4. Une décentralisation culturelle inachevée
Bien que
les lois de décentralisation n'aient que très ponctuellement
abordé l'action culturelle, les collectivités locales sont
devenues des partenaires actifs de la politique culturelle, représentant
à elles seules plus de la moitié des dépenses publiques
consacrées à la culture. Les considérables investissements
réalisés en ce domaine constituent à l'évidence le
facteur le plus décisif de la démocratisation de l'accès
à la culture. Néanmoins, on constate que le cadre juridique de
leurs interventions culturelles demeure encore imparfait.
Le choix que les collectivités locales font bien souvent de confier
à des associations de la loi de 1901 la gestion de certains services
publics montre bien qu'ils ne disposent pas à l'heure actuelle
d'instruments juridiques adaptés.
En effet, le droit actuel des services publics locaux se caractérise par
une multiplicité de statuts, chacun d'entre eux étant
destiné à servir de cadre à la gestion d'un service public
donné. Néanmoins, il comporte des lacunes et ne prévoit
pas de dispositions spécifiques pour nombre de nouveaux services pris en
charge par les collectivités locales, ce qui est notamment le cas dans
le domaine culturel.
En l'absence de dispositions spécifiques, il n'existe guère que
le statut des régies municipales qui puisse s'appliquer. Or, en
dépit d'une relative souplesse, les règles relatives aux
régies présentent de nombreux inconvénients et ne peuvent
être considérées comme un cadre satisfaisant pour les
interventions culturelles. En effet, il ne permet pas aux régions et aux
groupements de communes autres que les syndicats d'y avoir recours, ni
d'associer les efforts de plusieurs catégories de collectivités
publiques.
Faute d'un tel cadre, le recours aux associations pour gérer ce qui est
en fait un service public est de plus en plus fréquent. Or, ce cadre
juridique, bien qu'il présente d'incontestables avantages, comme la
soumission de leur activité au droit privé, n'est pas exempt de
danger.
Le premier écueil désormais bien connu pour avoir
été souvent condamné par la Cour des comptes est la
requalification de l'association en
association para-administrative
.
En effet, le recours excessif aux associations pour la gestion des services
publics locaux fait courir un triple risque aux collectivités et
à leurs responsables : un risque financier pour la
collectivité en raison de l'insuffisance des contrôles de l'usage
des fonds publics, un risque pour les élus et les fonctionnaires
impliqués dans la création et la gestion d'une association et
exposés à être déclarés comptables de fait
des deniers publics et, enfin, un risque de mise en jeu de la
responsabilité des dirigeants de l'association qui, au titre des fautes
de gestion, peuvent être condamnés à participer au
remboursement des dettes.
Par ailleurs, le statut associatif présente un second
inconvénient qui réside dans les incertitudes liées au
régime d'imposition des associations. Ce risque concerne bien entendu
toutes les associations oeuvrant dans le domaine culturel -et non pas seulement
celles créées à l'initiative d'une collectivité
locale.
En effet, bien que la loi dispose que les associations à but lucratif ne
sont pas assujetties aux impôts commerciaux, celles-ci ont
été de plus en plus nombreuses à faire l'objet de
redressements dont les conséquences, dans de nombreux cas, ont
menacé leur existence même. Afin de remédier à ces
difficultés, une instruction fiscale du 15 septembre 1998, prise
à la suite du rapport remis par M. Goulard au Premier ministre a
précisé les critères d'application du caractère
" non lucratif " des associations.
L'instruction réaffirme le principe selon lequel les associations
à but non lucratif ne sont pas assujetties aux impôts commerciaux
et précise les méthodes d'analyse et les conditions dans
lesquelles sera apprécié le caractère non lucratif de leur
activité.
On relèvera que les critères sont définis de
manière assez stricte par la circulaire, en particulier en ce qui
concerne les moyens de publicité utilisés lorsque l'association
intervient dans un domaine où existent des entreprises commerciales.
Dans bien des cas, ils entraîneront l'assujettissement des associations
aux impôts commerciaux.
En dépit des mesures d'accompagnement prises en faveur des associations
de bonne foi et de la possibilité ouverte aux collectivités
locales par l'article 73 du projet de loi de finances pour 1999 de porter
de 50 à 100 % l'exonération de la taxe professionnelle pour
les associations du secteur culturel, il n'est pas exclu que cette
clarification se traduise par un accroissement des charges fiscales des
associations, ce qui posera à terme, pour celles qui sont liées
à des collectivités locales, la question d'une éventuelle
augmentation de leurs subventions. Pour ces dernières, l'instruction
fiscale apparaît comme un motif supplémentaire plaidant en faveur
de la création d'un statut juridique plus adapté et plus clair.
Préconisée par la commission Rigaud, la création
d'un
nouveau type d'établissement public local, l'établissement public
culturel, permettrait sans doute d'offrir un cadre plus adapté aux
interventions culturelles des collectivités locales
.
Votre rapporteur souhaite donc que la réflexion engagée sur ce
sujet par les ministères de la culture et de l'intérieur à
partir de la proposition de loi adoptée sur ce sujet en 1997 par
l'Assemblée nationale puisse aboutir rapidement.