B. LE DISPOSITIF DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE MÉDECINE LIBÉRALE
Tous les acteurs du système de santé doivent être responsabilisés, les prescripteurs de soins comme les établissements hospitaliers et les patients. Dans la mesure où la sécurité sociale assure la solvabilisation des professions médicales, il est normal que la puissance publique leur fixe des objectifs de progression compatibles avec les ressources disponibles.
1. La confirmation du mécanisme de reversement
L'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à
la
maîtrise médicalisée des dépenses de soins a
instauré un mécanisme de reversement à la charge des
médecins en cas de dépassement de l'objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses de soins de ville.
Le dispositif en vigueur est défini aux articles L. 162-5-2 et suivants
du code de la sécurité sociale.
Chaque année, compte tenu de l'objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses de soins de ville, une annexe à
la convention médicale définit un objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses médicales pour les
médecins généralistes, d'une part, et pour les
médecins spécialistes, d'autre part.
Chacun de ces deux objectifs est décomposé en un montant
prévisionnel des dépenses d'honoraires et un montant
prévisionnel des dépenses de prescriptions. Il comporte
également une provision pour revalorisation d'honoraires.
Si le montant des dépenses médicales de l'année reste
inférieur à l'objectif prévisionnel, la différence
est versée aux médecins conventionnés en proportion de
leur activité et des revalorisations d'honoraires sont accordées
pour l'année suivante, à concurrence de la provision.
Si l'objectif prévisionnel est dépassé, un reversement est
exigé des médecins. Ce reversement est égal à
100 % du dépassement des honoraires, et à 5 % du
dépassement des prescriptions dans la limite de 1 % des honoraires.
La charge du reversement est individualisée pour chaque médecin,
en fonction du niveau et du rythme d'évolution de son activité,
ainsi que de la manière dont il respecte les références
médicales opposables.
L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale a
prévu la possibilité d'une adaptation par zones
géographiques. Les partenaires conventionnels ont fait usage de cette
faculté, et les annexes aux conventions médicales de 1997 et 1998
prévoient une régionalisation des objectifs nationaux. En cas de
non respect de l'objectif prévisionnel national, le reversement n'est
exigible que pour les médecins des seules régions ayant
dépassé leur objectif.
Par ses décisions du 26 juin et du 3 juillet 1998, le Conseil d'Etat a
annulé les arrêtés d'approbation de la convention des
médecins spécialistes et de la convention des médecins
généralistes. Il en résulte un vide juridique, le
mécanisme de reversement prévu par l'ordonnance du 24 avril 1996
n'étant plus applicable en l'absence de relais conventionnel.
L'article 22 du projet de loi de financement propose de confirmer les objectifs
prévisionnels des dépenses médicales qui avaient
été fixés par les parties conventionnelles, et qui ont
été repris par l'arrêté du 10 juillet 1998 portant
règlement conventionnel minimal.
Votre rapporteur pour avis constate qu'est ainsi confirmé le
bien-fondé du mécanisme de reversement destiné à
réguler les dépenses de soins induites par les médecins
libéraux instauré en 1996. Il est toutefois persuadé qu'il
s'agit d'un dispositif de régulation transitoire, et qu'à terme
les progrès de l'information permettront une meilleure individualisation
de la responsabilité financière de chaque prescripteur de
soins.
Toutefois, l'article 22 propose de retenir, en cas de dépassement des
objectifs prévisionnels en 1998, de nouvelles modalités pour la
répartition du reversement. En effet, l'article 21 du projet de loi de
financement tend à modifier considérablement le dispositif
existant.
2. Des modifications du dispositif inégalement opportunes
Sur
certains points, les modifications proposées du mécanisme de
régulation méritent d'être approuvées.
Première modification, la nouvelle rédaction de l'article L.
162-5-3 du code de la sécurité sociale prévoit un suivi
infra-annuel des dépenses. Les partenaires conventionnels se
réuniraient à deux reprises, pour examiner les résultats
des quatre puis des huit premiers mois de l'année. Au vu de ces
résultats, ils devraient adopter par voie d'avenant toutes mesures de
nature à permettre le respect des objectifs prévisionnels de
dépenses, et notamment des ajustements de tarifs. En cas de carence des
partenaires conventionnels, l'Etat pourrait se substituer à eux pour
modifier les tarifs par voie d'arrêté interministériel.
Cette procédure assure un suivi réel des objectifs en cours
d'exercice, et permet au dispositif de ne plus reposer uniquement sur l'effet
dissuasif de la "clause-couperet" du reversement en fin d'année.
Deuxième modification, l'écart entre les dépenses
constatées et l'objectif prévisionnel ne serait pris en compte
qu'au delà de +10 % ou - 10 %. A l'intérieur de ce
"tunnel", les mécanismes de reversement ou de revalorisation ne
s'appliqueraient pas.
Troisième modification, si les dépenses sont inférieures
à l'objectif, une fraction de l'excédent serait reversée
à un fonds de régulation, dans la limite de la provision pour
revalorisation de l'année. Ce fonds de régulation financerait des
actions de modernisation du système de soins et, en cas de
dépassement des objectifs une année ultérieure, pourrait
couvrir une partie du reversement mis à la charge des médecins.
Les modifications précédentes apportent une souplesse bienvenue
au fonctionnement du mécanisme de régulation. En revanche, une
quatrième modification, portant sur les modalités de
détermination du reversement exigible en cas de dépassement de
l'objectif, apparaît plus contestable.
Le Gouvernement propose en effet de réduire les éléments
d'individualisation du reversement. D'une part, la possibilité de
régionalisation des objectifs serait supprimée. D'autre part, le
reversement serait réparti proportionnellement au revenu des
médecins. La seule possibilité de modulation prévue est
fonction du niveau de revenu et de l'appartenance au secteur II.
Votre rapporteur pour avis estime plus équitable le dispositif
existant, qui permet de faire contribuer relativement plus les médecins
dont l'activité augmente fortement ou qui ne respectent pas les RMO.
Il estime également que la régionalisation des objectifs, qui a
été contestée par le Conseil d'Etat, mériterait
d'être légalement confirmée.
Certes, il peut sembler paradoxal que les médecins, à revenu
égal, puissent se voir demander ou non un reversement, selon leur
région d'exercice. Toutefois, cette possibilité de modulation
régionale des objectifs prévisionnels est la contrepartie logique
de la liberté d'établissement des médecins. L'offre de
soins est très inégalement répartie sur le territoire, et
l'assurance maladie doit être enfin dotée des moyens financiers de
correction nécessaires.
En tout état de cause, il est intéressant d'observer que les taux
d'évolution des dépenses de soins générées
par les médecins sont très variables selon les régions.
Les statistiques de la CNAMTS sur les huit premiers mois de 1998 montrent que
les taux de progression des dépenses des médecins
généralistes vont d'une diminution de - 2,1 % en Auvergne,
à une hausse de + 6,1 % en Corse.
Pour les dépenses des médecins spécialistes, les taux de
progression vont d'une diminution de - 9,6 % en Auvergne, à une
hausse de + 11,9 % dans les Pays-de-la-Loire.