III. LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA CRÉATION ET À LA DÉCOUVERTE DE NOUVEAUX TALENTS
Plusieurs types d'aides sont accordées aux compagnies dramatiques indépendantes, aux théâtres privés et aux auteurs dramatiques.
A. L'AIDE AUX COMPAGNIES DRAMATIQUES
En 1998,
le montant global des crédits affectés aux compagnies dramatiques
indépendantes s'est élevé à 180 millions de
francs, contre 175,9 millions de francs en 1997. En 1999, elles devraient
bénéficier d'une mesure nouvelle de 20 millions de francs.
En 1997, dernière année connue, 609 compagnies avaient
bénéficié en France métropolitaine du soutien de
l'Etat. Depuis 1991, le nombre de compagnies aidées reste relativement
stable.
L'aide aux compagnies joue un rôle central dans la politique du
théâtre. En effet, outre leur contribution déterminante
à la création théâtrale et à son
renouvellement, elles participent aux différents aspects de l'action
conduite par le ministère, qu'il s'agisse du partenariat avec les
établissements scolaires, des projets en faveur des publics
défavorisés ou des efforts d'aménagement culturel du
territoire.
Le soutien apporté par l'Etat aux compagnies théâtrales
s'effectue selon des critères prenant en compte la qualité et
l'évolution du travail artistique des équipes, ces
critères étant appréciés par un comité
d'experts indépendants nommés dans chaque région par le
préfet sur proposition du directeur régional des affaires
culturelles.
Une réflexion a été engagée en 1998 au sein du
ministère de la culture en concertation avec les professionnels
concernés sur les modalités d'intervention de l'Etat qui avaient
été définies au début des années 1980, puis
modifiées en 1991 afin de garantir aux compagnies les plus
expérimentées un plan de financement stable. Elle se traduira
à partir de 1999 par une modification des modalités du soutien
financier accordé par l'Etat aux compagnies dramatiques, qui entrera
progressivement sur trois ans. Dans cette perspective, les conditions
d'attribution des trois catégories d'aides accordées par l'Etat
ont été redéfinies.
L'aide au projet
est accordée à un metteur en scène
indépendant, à une équipe artistique, à une
compagnie nouvelle ou confirmée en fonction de l'avis du comité
d'experts sur l'intérêt du projet, la qualité
professionnelle de l'équipe pressentie, les perspectives de partenariat,
de production et de diffusion et la faisabilité économique du
projet. Cette aide a pour vocation de donner une chance à de jeunes
créateurs mais également de soutenir un artiste ou une
équipe confirmés afin qu'ils puissent mener à terme une
production particulièrement audacieuse ou importante. Cette aide peut
également dans certaines conditions être destinée à
la reprise d'un spectacle remarqué.
Afin que cette aide puisse garder tout son sens et bénéficier
à de nombreuses équipes, elle ne devra pas en règle
générale être accordée deux années de suite
à une même équipe pour des projets différents.
La contractualisation
s'adresse aux compagnies les plus
expérimentées et, par les garanties qu'elle offre, tend à
leur permettre d'élaborer une programmation à long terme et
à conforter leur implantation auprès des collectivités
locales. Elle concernait, en 1997, 188 compagnies. Les modalités de la
contractualisation, qui prend la forme de conventions triennales, sont
définies dans un cahier des charges dont le contenu dépend du
degré d'engagement de l'Etat. Pour être significatif, notamment en
regard des efforts attendus des collectivités territoriales en faveur de
la vie théâtrale, cet engagement ne saurait être
inférieur à 1 million de francs réparti sur trois ans. Les
obligations qui s'imposent aux compagnies concernent le nombre de
créations (2 au minimum) et de représentations (120 au minimum)
sur la durée du contrat et la conduite d'un projet artistique
cohérent alliant recherche artistique et ouverture au plus large public.
En ce qui concerne
l'aide annuelle de fonctionnement,
jusque là
destinée aux compagnies dont le travail est jugé satisfaisant
mais dont la notoriété ou l'implantation n'a pas atteint le
niveau suffisant pour accéder au conventionnement, il est convenu d'en
réduire progressivement l'attribution pour privilégier les deux
autres formes d'aide.
Par ailleurs, la logique d'un accès progressif des compagnies aux aides
offrant une plus grande stabilité des ressources, à savoir le
conventionnement, devrait être remplacé par un système
privilégiant l'adéquation du soutien accordé à la
nature des projets artistiques et professionnels des compagnies.
Enfin, devrait être établi, à l'usage des comités
d'experts, un guide commun d'appréciation du travail artistique et des
réalisations des compagnies.
Le tableau ci-après retrace l'évolution du nombre de compagnies
indépendantes soutenues entre 1991 et 1997 en France
métropolitaine, par région et par catégorie d'aide.
RÉPARTITION DES AIDES ATTRIBUÉES AUX COMPAGNIES
INDÉPENDANTES
EN FRANCE
MÉTROPOLITAINE
(1991-1997)
|
CONVENTIONS PLURIANNUELLES |
AIDE ANNUELLE AU FONCTIONNEMENT |
AIDE AU PROJET |
TOTAL PAR RÉGION |
||||
|
1991 |
1997 |
1991 |
1997 |
1991 |
1997 |
1991 |
1997 |
ALSACE |
3 |
2 |
6 |
7 |
4 |
12 |
13 |
21 |
AQUITAINE |
2 |
5 |
7 |
10 |
6 |
9 |
15 |
24 |
AUVERGNE |
1 |
5 |
6 |
1 |
4 |
5 |
11 |
11 |
BOURGOGNE |
3 |
0 |
7 |
9 |
6 |
5 |
16 |
14 |
BRETAGNE |
2 |
3 |
6 |
6 |
6 |
7 |
14 |
16 |
CENTRE |
3 |
6 |
5 |
6 |
10 |
6 |
18 |
18 |
CHAMPAGNE/ARDENNES |
3 |
2 |
5 |
6 |
2 |
4 |
10 |
12 |
FRANCHE COMTE |
2 |
2 |
2 |
2 |
8 |
0 |
12 |
4 |
ILE-de-FRANCE |
85 |
97 |
122 |
77 |
52 |
52 |
259 |
226 |
LANGUEDOC |
5 |
4 |
11 |
16 |
6 |
8 |
22 |
28 |
LIMOUSIN |
2 |
2 |
2 |
3 |
3 |
3 |
7 |
8 |
LORRAINE |
3 |
3 |
3 |
4 |
9 |
8 |
15 |
15 |
MIDI-PYRÉNÉES |
0 |
6 |
8 |
3 |
8 |
12 |
16 |
21 |
NORD-PAS-DE-CALAIS |
2 |
6 |
6 |
0 |
4 |
11 |
12 |
17 |
BASSE-NORMANDIE |
0 |
3 |
6 |
10 |
0 |
11 |
6 |
25 |
HAUTE-NORMANDIE |
1 |
4 |
6 |
11 |
3 |
5 |
10 |
19 |
PAYS-DE-LOIRE |
4 |
7 |
9 |
14 |
5 |
4 |
18 |
25 |
PICARDIE |
1 |
3 |
9 |
4 |
3 |
3 |
13 |
10 |
POITOU |
1 |
1 |
4 |
3 |
10 |
9 |
15 |
13 |
PACA |
13 |
8 |
11 |
20 |
19 |
8 |
43 |
36 |
RHÔNE-ALPES |
13 |
19 |
21 |
10 |
9 |
17 |
43 |
46 |
TOTAUX |
149 |
188 |
262 |
222 |
177 |
199 |
588 |
609 |
B. LE SOUTIEN AU THÉÂTRE PRIVÉ
Le
soutien accordé par l'Etat au théâtre dramatique
privé est assuré par le
fonds de soutien au
théâtre privé
. Ce fonds, géré par les
professionnels, est alimenté par quatre types de recettes : une taxe
parafiscale prélevée sur les recettes d'exploitation des
adhérents, des cotisations volontaires des théâtres
souhaitant bénéficier de l'aide à l'équipement et
des subventions versées par l'Etat et la ville de Paris.
En 1998, les recettes du budget de l'association pour le soutien au
privé se sont élevées à 81,67 millions de
francs, contre 87,57 millions de francs en 1997. Le produit de la taxe
parafiscale et les cotisations volontaires représentent près de
40 % de ces recettes ; elles s'élevaient respectivement à
14,5 millions de francs et à 18 millions de francs. Le
concours de l'Etat atteignait 24,8 millions de francs et celui de la ville
de Paris, 18,4 millions de francs. Cette année encore, la
parité entre les concours de l'Etat et de la Ville de Paris n'est pas
respectée.
Les théâtres privés qui subissent depuis dix ans les effets
conjugués d'une baisse de la fréquentation de près d'un
tiers et de l'accroissement du coût des productions rencontrent des
difficultés pour présenter des spectacles dont l'exploitation,
faute de public, ne dépasse pas la centaine de représentations ce
qui les conduit à multiplier les productions annuelles sans pouvoir les
amortir dans des conditions satisfaisantes. Pour ces raisons, il est donc
à craindre que les théâtres dont l'équilibre
financier est le plus fragile renoncent à une politique de
création pour se cantonner dans une fonction d'accueil.
Dans ce
contexte, le soutien de l'Etat contribue donc à maintenir la
diversité et la qualité de l'offre
théâtrale.
C. L'AIDE AUX AUTEURS DRAMATIQUES
•
Les aides à la création dramatique
L'action menée en faveur des auteurs dramatiques a été
poursuivie en 1998 dans le cadre des nouvelles modalités d'aides
à la création dramatique mises en place par l'arrêté
du 2 janvier 1995.
Rappelons que la réforme introduite en 1995 avait pour objet principal
d'ouvrir cette aide à une plus grande variété d'oeuvres. A
cette fin, les critères de recevabilité des dossiers avaient
été élargis et les modes d'intervention de la commission
modifiés.
Le dispositif de soutien aux auteurs dramatiques s'appuie désormais sur
quatre types d'aide :
-
l'aide au montage
, réservée aux textes recueillant
l'unanimité des lecteurs. Son montant est fixé en fonction de
l'importance du projet et est mis à disposition de l'auteur pendant
trois ans ;
-
l'aide d'encouragement
à l'auteur comprise entre
4 000 et 30 000 francs, destinée aux jeunes auteurs dont
le talent a été jugé prometteur.
Parallèlement à ces deux dispositifs issus de la réforme
de 1995, ont été maintenues :
-
les aides à " la recherche
théâtrale "
destinées à soutenir les
projets associant plusieurs modes d'expression ;
-
et les aides à la première reprise
dont la vocation
est d'encourager la reprise de textes qui ont bénéficié de
l'aide à la création dramatique lors de leur montage.
En 1996 et 1997, des mesures d'annulation de crédits avaient
modifié le calendrier des sessions d'examen des dossiers. La commission
d'aide à la création dramatique est revenue en 1998 au rythme
normal de deux sessions par an, l'une en janvier et la seconde en juin.
Sur les 576 dossiers déposés, 66 ont été retenus
pour un montant global d'aides de 5,19 millions de francs. En 1997, en
raison des mesures d'annulation, le montant des aides avait été
de 1,3 million de francs pour 20 projets. En 1998, la répartition
des crédits entre les aides a été la suivante :
- 4 060 000 millions de francs pour 44 aides au
montage ;
- 390 000 francs pour 13 aides d'encouragement ;
- 640 000 francs pour 8 aides à la " recherche
théâtrale " ;
- et 100 000 francs pour une aide à la première
reprise.
•
Les commandes publiques aux auteurs
La politique de soutien aux auteurs dramatiques s'appuie également sur
des commandes publiques aux auteurs dans le cadre d'un dispositif
institué en 1982.
Ces commandes sont attribuées à un projet conçu par un
auteur et un organisme théâtral subventionné par le
ministère de la culture. Leur montant est de 40 000 francs
pour un texte original et de 20 000 francs pour les adaptations.
En 1998, lors de la première session qui a également porté
sur les dossiers de la session de juin 1997 qui n'avait pu se tenir en raison
des mesures d'annulation budgétaire, 16 projets ont été
retenus pour un montant de 840 000 francs.
•
L'aide à la création et aux auteurs contemporains
La Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, devenue depuis 1990 le centre national
des écritures du spectacle, a bénéficié en 1998
d'une subvention de 7 100 000 francs. Cette institution, qui
accueille en résidence des auteurs, contribue au rapprochement de ces
derniers avec des acteurs, des metteurs en scène et des
producteurs.
D. L'ENSEIGNEMENT DE L'ART DRAMATIQUE
Le
ministère de la culture contribue à la formation de futurs
professionnels en soutenant les écoles spécialisées et les
classes d'art dramatique des conservatoires, mais aussi à permettre
l'accès du plus grand nombre à la pratique de l'art dramatique.
Pour assurer ces missions, le ministère conduit plusieurs types
d'actions.
En matière d'initiation et de sensibilisation
, le
ministère de la culture a mis en place avec le ministère de
l'éducation un baccalauréat " théâtre et
expression dramatique " (série L). En 1998, le nombre de
lycées dispensant cet enseignement s'élevait à 114,
situés dans 74 départements, l'objectif étant
d'atteindre le chiffre de 200 établissements. Les crédits
destinés à assurer la rémunération des
équipes artistiques assurant en collaboration avec les enseignants
l'encadrement de cet enseignement s'élevaient en 1998 à
11,13 millions de francs.
L'initiation des jeunes comédiens
relève des
conservatoires nationaux de région et écoles nationales de
musique au sein desquels existent des classes d'art dramatique. Le financement
de ces établissements est du ressort des collectivités locales,
en application de la loi du 22 juillet 1983. Ces établissements, au
nombre d'une cinquantaine, accueillent environ
1 800 élèves. Leur rôle, outre leur mission
d'initiation à l'art dramatique, est de préparer aux concours des
écoles supérieures.
L'enseignement professionnel
est assuré par deux écoles
nationales d'art dramatique placées sous la tutelle du ministère
de la culture :
-
le conservatoire national supérieur d'art dramatique
qui
dispense un enseignement gratuit de formation au métier de
comédien et bénéficie en 1999 d'une subvention de
fonctionnement de l'Etat de 6,18 millions de francs, soit une progression
de 14 % par rapport à 1998 destinée à soutenir les
efforts de rénovation pédagogique entrepris depuis trois ans par
cet établissement sans moyens nouveaux.
-
l'école du théâtre national de Strasbourg
,
intégré au théâtre de Strasbourg, dispense
également une formation destinée aux comédiens
professionnels et aux techniciens du spectacle (régisseurs et
décorateurs - scénographes).
D'autres enseignements à caractère professionnel sont
cofinancés par l'Etat et les collectivités locales, par voie de
convention. Il s'agit :
• des ateliers dramatiques des centres dramatiques nationaux ;
• des départements d'art dramatique des conservatoires nationaux
de région de Bordeaux et de Montpellier ;
• des écoles dramatiques du théâtre national de
Bretagne et de la comédie de Saint-Etienne ;
• de l'école régionale d'acteurs de Cannes ;
• et d'organismes divers comme l'école supérieure de
la marionnette.
En dépit du soutien accordé par l'Etat à l'enseignement
dramatique, une partie des cours d'art dramatique relève du secteur
privé ou est financée par les collectivités locales. Cette
situation se traduit par des charges souvent très importantes pour les
communes et par de grandes disparités géographiques dans l'offre
de formation, disparités bien plus importantes que celles
constatées pour l'enseignement de la musique.
Cette répartition des compétences, conjuguée au fait que
la tutelle du théâtre amateur relève non du
ministère de la culture mais du ministère de la jeunesse et des
sports, n'a pas permis la mise en place d'une véritable politique du
théâtre amateur, ce dernier ne bénéficiant pas,
à la différence de ce qui prévaut pour la musique, d'un
véritable réseau. Or, le développement de la pratique
amateur apparaît comme une des conditions d'une politique du
théâtre plus ambitieuse et plus proche du public.
Permettant le contact avec les oeuvres et la création, la pratique
amateur de l'art dramatique constitue un vecteur privilégié de
l'accès à la culture. A ce titre, votre rapporteur se
félicite que l'article 147 de la loi n° 98-657 du 29 juillet
1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ait ouvert
aux collectivités locales la possibilité de différencier
les tarifs des écoles dispensant de telles formations en fonction du
quotient familial des usagers.
La volonté exprimée par la ministre de la culture et de la
communication de développer le soutien accordé aux
activités artistiques pratiquées en amateur ne peut qu'être
approuvée par votre rapporteur qui avait plaidé dans son
précédent rapport pour la mise en place d'une véritable
politique du théâtre amateur. Elle devrait se traduire notamment
par la création de " maisons des pratiques amateur " qui
offriraient aux amateurs l'accès à des documents, des
informations, des moyens de présentation de leurs réalisations.
Afin de déterminer les structures susceptibles de servir de points
d'appui de cette politique, le ministère de la culture a
procédé, en liaison avec les services du ministère de la
jeunesse et des sports, à un état des lieux dont les
résultats seront connus à la fin de l'année. Rappelons que
plusieurs structures de ce type, de vocation souvent régionale, existent
déjà. On peut citer l'ADEC à Rennes, la " maison du
théâtre " à Amiens, le " théâtre de
la Digue " à Toulouse ou encore la " Maison
Molière " à Pézenas.