DEUXIÈME PARTIE -
LES INCERTITUDES LIÉES À
L'INSTAURATION DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS
POLLUANTES
I. LE DISPOSITIF DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP)
Le projet de loi de finances pour 1999 traduit la volonté du Gouvernement de s'engager dans la voie d'une fiscalité plus écologique. Ceci s'inscrit dans les objectifs du développement durable, qui cherche à concilier les aspirations économiques et sociale et la préservation de l'environnement. Cette démarche s'appuie également sur les conclusions du Sommet de Kyoto sur la préservation du climat, qui ont montré que le développement économique devait intégrer les perturbations qu'il cause à la planète et recommandent que les politiques environnementales aient plus systématiquement recours à des instruments économiques.
A. LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES
1. Les principes environnementaux qui justifient un recours aux instruments économiques
L'article 1-I de la loi n° 95-10 du
2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement énonce plusieurs principes dont :
- l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire
les besoins de développement des générations
présentes sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs " ;
- le principe " pollueur-payeur ", selon lequel les frais
résultant des mesures de prévention, de réduction de la
pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par
le pollueur.
Ces principes justifient une intervention économique, notamment par le
biais de la fiscalité.
Le principe pollueur-payeur a une double fonction :
- la couverture comptable des coûts, à savoir les frais
résultant des mesures de prévention, de réduction de la
pollution et de lutte contre celle-ci ;
- un signal-prix envoyé au pollueur, c'est-à-dire que
l'intégralité des frais doivent être supportés par
le pollueur.
Il justifie ainsi l'intégration des effets externes, notamment par le
biais de taxes sur les pollutions.
L'efficacité du signal-prix doit se mesurer à différentes
échelles de temps : efficience statique et efficience dynamique. Par
exemple, si les déplacements motorisés urbains assumaient la
totalité de leurs coûts, le signal-prix pourrait avoir un effet
immédiat (éventuellement limité à court terme) en
réduisant la circulation routière ; il pourrait aussi,
après adaptation, susciter des modifications de comportements dans
certaines niches, comme celle des déplacements courts qui pourraient
devenir attractifs par d'autres modes (marche, vélo...), voire à
plus long terme des modifications dans la répartition spatiale des
activités.
Le développement durable suppose la tarification progressive de l'usage
de ressources non renouvelables
Conformément à l'objectif de développement durable, il
faut éviter des ruptures et des crises coûteuses aux
générations futures. Ceci justifie une tarification progressive
de l'usage de ressources naturelles non renouvelables pour infléchir
progressivement les comportements en ce sens.
D'un point de vue économique, il s'agit ici d'anticiper sur la
règle dite de Hotelling qui prévoit, sous des hypothèses
économiques standard, l'augmentation (au taux d'actualisation) du prix
d'une ressource rare au fur et à mesure de sa diminution. En effet,
cette règle n'est pas toujours prise spontanément en compte par
les marchés en raison de leurs imperfections.
2. Le mécanisme de la taxe générale sur les activités générales polluantes
Le
projet de TGAP constitue un élément parmi d'autres de la
fiscalité écologique qui comprend, selon la définition
donnée par l'OCDE, les impôts, taxes, et redevances dont
l'assiette est constituée par un polluant, ou plus
généralement par un produit ou un service qui
détériore l'environnement ou qui se traduit par un
prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non
renouvelables.
Elle se différencie néanmoins très nettement des taxes
environnementales existantes, comme les redevances sur l'eau ou les taxes sur
les déchets. Celles-ci sont prélevées et affectées
pour financer des travaux préventifs ou de réparation ; elles
seront donc calculée proportionnellement au montant de ces travaux.
A l'inverse, le calcul de la TGAP est totalement déconnecté du
coût de la prévention ou des réparations des atteintes
à l'environnement, et il s'agit d'une taxe incitative.
Son objectif principal est de lancer un signal-prix fort (comme les taxes sur
le tabac par exemple) et pour cela son niveau peut être plusieurs fois
supérieur à celui d'une taxe affectée. Son utilisation
n'est pas affectée à un usage précis puisque c'est un
impôt qui participe au financement public général.
L'idée de neutralité budgétaire avancée pour
justifier de la création de cette taxe, sous entend qu'elle sera en
théorie compensée par une baisse équivalente des autres
prélèvements.
Cette réforme
fiscale d'envergure fait application de la
théorie du double-dividende, pour promouvoir simultanément une
croissance plus riche en emplois et plus soutenable sur le plan environnemental
par une modification des prix relatifs du travail et des ressources
environnementales à travers une réforme fiscale fondée sur
deux volets :
* la mise en place d'une fiscalité environnementale pour intégrer
les effets externes environnementaux ;
* l'allégement du volet fiscal pesant sur le travail grâce aux
recettes engendrées par les écotaxes pour promouvoir une
croissance plus riche en emplois.
Les partisans de la TGAP soulignent que la thèse du double dividende ne
constitue pas seulement une approche théorique, puisque dans les
années récentes, un certain nombre de pays de l'OCDE ont
utilisé les revenus engendrés par les écotaxes pour
réduire le volet fiscal sur le travail. C'est notamment le cas au
Danemark, aux Pays-Bas, en Suède et au Royaume-Uni.
Ainsi, en France, la TGAP doit constituer le cadre naturel d'accueil de la
future écotaxe européenne (taxe
" carbone-énergie "). Cette taxe aura pour fonction, d'une
part, de dissuader les comportements émetteurs de carbone et de
renforcer la maîtrise de l'énergie, -c'est le premier dividende-
et, d'autre part, de procurer des ressources affectées au budget
général qui, à prélèvements globaux
constants, permettront d'abaisser les prélèvements pesant sur le
travail, et c'est le deuxième dividende.
Ce deuxième dividende ne pourra exister que si la déconnexion
entre le montant de la ressource procurée par la taxe et les
financements nécessaires pour réparer les dommages
occasionnés à l'environnement est effective. C'est pourquoi, le
produit de la TGAP est affecté au budget de l'Etat. Mais, naturellement,
les organismes jusqu'alors financés par la fiscalité
affectée devront continuer à travailler, à se
développer et à mettre en oeuvre de nouvelles politiques. Aussi,
ces organismes bénéficieront de dotations, versées
essentiellement par le ministère chargé de l'environnement, et
à hauteur du montant nécessaire au financement de ces politiques.
Le montant de ces dotations devrait bénéficier d'une garantie
pluri-annuelle.