladie au titre de la
couverture complémentaire.
De plus, le Gouvernement prévoit une diminution des interventions de
l'Etat au titre de l'aide médicale de 400 millions de francs alors
qu'il étend le champ de sa protection à des publics jusque
là couverts par l'intervention des départements.
Enfin, seule donnée stable, l'Etat devra verser des subventions
compensatrices aux régimes spéciaux pour 260 millions de francs.
Couverture maladie universelle : conséquences financières pour l'Etat
Recettes (ou moindres dépenses) |
Milliards de francs |
Dépenses (ou moindres recettes) |
Milliards de francs |
Diminution du coût de l'aide médicale Etat |
0,40 |
Subvention au fonds de financement |
7,20 |
Diminution de dotation générale de décentralisation |
|
Affectation d'une fraction des droits de consommation sur le tabac à la CNAMTS |
|
|
|
Augmentation des subventions aux régimes d'assurance maladie |
|
Total |
9,19 |
Total |
10,90 |
|
|
Solde |
- 1,71 |
Source : étude d'impact
Au total, l'évaluation de 1,71 milliard de francs du coût de
la CMU apparaît comme un minimum difficilement compatible avec la logique
partenariale inscrite dans le projet de loi. Il est probable que l'Etat devra
dépenser davantage que les 9 milliards prévus pour le fonds
puisqu'il devra prendre en charge tout dépassement des 1.500 F par
bénéficiaire, dès lors qu'il rembourse au franc le franc
les dépenses de la CNAMTS pour la couverture
complémentaire.
c) Pour les collectivités locales
Pour les
départements, le solde apparemment positif cache des
inégalités fortes et devrait être négatif pour
plusieurs collectivités. La recentralisation de l'aide médicale
se traduit par une perte de dotation globale de décentralisation de
8,69 milliards de francs. Les 5 % restants des sommes actuellement
engagées pour l'aide médicale, soit 455 millions de francs,
sont censés représenter ce que les départements versaient
indûment, à la place notamment des caisses d'allocations
familiales (pour des raisons de complexité dans l'accession aux droits,
notamment au titre du RMI).
Ce solde positif est cependant à relativiser, en considérant que
la première année de mise en place du système, les
dépenses correspondantes ne disparaîtront pas complètement.
Il faudra gérer une difficile transition. Les départements ayant
un régime d'accès à l'aide médicale
supérieur au seuil de 3.500 F prévus par le Gouvernement
seront donc confrontés à une demande de la part de personnes
exclues de la couverture maladie universelle mais auparavant aidées. Les
5 % laissés par le Gouvernement à tous les
départements ne couvrent pas les sommes versées pour ces
personnes au dessus du plafond prévu par le projet de loi.
Par ailleurs les admissions en non-valeurs (factures impayées de
personnes relevant de l'aide médicale mais n'ayant effectué
aucune démarche préalable) de l'actuel système se
révélant avec plusieurs mois de retard, les départements
auront à les honorer alors que la dotation globale de
décentralisation ne leur sera plus versée.
Enfin, les expériences actuelles de carte de tiers payant
départementales, comme Paris santé montrent qu'un public nombreux
échappe encore aux formules préventives ayant
précédé et inspiré la couverture maladie
universelle. Il faudra bien trouver pour eux des financements.
Les communes supporteront elles aussi toujours l'accueil des plus
démunis ne trouvant pas leur place dans le système.
d) Pour les organismes de protection sociale complémentaires
Ils
supporteront la première année un coût minimal de
1,8 milliard de francs au titre de la contribution de 1,75 %. Ils
subiront également deux effets inflationnistes la première
année : d'une part, l'effet de rattrapage de la consommation de
soins, observé dans les expériences de type Paris
santé ; d'autre part, les coûts de mise en place du
dispositif.
Au total ce projet de loi n'est neutre financièrement la première
année pour aucun des acteurs de la protection sociale, contrairement
à ce que prétend le Gouvernement. Il a un coût total
important (plus de 18,6 milliards de francs), un coût additionnel
net élevé (au moins 4,5 milliards de francs) et un coût
futur destiné à augmenter.
3. Le contexte actuel des finances sociales ne dégage aucune marge de manoeuvre
a) Les déficits des régimes sociaux et les difficultés persistantes de l'assurance maladie
(1) Les régimes sociaux connaissent des déficits persistants
L'évolution du solde des dépenses du régime général, toutes branches confondues, montre que malgré la tendance à la baisse, amorcée depuis 1995, le déficit persiste à un niveau élevé :
Solde de l'exercice (variation du fonds de roulement)
(en milliards de francs)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Maladie |
- 6,3 |
- 27,3 |
- 31,5 |
- 39,7 |
- 36,0 |
- 14,4 |
Accidents du travail |
2,1 |
- 0,3 |
- 0,1 |
1,1 |
0,2 |
0,3 |
Vieillesse |
- 17,9 |
- 39,5 |
- 12,8 |
10,2 |
- 7,8 |
- 5,2 |
Famille |
6,8 |
10,7 |
- 10,4 |
- 38,9 |
- 9,6 |
- 14,0 |
Total régime général |
- 15,3 |
- 56,4 |
- 54,8 |
- 67,3 |
- 53,2 |
- 33,3 |
Source : rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale de septembre 1998
Solde de trésorerie de l'ACOSS
|
Solde
au 31 décembre
|
1993 |
- 51,09 |
1994 |
- 62,8 |
1995 |
- 62,65 |
1996 |
- 55 |
1997 |
- 33,47 |
1998 |
- 22,7 |
Source : ACOSS
Même si le déficit devait se réduire avec les comptes de
1998, il demeurera. Le solde de trésorerie de l'ACOSS présente
ainsi, avant même l'arrêté des comptes, un solde
négatif de plus de 15,3 milliards de francs au lieu de 13,3
milliards de francs prévus dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Cette situation intervient pourtant dans un contexte favorable : la
croissance a atteint 3,1 % en 1998. La principale source de ce
dérapage du maintien du déficit à l'encontre des annonces
du Gouvernement alors que les ressources ont été
supérieures aux prévisions, provient du déficit non
maîtrisé de l'assurance maladie.
(2) L'assurance maladie en perdition
L'assurance maladie voit son déficit pour 1998 augmenter
fortement pour atteindre plus de 20 milliards de francs au lieu de
8,5 milliards de prévu. Cette vive progression a deux
origines : l'une, technique, vient de l'achèvement du changement de
comptabilité qui a entraîné un manque à gagner de
5 milliards de francs ; l'autre, plus grave, est à mettre au
débit d'une augmentation des dépenses de santé de
8,5 milliards de francs par rapport aux prévisions.
La tendance pour 1999 montre quant à elle une aggravation de la
situation de l'assurance maladie. En mars 1999, les dépenses d'assurance
maladie du régime général ont augmenté de
0,5 % par rapport au mois précédent et de 3,2 % par
rapport au mois de mars 1998. Au total, la hausse au premier trimestre 1999 par
rapport au premier trimestre 1999 s'élève à 3,8 %.
Hors hospitalisation, cette augmentation atteint 0,6 % sur un mois et
4,2 % sur un an.
Prestations versées par la Caisse nationale
d'assurance
maladie
des travailleurs salariés
|
Prestations versées
|
Évolution
|
1993 |
400,913 |
|
1994 |
413,864 |
+ 3,23 % |
1995 |
433,382 |
+ 4,71 % |
1996 |
447,682 |
+ 3,29 % |
1997 |
458,567 |
+ 2,43 % |
1998 |
478,098 |
+ 4,26 % |
3 premiers mois 1999 |
116,762 |
+ 3,8 %* |
* par
rapport aux 3 premiers mois de 1998.
Source : CNAMTS
Au total, les dépenses de l'assurance maladie continuent leur hausse
inexorable :
Évolution des dépenses de la CNAMTS au 31 mars 1999
|
1
er
trimestre 1999
/
|
Dépenses d'assurance maladie |
+ 3,8 % |
Soins de ville |
+ 5,4 % |
Médecins libéraux |
+ 5 % |
Généralistes |
+ 5,8 % |
Spécialistes |
+ 2,1 % |
Dentistes |
+ 0,5 % |
Laboratoires |
+ 3,9 % |
Infirmiers libéraux |
+ 5,1 % |
Masseurs - kinésithérapeutes |
+ 7,3 % |
Orthophonistes |
+ 8,2 % |
Orthoptistes |
+ 2,5 % |
Source : CNAMTS
Une partie de la raison de ce dérapage provient de la disparition des
principaux mécanismes de régulation des dépenses
instaurés par les ordonnances de 1996 suite aux annulations d'un certain
nombre de dispositions par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.
Ainsi, l'ONDAM, dont les prévisions sont déjà
passées de + 1,7 % pour 1997 à + 2,8 % pour 1999 (par
rapport à des dépenses prévues largement
inférieures aux réalisations), ne peut il être
respecté.
La question du financement de ces déficits reste posée. Les
transferts déjà opérés à la CADES de la
dette cumulée des régime sociaux se sont élevés
à 137 milliards de francs en 1995 et à 87 milliards de francs en
1997. Il paraît aujourd'hui dangereux d'envisager de nouveaux transferts
qui se traduiront nécessairement par une hausse des
prélèvements actuels ou futurs. De même, la voie de
l'augmentation des cotisations est exclue. Seule une maîtrise
réelle des dépenses permettra de contenir l'évolution du
déficit et d'éviter de reporter sur les générations
futures le coût de la négligence des générations
actuelles.
b) Les tensions budgétaires actuelles rendent délicate toute hausse de la participation de l'Etat
(1) Un contexte budgétaire toujours contraint
L'amélioration progressive des finances publiques,
visible
dans la réduction de 28 milliards de francs du besoin de
financement de l'Etat et dans la baisse de la part des dépenses
publiques dans le PIB, ne doit pas cacher une situation toujours
préoccupante laissant peu de marges de manoeuvres pour un
relâchement des efforts budgétaires, notamment pour une
augmentation des dépenses de l'Etat. Il convient de noter qu'une bonne
partie de ces résultats positifs s'observent grâce au changement
de base de calcul de la comptabilité nationale (du SEC 79 au SEC 95).
Ainsi, l'amélioration résulte davantage d'une hausse des recettes
que d'une diminution des dépenses. Ainsi les dépenses de l'Etat
ont augmenté de 27,3 milliards de francs en 1998, celles de
rémunération des fonctionnaires progressant de 3 %. Le
budget de l'Etat ne dégage toujours pas de solde primaire positif (-
19,5 milliards de francs en 1998). Par ailleurs, le taux de
prélèvements obligatoires a progressé et continuera de le
faire après l'adoption de ce projet de loi suite à l'instauration
de la nouvelle contribution de 1,75 %. La dette publique a continué
à croître en 1998.
Le contexte budgétaire actuel ne laisse donc pas la place à une
augmentation des dépenses de l'Etat, alors même que la couverture
maladie universelle devrait en susciter une.
(2) L'Etat est la variable d'ajustement du financement du volet complémentaire de la couverture maladie universelle
L'Etat
supporte plus du tiers du coût initial du projet, et l'essentiel de ses
incertitudes financières.
En effet, le projet de loi prévoit une augmentation des dépenses
budgétaires correspondant à la subvention de l'Etat au fonds
complémentaire, de 1,7 milliards de francs.
De plus, imputé sur le budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité le coût des dérives que pourraient
occasionner :
• les dépenses de la CNAMTS au titre de la couverture
complémentaire supérieures au forfait estimé à
1.500 F par bénéficiaire et par an ;
• les extensions futures de cette prestation, qui apparaît comme un
nouveau minimum social ;
• les dépassements de crédits au titre de l'aide
médicale de l'Etat, aujourd'hui de 807 millions de francs et
ramenés à 400 millions de francs après la mise en
oeuvre du projet de loi. Or, s'il retire de la charge de l'Etat la prise en
charge de certaines cotisations d'assurance personnelle, le texte adopté
par l'Assemblée nationale lui laisse les étrangers
résidents en situation irrégulière et les non
résidents confrontés à des situations exceptionnelles. Ces
dépenses devraient augmenter du fait de la multiplication des situations
particulières (sans-abri non hébergés par une association,
gens du voyage non sédentarisés, etc.).
Dans le contexte budgétaire actuel, il paraît difficilement
envisageable pour l'Etat d'augmenter ses dépenses. Votre commission des
finances sera donc particulièrement attentive lors de l'examen de la
prochaine loi de finances à l'évolution du budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité, pour veiller à
ce que les dépenses supplémentaires soient adossées sur
des économies réalisées au sein du même
département ministériel.
Le financement de la couverture maladie universelle : étude comparative en Europe
Le
service des affaires européenne du Sénat a comparé le
projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle avec
les mécanismes existant dans sept pays : Allemagne, Danemark,
Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. Il a pour cela retenu
trois critères :
• affiliation obligatoire de tous les résidents réguliers
sur le territoire à un régime de base de sécurité
sociale ;
• bénéfice d'une protection complémentaire
étendue (incluant forfait journalier, prothèses dentaires et
frais d'optique) pour les personnes les plus démunies ;
• dispense de l'avance de frais.
Cette étude révèle que, mis à part l'Allemagne,
tous les pays possèdent un mécanisme équivalent, mais que
en général les prestations minimales garanties à
l'ensemble de la population sont limitées aux soins ambulatoires et aux
frais d'hospitalisation, tandis que les médicaments, les
prothèses dentaires et les frais d'optique restent au moins
partiellement à la charge des patients.
Quant au financement, les différences sont nombreuses :
• Au Danemark : impôt et participation partielle des
patients ;
• En Espagne : régime général et participation
très partielle des patients ;
• Aux Pays-Bas : impôt et cotisations sociales ;
• Au Royaume-Uni : impôt et participation partielle des
patients ;
• En Suède : régime général et redevance
proportionnelle aux revenus des patients ;
• En Suisse : primes forfaitaires des patients, participation aux
frais et subventions cantonales.
Source : service des affaires européennes du
Sénat
C. LA DYNAMIQUE INFLATIONNISTE DU FINANCEMENT DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
1. Le mécanisme de financement repose sur des hypothèses contestables
a) Une sous-évaluation manifeste : les dépenses
(1) Pour la couverture de base
Les
dépenses assumées au titre de la couverture de base par
l'assurance maladie risquent de connaître une forte hausse en raison,
justement, de l'intégration dans le système de protection sociale
de 150.000 personnes qui en étaient exclues. Il convient d'abord de
noter que cette hypothèse de 150.000 correspond au bas d'une fourchette,
qui pourrait aller jusqu'à près de 250.000 personnes. Or le
projet de loi prévoit seulement 600 millions de francs au titre de
l'extension du champ de la protection, soit 4.000 F par an et par
assuré. Cette évaluation paraît comme nettement
sous-estimée.
En effet, aujourd'hui, le régime de l'assurance personnelle rembourse en
moyenne 9.400 F par assuré au titre des soins (cette hypothèse
considère que les hôpitaux fonctionnent à moyens
constants). Rien ne permet de considérer que cette dépense sera
inférieure pour les nouveaux assurés (les projections
financières ne prévoient ainsi pas de diminution du montant des
dépenses de l'ancien régime de l'assurance personnelle
après sa disparition). Rien ne justifie donc la somme de 4.000 F par
nouvel assuré, sinon la volonté pour le Gouvernement d'afficher
un coût minimal pour l'assurance maladie.
On peut alors penser que le projet de loi sous-estime d'au moins
810 millions de francs le montant des dépenses qu'aura à
supporter l'assurance maladie au titre la couverture de base.
(2) L'estimation de 1.500 F par an et par bénéficiaire
De plus,
au titre de la couverture complémentaire, l'estimation de 1.500 F
de dépenses par assuré et par an repose sur une base de calcul
déjà ancienne et ne prend pas en compte la disparité des
prestations délivrées par les régimes de base. En effet,
l'évaluation a été réalisée sur la base de
plusieurs hypothèses, que le projet de loi ne retient pas alors qu'il en
conserve le résultat.
• Le calcul a été réalisé sur des
dépenses réalisées en 1995. Or, depuis, les
dépenses d'assurance maladie ont augmenté de plus de 15 % et
l'estimation devrait donc se voir affecter le même coefficient
multiplicateur, soit un total de 1.725 F et un coût total porté de
10,2 milliards de francs pour 6 millions de
bénéficiaires de la couverture complémentaire ;
• Le calcul a été fait pour des prestations strictement
définies, notamment quant au forfait journalier et quant aux soins
dentaires et optiques. Or, le projet de loi renvoie à un décret
la composition, aujourd'hui non connue, du panier de biens et services alors
qu'il en fixe d'emblée la valeur théorique (1.500 F) et que
le Gouvernement a annoncé que le forfait journalier ne serait pas
plafonné ;
Répartition du montant de 1500 F par assuré et par an
|
Dépenses annuelles (en F) |
Ticket modérateur |
970 |
Forfait hospitalier |
100 |
Autres dépenses dont prothèses dentaires et lunettes |
430 |
Total |
1500 |
source : CNAMTS
•
Le calcul ne prend pas en compte les frais de gestion ; le projet de loi
les alourdit cependant par la mise en place d'un nouveau système de
transmission entre les organismes complémentaires parties prenantes au
volet complémentaire de la couverture maladie universelle et la CNAMTS.
Par ailleurs, la couverture complémentaire est un différentiel
entre les prestations versées par le régime de base auquel
l'assuré est affilié et les dépenses de ce dernier, sous
un plafond déterminé par le régime auquel il appartient.
Dans le cas de la couverture maladie universelle, sous réserve d'accord
sur le contenu des prestations par le biais de références et de
conventions, les régimes complémentaires (CNAMTS, mutuelles,
assurances, etc.) prendront donc en charge les dépenses au dessus du
plafond de remboursement des régimes de base, à savoir
principalement CNAMTS, MSA et CANAM. Or ces deux derniers ont un remboursement
moyen plus défavorable à l'assuré, qui lui laisse à
sa charge de 500 à 1.000 F de plus par an, selon les estimations. Cela
signifie que pour chaque bénéficiaire de la couverture maladie
universelle assuré auprès de ces deux organismes pour sa
couverture de base, l'organisme complémentaire aura des dépenses
de 2.000 à 2.500 F en moyenne par an au lieu des 1.500 F annoncés
par le Gouvernement et remboursés aux mutuelles et
sociétés d'assurance. Soit l'évaluation de 1.500 F
devra être majorée, soit elle se traduira par un reste à
charge pour l'assuré.
Ne faisant pas le choix d'une véritable assurance maladie universelle
s'orientant vers l'harmonisation des prestations, la couverture maladie
universelle devrait donc susciter des dépenses différentielles
bien supérieures à celles annoncées, qui pèseront
sur les finances de l'Etat.
(3) Les seuils de revenus
Le
projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire la fixation du
barème des revenus, mais le Gouvernement a annoncé son intention
de le fixer à 3.500 F pour une personne seule, soit en dessous des
minima sociaux comme le minimum vieillesse ou l'allocation pour adulte
handicapé (aujourd'hui à 3.540,41 F par mois pour une personne
seule). Ce barème prévisionnel permet de déterminer le
champ théorique du projet de loi : 6 millions de personnes.
Cependant, dans l'avenir, ces seuils seront amenés à
évoluer. S'ils le font comme les minima sociaux, l'écart restera
constant, le nombre relatif de bénéficiaires aussi. Cependant, la
couverture maladie universelle va apparaître comme un nouveau minimum
social et il est à craindre que dans l'avenir les pressions soient
fortes pour y inclure de nouvelles catégories de personnes aujourd'hui
exclues. Votre commission des finances veillera à ce que toute extension
du champ de la couverture maladie universelle implique une révision de
l'économie générale du système.
En définitive, les estimations moyennes paraissent
sous-évaluées et dépendantes de la capacité des
acteurs à définir des paniers de soins aux coûts
maîtrisés.
b) Une inconnue de taille : le contenu des prestations
Les
dépenses réelles dépendront à la fois du
comportement des bénéficiaires de la couverture maladie
universelle et des tarifs pratiqués par les professionnels de
santé.
Les comportements de santé des futurs bénéficiaires de la
couverture maladie universelle devraient présenter une consommation de
soins inférieure à celle de la moyenne nationale. Il convient de
nuancer cette hypothèse de plusieurs façons. La part des moins de
trente ans dans les bénéficiaires de la couverture maladie
universelle devrait s'élever à 60 %. Or ce sont
essentiellement eux qui consomment le moins. Les 40 % restant devraient
avoir un profil de consommation plus proche de moyenne nationale.
Ensuite, il y a un risque de voir devenir éligible à la
couverture maladie universelle un certain nombre de personnes
âgées, principalement affiliée à la mutualité
sociale agricole pour leur couverture de base, qui, elles, ont davantage de
besoins et sont donc fortement consommatrices.
Enfin, si l'expérience des cartes de santé menées dans
plusieurs départements ne montre pas de très forte augmentation
de la consommation de soins une fois passée l'installation du
système, il reste difficile de laisser de côté
l'hypothèse d'un alignement progressif sur la consommation moyenne comme
le montre l'exemple parisien :
Écart de consommation de soins
entre le titulaire
de la
carte Paris-santé et un assuré social parisien
Date de l'enquête |
Écart constaté du montant moyen des dépenses remboursées |
avril 1991 |
- 37,9 % |
octobre 1993 |
- 15,2 % |
octobre 1995 |
- 11,5 % |
Source : département de Paris
Le contenu de l'offre de soins aura aussi une grande influence sur le
coût réel du projet. L'article L. 861-3 du code de la
sécurité sociale, introduit par l'article 20 du projet de loi,
énumère ces prestations. Le bénéficiaire aura droit
à la prise ne charge intégrale et sans avance de frais :
" 1° De la participation de l'assuré aux tarifs de
responsabilité des organismes de sécurité sociale pour les
prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
" 2° Du forfait journalier prévu à l'article L.
174-4 ;
" 3° Des frais exposés, en sus des tarifs de
responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou
d'orthopédie dento-faciale et pour les dispositifs médicaux
à usage individuel admis au remboursement, dans des limites
fixées par arrêté interministériel. "
Ces prestations et notamment l'absence de plafonnement du forfait journalier
offriront au bénéficiaire de la couverture maladie universelle
une protection plus large que la plupart des contrats individuels. Les pouvoirs
publics mettent à juste titre l'accent sur les soins dentaires et
optiques qui sont ceux pour lesquels le renoncement financier aux soins est le
plus fréquent. Il s'agit néanmoins de soins coûteux qui
rapidement font s'approcher du plafond de 1.500 F par an de dépenses
complémentaires.
Ceci justifie que le projet de loi contienne certaines mesures tendant à
limiter les tarifs de certaines professions médicales :
• Les médecins généralistes et spécialistes
conventionnés des secteurs I et II ne pourront pas pratiquer de
dépassement de tarif d'honoraires, de rémunérations et de
tout frais pour les patients bénéficiaires de la CMU, sauf cas
" d'exigence particulière du patient "
(article 22
du projet de loi) ;
• Le prix des dispositifs médicaux à usage individuel pourra
faire l'objet d'accord entre les organismes d'assurance maladie, les organismes
complémentaires et les distributeurs et fabricants (article 23 du projet
de loi). Ces accords pourront prévoir des prix maximum au plan national
ou régional et des mécanismes de dispenses d'avances de
frais ; un tel système se veut le plus large possible (tout
pharmacien ou opticien pourra en conclure un par exemple) mais risque
d'engendrer de fortes disparités géographiques. Les accords
prévoiront des dispositions particulières pour les
bénéficiaires de la couverture maladie universelle pour certains
produits spécifiques dont un arrêté ministériel fixe
le plafond de remboursement. Le projet de loi prévoit que faute d'accord
l'Etat pourra se substituer aux parties et fixer par arrêté des
plafonds de coût ;
• Les prix des soins dentaires, prothétiques ou d'orthopédie
dento-faciale, les tarifs, honoraires et frais peuvent être
plafonnés par convention, faute de laquelle l'Etat fixera lui-même
le maximum du remboursement (article 24 du projet de loi).
Ainsi, au-delà de la couverture maladie universelle, le projet de loi
ouvre la voie à une série d'accords permettant aux organismes
d'assurance maladie et aux organismes complémentaires de négocier
des tarifs avantageux. Il convient néanmoins de noter que l'Etat, faute
d'accords, se réserve le recours aux mécanismes du contrôle
des prix.
Le projet de loi prévoit donc un panier de prestations
déterminé par les organismes en charge de la protection
complémentaire et au prix négocié avec les professionnels
sous la menace de l'intervention étatique. Sa réussite requiert
donc un large partenariat.
c) Un pari : l'implication de tous les acteurs de la protection sociale
Le
financement du projet repose également sur une forte implication des
organismes complémentaires dans la prise en charge du volet
complémentaire de la couverture maladie universelle. En effet, ils
subiront en tout état de cause un prélèvement nouveau de
1,8 milliard de francs la première année. Ce montant
constitue l'effort qu'ils consentent à la protection des plus
démunis. Il s'agit pour certains d'entre eux d'un effort
déjà ancien. La mutualité a inscrit dans ses quatre
valeurs fondatrices (au côté de la liberté, de la
démocratie et de la responsabilité) la solidarité :
" La solidarité est le socle de la mutualité.
Considérant que la santé des individus n'est pas un commerce, le
mouvement mutualiste refuse les discriminations financières et la
sélection des risques "
4(
*
)
. Bien
entendu, la mutualité sociale agricole s'inscrit dans le même
mouvement. Cependant cette participation financière peut prendre deux
formes qui déterminent le coût réel pour l'Etat du projet
de loi.
• Soit les organismes de protection sociale décident de prendre
part au système et offrent des produits aux bénéficiaires
de la couverture maladie universelle ; ils risquent alors d'avoir des
dépenses supérieures aux 1,8 milliard de francs, en tout cas
fonction du nombre d'assurés qu'ils prendront en charge, de leur
comportement de dépenses et des accords de limitation des coûts
souscrits avec les professions de santé ;
• Soit ils se contentent de verser leur contribution de 1,75 % sans
prendre part au système et l'Etat doit assumer seul l'ensemble des
surcoûts du système.
Par ailleurs, la réussite de la maîtrise financière repose
également sur les professions de santé et les engagements
qu'elles prendront de limiter leurs tarifs.
La décision de l'Etat de prendre en charge au franc le franc les
dépenses complémentaires supportées par l'assurance
maladie montre bien les risques de dérive financière du
système. L'assurance maladie ne pourrait en effet prendre en charge
l'ensemble des surcoûts attendus du régime. Ces risques
pèsent donc naturellement sur l'Etat et son budget.
2. L'absence de mécanismes de régulation d'un système complexe
a) Guichet ouvert et tiers-payant empêchent toute régulation de la demande
La
couverture maladie universelle est bâtie sur le double principe de
l'absence de condition mise à l'ouverture de droits et sur le
tiers-payant évitant au patient de faire l'avance de frais. Ces deux
caractéristiques empêchent donc toute régulation de la
demande qui ne supporte aucun coût (prise en charge complète) et
bénéficie d'un droit automatique.
En effet, la question de la gratuité des soins peut s'aborder par la
celle plus générale de l'opportunité d'une participation
financière de l'assuré, qu'il s'agisse d'un droit d'entrée
dans le système ou bien d'une prise en charge résiduelle à
chaque occasion de dépense.
Le débat de la participation financière des assurés sous
la forme d'une cotisation forfaitaire ou fonction du revenu en rejoint de
nombreux autres. Comment atténuer l'effet de seuil introduit par le
barème ? Comment matérialiser l'acte d'adhésion
à la mutuelle, condition
sine qua non
de l'affiliation dans un
organisme mutualiste ? Comment à l'inverse prévoir une
contribution qui ne soit pas symbolique ? Et si le montant est très
faible, à quel niveau néanmoins le fixer pour éviter que
son coût de recouvrement ne dépasse les recettes attendues ?
On peut constater qu'aujourd'hui pour les ressortissants de l'assurance
personnelle dont les cotisations sont prises en charge par un tiers (Etat,
département, etc.) il n'existe aucune participation financière
pour le bénéfice du régime de base.
La question du tiers-payant est tout aussi délicate. Il paraît
légitime de préférer un système où la
Sécurité sociale, les mutuelles et les compagnies d'assurances
paient directement et elles-mêmes les prestataires de soins : il ne
faudrait pas générer une nouvelle exclusion financière de
soins pour cause d'impossibilité de faire l'avance des frais. Il
apparaît pourtant qu'un tel mécanisme pourrait se
révéler inflationniste. Cependant, revenir sur ce point pourrait
se révéler une solution moins satisfaisante: pour que la
participation financière des assurés diminue vraiment leur
consommation de soins, il faut que cette participation soit significative, non
réassurable, et non exigée en cas d'urgence. Il paraît
impossible de les réunir dans le cas de la couverture maladie
universelle ce qui justifie le maintien du tiers-payant mais oblige à
constater l'absence de tout mécanisme de régulation de la
demande. Seul le système de médecin référent
permettrait de la contrôler dans une certaine mesure
5(
*
)
.
Enfin, la couverture maladie universelle apparaît comme un
mécanisme déresponsabilisant. Elle remet ainsi en cause le
premier principe de la Sécurité sociale qu'est l'ouverture de
droit. Elle instaure un système où le bénéficiaire
n'est jamais mis face à ses responsabilités de consommateur de
soins. Le projet de loi ne propose aucune cotisation pour l'adhésion
à une mutuelle. Il ne propose aucun forfait, même symbolique, pour
l'ouverture des droits. Il n'instaure aucune prime d'assurance.
Votre commission des finances n'ignore pas les difficultés pratiques
suscitées par la création d'une cotisation minimale symbolique
pour la couverture de base. Elle remarque cependant que s'agissant de la
protection complémentaire il aurait été possible de la
mettre en place lors de la signature du contrat de couverture
complémentaire, qu'il soit souscrit auprès de la CNAMTS, d'une
mutuelle ou d'une assurance.
b) Les difficultés pratiques de la mise en place
Les
modalités pratiques de mise en place de la couverture maladie
universelle laissent douter de la capacité des différents acteurs
à être prêts pour le 1
er
janvier 2000, date
inscrite dans le projet de loi pour son entrée en vigueur.
Cette entrée en vigueur suppose néanmoins l'adoption de mesures
législatives pour mettre en place la " tuyauterie " de la
couverture de base, dans le cadre de la loi de financement de la
sécurité sociale de 2000 et la loi de finances de 2000. Elle
suppose également l'adoption de mesures réglementaires
nombreuses, à commencer par la définition du contenu du panier de
biens et services alloué au bénéficiaire de la couverture
maladie universelle. Beaucoup ne pourront être prises avant l'adoption de
deux projets de loi.
Le CNAMTS va jouer un rôle de pivot du système. En effet, elle
aura à assumer la charge supplémentaire liée à
l'affiliation nouvelle des 150.000 personnes exclues de l'assurance de
base. A cela s'ajoutera surtout le traitement des dossiers pour la couverture
complémentaire.
Les mesures nécessaires à la mise en place de la couverture
maladie universelle...
La CNAMTS a déjà réfléchi aux mesures qu'elle
allait devoir mettre en oeuvre pour la couverture maladie universelle. Elle les
liste ainsi :
•
" développement de l'accueil de cette nouvelle
population venant demander à bénéficier de la couverture
de base et principalement de la couverture complémentaire ;
• analyse des déclarations de ressources à partir d'un
formulaire national déclaratif dans le cadre d'une organisation du
travail aménagée pour faire face à une très
importante charge de travail supplémentaire qui devra être
répartie entre les services centraux, les centres de paiement et les
centres d'accueil ;
• mise en place de relations nouvelles avec les complémentaires
pour l'échange d'informations sur le choix d'adhésion fait par
les bénéficiaires et mise en place de circuits comptables et
financiers pour permettre les procédures de règlement des
professionnels de santé, dans le cadre du tiers payant ;
• campagnes de communication vers les bénéficiaires
potentiels, les professionnels de santé, et associations ou autres
organismes au contact des populations concernées ;
• renforcement de la coordination au niveau local avec les autres
partenaires intervenant dans le domaine de la précarité ;
• développement des liaisons informatiques notamment avec les CAF
pour les échanges d'information concernant les allocataires et notamment
les bénéficiaires du RMI. "
... et les délais
" Le calendrier est excessivement contraint pour la
CNAMTS
surtout dans le contexte du passage à l'an 2000 :
Nombreuses modifications sur les chaînes informatiques pour prise en
compte des ressources, gestion de dispositifs élargis de tiers-payant et
mise en place de contrôles informatisés des ressources.
Formation d'agents chargés d'assurer les contacts et de traiter les
dossiers d'une population beaucoup plus importante que celle des assurés
personnels et des bénéficiaires de l'aide médicale
gratuite.
Mise en place d'un système de saisie allégé des
déclarations de ressources.
Risque d'afflux de demandes dès la fin de l'année 1999.
L'attention du Ministère a été attirée à
plusieurs reprises sur ce sujet.
Pour faciliter cette mise en oeuvre, plusieurs mesures sont
indispensables :
Ouverture des droits des assurés personnels en juillet 1999 jusqu'au
30 juin 2000 sans nouvel appel de déclarations de ressources en
décembre pour le calcul de la nouvelle cotisation. Les caisses
effectueront l'appel de cette nouvelle cotisation éventuelle à
partir des déclarations de ressources fournies en juin 1999 et pourront
donc anticiper cette opération.
Pour les bénéficiaires de l'aide médicale actuels
prolongation des droits acquis pour un an jusqu'au 30 juin 2000. Le projet
de loi prévoit actuellement le 31 mars mas le Cabinet du MES nous a
fait part de son accord de principe pour reporter cette date au 30 juin.
Ce délai supplémentaire laissé aux CPAM rendrait de plus
cohérente la périodicité d'analyse des ressources pour la
couverture de base et la complémentaire.
Développement des relations avec les CAF qui transmettront aux CPAM des
informations régulières sur les nouveaux Rmistes, 30.000 par mois
environ rentrant dans le dispositif automatiquement et sur la totalité
de la population de bénéficiaires du RMI une fois dans
l'année pour la prolongation du droit sur 1 ans, sans
déclaration de ressources.
Pour faciliter la déclaration des différentes allocations
perçues par les allocataires, les CAF pourraient leur adresser un
relevé annuel des prestations prévues. "
source : CNAMTS
Elle
devra instruire chacun des 6 millions de dossiers pour ouvrir le droit
à la couverture maladie universelle. Or les caisses primaires
d'assurance maladie aujourd'hui ne distribuent aucune prestation sous condition
de ressources. A la différence des caisses d'allocations familiales,
elles n'ont donc ni les outils techniques ni la compétence pour assurer
ce contrôle des revenus. Elles devront donc mettre en oeuvre des
protocoles techniques de transfert des fichiers depuis les caisses
d'allocations familiales et les services d'aide sociale des
départements. Cela suppose notamment des outils informatiques difficiles
à développer alors que les caisses doivent faire face au passage
à l'an 2000. Par ailleurs, elles auront besoin de personnel
supplémentaire pour assurer ce travail. Afin de ne susciter aucun
coût de gestion complémentaire, les caisses devraient reconvertir
les personnels libérés du traitement manuel des feuilles de soins
par la mise en place de la carte Sésam Vitale 1, que seulement
2,4 % des médecins utilisaient début mai 1999 (2.847 sur les
120.000 visés). La couverture maladie universelle supposera donc des
efforts de productivité des caisses qui en tout état de cause ne
pourront pas invoquer cette raison pour procéder à des embauches
supplémentaires.
Enfin, la carte Sésam Vitale 1 actuellement distribuée
pourra-t-elle accueillir les informations relatives à une couverture
complémentaire ? Il semblerait que non : sa puce n'aurait
déjà pas suffisamment de mémoire pour traiter les cas des
médecins cumulant plusieurs activités. Plus puissante, la carte
Sésam Vitale 2 ne sera pas disponible avant deux ans. Il faudra ainsi
mettre en oeuvre un mécanisme transitoire nécessairement
coûteux.
Les organismes complémentaires devront également définir
le contenu de leur offre complémentaire et mettre en place les outils
informatiques nécessaires à la gestion de leurs nouvelles
relations avec la CNAMTS et les professions de santé.
Le problème de la mise en place n'emporte pas que des
conséquences techniques. Elle a un coût financier certain :
pour les collectivités locales qui continueront à accueillir les
futurs bénéficiaires de la couverture maladie universelle ;
pour les organismes complémentaires ; pour la CNAMTS ; pour
l'Etat car si l'assurance maladie n'est pas en mesure de correctement
vérifier les seuils de revenus, le coût des fraudes et
inexactitudes sera supporté par lui.
c) Les rapports ambigus entre la couverture maladie universelle et l'ONDAM
La
couverture maladie universelle va susciter une augmentation de la demande de
soins. Elle est estimée dans le projet de loi aux 4,5 milliards de
francs nouvellement introduits dans le système de santé. On peut
y ajouter le coût du rattrapage, qui pourrait également se
révéler important, et celui des sous-estimations du Gouvernement.
Il apparaît indispensable que cette nouvelle dépense se fonde au
sein de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance
maladie (ONDAM), tel qu'il résultera de l'adoption de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000. L'évolution
du déficit de l'assurance maladie en 1998 contraint, pour assurer le
respect de l'enveloppe fixée par loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, à ne pas augmenter les
dépenses totales d'assurance maladie de plus de 1,1 %. Pour
l'année 2000, il sera donc difficile d'ajouter des dépenses
supplémentaires à une enveloppe source, déjà, de
déficits.
Il ne faudrait pas que la couverture maladie universelle soit invoquée
pour justifier une augmentation de l'ONDAM supérieure à
l'évolution du niveau général des prix. Elle exige un
effort partagé entre tous les acteurs de la protection sociale, et cette
solidarité doit pouvoir s'exercer au niveau des prix, faute de quoi elle
se fera par le biais d'inévitables prélèvements nouveaux.
Les professions de santé contribueront aussi à l'effort de
solidarité nationale que constitue de projet de loi.
En tout état de cause, si une enveloppe supplémentaire
était réclamée, il ne faudrait pas que cette hausse
dépasse les 4,5 milliards de francs supplémentaires
introduits dans le système de santé. Votre commission des
finances veillera avec une attention toute particulière à cette
articulation entre la couverture maladie universelle et l'ONDAM dans le cadre
de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, car
elle détermine en partie l'avenir du financement du système
proposé.
3. L'incertitude forte du financement futur
a) Les limites du financement prévu par le projet de loi
Le
projet de loi s'arrête au financement de la première année
de mise en place de la couverture maladie universelle. Il instaure, par le
biais d'une mécanique compliquée et qu'il faudra mettre en place
lors des prochaines loi de financement de la sécurité sociale et
loi de finances, un financement statique du dispositif.
Ce dernier est réparti entre les acteurs intermédiaires du
système de santé. Les organismes d'assurance maladie, les
organismes de protection sociale complémentaire, les
collectivités locales, les professions de santé, l'Etat sont mis
à contribution pour financer cet effort légitime de
solidarité nationale.
Cependant, tous les détails du projet de loi indiquent que les besoins
de financements devraient fortement augmenter. L'expérience du
passé montre comment tous les minima sociaux ont vu leurs
dépenses augmenter bien plus fortement que prévu lors de la mise
en place des mesures. Il n'est qu'à voir l'évolution des
dépenses du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation pour
adulte handicapé (AAH) :
Crédits d'allocation du RMI
(en millions de francs)
Année |
Crédits |
Évolution en % |
1991 |
14.318 |
|
1992 |
13.163 |
- 8 |
1993 |
16.631 |
+ 26 |
1994 |
19.217 |
+ 16 |
1995 |
22.022 |
+ 14 |
1996 |
23.000 |
+ 4 |
1997 |
24.230 |
+ 4 |
1998 |
25.327 |
+ 5 |
1999 |
26.400 |
+ 4 |
Crédits consacrés à l'AAH
(en millions de francs)
Année |
Crédits |
Évolution en % |
1987 |
12.997 |
+ 5,0 |
1988 |
13.544 |
+ 4,2 |
1989 |
14.286 |
+ 5,5 |
1990 |
15.881 |
+ 5,4 |
1992 |
16.575 |
+ 4,4 |
1993 |
17.895 |
+ 8,0 |
1994 |
18.661 |
+ 4,3 |
1995 |
20.081 |
+ 7,6 |
1996 |
21.350 |
+ 6,3 |
1997 |
22.370 |
+ 4,8 |
1998 |
23.389 |
+ 4,6 |
Or, pour
la couverture maladie universelle, aucun des moyens de financement ne
présente d'aspect dynamique, sauf la participation de l'Etat. Les
recettes transférées à la CNAMTS pour le financement de la
couverture de base n'évoluent pas sur une base ayant un lien avec la
protection sociale : il s'agit de fractions de prélèvements
sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, d'une
fraction des droits de consommation sur les tabacs et de la cotisation sur les
véhicules terrestres à moteur. Pour la couverture
complémentaire, sauf à augmenter le taux de la contribution de
organismes complémentaires, la seule façon d'assumer les charges
nouvelles restera donc une hausse de la subvention de l'Etat, elle même
financée par les ressources du budget général.
La " tuyauterie " mise en place a été conçue
pour ajuster sur une année
n
des dépenses et des recettes,
pas pour assurer au système un financement dynamique et solide pour les
année
n+1
,
n+2
, et suivantes.
b) Un nouveau minimum social à la recherche d'un " financeur ultime "
Les
dépenses de la couverture maladie universelle devraient fortement
augmenter dans les années à venir. On peut compter la
première année sur un effet de rattrapage. Ensuite, l'absence de
mécanisme de régulation et de frein à la demande constitue
une incitation à la dépense. La couverture maladie universelle
présente ainsi tous les caractéristiques d'un minimum social
supplémentaire : prestation attribuée sous condition de
ressource sans autre condition que la régularité du séjour
et sans autre limite que celle du prix du panier de soins défini et
négocié par les partenaires.
L'aspect le plus risqué de ce projet de loi apparaît ainsi
résider dans ses coûts futurs.
Finalement, l'avenir du financement de la couverture maladie universelle repose
sur quatre solutions qui ne s'excluent pas les unes et les autres :
• L'Etat augmente sa subvention au fonds de financement de la protection
complémentaire pour financer les dépassements du plafond de 1.500
F par an et par bénéficiaire pour ceux qui se sont assurés
auprès de la CNAMTS : le surcoût est assumé par le
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, donc par des
prélèvements fiscaux ou une dette pesant sur les
générations futures dans le cadre du déficit
budgétaire ;
• Le régime général de l'assurance maladie supporte
tout ou partie des coûts supplémentaires engendrés par la
couverture de base de la couverture maladie universelle : le surcoût
se répercute dans son déficit tendanciel et conduit à un
nouveau transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, donc
aux générations futures, ou à une hausse des
prélèvements sociaux ;
• Les régimes MSA et CANAM doivent faire face à de nouveaux
coûts très importants : le surcoût se répercute
sur leurs assurés par le biais d'une hausse de cotisations ;
• Les organismes de protection complémentaire doivent
répartir sur l'ensemble de leurs prix le coût
généré d'une part par la contribution de 1,75 %, d'autre
part par les dépassements du plafond de 1.500 F pour ceux qui se seront
adressés à eux pour leur protection complémentaire :
le surcoût est assumé par l'assuré non
bénéficiaire de la couverture maladie universelle via une hausse
des primes et cotisations sur l'ensemble de ses contrats d'assurances et de
mutuelles ;
Ainsi, moins l'évaluation du forfait de 1.500 F sera réaliste,
moins les organismes complémentaires auront intérêt
à participer activement au système, et plus le coût pour la
Sécurité sociale et l'Etat sera élevé.
La seule façon de financer cette charge supplémentaire et
légitime sans instaurer de prélèvement obligatoire nouveau
reste donc la réforme profonde de notre système de
santé.
c) Pas de dépenses nouvelles sans une profonde réforme de la protection sociale
Le
financement de ce projet légitime passe donc par la maîtrise de
l'ensemble des dépenses du système de soins. Ce sont les gains de
productivité qui seuls permettront d'assumer les dépenses
nouvelles générées par l'achèvement de la
généralisation de la couverture maladie et par la
générosité de la création d'un nouveau minimum
social avec le volet complémentaire.
Ce projet de loi ouvre certaines pistes et inaugure des évolutions
favorables. Il a ainsi permis de nouer un dialogue entre les différentes
acteurs de la protection complémentaire (mutuelles, institutions de
prévoyance, monde de l'assurance), les caisses du régime
général (CNAMTS, CANAM et MSA) et l'Etat. De même, il donne
aux organismes en charge du volet complémentaire des outils pour
expérimenter des pistes de réformes réclamées
depuis longtemps par votre commission des finances, comme le médecin
référent ou la définition d'un panier de soins minimum.
Enfin, il incite les professions de santé à s'entendre sur les
prix. En ce sens, il ouvre des voies intéressantes.
Cependant, ces pistes ne sont qu'esquissées et ne constituent pas
l'amorce de la révolution nécessaire dont notre système de
soins a tant besoin. Le médecin référent risque ici
d'apparaître comme un " médecin des pauvres ". Seul le
volet complémentaire est concerné par les accords avec les
professionnels ; l'Etat n'a toujours pas indiqué ce qu'il comptait
faire pour les soins de base qui représentent toujours l'essentiel de la
dépense de santé.
Votre commission des finances se prononce pour une organisation du
système de soins permettant de réduire les
inégalités, mais aussi d'assurer une vérité des
prix de la santé et l'équité entre les acteurs.
Le plan stratégique adopté par le conseil d'administration de la
CNAMTS va ainsi dans la bonne direction et constitue une amorce de
réforme. Il reste à à instaurer une plus forte concurrence
entre les acteurs de la santé, à mettre en place des
mécanismes de régulation après les annulations du Conseil
d'Etat et du Conseil constitutionnel, à rechercher les sources
d'économies permettant d'assurer la meilleure qualité possible
des soins, à une enveloppe financière constante, afin de ne plus
faire porter sur les générations futures la charge de nos
errements présents.
Les incertitudes financières du projet de loi
(en millions de francs)
|
Coût supplémentaire |
Organisme le supportant |
Dépenses supplémentaires d'après l'étude d'impact |
|
|
Contribution de 1,75 % |
1.800 |
organismes complémentaires |
Subvention au fonds de financement de la protection complémentaire |
1.700 |
Etat |
Coût de l'assurance de base |
900 |
CNAMTS |
Perte de recettes de la Caisse nationale d'allocations familiales |
320 |
CNAF |
Total |
4.720 |
|
Dépenses supplémentaires évaluées par la commission des finances |
|
|
Sous-évaluation des 1 500 F/an/bénéficiaire |
1.575 |
Etat et
organismes
|
- pour tous : hypothèse de + 15 % soit 1 725 F |
1.200 |
|
- pour CANAM et MSA : hypothèse de 500 000 de bénéficiaires assuré à la CANAM et MSA et d'une différence de 750 F avec le remboursement de base de la CNAMTS |
375 |
|
Sous-évaluation de l'extension du champ de la couverture de base, hypothèse de 9400 F/dépenses/ personne/an |
810 |
CNAMTS |
Frais de gestion pour la CNAMTS |
? |
CNAMTS |
Dépenses non compensées pour les départements consentant une aide médicale au dessus du seuil de la CMU |
? |
départements |
Dépenses transitoires durant
la période de mise en
place
:
|
?
|
départements
|
Pertes
de cotisations des autres régimes en cas de suppression de leur
cotisation minimale pour les bas revenus
|
1.710
|
|
Pertes de cotisations des mutuelles proposant des produits à des futurs bénéficiaires de la CMU |
? |
mutuelles |
Coût pour les organismes
complémentaire de la
prolongation des droits à complémentaire pendant un an
après passage au dessus du seuil de revenus
|
565 |
organismes
|
Total : près de 10 milliards de francs de coûts supplémentaires |
II. UN COÛT INCERTAIN POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES ORGANISMES DE PROTECTION COMPLÉMENTAIRE
A. LE COÛT D'UNE RECENTRALISATION JUSTIFIÉE
1. L'essentiel du financement de la couverture de base repose sur la recentralisation de l'aide sociale départementale
a) La compétence d'aide sociale des départements6( * )
(1) Une compétence héritée de l'histoire
Les
premiers, les ordres religieux ont assumé la fonction d'assistance
auprès des nécessiteux. Puis elle s'est
sécularisée, à partir de la création par
François Ier des " bureaux des pauvres ". La Constitution de
1793 pose, elle, le principe du devoir de la puissance publique à
l'égard de tout citoyen ne disposant pas d'un niveau de subsistance
suffisant :
" La société doit la subsistance aux
citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les
moyens de subsister à ceux qui sont hors d'état de
travailler "
. En 1889 se réunit à Paris un
congrès de l'assistance qui rédige une charte de l'assistance
inspirée de ces principes. De 1893 à 1913 sont votées les
grandes lois sur l'assistance : assistance médicale gratuite
(1893), assistance aux tuberculeux (1901), assistance aux vieillards, infirmes
et incurables (1905), assistance aux femmes en couche et aux familles
nombreuses (1913). Les principes de l'aide sociale sont posés :
limitation du nombre des bénéficiaires, simplicité et
gratuité du mécanisme offert, reconnaissance du rôle de la
commune.
En 1953, une réforme de l'aide sociale (complétée par les
décrets du 17 novembre 1954 et du 21 mai 1955 sur la tarification) met
en place des financements croisés entre l'Etat, les départements
et les communes. La décentralisation est envisagée en 1978 par le
projet de loi sur le développement des responsabilités des
collectivités locales. La loi du 22 juillet 1983 la réalise,
en confiant aux départements une compétence de droit commun dans
le domaine de l'aide sociale. La loi de 1988 sur le revenu minimum d'insertion
puis celle de 1992 l'ont complétée.
Qu'est-ce que l'aide sociale ?
Le
rapport précité de la Cour des comptes rappelle en introduction
ce qu'est l'aide sociale.
L'aide sociale constitue d'abord un droit alimentaire attribué par le
code civil, ensuite un droit subsidiaire : la puissance publique
n'intervient que si l'intéressé et sa famille ne peuvent subvenir
à leurs besoins. L'aide sociale est spécialisée. Elle
concerne aujourd'hui quatre grands publics : les
bénéficiaires de la protection maternelle et infantile et les
enfants en danger ; les personnes âgées ; les personnes
handicapées ; les personnes sans ressources nécessitant une
aide médicale et une couverture sociale.
Il ne s'agit donc pas d'une prestation de sécurité sociale car
elle ne procède pas d'un régime d'assurance - le droit aux
prestations n'y est pas conditionné par des cotisations mais par un
besoin - ni d'une logique indemnitaire - l'origine en est alimentaire. Il ne
s'agit pas non plus d'une prestation d'action sociale. L'aide sociale constitue
en effet un droit du bénéficiaire et non une faculté
laissée à l'appréciation d'une collectivité
publique. L'aide sociale est donc limitée à une partie de la
population et la loi et les règlements en déterminent les
modalités d'accès.
(2) Les principes de la décentralisation
Les
principes de la décentralisation sont alors simples :
définir des blocs de compétences homogènes permettant
à chacun d'assumer pleinement ses responsabilités ;
rapprocher ensuite l'échelon de gestion des usagers. Le choix du
législateur se fixe sur le département, pour éviter que la
solution communale ne conduise à une augmentation des disparités.
Les départements constituaient déjà l'échelon de
mise en oeuvre des politiques d'aide sociale et de santé et semblait
concilier les exigences de proximité et de taille suffisante.
Cependant, si la gestion de l'aide sociale était
décentralisée, la détermination des conditions
légales d'accès restaient fixées par l'Etat. Les
collectivités locales ne pouvaient que rendre plus facile cet
accès et créer des prestations supplémentaires
facultatives.
La compensation financière entre l'Etat et les départements fut
plus délicate à déterminer. Le principe posé fut
celui du transfert des ressources nécessaires à l'exercice des
compétences selon trois règles :
• concomitance du transfert des ressources et des charges ;
• compensation intégrale ;
• évaluation des dépenses à la date effective du
transfert.
Les départements ont notamment reçu la garantie que
l'évaluation se ferait collectivité par collectivité.
(3) Une montée en charge forte des dépenses d'aide sociale
Les dépenses des départements au titre de l'aide sociale ont considérablement augmenté depuis leur décentralisation.
Evolution des dépenses nettes d'aide sociale des départements (dont aide médicale)
|
Montant
|
Evolution |
1984 |
35 096 |
|
1985 |
36 371 |
3,63 % |
1986 |
37 702 |
3, 66% |
1987 |
39 193 |
3,95 % |
1988 |
40 908 |
4,38 % |
1989 |
42 485 |
4,74 % |
1990 |
46 293 |
8,05 % |
1991 |
50 533 |
9,16 % |
1992 |
55 378 |
9,59 % |
1993 |
60 254 |
8,80 % |
1994 |
64 472 |
7,00 % |
1995 |
67 839 |
5,22 % |
1996 |
71 504 |
5,40 % |
1997 |
73 993 |
3,48 % |
1984-1997 |
- |
110,83 % |
France entière hors Paris
Source : ADF
Les dépenses d'aide médicale ont également connu une forte
progression :
Les dépenses d'aide médicale des départements
|
1995 |
1996 |
1997 |
Dépenses d'aide
médicale
|
6 349 385 |
6 741 233
|
7 657 232
|
Source : ADF
b) Un premier exemple de recentralisation
(1) Le principe justifié et accepté de la recentralisation des charges...
Les
départements ont accepté le principe de la recentralisation des
crédits de l'aide médicale au profit de la couverture maladie
universelle. Ce mouvement paraît d'autant plus justifié que la
répartition des compétences avait été difficile et
assez floue entre l'Etat et les départements. La justification d'un
double guichet pour la couverture de base (la Sécurité sociale
pour les uns ; les collectivités locales pour les autres)
n'était jamais apparue avec évidence. En effet, la valeur
ajoutée des collectivités locales n'existe aujourd'hui que par la
couverture complémentaire. Les départements font simplement
office de guichet pour ce qui concerne l'assurance de base. De plus, à
partir du moment où l'aide sociale devient une prestation de
sécurité sociale, plus rien ne justifie son maintien au niveau
départemental.
On peut cependant s`interroger sur la légitimité de ce mouvement
ou de celui qui l'a précédé. L'aide médicale a
été confiée aux départements parce que,
subsidiaire, elle est destinée à pallier les insuffisances des
autres mécanismes de protection. Cependant, avec le temps, elle est
devenue un transfert financier entre les collectivités locales et
l'assurance personnelle pour la prise en charge des cotisations
(3,7 milliards de francs en 1997) ; des prestations gratuites selon
un barème avec un minimum légal au niveau du RMI ; certains
départements y ajoutèrent une protection supplémentaire.
Ce projet de loi transfère l'ensemble des dépenses, fait
disparaître les transferts financiers et doit rendre inutile tout
mécanisme supplémentaire. Il ne s'agit donc pas de la
recentralisation de l'aide médicale mais de sa disparition, avec une
recentralisation de ses crédits.
L'échelon local a perdu toute marge de manoeuvre pour la décision
de l'admission à l'aide sociale, les commissions départementales
ne jouant plus depuis 1992 qu'un rôle de dialogue et non de
décision.
Les départements acceptent d'autant plus volontiers ce transfert des
dépenses de l'aide médicale vers l'Etat que leurs dépenses
ont fortement augmenté et qu'existent de fortes inégalités
de traitement selon les collectivités, qu'il s'agisse du barème
ou du règlement départemental d'aide sociale. Néanmoins,
il s'agit d'un précédent dans les rapports entre l'Etat et les
collectivités locales qui pourrait en appeler d'autres.
(2) ... et de la ressource : un transfert de la dotation globale de décentralisation
Le
transfert des dépenses doit naturellement s'accompagner d'un transfert
de recettes des départements vers l'Etat. Le choix du Gouvernement s'est
arrêté sur la dotation globale de décentralisation qui a,
justement, pour raison d'être la compensation de charges nouvelles
crées par la décentralisation et non assumées par le
transfert des ressources fiscales.
Le mécanisme retenu laisse aux départements la disposition de
5 % des montants consacrés au titre de l'aide médicale. Ces
455 millions de francs, sont censés représenter ce que les
départements versaient indûment, à la place notamment des
CAF (pour des raisons de complexité dans l'accession aux droits,
notamment au titre du RMI). Les crédits de fonctionnement sont
laissés aux départements.
(3) Les conséquences naturelles pour le RMI
Au titre du revenu minimum d'insertion, les départements ont l'obligation de consacrer à l'insertion 20 % du montant des allocations RMI versées par l'Etat. Or ils peuvent à concurrence de 3 % de ces montants imputer leurs dépenses sur celles d'aide médicale. La suppression de ces dernières privant les départements de cette faculté, le projet de loi ramène, dans son article 13, à 17 % du montant des allocations de RMI l'obligation d'insertion des départements.
c) Les modalités du transfert de la dotation globale de décentralisation
Le
projet de loi retient, dans son article 13, un mécanisme
parallèle à celui de 1984. Il s'appuie ainsi sur les
dépenses effectives des départements, ramenées à la
date du transfert, prévue au 1
er
janvier 2000. Il s`agit donc
des dépenses inscrites sur les comptes administratifs de 1997,
revalorisées par le taux de progression de la dotation globale de
fonctionnement pour les années 1997, 1998 et 1999. Le montant s'impute
ensuite en soustraction sur la dotation globale de décentralisation
prévue pour l'année 2000.
Ce mécanisme appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, il est permis de douter sérieusement de
l'applicabilité au 1
er
janvier 2000 de la loi portant
création de la couverture maladie universelle. Il faudrait alors revoir
la date du transfert de la dotation globale de fonctionnement, et donc ses
modalités de calcul pour l'année entamée.
Ensuite, le taux de progression affecté aux dépenses d'aide
médicale est celui de la dotation globale de fonctionnement, alors que
les deux variables n'ont pas de lien. Rien n'indique que pour tous les
départements les dépenses d'aide médicale pour 1998 et
1999 aient augmenté aussi vite que la dotation globale de
fonctionnement.
La simplicité du mécanisme promu par le Gouvernement et retenu
par l'Assemblée nationale est donc porteur d'inégalités,
et surtout d'une très forte insécurité juridique pour les
départements.
2. Les collectivités locales supportent le coût de la transition et de la correction des inégalités engendrées par ce projet
a) Une réponse unique à des situations très différentes
Les départements ont consenti un effort très important en faveur de l'aide sociale et singulièrement de l'aide médicale. Cet effort varie bien entendu entre les collectivités locales selon l'état sanitaire de la population, son âge et les possibilités d'intervention.
Dépenses directes d'aide sociale par département
(en millions de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
France hors Paris |
|
|
|
Evolution |
|
4,42% |
2,28% |
Moyenne |
706,4 |
737,6 |
754,4 |
Médiane |
532,4 |
562,8 |
558,8 |
Minimum |
98,2 |
100,7 |
98,5 |
Maximum |
3.824 |
3.922 |
3.992 |
Métropole hors Paris |
|
|
|
Evolution |
|
4,17 % |
1,82% |
Moyenne |
703,7 |
733 |
746,3 |
Médiane |
513 |
546 |
543 |
Minimum |
98,7 |
100,7 |
98,5 |
Maximum |
3.834 |
3.922 |
3.992 |
DOM |
|
|
|
Evolution |
|
- 13,37 % |
11,71 % |
Moyenne |
978,5 |
847,7 |
947 |
TOTAL |
69.345 |
73.026 |
74.688 |
Source : ADF
La part des dépenses d'aide médicale dans les dépenses
totales d'aide sociale a augmenté depuis dix ans pour en
représenter 12 % en 1997.
Cependant il existe là aussi de fortes disparités. Elles sont
notamment visibles dans l'adoption ou non d'un règlement
départemental d`admission à l'aide sociale et,
singulièrement, à l'aide médicale. En 1995, la Cour des
comptes constatait que 67 départements avaient adopté un
barème pour l'aide médicale, ce qui en laissait tout de
même le tiers sans autre seuil que le minimum légal du RMI.
La disparité entre le départements se lit ainsi dans le choix des
seuils retenus, mais aussi dans les conditions mises pour l'accès
à l'aide médicale. Cette couverture inégale du territoire
soulevait notamment des problèmes lors des changements de domicile,
contraignant les bénéficiaires à renouveler leurs
démarches. Certains départements ont choisi une formule souple et
rapide affiliant de façon préventive les
bénéficiaires et leur confiant une carte de soins ouvrant droit
à prestations.
La carte Paris-santé
Lancée en 1988 et mise en place en 1989, la carte Paris-santé est
un titre délivré à titre préventif sous conditions
de ressources permettant un accès aux soins sans contingentement des
actes et prescriptions avec un système de tiers-payant intégral
(y compris le ticket modérateur et le forfait hospitalier journalier).
Des suppléments sont prévus pour les lunettes, les
prothèses dentaires et les prothèses auditives. Les
bénéficiaires de l'aide médicale comme les professionnels
ont tiré profit de ce mécanisme : un titre unique
d'admission à l'aide médicale.
Le nombre de bénéficiaires a plus que triplé en passant
de 28.900 au 31 décembre 1989 à plus de 130.000 au
31 décembre 1998. Parallèlement, les dépenses du
département de Paris au titre de l'aide médicale sont
passées de 141 millions de francs à 310 millions de
francs. Près de 9.000 professionnels de santé ont
aujourd'hui adhéré à ce système, soit plus de la
moitié des professionnels de santé inscrits à l'ordre).
Le barème d'aide médicale commençait au 1
er
janvier 1999 à un revenu de 4.004 F par mois pour une personne
seule.
Source : département de Paris
b) Le financement de la transition est incertain alors que les besoins seront certains
Aujourd'hui, les collectivités locales accueillent
l'essentiel des bénéficiaires de l'aide médicale. Certains
départements ont pu passer des conventions pour l'instruction des
dossiers avec les caisses primaires d'assurance maladie ou bien certaines
communes par le biais d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale.
Cette fonction d'accueil est bien entendu la plus importante pour le
bénéficiaire.
Le 1
er
janvier 2000, ces personnes, soit 6 millions selon les
prévisions du Gouvernement, devront s'adresser directement aux caisses
primaires d`assurance maladie qui auront en charge l'instruction des dossiers,
la délivrance des attestations et l'information sur la couverture
complémentaire. Une partie de ces 6 millions de personnes choisira
alors de s'adresser à un organismes de protection sociale
complémentaire, selon une liste établie par département.
Cependant, comme tout laisse à craindre que rien ne sera prêt le
1
er
janvier 2000, les collectivités locales ne pourront se
désintéresser des personnes concernées qui naturellement
se tourneront vers leur interlocuteur naturel : les bureaux d'aide sociale
,qui ne leur fermeront pas leur porte.
De plus, une fois le système mis en place, subsisteront des cas
particuliers, des demandes d'action sociale, d'intervention de
collectivités locales, etc. S'y ajouteront les demandes des personnes se
situant juste au dessus du seuil fixé par le Gouvernement. Une personne
seule percevant pour unique revenu l'allocation pour adulte handicapé
qui s'élève à 3.540 F par mois n'aura pas le droit au
bénéfice de la couverture maladie universelle mais en aura
très probablement besoin. Les départements pourront-ils s'en
désintéresser ?
De même, dans les départements consentant aujourd'hui un effort
particulier d'aide médicale au dessus du plafond de la couverture
maladie universelle (dont le nombre varie, selon les interlocuteurs, de 3
à 30), sera-t-il envisageable de supprimer l'intégralité
des dispositifs alors que les recettes correspondantes auront, elles,
été supprimées ?
Enfin, resteront des sommes impayées à la charge des
départements qui n'auront plus les ressources correspondantes. Il s'agit
principalement des non-valeurs des hôpitaux qui n'apparaissent qu'avec un
retard important.
Tout porte donc à croire que les départements auront à
prendre en charge le coût et la difficulté de la transition et
devront maintenir des formules d'aides.
S'il est difficile d'estimer les dépenses que les départements
auront à supporter en termes d'organisation, d'augmentation des
crédits d'action sociale, il apparaît certain que ces
dépenses existeront et qu'elles dépasseront les 455 millions de
francs (soit en moyenne un peu plus de quatre millions de francs par
département) laissés à leur
bénéfice.
c) L'effet de seuil ne pourra être corrigé que par un effort d'aide sociale facultative des collectivités locales
La
couverture maladie va susciter un effet de seuil extrêmement fort du fait
de la rigueur du plafond retenu : celui-ci ne prévoit en effet
aucun assouplissement. Ces seuils diffèrent de ceux déjà
existants. Par exemple, le barème proposé par le Gouvernement
semble relativement plus favorable aux familles nombreuses que le barème
du RMI.
Cet effet de seuil existait auparavant sous la forme d'une centaine de
seuils : ceux mis en place par les barèmes départementaux
d'aide sociale là où ils existent. Dans certains
départements, ce projet de loi permettra donc à des personnes de
bénéficier d'une prestation à laquelle elles n'avaient pas
droit. Dans d'autres, au contraire, leur droit à prestation
disparaîtra sauf effort particulier et supplémentaire des
collectivités locales.
Celles qui consentaient donc un effort particulier vont souscrire avec ce
projet de loi un marché de dupes où, au nom de la
solidarité nationale, elles seront amenées à contribuer
deux fois (pour le transfert de DGD à l'Etat ; pour la couverture
des bénéficiaires) là où elles ne payaient qu'une
seule (couverture des bénéficiaires). Le département de
Paris supporterait ainsi une charge de 120 millions de francs par an.
Les collectivités locales, par ailleurs, pratiquaient un accueil
personnalisé et une prise en compte attentive et efficace des besoins de
ressortissants de l'aide médicale grâce à la
proximité et à la connaissance qu'elles en avaient. Cette
fonction ne pourra être reprise par les caisses primaires d'assurance
maladie qu'après une révision complète de leurs
méthodes de travail, une " révolution culturelle ".
Le rôle des collectivités locales ne disparaîtra donc pas
avec la couverture maladie universelle. Elles n'auront pourtant plus les
ressources financières pour le remplir. Ainsi, la recentralisation
légitime de l'aide médicale ne se fera pas sans
conséquence pour les finances locales.
3. Quelle place pour les contingents communaux d'aide sociale ?
a) Le contingent communal d'aide sociale, fruit de l'histoire
(1) Ancienne, la justification de la participation des communes est contestée
Le
barème du 21 mars 1955 laissait au conseil général le soin
de répartir entre le département et les communes, dans certaines
limites, la charge de l'aide sociale. La loi du 7 janvier 1983 a maintenu le
principe de la participation financière des communes. Leur taux de
contribution a été fixé comme résultant de la
proportion dans le financement des dépenses d'aide sociale entre la part
de l'Etat (compensée par la DGD) et celles des communes (maintenue par
le biais du contingent) avant la décentralisation. Les écarts
observés depuis 1955 se sont donc maintenus.
Le choix du maintien d'une participation communale inspiré d'un souci de
neutralité pour les finances départementales, s'est en outre
justifié par le rôle maintenu des communes dans la mise en oeuvre
de l'aide sociale légale (présence des maires au sein des
commissions locales d'aide sociale, rôle des services municipaux pour
l'instruction des demandes, pouvoirs du maire en matière d'admission
d'urgence).
Pour éviter que ne s'instaure une tutelle entre les départements
et les communes, la loi a retenu le principe d'une participation sous la forme
d'une contribution globale annuelle calculée par rapport aux
dépenses totales supportées par le département en
matière d'aide sociale légale. Elle a limité son
augmentation à celle des dépenses départementales.
(2) Le mécanisme du contingent communal d'aide sociale
Les
communes participent par le biais de ce contingent aux dépenses mises
à la charge du département. Cette participation évolue sur
le même rythme que les dépenses départementales (sauf pour
les départements où le taux de participation est inférieur
à la moyenne nationale et où l'augmentation peut donc être
supérieure d'un point pour permettre un rattrapage) et ne concerne que
l'aide sociale obligatoire (dépenses légales de santé,
d'aide sociale y compris celles relatives à l'insertion des
bénéficiaires du RMI). Le montant en est donc arrêté
pour chaque département.
Le contingent se divise en deux parties : l'équivalent de la
participation de la commune en 1983 d'une part ; une partie
dépendant de la situation de la commune en fonction de critères
objectifs. Cette dernière n'est plus plafonnée depuis 1994 et
peut donc représenter l'intégralité des contingents.
Il existe trois catégories de critères. Le conseil
général choisit lesquels il retient (au moins un dans chaque
catégorie) et leur pondération :
• situation financière de la commune : dotation globale de
fonctionnement attribuée à chaque commune et potentiel fiscal de
chaque commune ;
• situation de la commune au regard de l'aide sociale : nombre de
bénéficiaires dans chaque commune des prestations d'aide sociale
légale prises en charge par le département et nombre d'admissions
à l'aide sociale dans chaque commune ;
• structure démographique et situation de l'emploi : structure
par classe d'âge de la population de chaque commune et situation de
l'emploi dans chaque commune.
Ce mécanisme est complété par un système
d'écrêtement : l'augmentation de la contribution d'une
commune au titre d'un exercice ne peut excéder de plus de trois points
le taux d'augmentation appliqué à la contribution globale
communale au titre du même exercice.
Ce système explique la forte variation des contingents communaux d'aide
sociale entre départements d'une part (selon l'effort
départemental en faveur de l'aide sociale) et entre communes d'autre
part (selon les différents critères retenus par le conseil
général).
Les contingents communaux d'aide sociale représentaient ainsi
près de 12 milliards de francs en 1997, dont environ 10 %
relèvent de l'aide médicale.
Evolution des contingents communaux d'aide sociale
|
Montant (en MF) |
Evolution |
1984 |
5 743 |
|
1985 |
6 031 |
5,01 % |
1986 |
6 284 |
4,19 % |
1987 |
6 332 |
0,76 % |
1988 |
6 590 |
4,07 % |
1989 |
6 875 |
4,32 % |
1990 |
7 453 |
8,41 % |
1991 |
7 990 |
7,21 % |
1992 |
8 716 |
9,09 % |
1993 |
9 452 |
8,44 % |
1994 |
10 160 |
7,49 % |
1995 |
11 010 |
8,37 % |
1996 |
11 450 |
4,00 % |
1997 |
11 948 |
4,35 % |
1984-1997 |
- |
108,04 % |
France entière hors Paris
Source : AMF
b) La couverture maladie universelle risque d'engendrer un coût important pour les communes
(1) Des charges supplémentaires
Cependant, les communes vont connaître une augmentation
de
leurs charges du fait de la couverture maladie universelle, avec des
dépenses maintenues et des recettes en diminution.
Les communes ont beaucoup investi pour faciliter et favoriser l'accès
aux soins, principalement par le biais d'accords avec les mutuelles au titre de
l'action sociale. Elles accueillent les personnes en difficulté et
assurent bien souvent l'instruction des dossiers. Il paraît probable que
durant la période de transition les futurs bénéficiaires
de la couverture maladie universelle se tourneront en priorité vers
l'échelon de référence que constitue la commune. Celle-ci
pourra difficilement les ignorer. De plus, le rôle de l'action sociale
facultative va progresser avec les effets de seuil accentués par le
projet de loi, même si le projet de loi va leur permettre de
dégager des ressources.
En revanche, certaines sources de financement vont disparaître. De
nombreux départements passent des conventions de gestion avec les
communes pour l'instruction des dossiers d'aide médicale. Cette charge
est le plus souvent assumée par le versement d'une compensation de la
part du département. 15 000 agents seraient ainsi mobilisés par
cette tâche. Or, avec la couverture maladie universelle, les caisses
primaires d'assurance maladie vont prendre en charge l'instruction des dossiers
et l'ouverture des droits. Les communes perdront ainsi les redevances
départementales mais garderont à leur charge les agents
affectés à une tâche qui n'aura plus lieu. En cas de
licenciement économique, comme le prévoit le statut de la
fonction publique territoriale, les agents passeront à la charge de
l'ensemble des communes par le biais de leur centre de gestion. Sans
licenciement à l'inverse, le projet de loi engendrera des
redéploiements de personnel qui pourront être importants pour
certaines communes. En tout état de cause, il suscitera des pertes de
ressources parfois non négligeables et des dépenses
supplémentaires.
(2) La question du maintien de la part " médicale " du contingent communal d'aide sociale
A droit
constant, les départements subiront une diminution de leurs recettes
liée à la suppression de la part " médicale " du
contingent communal d'aide sociale. Deux phénomènes vont ainsi se
cumuler pour réduire l'ensemble des dépenses d'aide sociale des
départements :
• la recentralisation vers l'Etat des 9 milliards de francs de
dépenses ;
• la diminution de 20 % à 17 % du montant des prestations
au titre du RMI que les départements doivent consacrer à
l'insertion.
Au total, entre 1,2 et 1,5 milliard de francs sont concernés.
A droit constant, ce projet de loi se traduirait donc par une baisse des
recettes des départements, et donc par une baisse équivalente des
charges des communes, puisque la base diminue pour un taux d'appel strictement
encadré.
Afin d'assurer la neutralité financière pour les
départements, il est donc nécessaire de modifier le décret
de 1987 déterminant les modalités de calcul du contingent
communal d'aide sociale. Cette solution évite les pertes de recettes
mais ne résout pas le problème posé par le maintien de ce
dernier. Comment en effet des communes accepteraient-elles de payer aux
départements des contingents au titre d'une compétence ou
eux-mêmes n'exerceraient plus ?
Ainsi, la couverture maladie universelle relance-t-elle le débat sur
l'opportunité de maintenir le mécanisme du contingent communal
d'aide sociale.
c) L'avenir de tout ou partie du contingent communal d'aide sociale est en cause
(1) Le principe de la suppression apparaît justifié
De
nombreuses raisons plaident pour une suppression des contingents communaux
d'aide sociale :
• le mécanisme de calcul des contingents est difficilement lisible
et maîtrisable ;
• il suscite de fortes inégalités entre communes du fait de
la grande latitude dont dispose les départements pour les fixer ;
• leur montant a cru considérablement (cependant, dans une mesure
légèrement inférieure à l'ensemble de la hausse des
dépenses d'aide sociale) ;
• il s'agit d'un financement sans exercice d'une compétence en
regard ;
• les communes auront à supporter des charges
supplémentaires ;
Les inégalités représentent le plus fort argument :
comment les maintenir alors que la couverture maladie universelle recentralise
justement l'aide médicale au nom de l'égalité entre les
collectivités ?
Une étude menée en 1995 sur 98 départements, hors
Guyane et Paris, a montré que 44 départements
procédaient à une intégration maximale des critères
évolutifs. Ainsi, 69 % de l'ensemble du contingent communal d'aide
sociale sont répartis selon des critères variables, le plus
souvent celui de la situation financière de la commune (potentiel
fiscal) ; le critère du nombre de ressortissants à l'aide
sociale n'était prépondérant que dans
10 départements. L'objectif est ainsi d'adapter les contingents
à la capacité contributive des communes ou aux charges que leur
démographie induit.
Contingent communal d'aide sociale par habitant
(en francs par habitant)
|
1995 |
1996 |
1997 |
France hors Paris |
|
|
|
Evolution |
|
3,99 % |
4,35 % |
Moyenne |
197 |
205 |
214 |
Médiane |
188 |
192 |
202 |
Minimum |
49 |
60 |
66 |
Maximum |
425 |
499 |
465 |
Métropole hors Paris |
|
|
|
Evolution |
|
4,16 % |
3,62 % |
Moyenne |
196 |
205 |
212 |
Médiane |
190 |
193 |
200 |
Minimum |
49 |
60 |
66 |
Maximum |
425 |
499 |
465 |
DOM |
|
|
|
Evolution |
|
- 1,92 % |
31,19 % |
Moyenne |
212 |
208 |
273 |
Source : ADF
On constate cependant une très inégale répartition du
poids des contingents communaux entre les strates de communes. L'examen des
contingents appelés au titre de l'exercice 1996 (ceux de 1997
étant disponibles globalement mais pas par commune) montre que leur
montant croît avec la population de la commune et que le mode de
répartition actuel fait supporter la plus lourde charge aux communes
urbaines : celles de moins de 10.000 habitants n'acquittent que 42 %
des contingents alors qu'elles abritent 51 % de la population.
Dépenses au titre du contingent communal d'aide sociale selon la taille de la commune
Population |
Montant des contingents communaux d'aide sociale |
Nombre d'habitants |
Contingent par habitant |
0-499 |
656.919.035 F |
4 327 484 |
152 F |
500-499 |
672.953.348 F |
4 547 208 |
148 F |
1 000-1 999 |
861.802.229 F |
4 975 093 |
153 F |
2 000-3 499 |
826.510.661 F |
4 975 093 |
166 F |
3 500-4 999 |
557.23. 833 F |
3 128 190 |
178 F |
5 000-7499 |
730.917.352 F |
3 956 571 |
185 F |
7 500-9 999 |
529.981.567 F |
2 664 760 |
199 F |
10 000-14 999 |
802.230.391 F |
3 640 027 |
220 F |
15 000-19 999 |
627.718.971 F |
3 194 845 |
196 F |
20 000-34 999 |
1.050.506.117 F |
5 738 886 |
183 F |
35 000- 49 999 |
920.455.180 F |
3 910 226 |
235 F |
50 000- 74 999 |
725.880.599 F |
3 192 118 |
227 F |
75 000 - 99 999 |
382.565.603 F |
1 758 620 |
218 F |
100 000 - 199 999 |
1.053.707.713 F |
3 629 630 |
290 F |
200 000 et plus * |
1.179.718.862 F |
3 278 985 |
360 F |
Total France hors Paris |
11.581.103.461 F |
57 578 336 |
201 F |
*
hors Paris
Source : AMF
Ces données représentent des moyennes nationales. La situation
peut cependant fortement varier selon chaque département
(2) ... posant la question de ses modalités : totale ou partielle ? comment la compenser ?
Le
projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle ne
concerne bien entendu que la partie " médicale " du contingent
communal d'aide sociale, soit environ 1,5 milliard de francs. Il paraît
cependant difficile de limiter le débat à cette seule somme. En
effet, toute suppression oblige à mettre en place des mécanismes
de compensation au profit des départements. Ces mécanismes valant
pour la partie médicale trouveraient donc toute légitimité
à s'appliquer aussi à l'autre partie.
La suppression des contingents communaux d'aide sociale doit donc être
totale. Elle pose un problème de ressources aux départements,
privés ainsi de 12 milliards de francs. Plusieurs scénarios
restent à l'étude. Il ne faudrait pas, en tout état de
cause, que ce projet de loi soit l'occasion d'opposer deux niveaux de
collectivités locales (communes et départements). Toute
réforme des contingents communaux d'aide sociale devrait ainsi
obéir à deux principes : neutralité financière
pour les départements ; atténuation des
inégalités pour les communes. Elle pourrait se faire par le biais
de la dotation globale de fonctionnement.
Votre commission des finances ne saurait préjuger de la conclusion des
négociations menées actuellement entre les départements,
les communes et l'Etat. Elle estime néanmoins que, si la compensation se
justifie, elle ne saurait négliger que les communes supporteront une
charge supplémentaire au titre de la couverture maladie universelle sans
bénéficier de ressources correspondantes.
B. LA PLACE AMBIGUË DE LA PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE : PAYER SANS DÉCIDER ?
1. L'association problématique des organismes de protection sociale complémentaire
a) Le projet de loi constitue une lecture ambiguë du partenariat affiché
(1) Les rapports entre protection de base et protection complémentaire : les limites de l'intervention privée
Le
principe de la participation d'organismes privés à la protection
sociale obligatoire ne va pas de soi dans l'histoire de la protection sociale,
ni au regard des principes de l'économie de la santé.
L'instauration de régimes de base de sécurité sociale est
née du constat unanime qu'il était difficile de laisser à
l'initiative privée la maîtrise de la protection sociale. La
justification de l'intervention publique réside ainsi dans trois
séries d'arguments : il s'agit de biens tutélaires, d'un
marché imparfait et soumis au principe d'équité
7(
*
)
.
L'objectif d'un système de soins est de préserver la santé
d'une population et des individus qui la composent. Les politiques de
santé, les comportements individuels et le système de soins
concourent ainsi à l'amélioration de l'état de
santé. L'intervention de la puissance publique doit donc permettre de
substituer en partie ses propres choix à ceux des acteurs privés
car la santé est un bien tutélaire, c'est à dire
qu'existent des externalités (les choix du consommateur peuvent
être biaisés, par exemple en connaissant mal les effets de
l'alcool, et entraîner ainsi des conséquences collectives).
L'intervention publique permet alors de rapprocher le comportement individuel
de ce qui est le plus approprié au plan collectif.
Les imperfections du marché constituent, elles, une raison plus
spécifique à l'instauration de mécanismes publics de
couverture du risque. Elles sont deux ordres : hasard moral et
sélection adverse
8(
*
)
. Il y a un risque
moral (ou hasard moral) d'assurance lorsque l'assuré n'est pas
incité à un comportement de prévention : assuré et
donc protégé, il n'a pas d'incitation directe à se
prémunir contre le risque. En matière maladie, ce risque moral se
matérialise ainsi : le niveau de couverture maladie a tendance
à augmenter les volumes mais pas le prix unitaire des actes. Ainsi,
l'intervention publique doit mettre en place des mécanismes de
responsabilisation.
Plus important est le problème de la sélection. En assurance
maladie, la concurrence pousse les compagnies d'assurance à pratiquer
des stratégies de sélection du risque. L'assureur
bénéficie d'une certaine quantité d'informations sur les
risques encourus et peut donc faire varier les primes d'assurance selon les
caractéristiques des individus. En ce cas, les hauts risques ont du mal
à s'assurer, en raison du coût élevé de leurs
primes. Il n'y a pas de péréquation des risques : pour
éviter de perdre les bons risques en augmentant l'ensemble des primes,
les compagnies sont rationnellement incitées à concentrer
l'augmentation sur les risques élevés.
Enfin, existe une demande d'égalité en matière
d'accès aux soins qui justifie la présence d'un certain principe
d'équité. Celui-ci rejoint la fonction de redistribution de
l'assurance maladie publique. Elle constitue un outil complémentaire
à la redistribution fiscale.
Il y a donc une justification économique de l'instauration d'un monopole
public pour la couverture des soins de base, principalement pour
prévenir la sélection du risque et concourir à
l'équité. Cependant, cela ne disqualifie pas la présence
d'une couverture facultative complémentaire.
Des systèmes à caractère mixte avec couvertures publique
et privée se retrouvent dans la plupart des pays européens. Elles
se complètent pour permettre d'approcher à un optimum
économique de second rang : une assurance universelle
différenciée selon le niveau de revenu (par exemple par les
cotisations et un ticket modérateur progressif) et une place aux
comportements volontaires de couverture complémentaire. Celle-ci peut
alors être assurée par les acteurs privés et uniquement par
eux puisque l'intervention publique se limite à la correction des
imperfections de marché.
(2) La couverture maladie universelle remet en cause ces rapports
La
couverture maladie universelle rompt avec cette répartition des
rôles conforme aux apports de la théorie économique. En
effet, elle instaure une concurrence entre les acteurs publics et privés
pour la gestion de la couverture complémentaire et contraint les
organismes complémentaires à assumer la prolongation d'un an des
droits à couverture complémentaire.
Se pose ainsi la question de la nature de la partie complémentaire de la
couverture maladie universelle. S'il s'agit, comme le Gouvernement l'indique,
d'une prestation correspondant au minimum de ce chaque Français est en
droit d'attendre de la collectivité, alors cette mission
relève entièrement de l'assurance maladie. Une partie de la
gestion peut en être déléguée à un organisme
privé, mutuelles, assurances, mais rien ne justifie alors une
compensation équilibrée de la part de l'Etat remboursant les
dépenses au franc le franc.
Si, cependant, seule la partie de base de la couverture maladie universelle
relevait de la solidarité nationale, la partie complémentaire
constituerait une activité privée, que l'Etat pourrait favoriser
par un quelconque moyen, mais sans mettre en concurrence la CNAMTS et les
organismes complémentaires d'une part et sans leur imposer d'autre part
le maintien des droits pendant un an, ce qui n'est pas demandé à
la CNAMTS.
Ce projet de loi recèle donc une ambiguïté
fondamentale : relevant de la solidarité nationale, la partie
complémentaire couverture maladie universelle devrait donc être
neutre financièrement pour ses acteurs, ce qu'elle ne sera pas ;
relevant de l'effort individuel, cette même partie complémentaire
devrait alors être entièrement laissée entre les mains des
acteurs privés. Les mutuelles et assurances qui
préféreraient ne pas jouer le jeu trouveraient là un
argument fondé.
Les acteurs, qu'il s'agisse de la CNAMTS ou des fédérations
professionnelles d'organismes complémentaires avaient conscience de cet
écueil philosophique en élaborant et en signant un protocole
d'accord sur la couverture maladie universelle qui aboutit à une sorte
de répartition des tâches : à la
Sécurité sociale la grande précarité, aux
complémentaires la moins grande exclusion. Par ces accords, les acteurs
en reviennent à un scénario réaliste et progressif
fonction du revenu. Celui-ci préserve l'autre avantage de limiter les
effets de seuil.
Les points de consensus de la CNAMTS et des organismes de protection complémentaire
" La préparation du projet de loi sur la
couverture
maladie universelle (CMU) a permis de mettre en évidence trois
éléments forts de consensus entre les acteurs de la
société civile dans l'approche des problèmes de
santé.
Le premier consensus s'établit sur le fait que le droit d'accéder
aux soins est pleinement constitutif de la citoyenneté dans une
société développée comme la nôtre.
Le consensus existe également pour que l'instauration de la CMU soit
l'occasion de faire reculer les inégalités face à la
santé et de favoriser l'usage effectif du droit d'accès aux soins.
Il n'est pas d'accès au soins de plein exercice, sans interventions
coordonnées et complémentarité des prises en charges des
régimes de bases et des systèmes complémentaires
d'assurance maladie : c'est le troisième élément de
consensus entre tous les acteurs du système de santé.
Les régimes de base et les organismes complémentaires d'assurance
maladie organisent en leur sein deux formes de solidarité fondée
sur des principes différents. C'est leur coexistence et le respect de
leur champ de compétence respectif qui les renforcent et permettent
qu'ils assurent ensemble une couverture ouvrant à tous un large
accès aux soins.
Ainsi, les institutions signataires du présent protocole affirment qu'il
n'entre pas dans la vocation actuelle des organismes gestionnaires des
régimes obligatoires ou complémentaires de se concurrencer sur
leur terrain respectif, pour la couverture du risque maladie. "
source : préambule du protocole d'accord
(3) Les organismes de protection complémentaire jouent un rôle subsidiaire dans le fonctionnement de la couverture maladie universelle et central dans son financement
Ainsi,
la place réservée aux organismes complémentaires est celle
du financement. La lettre du projet de loi s'éloigne de la logique
partenariale censée l'animer. Mutualistes et assureurs contribuent au
financement soit en versant leur contribution de 1,75 %, soit en prenant
en charge des bénéficiaires de la couverture maladie universelle
pour un coût probablement supérieur. Le prélèvement
obligatoire est direct dans le premier cas, indirect dans le second.
A l'inverse, ils ne décident de rien : ni du contenu du panier de
biens et services, dont la composition est renvoyée au décret
alors que son coût figurera dans le texte de la loi, sans
précision sur la façon dont les deux estimations
coïncideront ; ni du montant réel de leur participation s'ils
s'engagent dans la mise en place du projet de loi. De plus, les protocoles
d'accord entre la CNAMTS et les organismes professionnels, moyen de
décider de la mise en place du système, ne recueillent pas
l'approbation du Gouvernement, qui leur retire ainsi même la
liberté de contractualiser leurs rapports techniques.
b) Il instaure une inégalité sur la correction de l'effet de seuil
(1) Les organismes complémentaires sont les seuls à prolonger d'un an
La
première source d'inégalité entre les caisses primaires
d'assurance maladie et les organismes complémentaires désireux de
prendre part au système concerne la prolongation des droits à
couverture complémentaire pendant un an. L'article 21 du projet de loi
prévoit ainsi que les garanties offertes aux personnes s'étant
adressées à des organismes complémentaires seront
prolongées pendant un an par ce dernier lorsque le
bénéficiaire aura des ressources dépassant le seuil
prévu par décret. Il participera à hauteur d'un
" tarif n'excédant pas un montant fixé par
arrêté ".
Le texte prévoit donc quels organismes seront obligés de prendre
en charge les personnes perdant le bénéfice de la couverture
maladie universelle, et ce à un coût inconnu. Ceci constitue pour
les acteurs privés une raison supplémentaire de refuser prendre
part au système, puisqu'ils auront à leur charge une partie
indéterminée du coût de la prestation. Le Gouvernement a
indiqué son intention de la fixer aux trois quarts de la somme
remboursée par le fonds complémentaire, soit une charge
résiduelle forfaitaire de 375 F à laquelle viendront
s'ajouter les dépassements de dépenses au dessus des 1500 F
par an.
(2) Les organismes complémentaires sont les seuls à concourir au fonds sur une base volontaire
Le
système élaboré par le projet de loi tel qu'il ressort de
l'Assemblée nationale maintient l'incohérence fondamentale sur la
nature de la couverture maladie universelle et l'aggrave en excluant les
représentants des organismes participant à la couverture
complémentaire du conseil d'administration du fonds de financement.
De plus, la création d'un fonds permettant le financement d'efforts
facultatifs, dénommé fonds d'accompagnement à la
protection complémentaire des personnes dont les ressources sont
supérieures au plafond prévu à l'article L. 861-1 aggrave
l'incohérence. Cette fois, les organismes sont invités à
contribuer volontairement (alinéa ajouté au nouvel article L.
861-10 du code de la sécurité sociale inséré par
l'article 25 du projet de loi) afin de lisser les effets de seuil que la loi
elle-même aura introduits.
c) Il risque de susciter un partage inégal de la charge
(1) La concurrence est certaine mais imparfaite entre les acteurs
Le choix
laissé au bénéficiaire de la couverture maladie
universelle de s'adresser soit à une caisse primaire d'assurance maladie
soit à un organisme de protection complémentaire volontaire
instaure
de facto
une concurrence entre les deux catégories
d'acteurs.
En effet, les modalités du choix laissé au
bénéficiaire de la couverture maladie universelle donne aux
caisses primaires d'assurance maladie, chargées de l'instruction des
dossiers et de l'ouverture des droits, une position privilégiée.
Lors de l'instruction de son dossier pour vérifier la
réalité de l'ouverture de ses droits, l'agent de la caisse
primaire d'assurance maladie présentera donc au futur
bénéficiaire de la couverture maladie universelle la liste
complète des organismes proposant une protection complémentaire.
Il lui fera choisir entre l'adhésion auprès de la caisse primaire
elle-même (possible immédiatement) et l'adhésion
auprès d'organismes dont il lui donnera la liste. Le choix s'en
retrouvera biaisé d'abord par la présence physique dans les
locaux de l'un des intervenants, ensuite parce que l'agent pourra difficilement
le renseigner sur les produits proposés par les autres acteurs alors
qu'il l'informera exactement de ce que la caisse primaire lui offre comme
prestations complémentaires. Le projet de loi est ainsi muet sur les
principes généraux de l'information qui sera
délivrée au bénéficiaire.
Il paraissait donc nécessaire que, pour limiter ces risques de
concurrence, inutile s'agissant de lutte contre l'exclusion de soins, les
différents acteurs s'entendent sur sa mise en oeuvre.
(2) Vers un partage des publics ?
La
liberté de choix laissée à chaque titulaire de droits a
été guidée par la volonté du Gouvernement
d'éviter toute exclusion du bénéfice de la couverture
maladie universelle (d'où les caisses primaires) tout en ouvrant la voie
à une future adhésion à un contrat de protection lorsque
le bénéficiaire aura cessé d'être éligible
à la couverture maladie universelle (d'où les organismes de
protection complémentaire). Ce faisant, ce choix ouvre la voie à
une répartition des rôles laissant aux caisses primaires les plus
démunis et aux acteurs privés ceux disposant de la plus grande
probabilité de reconversion.
Le Gouvernement refuse cette logique et a ainsi prévu dans le nouvel
article L. 861-8 du code de la sécurité sociale (introduit par
l'article 20 du projet de loi) que
" les organismes en cause ne peuvent
subordonner l'entrée en vigueur de cette adhésion ou de ce
contrat à aucune autre condition ou formalité que la
réception du document attestant l'ouverture de leurs droits ".
Cependant, les protocoles d'accord entre la CNAMTS et les organisations
professionnels d'assureurs et de mutualistes ont organisé ce partage qui
correspond à la logique juridique du projet de loi mais aussi aux
principes de la protection sociale. Le premier protocole prévoit
ainsi :
" les caisses d'assurance maladie, en application du
principe de subsidiarité, n'offrent une telle prestation qu'en cas de
carence constatée des organismes
complémentaires ".
2. Le volet complémentaire de la couverture maladie universelle fait peser de lourdes menaces sur chacun des acteurs de la protection sociale complémentaire et crée un nouveau prélèvement obligatoire
a) Un risque de transfert des assurés vers la couverture maladie universelle
(1) Les craintes de la CANAM et de la MSA
La CANAM
et la MSA appliquent une cotisation minimale à chacun de ses
assurés, notamment ceux en début d'activité ou connaissant
des déficits. Le projet de loi ne la supprime pas explicitement et lors
des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a
expliqué que cette question ne rentrait pas dans le champ de ce projet
de loi qui ne modifiait pas les régimes professionnels
9(
*
)
.
Votre commission des finances ne partage pas ce point de vue. La cotisation
minimale s'applique en dessous des seuils de revenu qui sont ceux de la
couverture maladie universelle. Dès lors, il ne paraît pas
concevable que des assurés rationnels continuent de s'adresser à
la CANAM et à la MSA pour payer des cotisations alors qu'ils
bénéficieraient d'une couverture intégrale et gratuite
ailleurs. La CANAM et la MSA reconnaissent ainsi qu'il leur sera difficile de
maintenir une cotisation minimale aussi élevée que celle qui
existe et qu'il leur faudra probablement la supprimer. De ce point de vue, il
convient d'évaluer le coût de cette disparition. Elle
entraîne une perte nette de 1,295 milliard de francs pour la
CANAM :
Conséquences prévisionnelles pour la CANAM
en
cas de suppression de la cotisation minimale sur la base de 1998
Appel d'avril 1998 |
Débuts d'activité (*) |
Déficits |
Autres |
Total |
Effectifs |
113.660 |
67.834 |
391.740 |
573.234 |
Assiette (MF) |
|
|
|
|
Situation actuelle |
7.624 |
4.493 |
25.768 |
37.885 |
Après suppression |
0 |
0 |
12.539 |
12.539 |
Perte |
7.624 |
4.493 |
13.229 |
25.346 |
Cotisation (MF) |
|
|
|
|
Situation actuelle |
450 |
265 |
1.520 |
2.235 |
Après suppression |
0 |
0 |
740 |
740 |
Perte brute |
450 |
265 |
781 |
1.495 |
Perte nette après régularisation |
|
|
|
|
(*)
Assurés sans revenu N-2
Source : CANAM
Il en va de même pour la MSA, pour un coût de 415 millions de
francs et 163 600 chefs d'exploitation concernés.
Conséquences prévisionnelles pour la MSA
en cas de suppression de la cotisation minimale sur la base de
1998
|
Pertes de cotisations (en millions de francs) |
Manque
à gagner de cotisations sociales pour l'assiette de base à 800
SMIC/an
|
280
|
Manque
à gagner de cotisations sociales par le relèvement de l'assiette
entre 1,5 et 3,5 SMI
|
135
|
Total |
415 MF |
Source : MSA
Au total, la logique de ce projet de loi conduit à une perte de plus de
1,7 milliard de francs pour ces deux régimes, hors de tout risque
de fraude.
Le volet complémentaire pose par ailleurs un problème
spécifique à la MSA qui accueille aujourd'hui 21 sections
complémentaires sans compter les initiatives ponctuelles de certaines
caisses départementales. Elles proposent des prestations
complémentaires aux ressortissants de la MSA, dont beaucoup
possèdent des revenus en dessous du seuil établi pour le
bénéfice de la couverture maladie universelle. Cette
activité se voit donc remise en cause.
(2) Effets de seuil et minima sociaux : une incitation au travail clandestin
L'effet
de seuil généré par ce projet de loi, plus strictement et
durement ressenti par ceux qui le subissent que dans l'actuel système
où de très nombreux seuils existent risque de
générer une forte incitation à la fraude et au travail
clandestin.
En effet, à partir du moment où les caisses primaires d'assurance
maladie ne seront que faiblement en mesure, du moins lors de la mise ne place
du système, de réaliser un contrôle effectif des revenus,
se développe un fort risque de fraude. De plus, le projet de loi
prévoit une ouverture automatique des droits avant contrôle
effectif de sa justification. Par ailleurs, il ne mentionne la
possibilité d'aucune sanction en cas de fraude.
La seconde dérive possible concerne le travail clandestin. La plus
grande motivation à se faire déclarer résidait
jusqu'à maintenant dans la liaison entre cette formalité et
l'intégration dans un régime de protection sociale. Bien
sûr, les personnes en difficulté pouvaient avoir recours à
l'aide sociale te se faire assurer à l'assurance personnelle. Avec la
couverture maladie universelle, la protection devenant complète en
dessous d'un certain seuil de revenu, la désincitation est forte
à le dépasser officiellement.
(3) La question de l'harmonisation des régimes
Au delà du problème de la fraude et du contournement de la loi, la couverture maladie universelle reste l'occasion de soulever la question de l'harmonisation ou, du moins, du rapprochement des régimes d'assurance maladie. Leur justification s'émousse avec le temps et avec l'extension réalisée par ce projet de loi. Ils sont déjà intégrés par les transferts financiers de compensation qu'ils provoquent. Leur existence suscite des inégalités de traitement, des effets pervers et des comportements de choix du consommateur. Plus que jamais il paraît urgent de réfléchir à la possibilité d'un rapprochement progressif des conditions d'affiliation, des cotisations et des prestations.
b) La remise en cause des principes de la protection complémentaire : vers une libre concurrence ?
(1) Une remise en cause des principes de la protection complémentaire
Le
projet de loi remet en cause la différence essentielle entre la
protection complémentaire et l'assurance de base. La première
repose sur un effort volontaire et individuel (pouvant être offert au
niveau de l'entreprise) ; la seconde constitue une assurance obligatoire
et collective. Les organismes de protection complémentaire interviennent
donc de façon subsidiaire là où l'assurance maladie laisse
une place à l'initiative privée. Ce projet de loi supprime la
subsidiarité dans son champ d'application puisque l'assurance maladie
interviendra dans le champ de compétences des organismes
complémentaires ou bien ceux-ci dans celui de l'assurance maladie, selon
la lecture qui en est faite.
Il y a également une asymétrie puisque l'Etat peut alors
intervenir dans le régime de base et dans le régime
complémentaire tandis que les organismes de protection
complémentaire sont par définition limités à ce
dernier secteur.
Enfin, les principes d'adhésion, de cotisation, de participation
à la vie de la famille mutualiste sont remis en causse puisque le projet
de loi exclue toute obligation de paiement d'une cotisation et toute obligation
d'adhésion à la mutuelle.
(2) La compatibilité douteuse avec le droit communautaire : vers une libre concurrence ?
L'ambiguïté de la nature de la couverture maladie
universelle risque cependant de la rendre incompatible avec le droit
communautaire de la libre concurrence ou bien d'amorcer de nouvelles
évolutions. Cela dépend, une fois encore, de la nature de
l'aspect complémentaire de la couverture maladie universelle.
Il est possible d'imaginer qu'elle relève effectivement du secteur
complémentaire. Alors la concurrence entre les caisses primaires
d'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire doit
être équilibrée.
Cependant elle ne l'est pas puisque l'Etat a pris l'engagement de la rembourser
au franc le franc les dépenses de la CNAMTS et de ne pas la soumettre
à l'obligation de prolongation durant un an de la couverture
complémentaire même en cas de dépassement du seuil, tandis
que les organismes complémentaires subissaient de plus un
prélèvement obligatoire nouveau. Il serait donc possible de faire
valoir que ce projet de loi encourt le grief d'incompatibilité avec le
droit communautaire parce qu'il donne une place privilégiée au
régime obligatoire d'assurance maladie sur les organismes de protection
complémentaire dans leur propre marché, ouvert à la
concurrence européenne.
Il est aussi possible de penser que la couverture complémentaire fait
partie des régimes de base. Le système du fonds de financement,
la péréquation, l'absence de cotisation rapprochent en effet
l'aspect complémentaire de la couverture maladie universelle d'un
régime de base.
Mais alors en associant le secteur privé à sa gestion, il
démontre que ce dernier peut trouver sa place dans l'assurance de base,
sous réserve de limites posées par la puissance publique. De ce
point de vue, ce projet de loi pourrait constituer un premier pas vers
l'introduction de la concurrence au sein de l'assurance maladie.
c) La création d'une nouvelle taxe qui augmentera les prélèvements obligatoires
(1) La contribution de 1,75% : un prélèvement obligatoire
L'article 25 du projet de loi détaille les dispositions
financières de la protection complémentaire. Le financement de
celle-ci repose ainsi sur une contribution de l'Etat et sur la création
d'un prélèvement obligatoire.
Celui-ci est détaillé dans le nouvel article L. 861-13 du code de
la sécurité sociale. L'assiette du prélèvement est
constitué par le
" montant hors taxes des cotisations et primes
afférentes à la protection complémentaire en
matière de santé, recouvrées au cours d'un trimestre civil
au titre de leur activité en France "
. Son taux est de 1,75 %.
Son produit est recouvré par les organismes chargés du
recouvrement des cotisations du régime général (URSSAF).
Il est perçu par le fonds de financement de la protection
complémentaire de la couverture maladie universelle. Les reversements
sont trimestriels et sont évalués nets du montant de la
contribution due par le fonds au titre de la prise en charge de
bénéficiaires de la couverture maladie universelle,
c'est-à-dire 375 F par trimestre.
La nature comptable de cette contribution doit bien entendu être une
charge venant au compte de résultat réduire le résultat de
l'exercice. De même, il ne s'agirait pas de soumettre les montants
perçus du fonds à paiement de l'impôt sur les
sociétés alors qu'il s'agit d'une compensation de charges :
si c'était le cas, le coût en serait augmenté du taux de
l'impôt sur les sociétés.
Le rendement estimé de cette contribution s'élève à
1,8 milliard de francs.
La contribution de 1,75 % fera partie des prélèvements obligatoires.
" Suivant la définition de l'OCDE, les
prélèvements obligatoires sont les versements effectifs
opérés par les agents économiques au profit du secteur des
administrations publiques, tel qu'il est défini par la
comptabilité nationale, dès lors que ces versements
résultent, non d'une décision de l'agent économique qui
les acquitte, mais d'un processus collectif de décisions relatives aux
modalités et au montant des débours à effecteur.
L'éventuel " Fonds de financement de la protection
complémentaire de la couverture universelle du risque maladie "
sera classé sans conteste dans le secteur des administrations publiques.
Le prélèvement éventuel de 1,75 % sur les cotisations
des mutuelles, institutions de prévoyance et assurances, qui constituera
ses ressources aurait donc toutes les caractéristiques d'un
prélèvement obligatoire.
Mais la notion de prélèvement obligatoire, sous son apparente
simplicité, n'est pas toujours facile à cerner. Elle ne fait
d'ailleurs pas l'objet encore d'une normalisation au sein du SEC 95. Parmi les
difficultés qu'elle soulève, figure le traitement des versements
effectués entre organismes appartenant aux administrations
publiques : à partir du moment où ces derniers financent de
tels versements avec des ressources provenant essentiellement de
prélèvements effectués sur des agents n'appartenant pas
eux-mêmes aux administrations publiques, prélèvements qu'il
est alors aisé de qualifier eux-mêmes d'obligatoires, il existe un
risque d'introduire un double compte si on classe ces versements parmi les
prélèvements obligatoires.
Tel est le problème soulevé par la qualification des ressources
du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture
universelle du risque maladie. Il est donc proposé de retenir dans les
prélèvements obligatoires, les seules ressources provenant des
contributions effectuées par les unités mentionnées
à l'article L.861-13 qui n'appartiennent pas aux administrations
publiques.
Les autres ressources relatives à l'article L.861-13 et celles de
l'article L.861-12-b seraient traitées comme des transferts courants
entre administrations publiques. "
Ainsi donc, la contribution de 1,75 % sera un prélèvement
obligatoire pour sa partie payée par des unités n'appartenant pas
aux administrations publiques.
Source : INSEE
(2) Elle n'est pas exempte de critiques techniques
Ce
prélèvement obligatoire n'est pas critiqué dans son
principe. Il convient d'ailleurs de noter que les premières
hypothèses de travail faisait état d'un taux pouvant aller
jusqu'à 2,5 % ce qui semble plus réaliste au regard de la
sous-estimation probable du montant de 1.500 F. Fixée à
2,5 %, la contribution rapporterait donc, toutes choses égales par
ailleurs, près de 2,6 milliards de francs. Il est possible que dans
l'avenir, le Gouvernement trouve dans cet engagement initial une justification
pour une augmentation future du taux destinée à couvrir les
coûts supplémentaires de la couverture maladie universelle.
La première critique porte sur la nature du mécanisme. Il aurait
été possible d'établir un système similaire
à celui de la taxe d'apprentissage où les dépenses sont
déduites en totalité du montant dû, ou bien un
système séparant explicitement le versement de la
rétribution de 1500 F pour bien montrer qu'il s'agit d'un
prélèvement et que par ailleurs, les organismes
complémentaires le souhaitant assument une mission de service public
pour laquelle ils sont indemnisés.
La seconde critique porte sur l'imprécision de l'assiette du
prélèvement au regard de la réassurance et de
l'émission d'appels de primes depuis l'étranger. En effet,
l'assiette actuelle impose doublement les montants des cotisations et
primes : lors de leur perception et lors de leur éventuelle
réassurance. De plus, sont exclus de l'assiette les organismes
émettant des primes ou des cotisations depuis un autre pays que la
France. Dans le cadre de l'harmonisation européenne, il est possible
à un assureur européen de réaliser son activité
sans mandataire en France ; il se verrait alors, dans la rédaction
actuelle du texte, exclu du champ de la contribution alors que son
activité se déroulerait pourtant en concurrence avec des
sociétés françaises qui y seraient soumises. Votre
commission des finances vous proposera ainsi de revoir la rédaction de
l'assiette de la taxe.
La troisième critique porte sur la référence explicite
dans le texte au montant de 375 F par trimestre. Cette qualification
législative du montant estimé du panier de soins rendra d'autant
plus difficile sa revalorisation lorsqu'il se révélera que les
calculs initiaux étaient effectivement sous évalués. Votre
commission des finances vous proposera ainsi de renvoyer la fixation de ce
montant au pouvoir réglementaire et donc de déconnecter ce
montant de la contribution pour éviter l'obstacle de l'article 34 de la
Constitution.
Enfin, il convient d'exclure explicitement le montant de la somme versée
par le fonds de financement du chiffre d'affaires, et donc de l'extraire de
l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
(3) Son articulation douteuse avec le droit communautaire
Enfin, la contribution de 1,75 % risque d'être inapplicable vis-à-vis des acteurs de protection complémentaire européens désireux d'intervenir sur le marché français. En effet, pour être assujetti à cette taxe il leur faudra désigner un mandataire en France ou bien faire preuve de la bonne volonté de la payer. Dans le même temps, ils pourront arguer d'une entrave à la libre concurrence et proposer des produits non soumis aux 1,75 % aux courtiers français qui les placeront.
3. Un mécanisme facteur de lourdes inégalités
a) Au détriment de la protection sociale complémentaire en général
(1) L'inégal traitement entre la CNAMTS et les organismes de protection complémentaire
Les deux
principales inégalités entre la CNAMTS et les organismes
complémentaires portent sur la prolongation de la couverture
complémentaire pendant un an et sur les différences de
modalités de remboursement de la prise en charge des
bénéficiaires du volet complémentaire du projet de loi.
La prolongation des droits pendant un an est obligatoire si le
bénéficiaire qui s'est adressé à un organisme
complémentaire en fait la demande, alors qu'elle est impossible pour
celui qui se sera adressé à la caisse primaire d'assurance
maladie. Ainsi, les acteurs privés accueillant des
bénéficiaires de la couverture maladie universelle
supporteront-ils des charges que la CNAMTS n'aura pas pour ses propres
bénéficiaires.
La justification de cette inégalité réside probablement
dans le fait que les organismes complémentaires pourront ensuite
conserver ces bénéficiaires comme clients, alors que la CNAMTS ne
le pourra pas puisqu'elle n'assurer pas de prestations complémentaires.
Mais ce raisonnement conduit à un double paradoxe :
• Il y aura
de facto
un partage des rôles entre la CNAMTS et
les acteurs privés. Mais alors les plus démunis, qui iront
à la CNAMTS, ne pourront pas bénéficier d'un tarif
avantageux s'ils sortent de la couverture maladie universelle et seront donc
défavorisé par rapport à ceux, moins démunis, qui
se seront adressés à un acteur privé ; ceux qui
auraient eu le plus besoin d'un accompagnement supporteront donc plus durement
l'effet de seuil ; le paradoxe engendre l'inégalité ;
• Le Gouvernement affirme que la prolongation entre dans le cadre de la
couverture maladie universelle et, pourtant, la sépare de son aspect
complémentaire en indiquant qu'il ne s'agit plus de la même
activité mais de quelque chose relevant de l'assurance ; en ce cas,
l'aspect complémentaire du texte relève, lui, de la
sécurité sociale et fait intervenir à tort les organismes
complémentaires privés ; le paradoxe engendre
l'incohérence.
La seconde source d'inégalités entre la CNAMTS et les acteurs
privés se trouve dans les modalités de la compensation des
dépenses engagées par chacun au titre de la couverture
complémentaire. Pour l'une, CNAMTS, ces dépenses sont
intégralement remboursées. Pour les autres, acteurs
privés, les mêmes dépenses sont remboursées à
hauteur de 1.500 F. Or, dans les deux cas, l'activité est la même
puisque le Gouvernement refuse la répartition des publics entre les deux
organismes. Avec ce mécanisme différencié, il
reconnaît lui-même qu'une sélection se fera ; ou bien
il reconnaît lui-même que le forfait de 1.500 F correspond à
une estimation erronée de la réalité (si elle était
juste et il n'y aurait pas de raison que le remboursement se fasse de
manière différente dans un cas ou dans l'autre).
Ce mécanisme génère enfin un effet pervers
important : la CNAMTS n'a aucune incitation à rechercher une
limitation de ses dépenses au titre de la couverture
complémentaire.
Enfin, le projet de loi dans son article 20 organise la liquidation des droits
auprès d'un interlocuteur unique, la caisse primaire d'assurance
maladie. Ceci va contraindre les organismes de protection complémentaire
à mettre en place un échange d'informations avec un protocole
coûteux, Noemie 3 aux caractéristiques fixées par le
régime général de façon unilatérale.
(2) Les inégalités de couverture
Le
projet de loi risque de susciter de lourdes inégalités de
traitement, au sein des entreprises et au sein de l'ensemble des
Français.
La couverture maladie universelle pourra s'adresser à des
salariés ayant une faible rémunération (salariés
à temps partiel ou bien salariés payés au SMIC et ayant
charge de famille). Cependant, dans les entreprises n'ayant pas de
complémentaire santé à titre collectif, ils pourraient
travailler avec d'autres salariés soit sans aucune couverture
complémentaire santé individuelle, soit versant des cotisations
élevées à ce titre pour des prestations inférieures
à celles obtenues dans le cadre de la couverture maladie universelle.
A l'inverse, dans les entreprises couvertes par un accord collectif de
prévoyance santé, les salariés bénéficiaires
de la couverture maladie universelle pourraient bénéficier de la
couverture d'entreprise à titre différentiel tandis que ceux
n'ayant que cette dernière seraient moins bien couverts.
Enfin, la couverture maladie universelle offrira une protection complète
et gratuite en dessous d'un certain seuil de revenus alors que pour un
très faible différentiel de revenus l'effort facultatif et
individuel aura un coût très important pour des prestations en
retrait.
b) Au détriment des assurances en particulier
(1) La double imposition certaine avec l'impôt sur les sociétés
Les
sommes versées par le fonds de financement de la protection
complémentaire de la couverture maladie universelle aux acteurs
privés ayant décidé de participer restent soumises
à l'impôt sur les sociétés dans la rédaction
du projet de loi telle qu'elle résulte des débats à
l'Assemblée nationale.
Votre commission des finances estime que cette double imposition serait
infondée et augmenterait les distorsions de concurrence
déjà élevées entre la caisse nationale d'assurance
maladie et les organismes de protection complémentaire, mais aussi entre
ceux d'entre eux qui sont soumis à l'impôt sur les
sociétés et ceux qui ne le sont pas.
Elle vous proposera donc d'exclure explicitement les sommes versées par
le fonds du champ de l'impôt sur les sociétés. Ceci
constitue un argument supplémentaire pour la déconnexion
comptable entre le prélèvement obligatoire et l'allocation
reçue pour compenser pour compenser une partie des charges
occasionnées par la participation à la couverture maladie
universelle.
(2) La double imposition probable avec la taxe de 7 % sur les contrats d'assurance
Par ailleurs, les sociétés d'assurance seront conduites, comme les mutuelles, à répercuter la charge du nouveau prélèvement obligatoire sur leurs primes d'assurance. Cependant, toute augmentation des primes reste soumise à la taxe de 7% sur les contrats d'assurance qui constitue une distorsion de concurrence entre les mutuelles et les entreprises relevant du code des assurances.
Prélèvements fiscaux sur les contrats de complémentaire santé
|
Entreprises relevant du code des assurances |
Institutions de prévoyance |
Mutuelles du code de la mutualité |
Taxe d'assurance |
7 % |
0 |
0 |
Contribution C.M.U (projet) |
1,75 % |
1,75 % |
1,75 % |
Pour réduire cette distorsion de concurrence, votre commission des finances estime nécessaire de prévoir un dispositif de crédit d'impôt assorti d'une clause de sauvegarde préservant l'avenir en cas d'augmentation du taux de la contribution de 1,75 %.
(3) Une mise en oeuvre pratique délicate
L'article 20 du projet de loi adopté par
l'Assemblée
nationale introduit un article L. 861-7 dans le code de la
sécurité sociale prévoyant les modalité pratiques
de mise en place de la liste proposée aux futurs
bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Les
organismes désireux de participer établiront une
déclaration. Puis l'autorité administrative - ce qui laisse
entendre que la déclaration sera déposée auprès des
directions départementales des affaires sanitaires et sociales -
établira et diffusera la liste de organismes participants. Sur cette
liste figureront également les coordonnées des associations,
services sociaux et organismes à but non lucratif et
établissements de santé concernés.
La mise en oeuvre de cet article paraît cependant se heurter à des
obstacles pratiques importants. D'abord, les préfets devront-ils faire
le recensement préalable de tous les distributeurs possibles pour leur
soumettre le formulaire de participation au dispositif ou bien se
contenteront-ils de recueillir ceux qui leur parviendront ? Ensuite, le
texte ne prévoit pas quels documents les organismes
complémentaires pourront proposer en même temps que leurs
coordonnées pour présenter leurs produits aux futurs
bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Enfin, se
pose un problème juridique pour les courtiers. Le texte du projet de loi
les en exclue : en effet, ce sont les organismes qui décident de
participer ou non. Or les courtiers ne sont pas un organisme mais proposent des
produits de plusieurs organismes dont aucun ne pourra les désigner en
tant que tel. Cependant, les exclure revient à exclure de la mise en
oeuvre de la couverture maladie universelle les principaux acteurs de
l'assurance. La lecture partenariale trouve ici des limites juridiques.
c) Au détriment de l'ensemble du secteur de la prévoyance par incidente
(1) Une volonté affichée de développer la prévoyance...
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements
insérant deux articles additionnels, articles 20
bis
et 20
ter
, pour étendre les obligations de négociation
d'entreprise en matière de prévoyance santé. Ainsi, le
projet de loi prévoit l'obligation d'une négociation annuelle
dans chaque entreprise sur le thème de la prévoyance maladie, si
les salariés ne sont pas déjà couverts par un accord de
branche ou un accord d'entreprise. Parallèlement, les
" modalités d'accès à un régime de
prévoyance maladie "
sont ajoutées aux conditions mises
par l'article L. 133-5 du code du travail pour l'extension d'une convention de
branche au niveau national.
Cette volonté d'extension de la prévoyance maladie rejoint le
juste souci d'assurer une protection générale en étendant
la couverture complémentaire. Cependant, s'agissant d'une
négociation paritaire et partenariale et d'un domaine où la
liberté a toujours été la règle, votre commission
pense que les obligations intégrées à ces articles ne
constituent pas une réponse adaptée.
Ce projet de loi bouleverse certes les rapports entre protection
complémentaire et protection de base en rendant la première
obligatoire. Il ne s'agirait cependant pas d'étendre ce principe comme
le font ces deux articles additionnels car cela reviendrait à
intégrer progressivement la souscription facultative et volontaire
à une assurance complémentaire dans le champ de l'assurance de
base. Votre commission des finances se prononce donc contre les contraintes
formulées dans ces deux articles additionnels et préfère
une suppression progressive des obstacles fiscaux pesant sur la
prévoyance maladie.
(2) ... alors que continue à peser sur elle de lourds prélèvements
Inspirée du souci de favoriser la souscription de
contrats
d'effort individuel et collectif en matière de prévoyance
maladie, plutôt que d'imposer une nouvelle contrainte, votre commission
des finances constate que de nombreux prélèvements obligatoires
découragent aujourd'hui ne partie la souscription de tels contrats. Il
convient d'ailleurs de noter que la contribution de 1,75 % introduite par ce
projet de loi les augmente.
Prélèvements obligatoires opérés sur l'assurance
maladie complémentaire
(Frais de santé) 10( * )
|
Couverture collective |
|||||
PRELEVEMENTS FISCAUX |
Part patronale 11( * ) |
Part salariale 12( * ) |
||||
|
Entreprises relevant du code des assurances |
Institutions de prévoyance |
Mutuelles du code de la mutualité |
Entreprises relevant du code des assurances |
Institutions de prévoyance |
Mutuelles du code de la mutualité |
Taxe d'assurance |
7 % |
0 |
0 |
7 % |
0 |
0 |
Taxe sur la prévoyance |
8 % |
8 % |
8 % |
|
|
|
C.S.G |
7,5 % |
7,5 % |
7,5 % |
|
|
|
C.R.D.S |
0,5 % |
0,5 % |
0,5 % |
|
|
|
Contribution C.M.U (projet) |
1,75 % |
1,75 % |
1,75 % |
1,75 % |
1,75 % |
1,75 % |
PRELEVEMENTS SOCIAUX |
La part des contributions " employeur " de prévoyance complémentaire qui excède 19 % de 85 % du plafond de la Sécurité Sociale est soumise aux cotisations sociales |
|
Ainsi
donc, votre commission des finances s'interroge sur l'opportunité de
réduire le poids de ces prélèvements fiscaux et sociaux
sur les contrats collectifs pour inciter les entreprises et les salariés
à augmenter leur effort.
L'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 a créé la taxe de 6
% sur les contrats de prévoyance, dont le taux a été
élevé à 8 % par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998. Votre commission des finances vous
avait lors de l'examen de ce texte proposé la suppression de cette taxe
dont elle avait démontré qu'elle avait une
régularité juridique douteuse (un arrêt du Conseil d'Etat
du 12 juin 1998 est d'ailleurs venu confirmer ces observations) et une
justification économique absurde.
Les problèmes juridiques concernant l'assiette de cette taxe ont
été réglés depuis lors. La taxe sur contrats de
prévoyance est due par les employeurs depuis le 1
er
janvier
1996 sur les contributions versées par eux-mêmes ou par les
comités d'entreprise pour le financement de prestations
complémentaires de prévoyance. Son assiette recouvre l'ensemble
des cotisations versées à un organisme tiers pour financer des
prestations de prévoyance complétant celles servies par les
régimes de base de sécurité sociale au
bénéfice des seuls salariés actifs et de leurs
ayants-droit. Sont exclues les cotisations pour garantir l'obligation de
maintien de salaire en cas de maladie et les contributions des organismes
assureurs pour provisions. En sont exonérées les entreprises
n'occupant pas plus de 9 salariés.
Cependant, cette taxe garde son fondement théorique contestable. En
effet, elle introduit une inégalité de traitement entre le
salariés des entreprises ayant mis en place une prévoyance
complémentaire et ceux des entreprises ne l'ayant pas fait. La taxation
des entreprises les plus prévoyantes apparaît absurde et les
conduit à ne plus mettre en place de prévoyance ou à
réduire les prestations. Il est d'autant plus urgent de revenir sur ce
dispositif que se déroulent déjà les négociations
pour le renouvellement des contrats souscrits avant la loi du 8 août 1994
qui a introduit l'obligation de réexamen quinquennal.
De plus, ce projet de loi entend favoriser la protection complémentaire
et les efforts individuels de couverture. Votre commission des finances estime
donc une nouvelle fois souhaitable la suppression de cette taxe sur les
contrats prévoyance.
Cependant, elle reconnaît que le montant de cette taxe
(2,350 milliards de francs prévus en 1999, affectés au Fonds
de solidarité vieillesse) peut difficilement être compensé
par l'Etat dans le contexte budgétaire actuel.
Tout en réaffirmant son hostilité de principe aux recettes de
poche dont relève cette taxe, votre commission des finances vous propose
donc d'en extraire de son assiette toutes les cotisations concernant la
santé et de compenser la perte de recettes ainsi
générée par une augmentation à due concurrence des
droits sur les tabacs.
III. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES : NEUTRALITÉ FINANCIÈRE, COÛT MAÎTRISÉ
A. L'EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
de sa séance du mercredi 26 mai 1999, la commission des finances a
procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques
Oudin sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie
universelle.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a rappelé l'importance des
transferts financiers liés à la mise en place de la couverture
maladie universelle : transfert de plus de 9 milliards de francs de
dotation globale de décentralisation, création d'un nouveau
prélèvement obligatoire et augmentation des dépenses de
l'Etat. Il a remarqué que ce projet de loi en contenait en fait
deux : l'un relatif à la couverture maladie universelle et un
l'autre portant diverses mesures d'ordre social, à propos duquel la
commission n'avait pas demandé de saisine pour avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a alors brossé un tableau de
l'état des finances publiques pour constater l'augmentation des
dépenses de l'Etat, le déficit de l'assurance maladie, qui
devrait s'élever à 16 milliards de francs pour 1998 au lieu de
8,5 prévus, et autour de 20 milliards de francs pour 1999 au lieu du
retour à l'équilibre annoncé. Dans ces conditions, il a
considéré qu'il était impossible de créer des
dépenses nouvelles sans les financer par des redéploiements.
Le rapporteur pour avis a retracé les grandes lignes du texte
résultant des délibérations de l'Assemblée
nationale. S'agissant de la couverture de base, il a reconnu que son extension
à 150 000 personnes, aujourd'hui exclues de tout système de
protection maladie, correspondait à un objectif légitime. Cette
extension sera financée par une " tuyauterie " complexe
aboutissant à des dépenses supplémentaires et des moindres
recettes pour la Sécurité sociale de plus de 1,2 milliard de
francs. S'agissant de la couverture complémentaire, qui concerne 6
millions de personnes, il a rappelé qu'elle sera prise en charge, sous
condition de ressources, par l'assurance maladie et les organismes de
protection complémentaire, et financée pour la première au
franc le franc, pour les seconds par un forfait de 1500 F par an et par
bénéficiaire. Le fonds de financement recevra le produit d'une
contribution de 1,75 % versée par les organismes complémentaires
et une subvention d'équilibre de l'Etat.
M. Jacques Oudin a alors fait part à la commission des finances de ses
observations. Il a constaté, pour le déplorer, que la
présentation du coût financier n'apparaissait pas sincère.
Il a remarqué que la lecture de l'étude d'impact fournie par le
Gouvernement recensait quatre dépenses supplémentaires, par
rapport aux sommes actuellement utilisées pour l'aide
médicale : le prélèvement obligatoire sur les
mutuelles et assurances (1,8 milliard), la partie non financée de
la subvention d'équilibre de l'Etat (1,7 milliard), les dépenses
supplémentaires de la CNAMTS (900 millions de francs) et les pertes de
recettes pour la CNAF (320 millions de francs). Il a ajouté qu'à
son avis pouvaient s'y ajouter dix sources de coûts non prises en
compte :
- la sous-estimation de la dépense maladie pour le régime
général des 150 000 nouvelles personnes couvertes ;
- la sous-estimation de la dépense de couverture complémentaire
maladie pour les 6 millions d'assurés qui en
bénéficieront ;
- la non prise en compte de la différence de remboursement de base entre
la CNAMTS d'une part, la CANAM (Caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs indépendants et professions libérales) et la MSA
(Mutualité sociale agricole) d'autre part ;
- la remise en cause de la cotisation forfaitaire minimale acquittée
pour l'affiliation à la CANAM et la MSA en dessous d'un certain seuil de
revenus ;
- le maintien des droits à prestations complémentaires pendant un
an pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle
qui se seront adressés à un organisme complémentaire ;
- les frais de gestion pour la CNAMTS ;
- les frais de gestion pour les organismes complémentaires ;
- les dépenses transitoires pour les communes et les
départements ;
- les dépenses non compensées pour les départements qui
consentaient un effort d'aide médicale au dessus des seuils
prévus par la couverture maladie universelle ;
- les pertes de cotisations pour les mutuelles qui accueillaient des personnes
qui désormais bénéficieront de la couverture maladie
universelle.
Au total, le rapporteur pour avis a évalué à près
de 10 milliards de francs les coûts supplémentaires
entraînés par ce projet de loi.
M. Jacques Oudin a ensuite énuméré les dérives
financières du projet soumis au Sénat :
- la couverture maladie universelle n'instaure aucun mécanisme de
régulation de la dépense puisque l'affiliation y est
automatique ; il n'y a pas de participation financière des
bénéficiaires ; le prix des prestations servies reste
à négocier ; il fonctionne selon un mécanisme de
tiers payant intégral ;
- l'Etat remboursera à la CNAMTS l'intégralité des
dépenses qu'elle supportera au titre de la couverture
complémentaire ;
- la couverture maladie universelle offrira une couverture complète
à coût nul pour le bénéficiaire.
Le rapporteur pour avis a par ailleurs estimé que la couverture maladie
universelle suscitera des inégalités fortes :
inégalité dans la pauvreté juste au-dessus du seuil de
3.500 francs ; inégalité entre la sécurité
sociale et les organismes complémentaires ; inégalité
confirmée entre les mutuelles et les assurances.
Enfin, il a énuméré les effets pervers que pourrait
susciter ce projet de loi. Il l'a considéré comme
déresponsabilisant pour ses bénéficiaires, comme une
incitation supplémentaire au travail clandestin et comme brouillant la
frontière entre la protection complémentaire et l'assurance de
base. Il s'est ainsi interrogé sur la compatibilité du texte avec
le droit européen de la libre concurrence. Il a estimé que le
système français serait le plus généreux des pays
européens et constituera une incitation évidente pour les
ressortissants étrangers.
M. Jacques Oudin a ensuite décrit ses propositions d'amendement. Il a
souhaité d'abord développer une approche en termes de finances
locales. Il a analysé d'une part le mécanisme de remontée
de la dotation globale de décentralisation et des dépenses d'aide
médicale des départements vers l'Etat, en s'interrogeant sur
l'opportunité de la date du 1
er
janvier 2000. D'autre part,
il a développé les conséquences de ce projet de loi sur
les contingents communaux d'aide sociale. Il a ainsi estimé
légitime leur suppression et indiqué que les modalités de
sa compensation faisaient l'objet de négociations entre le Gouvernement
et les associations d'élus locaux. Il a proposé ensuite, en
matière de fiscalité, de corriger les doubles impositions
créées par l'instauration de la taxe de 1,75 %. En
matière de prévoyance, enfin, il a indiqué sa
préférence pour l'allégement des contraintes fiscales
pesant sur les contrats de prévoyance plutôt que sur les
obligations de négocier introduites par le projet de loi aux articles 20
bis et 20 ter.
Le rapporteur pour avis a conclu son intervention en s'interrogeant sur le
" financeur ultime " de ce projet de loi. Il a ainsi constaté
que le coût pèserait autant sur le contribuable d'aujourd'hui que
sur celui de demain après le transfert du déficit de la
sécurité sociale à la CADES.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé
sur la nécessité d'une telle législation et a
demandé au rapporteur pour avis son analyse sur les propositions de la
commission des affaires sociales.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, après avoir rappelé que
l'étude des prélèvements obligatoires était
répartie entre les deux commissions des finances et des affaires
sociales, a indiqué que celle-ci proposerait une aide
personnalisée à la santé permettant de réduire les
effets de seuils dans un système plus responsabilisant pour les
bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Il a ensuite
insisté sur le préalable que constituait un redéploiement
des dépenses de santé.
Mme Marie-Claude Beaudeau est intervenue pour indiquer que ce projet de loi
mettait fin à de profondes inégalités et constituait le
dernier volet de la loi contre les exclusions. Elle a estimé qu'on ne
pouvait s'opposer à l'instauration d'une gratuité des soins pour
les plus démunis. Elle s'est ainsi demandé comment un pays ayant
un niveau aussi élevé de dépenses de santé et de
prélèvements obligatoires pouvait maintenir une telle exclusion
des soins. Elle a conclu en constatant qu'au-delà des financements
incertains, il s'agissait d'un enjeu social important.
Puis la commission a examiné les propositions d'amendements
présentées par son rapporteur pour avis.
A l'article 13, la commission a adopté un amendement prévoyant
que le transfert de dotation globale de décentralisation ne serait
effectif qu'à compter de l'extinction des droits à l'admission
à l'aide sociale.
La commission a adopté un amendement proposant d'insérer un
article additionnel après l'article 13, demandant au Gouvernement un
rapport sur les conséquences de l'adoption de la loi portant
création d'une couverture maladie universelle sur les contingents
communaux d'aide sociale.
La commission a ensuite adopté deux amendements de suppression des
articles 20 bis et 20 ter.
La commission a adopté un amendement proposant un article additionnel
après l'article 20 ter, excluant de l'assiette de la taxe sur les
contrats de prévoyance les cotisations versées par les employeurs
au titre de la garantie frais de soins des contrats de prévoyance.
A l'article 25, la commission a adopté quatre amendements. Le premier
prévoit un crédit d'impôt pour les entreprises redevables
de la taxe sur les contrats d'assurances pour éviter une double
imposition, à ce titre, du produit de la contribution de 1,75 %. Le
second distingue, au nom du principe de non compensation, le versement de la
contribution de 1,75 % des sommes reçues du Fonds de financement de la
protection complémentaire de la couverture maladie universelle pour la
prise en charge de bénéficiaires de celle-ci par les organismes
de protection complémentaire. La commission a ensuite adopté un
amendement de conséquence au même article. Le dernier amendement
exclut de l'assiette de l'impôt sur les sociétés les sommes
reçues du Fonds de financement de la protection complémentaire.
B. LES AMENDEMENTS DE LA COMMISSION DES FINANCES
1. Renforcer la neutralité pour les finances locales
a) En prévoyant une clause de sauvegarde pour le transfert de la dotation globale de décentralisation
Votre
commission des finances émet des doutes sur la mise en place effective
de la couverture maladie universelle au 1
er
janvier 2000. Cependant,
elle préfère s'en remettre aux différents acteurs et ne
pas modifier la date d'entrée en vigueur prévue par le projet de
loi.
Pour que les départements ne subissent pas la perte de leur ressource
alors que système de remplacement ne serait pas mis en oeuvre, votre
commission présentera un amendement prévoyant explicitement que
le transfert de la dotation globale de décentralisation ne sera effectif
qu'au jour où la couverture maladie universelle entrera
réellement en vigueur dans le département.
Elle vous propose de déterminer ce jour à la date où la
liste des organismes de protection complémentaire participant à
la couverture maladie universelle aura été établie et
diffusée comme le prévoit le nouvel article L. 861-7 du code
de la sécurité sociale.
b) En ouvrant le débat des contingents communaux d'aide sociale
Les
contingents communaux d'aide sociale devront faire l'objet d'une profonde
réforme à la suite de ce projet de loi.
Votre commission des finances ne souhaite pas interférer dans les
négociations actuellement réalisées entre l'Etat et les
collectivités locales. Elle estime néanmoins que deux principes
peuvent être énoncés pour cette réforme :
• neutralité financière pour les départements ;
• correction de certaines inégalités existant entre les
communes.
C'est pourquoi, elle vous propose d'ouvrir le débat et de lui fixer un
terme lors de l'examen de la prochaine loi de finances.
2. Atténuer les doubles impositions pour les organismes de protection complementaire
a) En supprimant le lien entre la contribution de 1,75 % et l'allocation versée par le fonds de financement de la protection complémentaire
Le
projet de loi prévoit que les versements des organismes
complémentaires au titre de la contribution de 1,75 % seront nets des
sommes qu'ils recevront du fonds de financement de la protection
complémentaire au titre de la prise en charge de
bénéficiaire de la couverture maladie universelle.
Ce dispositif n'est pas exempt de critiques ? Il contrevient au principe
de non compensation des recettes et des charges. De plus, il rend difficilement
lisibles à la fois les sommes dues au titre d'un
prélèvement obligatoire et les allocations reçues pour la
prise en charge.
Votre commission propose donc de délier les unes des autres.
b) En excluant le nouveau prélèvement obligatoire de l'assiette de l'impôt sur les sociétés
La
rédaction du projet de loi à l'issue des débats à
l'Assemblée nationale soumet les sommes reçues du fonds de
financement de la protection complémentaire à l'impôt sur
les sociétés.
Cette inclusion dans l'assiette accentue davantage la sous-estimation du
forfait de 1500 F puisqu'il faudrait donc en déduire la part
d'impôt sur les sociétés qu'il contient.
De plus, il paraît injustifié de faire subir l'impôt sur les
sociétés pour la participation volontaire et coûteuse
à un mécanisme de solidarité nationale, déjà
imposé par la contribution de 1,75 %.
Votre commission des finances vous propose donc de prévoir l'exclusion
de l'assiette de l'impôt sur les sociétés de toutes les
sommes reçues du fonds de financement.
c) En excluant le nouveau prélèvement obligatoire de l'assiette de la taxe sur les assurances
Si les
sociétés d'assurance font porter le coût du nouveau
prélèvement obligatoire sur l'ensemble de leurs primes, cette
charge nouvelle sera elle-même soumise à la taxe de 7% sur les
contrats d'assurance et donc subira une double imposition.
Il paraît donc juste d'éviter cette distorsion
supplémentaire de concurrence avec mes mutuelles et de remédier
à cette double imposition en essayant de rendre neutre la nouvelle
contribution au regard de la taxe sur les assurances.
Votre commission des finances vous proposera donc un système de
crédit d'impôt.
3. Assurer une meilleure incitation à la prévoyance santé
a) En supprimant les obligations de négocier
Votre
commission des finances estime qu'il n'est pas souhaitable de contraindre
à négocier, donc de risquer de susciter des conflits (ou des
charges lourdes pour de petites entreprises par la voie de l'extension des
accords de branche) dans une matière qui relève de la protection
facultative.
C'est pourquoi elle vous proposera de supprimer les articles 20
bis
et
20
ter
.
b) En allégeant la taxe sur la prévoyance
Votre
commission des finances rappelle son hostilité de principe aux recettes
de poche de la sécurité sociale et à la taxe sur les
contrats prévoyance.
Elle estime ainsi que cette taxe crée des inégalités de
situations entre les salariés en défavorisant les efforts que
souhaiteraient réaliser des entreprises pour améliorer la
protection complémentaire de leurs salariés. Elle constate
d'ailleurs que lors des débats à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement s'est déclaré lors de l'examen des articles 20
bis
et 20
ter
en faveur d'une meilleure couverture
prévoyance maladie.
Votre commission des finances vous propose donc de soustraire à la taxe
sur les contrats prévoyance les cotisations versées au titre de
la prévoyance maladie.
LISTE DES AUDITIONS ET
CONSULTATIONS DU RAPPORTEUR
Personnes auditionnées
Monsieur Jean-Pierre Bancel, directeur général de la
Fédération nationale de la mutualité française
Madame Jeannette Gros, président de la Mutualité sociale agricole
Monsieur Gilles Johanet, directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés
Monsieur Georges Jollès, vice-président du Mouvement des
entreprises de France, chargé de la protection sociale
Monsieur Jean de Kervasdoué, professeur au Conservatoire national des
arts et métiers
Organismes consultés
Assemblée des départements de France
Association des maires de France
Caisse autonome d'assurance maladie des travailleurs indépendants et des
professions libérales
Institut national de la statistique et des études économiques
Département de Paris
Fédération française des sociétés d'assurance
Groupement des entreprises mutuelles d'assurances
SIGLES UTILISÉS
ACOSS |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale |
ADF |
Assemblée des départements de France |
AMF |
Association des maires de France |
AMU |
Assurance maladie universelle |
CADES |
Caisse d'amortissement de la dette sociale |
CAF |
Caisse d'allocations familiales |
CANAM |
Caisse d'assurance maladie des travailleurs non salariés et professions libérales |
CCAS |
Centre communal d'action sociale |
CMU |
Couverture maladie universelle |
CNAF |
Caisse nationale d'allocations familiales |
CNAMTS |
Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés |
CPAM |
Caisse primaire d'assurance maladie |
CREDES |
Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé |
CSG |
Contribution sociale généralisée |
DGD |
Dotation globale de décentralisation |
DGF |
Dotation globale de fonctionnement |
FFSA |
Fédération française des sociétés d'assurance |
FNMF |
Fédération nationale de la mutualité française |
FSV |
Fonds de solidarité vieillesse |
MSA |
Mutualité sociale agricole |
ONDAM |
Objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie |
RMI |
Revenu minimum d'insertion |
URSSAF |
Union de recouvrement des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales |
1
Votre commission des finances n'a pas
demandé de saisine pour avis sur le titre IV de ce projet de loi qui
constitue à lui seul un vrai texte portant diverses mesures d'ordre
social. Elle ne peut que déplorer une procédure l'invitant
à se prononcer en un vote sur deux projets de loi profondément
différents et sur l'introduction à l'Assemblée nationale
de plus de vingt articles additionnels.
2
Eléments tirés de Jean de Kervasdoué,
Santé pour une révolution sans réforme
, Paris, Le
Débat, Gallimard, 1999, 199 pages
3
Voir Rolande Ruellan, " L'organisation de la
sécurité sociale ", in
Revue française de
finances publiques
, n° 6, Paris, Belfond, novembre 1998.
4
Source : FNMF
5
L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale
introduit par l'article 20 du projet de loi a été
complété par une extension du tiers-payant pour quiconque
s'inscrira auprès de son médecin référent.
6
Cour des Comptes,
La décentralisation en matière
d'aide sociale
, Rapport au Président de la République, Paris,
décembre 1995
7
Nouvelles approches micro-économiques de la santé,
in
Economie et prévision
, n° 129-130, INSEE.
8
Conseil d'analyse économique,
Régulation du
système de santé
, Paris, La documentation française,
1999, 203 pages.
9
Le projet de loi exclut les régimes étudiants de la
couverture maladie universelle. Votre commission des finances estime
néanmoins que se posera après l'adoption du projet de loi la
question de la légitimité de leur maintien.
10
Source FFSA
11
Déductible des revenus ou résultats imposables de
l'entreprise versante
12
Exonération dans certaines conditions