B. QUELS INSTRUMENTS : TROIS QUESTIONS
1. Les règles de programmation sont-elles condamnées ?
Les
règles de programmation ont largement participé à la
montée en puissance du cinéma français.
Celui-ci, désormais le second du monde, comme le rappelait encore
dernièrement le ministre de la culture et de la communication, est-il
encore dépendant de ces règles alors que le fréquentation
des salles augmente grâce à la modernisation du parc, et alors que
les succès du cinéma anglais montrent que les béquilles
réglementaires ne sont pas forcément indispensables ?
L'internationalisation de la diffusion et l'impossibilité de soumettre
au droit français des chaînes comme RTL 9 qui ignorent d'ores et
déjà les interdictions de programmation, ainsi que la
nécessité d'assurer aux diffuseurs des conditions de concurrence
équitables, rendront nécessaire à terme une
évolution du système français d'appui à la
production. Il est généralement préconisé à
cet égard de substituer progressivement des obligations de financement
plus ambitieuses aux obligations de programmation des chaînes.
2. Les obligations de financement de la production sont-elles la solution de l'avenir ?
Il
s'agit d'une piste prometteuse dans la mesure où ces obligations
semblent plus facilement acceptées par nos partenaires européens
que les règles de programmation. Il paraît possible de lancer des
consultations dans ce sens et de présenter des propositions au niveau
européen. La démarche européenne est nécessaire
afin de prévenir les délocalisations.
Mais il faut aussi tenir compte des inconvénients potentiels d'une
augmentation très sensible des obligations d'investissement des
chaînes, publiques comme privées. Le déversement brutal
d'une manne financière que les entreprises cinématographiques
pourraient avoir quelque peine à absorber en développant la
production, risquerait d'encourager la substitution d'une logique de
préfinancement à la logique d'amortissement indispensable
à l'efficacité économique. La qualité des oeuvres
pourrait aussi être altérée par la prédominance
encore plus affirmée de la télévision sur la production
cinématographique. C'est pour prévenir ce risque que la
réglementation actuelle interdit à un diffuseur de financer plus
de la moitié du coût de production d'un film. Il n'est pas
forcément souhaitable de permettre le dépassement de ce plafond.
C'est à la lumière des mêmes considérations qu'il
faudra aussi examiner les conséquences et les modalités de la
redistribution des recettes publicitaires que le secteur public sera conduit
à abandonner.
3. Le secteur public doit-il avoir un rôle pilote en matière d'appui à l'industrie indépendante des programmes ?
Il faut
rappeler que France 2 n'est pas autorisée à recourir à ses
moyens propres pour la production d'oeuvres de fiction. C'est une disposition
significative en faveur de l'industrie indépendante des programmes,
aussi bien cinématographiques qu'audiovisuels.
Afin de favoriser la rentabilisation des oeuvres sur le second marché
des programmes, il est parfois suggéré que le secteur public joue
un rôle pilote en matière de circulation des droits, en
s'abstenant par exemple d'acquérir des droits de diffusion exclusifs
tous supports. Il n'est pas certain que cela ait une incidence
financière favorable sur le secteur de la production, dans la mesure
où l'on peut imaginer que les chaînes compenseront la perte subie
en diminuant leur contribution financière moyenne. Peut-on aussi
envisager d'interdire aux chaînes publiques d'acheter des parts
" coproducteurs ", en les cantonant dans l'achat de parts
" antenne " ?
Il est difficile de déterminer les implications économiques et
financières de telles propositions, ainsi que le meilleur
équilibre possible entre les intérets en cause.
Votre commission se contentera de noter, à ce stade, que ce type de
problèmes semble ressortir à la compétence du Conseil de
la concurrence, mieux à même que le pouvoir réglementaire,
et a fortiori le législateur, de mener les études
nécessaires à l'identification d'abus de positions dominantes, de
la part des diffuseurs, à l'encontre de la production
indépendante. Ce n'est que si de telles études mettaient en
lumière une situation structurellement défavorable des
producteurs à l'égard des diffuseurs que le pouvoir
réglementaire pourrait, au vu des problèmes effectivement
constatés, être autorisé par le législateur à
encadrer les pratiques patrimoniales des chaînes de
télévision en matière d'achat de droits.
On voit qu'une matière aussi technique s'accomode mal des effets
d'annonces. Et on se réjouit que le Gouvernement se soit jusqu'à
présent préservé de ce danger, contrairement à ce
qui a été le cas dans le domaine de la publicité.
Il faudra enfin veiller à ce que la création annoncée du
grand holding du secteur public ne conduise pas à la création
d'un guichet financier unique, ou d'une centrale d'achat de droits dont la
puissance de marché face aux producteurs serait excessive. Un des
rôles du secteur public est de desserrer la structure oligopolistique de
la demande de programmes, il serait manifestement inopportun que les
initiatives du gouvernement aboutissent à l'effet inverse.