PJL financement de la sécurité sociale pour 1999
OUDIN (Jacques)
AVIS 56 (98-99), 1ère partie - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
- II. LES PRÉVISIONS : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE PRÉCAIRE ET PARTIEL
-
III. LES RECETTES : UN RECYCLAGE DES EXCEDENTS GÉNÉRÉS
PAR LA CROISSANCE
- A. LA MODIFICATION DE L'AFFECTATION DE LA CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITÉ DES SOCIÉTÉS
- B. LES AUTRES MESURES
-
C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- 1. Le reprofilage de l'exonération pour emploi à domicile
- 2. Le relèvement du droit de consommation sur les tabacs
- 3. Le rétablissement des cotisations maladie pour les fonctionnaires internationaux
- 4. L'affiliation au régime général des collaborateurs occasionnels des services publics
- 5. Le financement du congé de fin d'activité dans la fonction publique
- IV. LES DÉPENSES : L'ENGAGEMENT DE NOMBREUSES CHARGES NOUVELLES
- V. LA TRÉSORERIE : DES PLAFONDS INADAPTÉS
- VI. LA RÉGULATION DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE : UNE NÉCESSITÉ NON DÉMENTIE
- VII. LE FONDS DE RÉSERVE DES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION : UN DISPOSITIF EN TROMPE-L'oeIL
N° 56
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1106
,
1147, 1148
et T.A.
192.
Sénat
:
50
(1998-1999).
Sécurité sociale.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Les Français sont légitimement attachés à leur
système de protection sociale fondé sur la solidarité
nationale. Ce pilier fondateur de la République, voulu en 1945 par
Charles De Gaulle, est depuis garanti par ses successeurs.
Notre pays se caractérise par un niveau de prélèvements
sociaux parmi les plus élevés des pays développés.
Ces ressources suffisent désormais pour assurer toutes les missions de
solidarité souhaitables, à la condition d'être mieux
gérées. Des économies substantielles peuvent être
réalisées, grâce à des redéploiements de
moyens.
Chacun sait que la France ne présente pas des critères de
santé meilleurs que ceux de pays qui dépensant moins pour leur
système de soins. Les orientations pour une efficacité accrue de
l'assurance maladie sont connues : évaluer, régionaliser,
contractualiser, restructurer, informatiser.
Il serait incohérent, dans un espace européen ouvert et
concurrentiel, de préserver une exception française qui
consisterait à majorer toujours plus les prélèvements sur
les entreprises et les salariés, au risque de les décourager et
les faire fuir.
Le Gouvernement de M. Alain Juppé a lancé en novembre 1995 un
plan de réforme de la sécurité sociale, dont les principes
sont toujours d'actualité : impliquer le Parlement, remédier aux
problèmes à long terme, maîtriser les dépenses,
associer les acteurs.
Votre rapporteur pour avis se félicite du progrès
déterminant que constitue la discussion annuelle de la loi de
financement de la sécurité sociale.
A l'appui de ce rendez-vous annuel, l'information du Parlement est
améliorée par le travail de fonds accompli depuis 1995 par la
Cour des comptes, à la demande de votre commission des finances, pour
évaluer les politiques de protection sociale et clarifier les comptes
sociaux.
Le Gouvernement actuel a critiqué les orientations de son
prédécesseur, mais ne propose rien d'autre. Il refuse de
poursuivre des politiques reposant sur une vision de long terme, alors que des
pans entiers du système de protection sociale sont perturbés,
telles les branches famille et maladie, ou menacés, telle la branche
vieillesse.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
repose sur un équilibre précaire grâce aux recettes
générées par la croissance, tandis que les
problèmes essentiels sont reportés. L'objectif national des
dépenses d'assurance maladie fixé pour l'an prochain
apparaît irréaliste. Les outils de contrôle des
dépenses de soins sont en panne. Le fonds de réserve des
régimes de retraite par répartition proposé est un
dispositif en trompe-l'oeil.
Les partenaires sociaux gestionnaires des caisses, qui ont admis
l'opportunité de la maîtrise des dépenses, donnent des
signes de lassitude et s'interrogent sur la signification de leur engagement.
Ces considérations ont amené votre commission des finances
à donner un avis défavorable à l'ensemble du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999.
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
A. LES ÉVOLUTIONS PASSÉES
L'horizon des lois de financement de la sécurité
sociale est strictement annuel. Votre rapporteur pour avis estime qu'une mise
en perspective, par un retour sur les évolutions passées est
éclairante.
Les comptes de la protection sociale, qui figurent en annexe G du projet de loi
de financement, fournissent des séries sur longue période. Leur
champ est sensiblement plus large que celui du projet de loi de financement,
puisqu'il inclut les régimes complémentaires, les régimes
d'indemnisation du chômage, les mutuelles, les régimes
d'entreprises et les régimes d'intervention sociale des administrations
publiques.
1. Le poids des prestations sociales dans le PIB
En 1997,
le montant global des prestations de protection sociale versées par
l'ensemble des régimes de protection sociale s'élève
à 2.426 milliards de francs. La part des prestations dans le PIB, dite
"taux de redistribution sociale", s'établit à 29,8 %, en retrait
de 0,3 point sur l'année précédente. Ce taux est
passé de 25,9 % à 29,8 % entre 1981 et 1997, soit un
accroissement moyen de 0,24 point par an. Cette progression ne s'est pas
effectuée de façon uniforme.
Entre 1981 et 1985, les prestations rapportées au PIB connaissent une
forte hausse de 2,3 points, puis une diminution de 1,1 point entre 1985 et
1989, due principalement à la reprise de la croissance
économique. Jusqu'en 1993, la conjonction d'une croissance ralentie du
PIB et de la progression des prestations à un rythme deux fois plus
rapide fait remonter la part des prestations à 30,1 %. Dans la
période récente, le fléchissement du taux
d'évolution des dépenses de prestations de protection sociale,
à un rythme un peu inférieur à celui de la croissance du
PIB, conduit la part de ces dernières en 1997 à un niveau
inférieur de 0,3 point à celui atteint en 1993. Le taux de
redistribution sociale semble avoir atteint un palier d'environ 30 % depuis
1993.
Les
dépenses liées à la santé, à la vieillesse
et à l'emploi, progressent à des rythmes nettement
supérieurs à ceux du PIB, qui se traduisent par des gains en part
du PIB de respectivement 1,7 point, 1,2 point et 0,8 point sur la
période 1981-1993.
Le retour à une croissance des prestations plus modérée
que celle du PIB à partir de 1994 interrompt le parallélisme de
ces évolutions par risques. En 1997, seuls les risques "vieillesse" et
"divers" (RMI essentiellement) ont accru leur part dans le PIB par rapport
à la situation acquise en 1993. Les autres risques régressent
légèrement, le risque emploi reculant plus fortement de 0,4 point.
Sur longue période, le dynamisme de la progression des prestations
sociales est encore plus frappant, bien que les années récentes
marquent une certaine stabilisation. Le mouvement est particulièrement
accentué entre 1990 et 1993. Après avoir atteint un maximum de
25,4 % du PIB, la part des prestations sociales redescend à 25 % en 1994
et 1995. Elle remonte à 25,2 % les deux dernières années.
Le graphique ci-dessous montre que, sur la période 1971-1997, le taux de
croissance des prestations sociales a constamment été
supérieur à celui du PIB, sauf entre 1987 et 1989, et entre 1994
et 1995.
Le taux de socialisation des revenus mesure la part du revenu disponible brut
des ménages issue des prestations sociales. Ce taux est passé de
29,9 % en 1981 à 36 % en 1997. Depuis 1993, ce taux s'est
stabilisé, à l'instar de la part des prestations sociales dans le
PIB.
2. L'évolution du besoin de financement de la protection sociale
Sur la
période 1990-1997, le taux de croissance des cotisations est
inférieur de un point en moyenne annuelle à celui de l'ensemble
des ressources hors transferts. Seules les années 1995 et 1996 font
exception, avec des hausses plus rapides que celles de l'ensemble des
ressources.
Après deux années de progression modérée de 2,4 %
en 1993 et 1994, les cotisations s'accroissent de 4,5 % en 1995, illustrant
ainsi l'amélioration de la situation de l'emploi. Malgré
l'accroissement du chômage à partir du troisième trimestre
de 1995, la hausse est encore de 4,6 % en 1996 du fait d'une forte augmentation
des cotisations de salariés et d'indépendants et plus encore des
cotisations sur prestations de retraites et d'allocations chômage. Le
fort ralentissement constaté en 1997, où l'accroissement n'est
que de 0,6 %, est dû à la baisse des cotisations salariés,
du fait du remplacement de 1,3 point de cotisations maladie par un point de CSG
élargie au 1
er
janvier 1997.
Si les cotisations constituent la principale ressource du compte, leur
évolution ne rend pas compte de celle du total des ressources. A
côté des transferts internes entre régimes, le financement
public constitué des impôts et taxes affectés prend une
place grandissante.
A partir de 1990, le solde du compte de la protection sociale se dégrade
fortement, devenant négatif dès 1992.
Les besoins de financement prennent une ampleur sans précédent en
1993 et, dans une moindre mesure, les quatre années suivantes. Ce
déséquilibre représente 3,2 % des dépenses de
protection sociale, hors transferts, l'année la moins favorable.
Celui-ci a, d'une part, une composante conjoncturelle, les rentrées de
cotisations étant extrêmement sensibles à la conjoncture
économique. D'autre part, il existe un décalage structurel pour
certains risques entre l'évolution des dépenses et les recettes.
La dégradation du solde est cependant progressivement réduite
à partir de 1994 grâce au maintien de l'affectation à la
protection sociale de recettes fiscales élevées et à la
forte progression des cotisations en 1995 et 1996 et au ralentissement de la
croissance des prestations versées. L'aggravation constatée en
1997 résulte de décisions prises en matière
d'indemnisation du chômage.
3. La structure du financement de la protection sociale
La part
des cotisations, qui dépassait 71 % en 1981, s'est réduite d'un
point au cours de la décennie 1980. Elle est en décroissance
rapide de 1970 (70 %) à 1997 (64,5 %). Parallèlement, la part
d'impôts et taxes affectés progresse sur cette dernière
période de plus de 5,5 points, et celle des transferts de près de
2 points.
La hausse du financement public s'inscrit dans une perspective d'accroissement
du besoin de financement du système, mais aussi dans une volonté
de clarifier la distinction entre la solidarité nationale et la
solidarité professionnelle.
L'introduction de la CSG en 1991, puis l'augmentation de son taux en 1993
s'inscrit dans cette évolution. Le mouvement est encore amplifié
avec la majoration de un point de la CSG en janvier 1997 et de 4,1 points en
janvier 1998 (2,8 pour les retraites). L'accroissement de la part de la CSG
étend l'effort de contribution à un ensemble de revenus plus
large que les seuls revenus salariaux, dont les revenus issus du patrimoine et
les retraites.
L'évolution de la structure du financement de la protection sociale en
France s'inscrit dans un mouvement plus général en Europe. Pour
la moitié des pays de l'Union européenne, les cotisations
sociales représentent plus des deux tiers des recettes courantes de
protection sociale en 1995.
La France est le pays où cette proportion est la plus
élevée, avec un taux de 76,8 % en 1995. Dans une moindre mesure,
le mode de financement repose essentiellement sur des cotisations en Belgique,
en Allemagne, au Pays-Bas et dans les pays du sud de l'Europe. Au sein de
l'Union européenne, les pays qui accordent une part
prépondérante aux ressources d'origine fiscale sont minoritaires.
Il s'agit du Danemark, où ces ressources représentaient
72,1 % du total en 1995, et des pays anglo-saxons (Irlande : 63,6 %,
Royaume-Uni : 60,6 %). L'entrée dans l'Union européenne de la
Suède et de la Finlande vient renforcer ce dernier groupe de pays, alors
que l'Autriche a un système de financement proche du système
allemand.
L'évolution des structures de financement tend dans la majorité
des pays, à donner un poids plus important aux ressources d'origine
fiscale, au détriment de celles provenant des cotisations employeurs.
Sur la période 1980-1995, on observe une tendance assez
générale à la diminution du poids des cotisations et
à un renforcement des financements d'origine fiscale. Mais cette
tendance est encore trop faible ou trop récente, pour gommer des
disparités qui demeurent très importantes.
B. LA MODERNISATION DE LA COMPTABILITÉ
Votre rapporteur pour avis reste particulièrement attentif au processus de modernisation de la comptabilité de la sécurité sociale, convaincu que cette dernière ne saurait être efficacement pilotée sans comptes homogènes et transparents.
1. Les avantages d'une comptabilité en droits constatés
Le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est
encore présenté en comptabilité de caisse, alors que la
comptabilité en droits constatés est appliquée par le
régime général depuis 1996 et par la plupart des autres
régimes depuis 1997. La prolongation de cette période transitoire
de passage d'un système à l'autre contraint les organismes de
sécurité sociale à tenir une double comptabilité.
Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport au Parlement sur la
sécurité sociale : "
La méthode des droits
constatés présente de nombreux avantages pour la
sincérité et la transparence des comptes :
- elle donne au résultat de l'exercice sa pleine signification en
le rendant indépendant d'événements perturbant
l'encaissement des cotisations ou le règlement des prestations : il
s'agit d'une garantie précieuse dans la perspective d'une
régulation fine des dépenses, notamment d'assurance-maladie ;
- elle offre l'occasion d'harmoniser les méthodes comptables de
l'ensemble des régimes puisqu'un même événement est
traité comptablement de la même manière pour tous les
régimes : il s'agit d'une étape préalable essentielle sur
la voie d'une agrégation des comptes de la sécurité
sociale ;
- elle donne un cadre de référence comparable à celui
des régimes complémentaires et des mutuelles ;
- elle favorise enfin la transparence financière entre les
différents acteurs de la sécurité sociale en faisant
apparaître les créances et les dettes respectives de chacun : elle
devrait ainsi inciter les régimes à suivre de
manière plus attentive le recouvrement de leurs créances et
à respecter les échéances de règlement entre
partenaires
".
2. Des transitions nécessaires
Toutefois, le passage d'un système à l'autre
appelle
des précautions de méthode.
En effet, comme le souligne la Cour des comptes, "
la première
année du passage d'une méthode à l'autre
génère un résultat exceptionnel dans la mesure notamment
où les cotisations restant à recouvrer sur exercices
antérieurs à celui de la réforme qui n'ont jamais pu
être comptabilisées sont des produits exceptionnels,
compensés d'ailleurs en grande partie par une provision pour
créances douteuses en raison de l'irrécouvrabilité
probable de la majeure partie d'entre elles.
Le changement de réglementation comptable procure donc une
amélioration du résultat dont l'ampleur est néanmoins
difficilement prévisible. C'est la raison pour laquelle le
résultat exceptionnel dû au changement de méthode comptable
est isolé et distinct du résultat courant de l'exercice de mise
en oeuvre de la réforme
".
Ainsi, la présentation en droits constatés du résultat
courant du régime général en 1997 fait apparaître un
déficit comptable de 24,2 milliards de francs, inférieur de
15 milliards de francs au déficit de 39,2 milliards de francs
enregistré en encaissements-décaissements.
Deux dispositions du projet de loi de financement tirent certaines
conséquences de la différence de présentation comptable
entre les régimes de sécurité sociale et les lois de
financement de la sécurité sociale.
L'article 11 prévoit que les déficits pris en compte pour
la répartition entre les régimes du produit de la contribution
sociale de solidarité des sociétés, ainsi que de la CSG et
du droit de consommation sur les alcools affectés à la branche
maladie, sont établis en encaissements-décaissements au titre de
l'exercice 1998. L'Assemblée nationale a étendu cette
dérogation à l'exercice 1999, considérant que la loi de
financement de la sécurité sociale ne serait établie en
droits constatés qu'à compter de l'an 2000.
L'article 35 du projet de loi de financement modifie
rétroactivement l'article 10 de l'ordonnance n° 96-50 du
24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, de
manière à ce que la reprise de la dette de 87 milliards de
francs du régime général par la CADES s'effectue en
fonction des déficits en trésorerie des différentes
branches au 31 décembre 1997, et non pas de leurs
déficits en droits constatés.
3. La prolongation de la réforme
Le
passage à une comptabilité en droits constatés ne doit
être conçu que comme une première étape. En effet,
cette réforme fait ressortir le manque
d'homogénéité des comptes sociaux et la difficulté
de leur consolidation.
Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de
septembre 1998 rappelle les raisons pour lesquelles il est indispensable
de procéder à la refonte des dispositifs comptables des
régimes de sécurité sociale :
"
Les plans comptables des organismes de sécurité sociale sont
multiples et ne sont pas homogènes. Lorsqu'ils sont homogènes,
les pratiques comptables suivies ne le sont pas et aucune autorité n'est
clairement en charge de leur harmonisation. Une telle situation ne facilite
donc pas la lecture des comptes
.
"
La comptabilité doit rendre compte de l'exécution des lois de
financement de la sécurité sociale, tant en ce qui concerne les
prévisions de recettes que les objectifs en matière de
dépenses qui sont des objectifs de branche. La consolidation au niveau
de la branche ne peut être envisagée sans une normalisation des
règles et des pratiques comptables
.
"
Les délais d'établissement des comptes des différents
régimes sont encore, malgré quelques progrès par rapport
à l'an passé, très longs. S'agissant du régime
général, les comptes des caisses nationales ont été
arrêtés par les conseils d'administration concernés entre
les mois de juin et septembre
.
"
Il résulte de cette situation que l'objectif même d'une
comptabilité, à savoir la fourniture d'une information fiable,
pertinente, rapide et opposable sur la situation financière des
organismes de sécurité sociale, tant pour les décideurs
internes que pour les autorités politiques et pour les organes de
contrôle, ne peut être considéré comme atteint de
manière satisfaisante
."
Dans cette perspective, une mission interministérielle, commune au
ministère de l'emploi et de la solidarité et au ministère
de l'économie et des finances, est en voie d'être mise en place,
avec trois objectifs essentiels :
Définir un plan comptable des régimes de
sécurité sociale, s'inspirant du plan comptable
général mais adapté aux spécificités propres
de la sécurité sociale.
Contribuer à l'établissement puis au suivi de
l'exécution des lois de financement de la sécurité
sociale, en neutralisant les transferts financiers de manière à
permettre l'agrégation par branche des différents régimes,
et en traitant de manière cohérente les relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Proposer les conditions d'une accélération sensible des
délais de production des comptes, de manière à disposer
d'une information infra-annuelle sur les résultats comptables.
II. LES PRÉVISIONS : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE PRÉCAIRE ET PARTIEL
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'inscrit dans la perspective d'un retour à l'équilibre du régime général, ainsi que de la plupart des régimes de base de sécurité sociale. Cette évolution favorable mériterait d'être saluée, si elle n'apparaissait pas à la fois précaire et partielle.
A. DES HYPOTHÈSES D'ÉVOLUTION TENDANCIELLE OPTIMISTES
1. Un retour fragile à l'équilibre grâce à la croissance
L'équilibre emplois-ressources de l'ensemble des
régimes de base entrant dans le champ des lois de financement de la
sécurité sociale, tel que retracé à
l'annexe C, fait apparaître un excédent des opérations
courantes de 3,4 milliards de francs pour 1999. Cet excédent fait
suite à un déficit de -11,2 milliards de francs en 1998 et
à un déficit de -33,9 milliards de francs en 1997.
Les montants totaux retracés dans le tableau ci-après se
différencient des prévisions de recettes évaluées
par l'article 12 du projet de loi de financement, soit
1.799,2 milliards de francs, et des objectifs de dépenses
fixés par l'article 32, soit 1.788,7 milliards de francs, car
ils intègrent à la fois, en emplois et en ressources, les
transferts entre régimes de sécurité sociale.
La
contribution du régime général de sécurité
sociale à ce redressement apparaît décisive, compte tenu de
son importance relative. En effet, ce régime sert 100 % des
prestations familiales, 79 % des prestations d'accidents du travail, 82 %
des prestations d'assurance maladie et 45 % des prestations de retraite.
Le régime général de sécurité sociale,
qui n'a plus connu de situation excédentaire depuis 1989, reviendrait
d'un déficit maximal de - 67,4 milliards de francs en 1995
à un léger excédent de 352 millions de francs en
1999
.
Cette
amélioration tendancielle résulte d'un effet de ciseaux entre les
recettes et les dépenses, qui a déjà permis une
amélioration du fonds de roulement du régime
général de 20 milliards de francs en 1997, comme en 1998.
L'an prochain, les recettes évolueraient globalement de
+ 2,7 % et les dépenses de + 1,6 %. Cet écart
de 1,1 point, appliqué à une masse de 1.300 milliards
de francs, ramène le déficit de 13,3 milliards de francs en
1998 à l'équilibre pour 1999.
Toutefois, ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale, "
la prudence oblige toutefois à
relativiser la signification de ce solde précis de
+ 352 millions de francs, compte tenu des masses en jeu.
Le solde
reste obligatoirement entaché d'une marge d'incertitude importante, bien
supérieure à celle propre aux recettes d'une part, aux
dépenses d'autre part
. Une erreur de prévision de un
millième sur les recettes et sur les dépenses (une
prévision aussi précise est déjà un très bon
résultat), conduit ainsi à une variation du solde de plus ou
moins 2.600 millions de francs
."
Au-delà de cette réserve d'ordre statistique, la
sincérité des comptes tendanciels du régime
général appelle des critiques plus graves.
2. Des hypothèses macro-économiques frappées d'aléas importants
Les hypothèses macro-économiques du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont les mêmes que celles du projet de loi de finances. Elles apparaissent tout aussi fragiles.
En
effet, les derniers développement de la crise financière
internationale ont conduit de nombreux prévisionnistes à retenir
une hypothèse de croissance du PIB en 1999 moins favorable que celle de
+ 2,7 % avancée par le Gouvernement. Ainsi, la moyenne des
prévisions de croissance des principaux instituts indépendants se
situe autour de + 2,5 %, les plus pessimistes anticipant une croissance de
2 % seulement. Les membres du panel de conjoncture du Conseil d'analyse
économique placé auprès du Premier ministre ont
également anticipé, par consensus, une croissance du PIB de
2,5 % en 1999.
Les experts indépendants, au-delà de cet écart de niveau
entre leurs prévisions et celle du Gouvernement, insistent sur
l'ampleur des aléas
qui en conditionnent la fiabilité.
Qu'il s'agisse du redressement des pays asiatiques, de la contagion de la crise
aux pays d'Amérique latine, de l'évolution de la situation en
Russie ou du taux de change du dollar, les hypothèses retenues
apparaissent conventionnelles et les risques de rupture particulièrement
grands.
L'incertitude ne porte pas uniquement sur la croissance en volume du PIB. Elle
concerne également la prévision de progression des prix. Les
derniers résultats rendus publics par l'INSEE pour le mois de septembre
1998 font état d'un taux d'inflation de 0,5 % en glissement annuel.
La confirmation de l'impact déflationniste de la crise internationale
rend incertaine l'hypothèse d'une hausse des prix de + 1,3 %
retenue par le Gouvernement pour 1999.
Egalement contestable, apparaît la prévision d'une croissance de
la masse salariale de + 4,3 % en 1999. Cette évolution
résulterait d'une progression de l'emploi égale à celle de
1998, soit + 1,8 %, et d'une accélération de la hausse
du salaire par tête, soit + 2,5 % en 1999 contre
+ 2,2 % en 1998. L'amélioration de l'emploi suppose la
réalisation de la prévision de croissance de l'économie.
Quant à la hausse du salaire moyen par tête, elle apparaît
compromise par la réduction du temps de travail. Si l'impact final de
cette réforme reste controversé, il ne fait guère de doute
qu'elle se traduira dans l'immédiat par une modération salariale
de la part des entreprises.
Pour fixer les idées, précisons
qu'un point de masse salariale en moins entraîne un manque à
gagner de l'ordre de 9 milliards de francs pour le régime
général
.
Par ailleurs, les exonérations de cotisations sociales liées
à la réduction du temps de travail ne seraient que partiellement
compensées par le budget de l'Etat. Le rapport de la commission des
comptes de la sécurité sociale précise que les effets
positifs prévus de la loi sur la réduction du temps de travail
sur l'emploi (+ 0,3 point) n'ont pas été
intégrés à l'hypothèse d'évolution de la
masse salariale en 1999.
"
En conséquence, la compensation par l'Etat au régime
général des pertes de cotisations liées aux abattements de
cotisations patronales, n'a pas non plus été
intégrée dans le poste "cotisations prises en charge".
Il a
été fait l'hypothèse pour ce compte, que les
suppléments de recettes générés en 1999 par les
emplois créés neutraliseraient les pertes de cotisations nettes
des compensations prévues par l'Etat
. Le coût en
matière d'exonérations des parts employeur est estimé
à environ 7,2 milliards de francs tous régimes en 1999, dont
4,6 milliards pour le régime général. Il sera donc
financé pour partie par une contribution de l'Etat, l'autre partie
résultant des effets positifs de l'emploi sur les recettes de
cotisations
."
3. Une prévision "autoréalisatrice" pour l'assurance maladie
Le point
le plus contestable de la projection tendancielle présentée par
le Gouvernement est l'hypothèse d'évolution des dépenses
d'assurance maladie. En effet, le compte tendanciel table sur un retour de ces
dépenses en 1999 à un taux de croissance modéré de
+ 2,6 % et non pas sur la prolongation du taux de + 3,4 %
désormais prévu pour 1998.
Le taux d'évolution
spontané des dépenses de la branche maladie se trouve ainsi, par
construction, identique au taux d'évolution volontairement fixé
par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 1999
.
Cette hypothèse aboutit à vider de son sens la notion même
de compte tendanciel.
Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale
souligne ce fait : "
C'est pour la maladie que ce compte a clairement la
nature d'un objectif ambitieux
.
Il est difficile d'en apprécier
la validité tant que ne sont pas connues les mesures destinées
à permettre de l'atteindre.
On peut cependant rappeler les ordres de grandeur suivants. Les comptes de 1998
présentent un dérapage des dépenses maladie à
hauteur de 6 milliards de francs environ par rapport aux objectifs de
l'ONDAM voté.
La poursuite à l'identique de ce
dérapage, en 1999, porterait les dépenses 12 milliards de
francs au-dessus du niveau retenu dans le compte 1999 présenté
dans ce rapport, soit un total à résorber de 18 milliards de
francs sur les 15 mois qui restent à courir.
Supposer l'extrapolation du dérapage est largement arbitraire car ceci
suppose que les causes du dérapage sont totalement stables et
pérennes. Nous constatons ici combien manque un diagnostic approfondi,
allant au-delà de la simple constatation de l'accélération
des dépenses et s'attachant à en déterminer les raisons.
Le chiffre obtenu n'est qu'un ordre de grandeur qu'il faudrait pouvoir
préciser pour prendre la mesure des efforts de natures diverses que
supposent sa résorption
."
On ne saurait mieux dire que le Gouvernement confond objectif
d'évolution et évolution tendancielle et minimise ainsi l'effort
de maîtrise des dépenses nécessaire.
B. L'IMPACT DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1998
Basé sur des prévisions macro-économiques
optimistes, le redressement annoncé de la sécurité sociale
l'an prochain résulte de la prolongation en 1999 de l'impact de la loi
de financement pour 1998.
L'équilibre initial de cette dernière reposait essentiellement
sur 11,8 milliards de francs de recettes nouvelles
, assorties de
5,5 milliards de francs de mesures de trésorerie non renouvelables
et de 4,9 milliards de francs de mesures d'économies, dont la
principale, la mise sous condition de ressources des allocations familiales
(4,8 milliards de francs), sera abandonnée en 1999.
L'application de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1998 n'a pas été sans heurts, et seule une
accélération de la croissance plus forte que prévue cette
année explique que son solde soit globalement conforme aux
prévisions initiales.
En effet, l'annexe B du projet de loi de financement montre que les
prévisions révisées des recettes de la
sécurité sociale pour 1998 sont supérieures de
14,8 milliards de francs aux prévisions initiales, tandis que les
objectifs de dépenses révisés sont supérieurs de
14,1 milliards de francs aux objectifs de dépenses initiaux.
Toutefois, ces écarts par rapport aux prévisions
initiales intègrent la décision politique prise par le
Gouvernement de quadrupler en 1998 l'allocation de rentrée scolaire.
Cette mesure, d'un coût de 6,3 milliards de francs, apparaît
à la fois dans les dépenses de la branche famille et dans les
recettes, à la ligne "contribution publique", puisqu'elle fait l'objet
d'un remboursement par l'Etat à la CNAF.
Si l'on fait abstraction de cette mesure discrétionnaire pour ne prendre
en compte que les évolutions spontanées, le solde de la
sécurité sociale en 1998 apparaît amélioré de
700 millions de francs par rapport aux prévisions de la loi de
financement. Cette légère amélioration résulte de
8,5 milliards de francs de recettes nettes supplémentaires, et de
7,8 milliards de francs de dépenses nettes supplémentaires.
Concernant les recettes, le principal écart à signaler est une
plus-value de 11,6 milliards de francs sur les cotisations
effectives
, qui se répartit à raison de 8,5 milliards
pour le régime général et 3,1 milliards de francs
pour les autres régimes.
Concernant les dépenses, le principal écart à signaler est
un
accroissement des prestations d'assurance maladie plus
élevé que prévu de 6,7 milliards de francs
.
Appréciés au niveau du seul régime général,
ces divers écarts par rapport aux prévisions se traduisent par
une légère dégradation de son déficit, qui
s'établirait à -13,3 milliards de francs en 1998, au
lieu des -11,9 milliards de francs prévus.
C. LA PERSISTANCE DE BRANCHES ET DE RÉGIMES DÉFICITAIRES
A supposer que le retour annoncé de la sécurité sociale à un équilibre financier global en 1999 soit confirmé, ce dont il est permis de douter, la persistance de branches et de régimes déficitaires demeure un sujet de préoccupation majeur.
1. Le déficit de la branche vieillesse du régime général
L'annexe C du projet de loi de financement de la
sécurité sociale présente les perspectives
d'évolution des recettes et des dépenses des régimes
obligatoires de base pour 1999 et les deux années postérieures.
Ces perspectives à l'horizon 2000 et 2001 sont fondées sur les
mêmes hypothèses macro-économiques que celles du projet de
loi de finances et de la commission des comptes de la sécurité
sociale. L'hypothèse de croissance de la masse salariale pour 1999, soit
+ 4,3 %, est reconduite les années suivantes. Les recettes de
CSG progresseraient de + 3,8 % chacune des deux années. Le
prélèvement de 2 % sur les revenus des capitaux
évoluerait à un rythme légèrement supérieur
à +4 % l'an. Globalement, les recettes du régime
général s'accroîtraient de + 3,5 % en 2000 et de
+ 3,9 % en 2001.
S'agissant des dépenses, les hypothèses de revalorisation des
pensions et de la base mensuelle des allocations familiales sont, par
convention, alignées, pour les deux années, sur
l'évolution des prix hors tabac. Par convention également, les
dépenses de l'assurance maladie sont supposées évoluer au
même taux que l'ONDAM pour 1999, soit + 2,6 % pour l'ensemble
des régimes et + 2,8 % pour le régime
général.
Au total, les dépenses du régime général
s'accroîtraient de + 2,9 % en 2000 et + 2,8 % en
2001, ce taux global recouvrant des évolutions
différenciées selon les branches :
+ 2,8 % les deux années pour la branche maladie en
cohérence avec l'objectif du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 ;
- 1 % et + 1,4 % pour les dépenses d'accidents
du travail ;
+ 3,3 % et 3,2 % pour la branche vieillesse, ce qui est
compatible avec les évolutions démographiques prévues et
avec la consolidation progressive des effets financiers de la réforme
des pensions de 1993 ;
+ 3,1 % puis + 2,6 % pour la branche famille, compte
tenu de l'intégration en année pleine, à compter de 2000,
de la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations
familiales.
Sous ces hypothèses conventionnelles, n'incorporant aucune mesure
nouvelle par rapport au projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, les recettes du régime
général progresseraient chaque année plus vite que les
dépenses : + 3,5 % et + 3,9 % pour les
recettes, contre + 2,9% et + 2,8 % pour les dépenses. Ces
écarts de 0,6 % et 0,9 % s'appliquant à des flux de l'ordre
de 1.300 milliards de francs, le solde du régime
général s'améliorerait de 7 milliards de francs en
2000 et de près de 14 milliards de francs en 2001.
Ainsi, selon cette projection reposant sur des hypothèses d'évolution des recettes optimistes et des hypothèses d'évolution des dépenses d'assurance maladie volontaristes, le régime général de la sécurité sociale dégagerait un excédent de 7,1 milliards de francs en 2000 et de 20,9 milliards de francs en 2001. Néanmoins, sa branche vieillesse resterait déficitaire sur la période, de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 2,3 milliards de francs en 2001.
2. Le déficit de la CNRACL
Sous les
mêmes hypothèses macro-économiques que celles retenues pour
le régime général, les projections se traduisent pour la
plupart des régimes par une situation proche de l'équilibre en
2000 et 2001. Il convient toutefois de souligner que ces résultats ne
sont pas significatifs de l'évolution réelle des besoins de
financement de la plupart des régimes spéciaux de
salariés, qui sont équilibrés par une subvention de
l'Etat, ni des régimes des non salariés, qui sont
équilibrés par une affectation prioritaire de contribution
sociale de solidarité des sociétés.
Seule la caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL) voit son déficit s'aggraver à législation
constante, du fait de la dégradation de son rapport démographique
et des charges de compensation qui pèsent sur ce régime.
La forte dégradation du solde de la CNRACL en 2000 résulte
principalement de l'hypothèse du cumul sur cet exercice des
régularisations de compensations au titre de 1998 et 1999.
En effet, le financement de ce régime, qui a été
assuré en 1997 par un prélèvement exceptionnel de
4,5 milliards de francs sur les réserves du fonds d'allocation
temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales
(FATIACL), repose les deux années suivantes sur le report des acomptes
de compensation d'un exercice au suivant. Les transferts de compensation
versés par le CNRACL s'élèvent à
19,7 milliards de francs pour 1999, soit 44 % de ses prestations, qui
s'élèvent à 44,5 milliards de francs cette même
année.
Comme on le verra plus loin, le Gouvernement ne propose pas d'autre solution à la dégradation de la situation de la CNRACL qu'un inacceptable recours à l'endettement .
III. LES RECETTES : UN RECYCLAGE DES EXCEDENTS GÉNÉRÉS PAR LA CROISSANCE
Contrairement à l'an dernier, le projet de loi de
financement
de la sécurité sociale, tel que présenté
initialement par le Gouvernement, ne prévoit aucun
prélèvement supplémentaire.
L'essentiel de son volet recettes consiste en une réaffectation des
ressources de contribution sociale de solidarité des
sociétés, destinée à dégager
2 milliards de francs pour la constitution d'un fonds de réserve
des régimes de retraite par répartition. Les autres dispositions
relatives aux recettes consistent en des mesures de correction ou de
validation, dont l'incidence financière reste marginale, voire
hypothétique.
A. LA MODIFICATION DE L'AFFECTATION DE LA CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITÉ DES SOCIÉTÉS
1. La répartition des ressources fiscales de la sécurité sociale
Depuis
la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie, amorcée
par le loi de financement pour 1997 et amplifiée par la loi de
financement pour 1998, la sécurité sociale est largement
financée par des ressources de nature fiscale.
Ces ressources fiscales sont réparties entre les différents
régimes selon des règles particulièrement complexes,
obscurcies encore par les dérogations exceptionnelles qui leur ont
été apportées ces dernières années.
Deux mécanismes complémentaires sont à distinguer.
Le premier mécanisme répartit entre les régimes
obligatoires d'assurance maladie le produit de l'ensemble formé par la
CSG maladie et une fraction égale à 40 % du droit de
consommation sur les alcools (les 60 % restants étant
affectés au FSV). Cette répartition s'opère en trois
étapes :
- au premier niveau, le produit est réparti en fonction de la perte
de cotisations d'assurance maladie induite pour chacun des régimes par
la substitution de la CSG ;
- au deuxième niveau, le surplus éventuel est affecté
en priorité à la CNAMTS, dans la limite de son déficit
comptable ;
- au troisième niveau, le surplus éventuel est
affecté aux autres régimes obligatoires d'assurance maladie au
prorata de leurs déficits comptables, avant attribution de la
contribution sociale de la solidarité des sociétés (C3S).
Le bilan de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie fait
apparaître des excédents après la répartition de
premier niveau.
En 1998,
l'excédent de l'ensemble CSG maladie et droits sur les alcools,
égal à 2,2 milliards de francs, est intégralement
absorbé par le déficit de la CNAMTS, en deuxième niveau de
répartition.
En 1999, compte tenu du rétablissement des comptes de la CNAMTS,
après compensation de ses pertes de cotisations, un excédent de
4,3 milliards de francs peut être réparti, en
troisième niveau, entre les autres régimes obligatoires
d'assurance maladie au prorata de leurs déficits.
Dans les faits, ce surplus ira en quasi totalité à la CANAM car
les autres régimes sont pratiquement tous
auto-équilibrés : les régimes des salariés
agricoles, des militaires et des cultes sont intégrés au
régime général, tandis que les régimes de la SNCF
et de la RATP sont équilibrés par ces entreprises. Quant au
BAPSA, le présent projet de loi de financement prévoit de
l'exclure, à titre exceptionnel, du bénéfice de cette
répartition de troisième niveau.
Le second mécanisme répartit entre les régimes de
non salariés le produit de la contribution sociale de solidarité
des sociétés (C3S). Cette répartition s'opère en
deux étapes :
- au premier niveau, le produit de la C3S est réparti entre la
CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA, au prorata et dans la limite de leurs
déficits comptables ;
- au second niveau, le surplus éventuel est affecté au BAPSA.
Il convient de souligner que ces règles théoriques de
répartition de la C3S n'ont en fait jamais été strictement
respectées depuis leur définition par la loi du 12 avril
1996, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
En 1997, 2,8 milliards de francs d'excédents de C3S après
répartition de premier niveau ont été reportés sur
l'exercice 1998, en vertu de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
En 1998, les attributions de C3S à l'ORGANIC et à la CANCAVA ont
été majorées de 1,2 milliard de francs, à
hauteur des transferts exceptionnels de ces deux régimes vers la CNAMTS
institués par la loi de financement de la sécurité sociale
(700 millions de francs pour l'ORGANIC et 500 millions de francs pour
la CANCAVA). A législation constante, le surplus demeurant de
2,4 milliards de francs devrait être versé au
BAPSA.
2. Les nouvelles règles d'affectation de la C3S
En 1999,
le dynamisme propre du produit de la C3S ainsi que le comblement du
déficit de la CANAM par des surplus de CSG et de droit de consommation
sur les alcools devraient se traduire par un excédent courant de
5,6 milliards de francs, après répartition de premier niveau.
Le dynamisme des recettes de C3S est un effet de la loi de finances
rectificative du 4 août 1995, qui a accru son rendement sur deux
points :
- son taux a été porté de 0,1 % à
0,13 % du chiffre d'affaires des sociétés, à compter
du 1er janvier 1995 ;
- son champ d'application à été étendu
à certaines formes de société jusqu'alors
exonérées (sociétés par actions simplifiées,
en nom collectif, GIE, certaines institutions financières,
coopératives), à compter du 1er janvier 1996.
L'impact financier de cette réforme en 1996 est estimé à
4,9 milliards de francs, à raison de 2,8 milliards de francs
pour le relèvement du taux et de 2,1 milliards de francs pour
l'extension du champ de la C3S.
Le produit prévu de la C3S pour 1999 est estimé à
16,8 milliards de francs, en augmentation de + 4,4 % par rapport
à 1998.
L'article 2 du projet de loi de financement propose de modifier
considérablement les règles de répartition de la C3S.
D'une part, le paragraphe I suspend la répartition de
deuxième niveau de la C3S au titre de 1998, et reporte ainsi sur
l'exercice 1999 le surplus de 2,4 milliards de francs qui aurait dû
être versé au BAPSA.
En compensation partielle, le paragraphe II opère un
prélèvement exceptionnel de 1 milliard de francs sur le
produit de la C3S en 1999 au profit du BAPSA. Mais, parallèlement, ce
régime est exclu du bénéfice de la répartition de
troisième niveau de la CSG maladie et des droits sur les alcools en 1999.
D'autre part, le paragraphe III modifie de manière pérenne
les règles de répartition de la C3S, en affectant le surplus
éventuel, après comblement des déficits de la CANAM, de
l'ORGANIC et de la CANCAVA, au fonds de solidarité vieillesse (FSV), et
non plus au BAPSA.
3. Les conséquences pour le fonds de solidarité vieillesse
Le FSV
se trouve ainsi destinataire en 1999 d'un surplus de C3S estimé à
5,6 milliards de francs. Ce surplus sera intégralement
utilisé pour le financement de charges nouvelles.
Le paragraphe IV de l'article 2 du projet de loi de financement
instaure au sein du FSV une section intitulée "opérations de
solidarité", correspondant aux missions antérieures du fonds, qui
prend en charge les avantages de retraite non contributifs, et une section
intitulée "fonds de réserve", correspondant à un fonds de
réserve pour les régimes d'assurance vieillesse ainsi
créé.
La part des recettes de C3S versée au fonds de réserve est
déterminée par arrêté. Le Gouvernement a
prévu de le doter de 2 milliards de francs en 1999.
Le reste du surplus de C3S affecté au FSV, soit 3,6 milliards de
francs, servira à couvrir presque intégralement le coût de
deux nouvelles charges du fonds :
- 2,9 milliards de francs seront versés au régime
général, en application de l'article 3 du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, afin de solder les sommes
correspondant à la validation des périodes non travaillées
des chômeurs résidant dans les départements d'outre-mer,
que le FSV avait omis de prendre en charge entre 1994, année de sa
création, et 1997, année où l'UNEDIC a
intégré les chômeurs des DOM dans les statistiques fournies
au fonds ;
- 900 millions de francs seront consacrés à une
amélioration, par voie réglementaire, de la prise en charge des
périodes de chômage non indemnisé.
Au total, le solde de la nouvelle section "opérations de
solidarité" resterait quasiment inchangé par rapport à son
évolution spontanée, avec un excédent de
+ 2,1 milliards de francs au lieu des +2,4 milliards de francs
prévus tendanciellement.
Il
convient de préciser que les comptes de la section "opérations de
solidarité" du FSV sont marginalement affectés par deux autres
mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999 :
- l'article 8 retire des ressources du FSV le droit de fabrication
applicable aux produits de parfumerie et de toilette, aux alcools à
usage médicamenteux et aux alcools incorporés dans des produits
alimentaires prévu à l'article 406 A du code
général des impôts, en conséquence de la suppression
de ce droit par l'article 32 du projet de loi de finances pour 1999. La
perte de recettes afférente, estimée à 330 millions
de francs, est déjà incluse dans le compte tendanciel.
- la revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite prévue
par l'article 29 a pour répercussion une augmentation de
70 millions de francs des prestations de minimum vieillesse
financées par le FSV.
Votre rapporteur pour avis observe que le solde cumulé de la section
"opérations de solidarité" du FSV s'élèvera
à 4,7 milliards de francs en 1999, soit plus du double de la
dotation de 2 milliards de francs prévue pour la nouvelle section
"fonds de réserve
". L'accumulation de ces excédents
apparaît comme une mesure de prudence, car les charges de validation des
périodes de chômage restent très sensibles à la
conjoncture de l'emploi.
Votre rapporteur pour avis observe également que la modification de
l'affectation des ressources fiscales de la sécurité sociale
s'opère au détriment du BAPSA.
Ce régime est
privé, en 1998, de 2,4 milliards de francs d'excédents de
C3S et ne reçoit en 1999, pour solde de tout compte, que 1 milliard
de francs sur 5,6 milliards d'excédents de C3S. Le BAPSA
étant équilibré par une subvention de l'Etat, ces
modifications des règles existantes de répartition peuvent
être analysées
in fine
comme des transferts financiers
indirects du budget général à la sécurité
sociale.
B. LES AUTRES MESURES
1. Le reprofilage de l'exonération pour première embauche
L'exonération de cotisations patronales pour l'embauche
d'un
premier salariée, instaurée par la loi n° 89-18 du
13 janvier 1989 portant diverses dispositions d'ordre social, vient
à échéance le 31 décembre 1998.
Cette exonération porte sur la totalité de la part patronale des
cotisations, pendant les 24 mois suivant l'embauche s'il s'agit d'un
contrat à durée indéterminée, ou pendant
18 mois s'il s'agit d'un contrat à durée
déterminée. Ce dispositif s'applique en moyenne à
75.000 embauches par an, pour un coût estimé à
2,7 milliards de francs en 1997 et 3,2 milliards de francs en 1998.
L'article 4 du projet de loi de financement propose de reconduire
l'exonération pour quatre ans, jusqu'au 31 décembre 2001,
mais en limitant sa portée sur deux points :
- la rémunération prise en compte est plafonnée au
niveau du SMIC ;
- tout cumul avec une autre mesure d'exonération de cotisations
patronales, ou avec un mode forfaitaire de détermination des
cotisations, est exclu.
L'économie afférente est estimée à
130 millions de francs pour 1999 et à 800 millions de francs
en année pleine, les nouvelles règles ne s'appliquant qu'au flux
d'entrée dans le dispositif.
Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable à la
rationalisation d'une mesure d'exonération qui génère
vraisemblablement d'importants effets d'aubaine. Toutefois
,
le plafond
du SMIC proposé apparaît excessivement bas
. Par ailleurs, il
se demande si la prolongation, sous une forme modifiée, d'un dispositif
existant ne devrait pas être assimilée à un dispositif
nouveau au regard de l'article L.131-7 du code de la
sécurité sociale, qui pose le principe de la compensation par
l'Etat de toute nouvelle exonération de cotisations sociales.
2. La consolidation de certaines recettes existantes
a) L'assujettissement des fausses locations-gérances
L'article 5 du projet de loi de financement propose
d'assujettir expressément aux cotisations sociales et à la CSG,
les revenus tirés de la location-gérance d'une entreprise
commerciale, industrielle ou artisanale, lorsque le bénéficiaire
de ces revenus y exerce une activité professionnelle.
Il s'agit de faire échec aux montages "d'auto-location-gérance"
visant à échapper aux cotisations sociales normalement assises
sur toute rémunération d'activité.
b) Le transfert à l'administration fiscale du recouvrement de la CSG sur les BIC non professionnels
L'article 5 du projet de loi de financement propose
également de transférer la compétence du recouvrement de
la CSG et de la CRDS sur les bénéfices industriels et commerciaux
(BIC) ou non commerciaux (BNC) non professionnels. Ces revenus sont assujettis
à la CSG et à la CRDS, mais exonérés de cotisations
sociales. Les URSSAF, qui sont actuellement théoriquement
chargées de leur recouvrement, ne les connaissent pas en pratique.
Il est donc proposé d'assujettir les BIC et BNC non professionnels non
plus à la CSG sur les revenus d'activité, mais à la CSG
assise sur les revenus du patrimoine, qui est recouvrée efficacement par
les services fiscaux. Ce transfert a pour conséquence de les assujettir
au prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine.
Le gain de cette mesure est estimé à 70 millions de francs,
dans l'hypothèse où la totalité des 700 millions de
francs de BIC et BNC non professionnels échapperaient actuellement
à la CSG et à la CRDS.
Votre rapporteur pour avis appelle l'attention sur la charge que ces
règles nouvelles pourraient représenter pour certains secteurs
d'activité, tels celui de la pêche artisanale. Il serait
souhaitable que les sommes dues au titre des exercices antérieurs
à 1999 ne donnent pas lieu à redressement.
c) La correction de la contribution de l'industrie pharmaceutique de 1996
L'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du
24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au
rétablissement de l'équilibre financier de la
sécurité sociale avait mis à la charge de l'industrie
pharmaceutique une contribution exceptionnelle d'un rendement total de
2,5 milliards de francs. Cette contribution se compose de trois
contributions assises, respectivement, sur les dépenses de
publicité, sur la progression du chiffre d'affaires et sur le chiffre
d'affaires lui-même, déduction faite des dépenses
éligibles au crédit d'impôt recherche.
Ce dernier élément fait actuellement l'objet d'une contestation
devant le Conseil d'Etat. En effet, les dépenses éligibles au
crédit d'impôt recherche sont par définition les seules
dépenses de recherche réalisées en France. Certains
laboratoires étrangers, dont les filiales françaises assujetties
à la contribution ne réalisent aucun investissement de recherche,
ont estimé que cet abattement introduit une discrimination contraire aux
règles de concurrence européennes. Le Conseil d'Etat a saisi la
CJCE d'une question préjudicielle sur ce point, et le Gouvernement
estime probable une annulation de la part de la contribution assise sur le
chiffre d'affaires, soit une perte de 1,2 milliard.
L'article 7 du projet de loi de financement propose donc de modifier
l'assiette de la contribution de 1996, en supprimant l'abattement au titre des
dépenses de recherche. Parallèlement, le taux de la contribution
serait abaissé de 1,7 % à 1,47 %, afin de laisser
inchangé son produit. Ces modifications se traduiraient par un versement
complémentaire d'environ 70 millions de francs demandé aux
laboratoires qui ont consenti un effort de recherche important, qui serait
redistribué aux autres laboratoires.
Votre rapporteur pour avis reste perplexe à l'égard d'une
disposition qui modifie rétroactivement une contribution
déjà perçue, dans le but de la valider
préventivement par rapport à une décision de justice
à venir. Le sens de l'arrêt définitif du Conseil d'Etat
n'est d'ailleurs pas acquis, puisque les règles de concurrence
européennes ne font pas obstacle, d'une manière
générale, à la territorialité des impôts
nationaux.
d) La mise en conformité de la taxe sur les premix
L'article 29 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 1997 a instauré une taxe sur les boissons dite "premix",
résultant du mélange de boissons non alcoolisées et
d'alcools forts.
Cette taxe, dont le rendement n'a été que de 3 millions de francs
en 1997, a été instaurée dans le but de décourager
le développement du marché des premix, qui visait
particulièrement la clientèle des jeunes.
La taxe sur les premix soulève plusieurs difficultés juridiques.
L'instruction fiscale qui en précisait l'assiette et les conditions de
recouvrement a été annulée par une décision du
Conseil d'Etat en date du 8 juillet dernier. Par ailleurs, la Commission
européenne a engagé une procédure précontentieuse,
considérant que la taxe contrevient à la directive
européenne sur les droits d'accises et introduit une discrimination
à l'encontre des seuls premix résultant d'un mélange
d'alcools forts.
L'article 9 du projet de loi de financement propose donc d'élargir le
champ de la taxe sur les premix à tous les types d'alcools, y compris
les alcools dits "intermédiaires" comme le vin ou la bière. En
contrepartie, seuls les premix conditionnés en récipients de
moins de 60 centilitres seraient taxés. En clair, il s'agit de
laisser en dehors du champ de la taxe les mélanges traditionnels
à base de vin ou de rhum qui sont vendus au litre, et non pas en
cannettes.
Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il s'était interrogé
sur la compatibilité de la taxe sur les premix avec le droit
communautaire dès sa création, en 1996. Il craint que la
modification proposée ne suffise pas à la mettre en
conformité avec la directive sur les droits d'accises, et reste perplexe
à l'égard de la nouvelle discrimination introduite en fonction du
conditionnement des boissons.
3. La diminution des cotisations d'accidents du travail
La
branche accidents du travail du régime général est
structurellement excédentaire depuis 1995. Cette situation n'est pas
normale, dans la mesure où les règles de fixation des cotisations
de la branche sont conçues de manière à couvrir exactement
ses dépenses. Les taux de cotisation sont individualisés pour
chaque entreprise en fonction de la valeur de son risque propre. Un taux net de
cotisation nationale est fixé chaque année en fonction du rapport
entre les prestations versées au cours des trois dernières
années et la masse salariale sur la même période.
Le taux net est inchangé depuis 1996, où il a été
fixé à 2,26 %. Compte tenu de ce taux de cotisation, la
branche accidents du travail a dégagé en 1998 un excédent
de 1,7 milliard de francs.
Le Gouvernement a décidé d'abaisser le taux net de cotisation
à 2,21 % pour 1999, ce qui correspond à une diminution des
charges des entreprises de 1 milliard de francs. Cette diminution de taux
est déjà intégrée dans le compte tendanciel de la
branche accidents du travail.
Votre rapporteur pour avis est d'autant plus favorable à cette baisse
des cotisations d'accidents du travail qu'il l'avait déjà
proposée l'an dernier.
Il regrette toutefois que la diminution
des charges envisagée ne soit pas aussi importante que les marges de
manoeuvre auraient pu le permettre, puisque l'excédent prévu de
la branche accidents du travail continue d'augmenter en 1999, pour atteindre
1,9 milliard de francs.
C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. Le reprofilage de l'exonération pour emploi à domicile
Les
associations d'aide à domicile ont été durement
touchées par la conjonction de trois mesures décidées par
le Gouvernement l'an dernier : l'abaissement du plafond de la
réduction d'impôt pour emploi familial, la diminution de 1,33
à 1,3 SMIC du seuil de la ristourne dégressive sur les bas
salaires et la proratisation de l'abattement pour travail à temps
partiel.
Votre commission des finances avait soutenu, dans le cadre du projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du mois de
mai dernier, un relèvement de 30 % à 60 % du taux de
l'exonération de cotisations sociales patronales dont
bénéficient les associations d'aide à domicile.
Une mission a été confiée à l'inspection
générale des finances et à l'inspection
générale des affaires sociales pour examiner la situation des
associations d'aide à domicile. Son rapport, récemment rendu
public, préconise le relèvement de 30 % à 100 %
de l'exonération de cotisations sociales dont celles-ci
bénéficient déjà. Cette exonération totale
présenterait l'avantage d'apporter une réponse aux
difficultés financières des associations d'aide à
domicile, tout en assurant la neutralité des dispositifs incitatifs
entre les emplois professionnalisés et les emplois de gré
à gré, qui sont déjà exonérés
à 100 %.
Conformément à cette recommandation, le Gouvernement a
présenté devant l'Assemblée nationale un amendement
portant à 100 % l'exonération des charges patronales des
associations d'aide à domicile. Le coût de cette mesure est
estimé à 670 millions de francs.
Aussi, le Gouvernement propose-t-il de gager cette perte de recettes par une
économie sur l'exonération de cotisations sociales
accordée aux particuliers de plus de 70 ans. Cette
exonération serait limitée à 15 heures par semaine et
par foyer. Seules les personnes invalides, dépendantes ou
handicapées continueraient à bénéficier d'une
exonération sans limite.
Selon les chiffres avancés par le ministre de l'emploi et de la
solidarité, 90 % des employeurs se situent en-dessous de ce seuil de
15 heures, mais les 10 % restant totalisent 50 % des heures
à domicile. L'économie afférente est estimée
à 420 millions de francs.
Votre rapporteur pour avis est favorable à l'exonération
totale proposée par le Gouvernement, mais défavorable au
contingentement qui l'accompagne.
2. Le relèvement du droit de consommation sur les tabacs
A
l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
l'Assemblée nationale a augmenté de 58,3 % à
59,9 % le taux du droit de consommation sur les tabacs, et a porté
de 230 francs à 345 francs le minimum de perception sur le
tabac à rouler. Le rendement de cette mesure figurant à
l'article 11 bis, qui a reçu l'avis favorable du
secrétaire d'Etat à la santé, est estimé à
1 milliard de francs.
Toutefois, contrairement à l'intention de l'auteur de cet amendement, ce
surcroît de recettes ne bénéficiera que très
marginalement à la CNAMTS. En effet, celle-ci n'est destinataire que
d'une fraction égale à 9,1 % du produit du droit de
consommation sur les tabacs. Mais seule une loi de finances pourrait modifier
le pourcentage de cette affectation de recettes.
Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe d'une
hausse des prix à la consommation du tabac, ni à celui de
l'affectation d'une plus grande part de la fiscalité sur le tabac
à la branche maladie.
Toutefois, afin d'éviter le risque d'une reprise de la guerre des prix
entre les fabricants, il serait préférable de procéder
comme prévu par une hausse concertée des prix à la
production qui générerait en retour le surcroît de recettes
voulu.
3. Le rétablissement des cotisations maladie pour les fonctionnaires internationaux
A
l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
l'Assemblée nationale a rétabli les taux de cotisation
d'assurance maladie antérieurs pour les agents d'organismes
internationaux, exonérés d'impôts directs en application
d'une convention internationale (article 2 bis).
En effet, alors qu'ils sont exonérés de CSG, ceux d'entre eux qui
sont affiliés à un régime français d'assurance
maladie ont bénéficié de la baisse des cotisations
destinée à compenser la hausse du taux de la CSG depuis
1997.
4. L'affiliation au régime général des collaborateurs occasionnels des services publics
A la
demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un
article 11 ter qui prévoit l'affiliation obligatoire au
régime général de sécurité sociale des
personnes qui exercent à titre occasionnel une activité
rémunérée pour le compte de l'Etat, d'une
collectivité territoriale, d'un de leurs établissements publics
administratifs ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un
service public administratif.
Ces dispositions ne seraient pas applicables aux fonctionnaires ni, à
leur demande, aux personnes exerçant une profession non salariée
à titre principal lorsque leur collaboration occasionnelle au service
public en est le prolongement.
Votre rapporteur pour avis reste réservé sur le maintien de
l'exonération de cotisations pour les activités occasionnelles
des fonctionnaires.
5. Le financement du congé de fin d'activité dans la fonction publique
L'accord
salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 a
prévu la prorogation du congé de fin d'activité ouvert aux
agents ayant cotisé 40 ans et accompli 15 ans de service
public, ainsi que l'abaissement de 58 à 56 ans de l'âge
d'accès à ce dispositif.
Pour les fonctions publiques locale et hospitalière, le congé de
fin d'activité est financé par le fonds de l'allocation
temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales
(FATIACL). La prorogation et l'extension du congé de fin
d'activité auraient pour effet d'entraîner un déficit
courant de - 500 millions de francs en 1999 pour le FATIACL.
L'article 11 quater, qui résulte d'un amendement
présenté par le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation, propose d'instaurer
un double prélèvement au profit du FATIACL :
- l'un sur le fonds de compensation pour la cessation progressive
d'activité des agents territoriaux ;
- l'autre sur le fonds pour l'emploi hospitalier.
Ces prélèvements seraient déterminés en fonction du
besoin de financement du FATIACL, évalué à 300 millions de
francs compte tenu de réserves de 200 millions de francs, et de la part
de chacune des deux fonctions publiques, territoriale et hospitalière,
dans les dépenses du congé de fin d'activité. On
rappellera que le FATIACL était largement excédentaire,
jusqu'à ce que la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997 affecte ses réserve, à hauteur de
4,5 milliards de francs, au financement de la CNRACL.
Votre rapporteur pour avis est tout à fait défavorable
à ces ponctions de trésorerie improvisées, qui
détournent de leurs objectifs des fonds spécialisés sans
apporter de solution durable au financement du congé de fin
d'activité.
IV. LES DÉPENSES : L'ENGAGEMENT DE NOMBREUSES CHARGES NOUVELLES
Alors que le volet recettes du projet de loi de financement consiste essentiellement dans le recyclage des excédents conjoncturels de C3S résultant de la croissance, son volet dépenses comporte de nombreuses charges nouvelles, à caractère permanent.
A. LA BRANCHE FAMILLE
1. Le déplafonnement des allocations familiales
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 a placé
les allocations familiales sous condition de ressources. Les plafonds de
ressources sont de 25.000 francs nets mensuels, majorés de
7.000 francs lorsque les deux parents travaillent ou s'il s'agit d'un
parent isolé, et de 5.000 francs par enfant à charge
à partir du troisième.
Ce plafonnement s'est appliqué à compter du
1er mars 1998 et a touché 566.000 familles, qui ont perdu
en moyenne 13.000 francs d'allocations sur l'année.
L'économie afférente pour la branche famille est estimée
à 5,11 milliards de francs en année pleine, et à
3,8 milliards de francs sur neuf mois.
L'article 13 du projet de loi de financement modifie l'article L.521-1 du code
de la sécurité sociale de manière à rétablir
l'universalité des allocations familiales.
Cette mesure a été annoncée par le Gouvernement dans le
cadre de la conférence de la famille du 12 juin dernier. Son
coût pour 1999 est estimé à 4,7 milliards de francs,
sur 11 mois seulement.
Votre rapporteur pour avis est bien sûr favorable à la
suppression du plafonnement des allocations familiales, auquel il
s'était opposé l'an dernier, mais relève une certaine
versatilité de la part du Gouvernement
.
2. La budgétisation de l'allocation de parent isolé
Le
projet de loi de financement intégre l'impact de l'article 82 du projet
de loi de finances qui transfère au budget de l'Etat la charge du
financement de l'allocation de parent isolé. L'API est une allocation
différentielle versée sous conditions de ressources aux personnes
seules qui assument la charge d'un ou plusieurs enfants. Elle est servie
pendant un an, ou jusqu'au troisième anniversaire du dernier enfant. Le
revenu mensuel garanti s'élève à 3.198 francs auquel
s'ajoutent 1.066 francs par enfant. L'API bénéficie à
163.000 parents.
Ce transfert a pour objet de compenser le coût pour la CNAF du
déplafonnement des allocations familiales. Il correspond
également à la nature de l'API qui, en tant que garantie de
ressources, peut relever plus directement de la solidarité nationale.
Son coût est estimé à 4,2 milliards de francs pour
1999.
Cependant, cette charge budgétaire nouvelle serait financée par
un abaissement du plafond du quotient familial de 16.380 francs à
11.000 francs, le plafond demeurant fixé à
20.270 francs pour les personnes célibataires, divorcées ou
séparées.
Le Gouvernement fait valoir que les familles concernées par la
diminution du quotient familial seraient moins nombreuses que celles
bénéficiant du rétablissement des allocations familiales.
Effets du déplafonnement des allocations familiales et de l'abaissement du plafond du quotient familial
Les tableaux ci-dessus montrent que, jusqu'à 38.700 francs de revenu,
les familles de deux enfants retrouveront l'intégralité des
allocations familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 682 francs par mois
à partir de 25.000 francs de revenus ou de 32.000 francs pour les
familles biactives. Jusqu'à 43.500 francs de revenus, les familles
de trois enfants retrouveront l'intégralité des allocations
familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 1.500 francs par mois
à partir de 37.000 francs de revenu ou de 44.000 francs pour les
familles biactives.
Toutefois, les couples qui n'ont qu'un enfant sont pénalisés
à partir de 36.300 francs de revenu, puisqu'ils ne
perçoivent en tout état de cause aucune allocation familiale. Il
en va de même pour les familles dont les enfants à charge sont
trop âgés pour percevoir des allocations.
Au total, le déplafonnement des allocations bénéficierait
à 386.000 familles, tandis que la baisse du plafond du quotient
familial affecterait 500.000 familles. En net, 225.000 familles
seraient bénéficiaires et 425.000 familles seraient
perdantes. Le surcroît d'impôt sur le revenu résultant de la
modification du quotient est estimé à 3,9 milliards de
francs.
Votre rapporteur pour avis est défavorable à la mesure
proposée en loi de finances pour compenser le coût de la
budgétisation de l'API. Ce coût n'a pas à être
supporté par les familles, alors qu'il pourrait parfaitement être
financé dans le cadre d'un équilibre budgétaire global
reposant sur d'autres choix que ceux du Gouvernement.
L'abaissement du plafond donne au quotient un effet de redistribution
verticale, en fonction du niveau de revenu, alors qu'il doit avoir un effet de
redistribution horizontale, en fonction du nombre d'enfants.
3. Les autres mesures
L'article 14 du projet de loi de financement prévoit
d'étendre l'allocation de rentrée scolaire à toutes les
familles. Actuellement, l'ARS n'est versée qu'aux familles
déjà bénéficiaires d'une prestation familiale
à un autre titre. Les familles qui n'ont qu'un enfant ne
bénéficient pas des allocations familiales, et se trouvent ainsi
en dehors de son champ.
L'extension de l'ARS aux familles n'ayant qu'un enfant à charge avait
été annoncée à l'issue de la conférence
nationale de la famille. Son coût pour la branche famille est
estimé à 180 millions de francs.
Les objectifs de dépenses du projet de loi de financement
intègrent par ailleurs le coût pour la branche famille de trois
mesures d'ordre réglementaire :
Le relèvement des loyers plafonds pris en compte pour le calcul de
l'allocation de logement familial (ALF). L'objectif est d'augmenter ces
loyers-plafonds de 25 % sur trois ans, afin de les aligner sur ceux de
l'allocation de logement social (ALS). Le coût de cette mesure, qui
devrait bénéficier à 530.000 familles, est
estimé à 220 millions de francs en 1999 et à
1,3 milliard de francs en année pleine.
Le fonds national d'action sociale (FNAS) de la CNAF sera abondé
de 600 millions de francs supplémentaires, destinés
notamment à la mise en place du réseau de soutien aux parents,
à la réforme du financement des crèches, et au
développement des contrats "temps libre" pour la prise en charge des
enfants de 6 à 15 ans.
Le relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux
prestations familiales de 19 à 20 ans, pour les jeunes inactifs ou
chômeurs. Le coût de cette mesure, qui devrait
bénéficier à 60.000 familles, est estimé
à 530 millions de francs pour 1999, et à 1 milliard de
francs en année pleine.
Le recul d'un an des seuils de majoration pour âge des allocations
familiales, qui seront portés respectivement de 10 et 15 ans
à 11 et 16 ans. L'économie résultant de cette mesure
est estimée à 870 millions de francs pour 1999, et à
1,8 milliard de francs en année pleine.
Votre rapporteur pour avis observe que la combinaison des deux
dernières mesures aboutit à restreindre les prestations
universelles que sont les allocations familiales, alors que les prestations
sous condition de ressources sont par ailleurs améliorées. Il
n'est pas favorable à cette orientation, qui assimile la politique
familiale à une politique des revenus
.
Au total, le solde de la branche famille se trouve dégradé par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui
réduit son excédent de 4 milliards de francs à
2,8 milliards de francs.
B. LA BRANCHE MALADIE
Votre
rapporteur pour avis rappelle que l'évolution tendancielle des
dépenses d'assurance maladie est par hypothèse supposée
identique à celle de l'objectif national des dépenses d'assurance
maladie, soit + 2,6 %. L'impact de l'ONDAM sur les dépenses
d'assurance maladie dans la présentation du projet de loi de financement
est donc nul, par construction.
Sous réserve de cette hypothèse audacieuse, le projet de loi de
financement prévoit l'engagement des dépenses nouvelles pour la
branche maladie.
1. Le dépistage organisé des cancers
L'article 15 met en place un système national de
dépistage organisé des "maladies aux conséquences
mortelles évitables", en fonction des conclusions de la
conférence nationale de santé et sur avis de l'ANAES est de la
CNAMTS. Il prévoit la prise en charge à 100 % des actes de
dépistage réalisés dans le cadre des campagnes
organisées.
Les deux premières campagnes de dépistage devraient porter en
1999 sur le cancer du sein et sur le cancer du col de l'utérus.
Le coût des actes de dépistage est pris en charge par l'assurance
maladie et s'impute sur l'ONDAM. Le suivi et l'évaluation seront
financés par le Fonds national de prévention, d'éducation
et d'intervention sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS, pour un montant additionnel
de 250 millions de francs.
Votre rapporteur pour avis est tout à fait favorable à cette
mesure. L'examen du financement de la politique de lutte contre le cancer
auquel il s'est récemment livré (rapport d'information
n° 31, 1998-1999) l'a convaincu que celle-ci souffre d'un
défaut d'organisation préjudiciable à son
efficacité
.
2. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville
L'article 20 du projet de loi de financement crée
un
fonds d'aide à la qualité des soins de ville, qui sera
doté de 500 millions de francs, hors ONDAM.
Les actions financées par le fonds devront concourir à
l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins de
médecine ambulatoire. Les aides seront attribuées à des
professionnels de santé, individuellement ou collectivement, et pourront
inciter au développement de nouveaux modes d'exercice, tels que les
réseaux de soins.
Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe de ce
fonds, mais estime qu'il devrait être inclus dans l'ONDAM.
3. L'extension de l'assurance-décès
Votre
rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe de ce fonds, mais
estime qu'il devrait être inclus dans l'ONDAM.
L'article 21 du projet de loi de financement étend le
bénéfice du capital décès aux ayants droits des
titulaires d'une allocation de conversion ou d'une allocation de chômage,
d'une pension d'invalidité, ou d'une rente d'accidents du travail avec
une incapacité d'au moins deux tiers.
Actuellement, le bénéfice de l'assurance décès est
subordonné à la condition d'activité salariée de
l'assuré au moment de son décès. La modification
proposée l'étend aux situations où l'assuré se
trouvait dans l'attente ou dans l'incapacité d'exercer une
activité salariée.
Le capital garanti aux ayants droits de l'assuré s'élève
à 90 fois son gain journalier de base, en exonération de
droits de mutation. Le coût prévisionnel de l'assurance
décès est de 760 millions de francs en 1999 pour la branche
maladie du régime général. Le coût de l'extension
proposée est estimé à 270 millions de
francs.
4. Transfert des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie
La loi
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a
intégré les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie
dans le champ de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales
ou médico-sociales.
En conséquence, la charge du financement des CHAA est
transférée à l'assurance maladie, pour un coût
estimé à 120 millions de francs, inclus dans l'ONDAM.
L'article 27 bis du projet de loi de financement, qui résulte d'un
amendement du Gouvernement, tire les conséquences de ces transferts dans
le code de la sécurité sociale et prévoit des mesures
transitoires.
5. Les autres mesures
Le
projet de loi de financement comporte un ensemble de mesures destinées
à faciliter le respect de l'ONDAM, qui peuvent être à ce
titre considérées comme ayant une incidence financière
indirecte ou potentielle. Ces mesures seront présentées au
chapitre suivant, consacré au dispositif de régulation des
dépenses d'assurance maladie.
En revanche, certaines des mesures du projet de loi de financement relatives
à l'assurance maladie n'ont pas d'incidence financière
évaluable : création d'un système national
d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM) et d'un
conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie
(article 15) ; extension du champ de la négociation
conventionnelle avec les médecins aux filières et réseaux
de soins (article 17) ; extension des missions des unions de
médecins exerçant à titre libéral à
l'évaluation des pratiques (article 18) ; modification des
critères d'attribution du mécanisme d'incitation à la
cessation d'activité des médecins (article 19).
L'Assemblée nationale a allongé la liste de ces dispositions
dépourvues d'incidence financière directe : rapport sur
l'état de la santé bucco dentaire de la population (article 22
bis) ; conditions de l'autorisation de changement d'implantation d'un
établissement de santé (article 26 bis) ; modes de
rémunération des médecins par les établissements
d'hébergement des personnes âgées dépendantes
(article 27 bis).
Votre rapporteur pour avis estime que ces dispositions sont des cavaliers
sociaux au regard de l'article L.O. 111-13 du code de la
sécurité sociale, en vertu duquel ne peuvent figurer dans une loi
de financement que les dispositions qui affectent directement
l'équilibre financier des régimes de base ou qui contribuent
à améliorer l'information du Parlement sur l'application des lois
de financement.
Le total des dépenses nouvelles chiffrées s'élève
à 1,260 milliard de francs, ce qui aurait pour effet de faire
passer l'excédent tendanciel de la branche maladie de la CNAMTS d'un
excédent de + 330 millions de francs à un
déficit de - 930 millions de francs.
Toutefois, le volet ressources du projet de loi de financement se traduit par
un surcroît de recettes nettes de 170 millions de francs. Le solde
est automatiquement couvert, à hauteur de 760 millions de francs,
par une attribution supplémentaire du produit de la CSG et des droits
sur les alcools à la CNAMTS, conformément aux règles de
répartition en deuxième niveau exposées
précédemment.
C. LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL
Les comptes tendanciels de la branche accidents du travail intègrent déjà en recettes une diminution de 2,26 % à 2,21 % du taux net de cotisation, soit une moins value de 1 milliard de francs. En dépenses, les comptes tendanciels intègrent la reconduction en 1999 du prélèvement au profit de la branche maladie au titre des maladies professionnelles non déclarées qui a été instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, au niveau de 910 millions de francs.
1. La modification des délais de prescription
L'article 31 du projet de loi de financement propose de
modifier les règles de prescription des reconnaissances de maladies
professionnelles.
Pour l'ensemble des maladies professionnelles, il est proposé d'ouvrir
le délai de la prescription biennale à compter de la date
où la victime est informée pour la première fois de la
possibilité d'un lien entre sa maladie et son activité
professionnelle, et non plus à compter de la première
constatation médicale de la maladie.
Pour les maladies professionnelles liées à l'amiante, la
forclusion est exceptionnellement levée dès lors que la maladie a
fait l'objet d'une première constatation médicale avant le
1er janvier 1997. Les victimes disposeront d'un délai de deux ans
à compter de la publication de la loi de financement pour
présenter une demande d'indemnisation.
Le coût de ces deux mesures est estimé à 150 millions
de francs.
2. Les mesures d'ordre réglementaire
Le
projet de loi de financement intègre le coût pour la branche
accidents du travail de deux mesures d'ordre réglementaire :
L'inscription au tableau des maladies professionnelles des lombalgies et
dorsalgies les plus graves et l'assouplissement des conditions de
reconnaissance des pneumoconioses, pour un coût estimé de
200 millions de francs.
L'abaissement de 66 % à 50 % du taux d'incapacité permanente
à partir duquel les rentes d'accidents du travail sont versées
mensuellement, et non pas trimestriellement. Le coût, en
trésorerie uniquement, de cette mensualisation des rentes est
estimé à 150 millions de francs pour 1999.
Au total, l'excédent de la branche accidents du travail du régime
général, en 1999, serait diminué de 1,9 milliard de francs
à 1,3 milliard de francs.
D. LA BRANCHE VIEILLESSE
1. La modification du mécanisme de revalorisation des pensions
La loi
n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à
la sauvegarde de la protection sociale a déterminé le
mécanisme de revalorisation des pensions de retraite et
d'invalidité pour la période 1994-1998.
Ce mécanisme, codifié aux articles L. 351-11 et L. 341-6 du code
de la sécurité sociale, garantit l'indexation des pensions
déjà liquidées, ainsi que des salaires servant de base au
calcul des pensions à liquider, sur l'évolution des prix à
la consommation. Les rentes d'accidents du travail sont également ainsi
indexées.
Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors
tabac est différente de celle initialement prévue, il est alors
procédé à un ajustement l'année suivante. Cet
ajustement est positif si l'évolution des prix constatée est
supérieure à la prévision, ou négatif dans le cas
contraire.
Ce mécanisme d'indexation n'est pas exclusif d'un éventuel "coup
de pouce" discrétionnaire, tel celui de 0,5 % qui est intervenu au
1er juillet 1995.
Au cours de la période récente, le ralentissement de l'inflation
plus rapide que prévu s'est traduit par des ajustements à la
baisse des pensions. Ainsi, en 1997, les pensions n'ont été
revalorisées que de 1,2 %, alors que l'augmentation
prévisionnelle des prix à la consommation était de 1,3 %,
en raison d'un rattrapage négatif de 0,1 % au titre de l'année
précédente.
En 1998, les pensions ont été revalorisées de 1,1 %
seulement, alors que l'augmentation prévisionnelle des prix à la
consommation était de 1,3 %, en raison d'un rattrapage négatif de
0,5 % au titre de l'année précédente.
Pour 1999, la prolongation de ce mécanisme aboutirait à une
revalorisation des pensions de 0,7 %, alors que le taux d'augmentation
prévisionnel des prix hors tabac est de 1,2 %. En effet, l'inflation
effective ne devrait être que de 0,8 %, au lieu de 1,3 %
initialement prévu, ce qui justifierait un rattrapage négatif de
0,5 %.
L'article 29 du projet de loi de financement propose de remplacer, pour la
seule année 1999, le mécanisme de revalorisation arrivé
à échéance par une indexation des pensions sur le taux
d'évolution prévisionnel des prix à la consommation hors
tabac, sans rattrapage des écarts éventuels.
Cette nouvelle règle aura pour conséquence une revalorisation des
pensions de retraite et d'invalidité, ainsi que des rentes d'accidents
du travail, de 1,2 % au lieu de 0,7 %.
La dépense supplémentaire pour le régime
général est estimée à 1,9 milliard de francs
en 1999, dont 1,7 milliards de francs pour les pensions de vieillesse, 120
millions de francs pour les pensions d'invalidité et 150 millions
de francs pour les rentes d'accidents du travail.
Le coût pour les régimes obéissant aux mêmes
règles de revalorisation des pensions que le régime
général (régimes des non salariés, des professions
libérales, des cultes, des clercs de notaires et des mines) est
estimé à 285 millions de francs.
La branche vieillesse du régime général fera face à
cette dépense supplémentaire grâce au versement
exceptionnel du FSV de 2,9 milliards de francs au titre des chômeurs dans
les DOM, prévu par l'article 3 du projet de loi de financement. Son
déficit devrait même se trouver globalement réduit de - 5,9
milliards de francs à - 3,9 milliards de francs.
Votre rapporteur pour avis ne peut être que défavorable au
financement d'une mesure structurelle, qui entraînera des effets en base
au delà de l'exercice 1999, par une recette non reconductible. La
distribution de pouvoir d'achat supplémentaire aux pensionnés
apparaît peu responsable, alors que la branche vieillesse du
régime général reste tendanciellement
déficitaire.
2. Les autres mesures
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte deux autres mesures, dont l'impact financier reste virtuel ou marginal.
a) La prorogation des règles de limitation du cumul emploi-retraite
Le cumul
d'une pension de retraite avec une activité
rémunérée est soumis à la condition de l'abandon de
l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension. S'ils
souhaitent pouvoir cumuler, les salariés doivent exercer leur
activité chez un nouvel employeur, et les non-salariés exercer
une autre profession.
Ces règles de limitation du cumul emploi-retraite ont été
fixées, corrélativement à l'abaissement de l'âge de
la retraite, par l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 pour le
régime général et le régime des pensions civiles et
militaires. Elles ont été ultérieurement étendues
aux professions non-salariées.
Elles ont été régulièrement reconduites depuis
1982, et dernièrement par la loi n° 93-1313 du 20 décembre
1993, jusqu'au 31 décembre 1998.
L'article 30 du projet de loi de financement tend à proroger jusqu'au 31
décembre 1999 les dispositions limitant les possibilités de cumul
entre un emploi et une retraite.
Dans l'exposé des motifs, le Gouvernement précise que "
ce
délai d'un an permettra de procéder à une étude
spécifique sur les dispositions régissant le cumul d'un emploi et
d'une retraite dans le cadre de l'analyse confiée au Commissaire
général du Plan sur la situation de l'ensemble des régimes
de retraite
".
L'impact financier de cette mesure de prorogation est indirect. Celle-ci
permet de faire l'économie des dépenses de retraite
supplémentaires qui résulteraient de la disparition au 31
décembre 1998 des règles actuelles de limitation du
cumul.
b) Le reprofilage de l'allocation de veuvage
L'article 29 bis, qui résulte d'un amendement du
Gouvernement, redéfinit l'allocation de veuvage. Cette allocation
garantit un minimum de ressources au conjoint survivant de toute personne
affiliée à l'assurance vieillesse du régime
général.
L'allocation de veuvage ne serait plus attribuée selon un montant
dégressif sur trois ans, mais selon un montant unique sur deux ans.
Selon les chiffres avancés par la ministre de l'Emploi et de la
solidarité, l'allocation serait portée d'un montant mensuel de
2.041 francs la deuxième année à un montant de 3.107
francs, identique à celui de la première année. En
pratique, l'indemnisation garantie la troisième année est
inférieure au RMI et ne présente donc pas d'intérêt.
Ce reprofilage
a priori
favorable aux allocataires s'accompagne de deux
modifications restrictives, qui reviennent sur des arrêts de la Cour de
cassation :
- la première modification tend à autoriser légalement
l'administration à fixer une période d'affiliation minimale pour
l'ouverture du droit à l'allocation veuvage ;
- la seconde modification tend à préciser expressément que
la majoration pour enfants des pensions de retraite est prise en compte pour
l'application de la limite de cumul entre une pension de droit directe et une
pension de réversion.
La dépense nette résultant de ces dispositions est estimée
à 100 millions de francs, sans que soit d'ailleurs précisé
l'équilibre entre les dépenses supplémentaires
résultant du reprofilage de l'allocation veuvage et les économies
résultant des restrictions apportées aux droits existants.
Votre rapporteur pour avis s'étonne qu'une réforme complexe
des droits ouverts aux conjoints survivants soit ainsi présentée
en dernière minute par le Gouvernement, au détour de la
discussion du projet de loi de financement, et revienne sur une jurisprudence
de la Cour de cassation favorable aux personnes concernées.
*
* *
Le Gouvernement a par ailleurs annoncé devant l'Assemblée
nationale une revalorisation du minimum vieillesse de 2 %, au lieu des
1,2 % initialement prévus. La dépense supplémentaire
est estimée à 250 millions de francs, et viendra s'imputer sur
l'excédent de 2,1 milliards de francs du FSV, qui est chargé de
financer le minimum vieillesse.
Nota bene :
1.
Le solde de la branche maladie du régime
général est par construction équilibré par une
attribution supplémentaire du produit de la CSG et du droit de
consommation sur les alcools à la CNAMTS. 2. Le relèvement de 1
milliard du produit du droit de consommation sur les tabacs n'est
affecté qu'à hauteur de 9,1 % à la CNAMTS.
V. LA TRÉSORERIE : DES PLAFONDS INADAPTÉS
Les lois
de financement de la sécurité sociale ne comportent pas d'article
d'équilibre comparable à celui des lois de finances. Toutefois,
le 5° de l'article L.O. 111-3 du code de la
sécurité sociale, qui détermine le contenu obligatoire de
la loi de financement annuelle, prévoit que celle-ci fixe les limites
dans lesquelles certains régimes obligatoires de base peuvent recourir
à des ressources non permanentes pour couvrir leurs besoins de
trésorerie. Cette disposition obligatoire du projet de loi de
financement de la sécurité sociale est essentielle.
D'une part, elle détermine limitativement ceux des régimes qui
sont autorisés à se financer par l'emprunt. Le passage à
une comptabilité en droits constatés devrait d'ailleurs permettre
une clarification conceptuelle, en permettant de bien distinguer, pour chacun
des régimes, son solde comptable de son besoin de trésorerie. La
comptabilité de caisse, qui est encore utilisée pour le
présent projet de loi de financement, confond les deux notions.
D'autre part, elle permet au Parlement de prendre la mesure des besoins de
trésorerie prévisionnels des principaux régimes de
sécurité sociale, et de fixer des bornes à la
dérive éventuelle de l'un d'entre eux en cours d'année. En
effet, en vertu de l'article L.O. 111-5 du code de la
sécurité sociale, le plafond de trésorerie fixé
pour chaque régime ne peut être relevé en cours d'exercice
que par un décret pris en conseil des ministres après avis du
Conseil d'Etat, dont la ratification doit être demandée au
Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement.
A. LE DÉPASSEMENT DU PLAFOND DU RÉGIME GÉNÉRAL EN 1998
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait fixé
le plafond de trésorerie du régime général à
20 milliards de francs. Ce plafond s'étant
révélé insuffisant, le décret n° 98-753
du 26 août 1998, dont l'article 34 du présent projet de
loi de financement demande la ratification, l'a porté à
31 milliards de francs
.
Le profil de trésorerie révisé du régime
général part d'un solde positif de + 16,7 milliards de
francs au 1er janvier, suite à la reprise de dette par la CADES,
pour atteindre un solde négatif de - 10,4 milliards de francs
au 31 décembre, en passant par un point bas de
- 25,5 milliards de francs les 11, 12 et 13 décembre.
L'amélioration de fin d'année s'explique par l'encaissement en
décembre des prélèvements sociaux sur les revenus du
patrimoine et les revenus de placement.
L'écart par rapport aux prévisions initiales résulte
partiellement de la dégradation du déficit du régime
général, qui s'établit à -13,3 milliards de
francs au lieu de -12 milliards de francs, l'accélération
des dépenses d'assurance maladie à partie du mois de mars
l'emportant sur les plus-values de cotisations.
Mais, le dépassement résulte essentiellement de la
décision du Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée
scolaire.
Cette majoration exceptionnelle, d'un coût de
6,3 milliards de francs, a été versée aux familles
pour l'essentiel le 25 août par la CNAF. Elle ne sera
remboursée au régime général qu'après
l'adoption de la loi de finances rectificative pour 1998, le
31 décembre. Dans l'intervalle, la charge de trésorerie
correspondante est supportée par l'ACOSS et a entraîné le
passage sous le seuil initial de 20 milliards de francs dès le
9 octobre.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, une reconduction de
la majoration de l'allocation de rentrée scolaire l'an prochain
entraînerait un dépassement du plafond de trésorerie du
régime général, fixé à 24 milliards de
francs par l'article 36.
Une pérennisation de cette majoration,
régulièrement reconduite depuis 1993 apparaît
désormais souhaitable, notamment pour des raisons de
sincérité comptable
.
Le profil de trésorerie de 1999 part d'un solde négatif de
-10,4 milliards de francs au 1er janvier, pour atteindre un solde
négatif de -4,7 milliards de francs à la mi-octobre. Le
dénivelé est donc positif de + 5,7 milliards de
francs;
B. L'INACCEPTABLE ENDETTEMENT DE LA CNRACL
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait, pour la
première fois, autorisé la CNRACL à recourir à des
ressources non permanentes, dans la limite d'un plafond de 2,5 milliards
de francs.
Votre commission des finances avait alors dénoncé la "fuite en
avant" que constitue cette autorisation d'emprunt donnée à la
CNRACL.
Cette décision risque de conduire ce régime,
structurellement excédentaire hors charges de compensation, à
s'engager dans une politique d'endettement pour assumer une dérive
financière due à des facteurs externes
. En effet, la
dégradation de la situation financière de la CNRACL
résulte de l'effet de ciseaux entre la progression constante des
transferts de compensation versés aux autres régimes et le
déclin de son rapport démographique.
L'équilibre démographique de la CNRACL a longtemps
été particulièrement favorable par rapport aux autres
régimes de retraite. Mais cet avantage s'érode rapidement :
le rapport entre les cotisants et les pensionnés est passé de 4,5
en 1981 à 2,7 en 1998, et devrait s'abaisser à 2,6 en
1999.
Parallèlement, les transferts de compensation de la CNRACL au profit des
régimes déséquilibrés démographiquement sont
passés de 2 milliards de francs en 1981 à
18,9 milliards de francs en 1998, avec un premier ressaut en 1985, lors de
l'instauration de la surcompensation entre les régimes spéciaux,
et un deuxième ressaut en 1993, lors du relèvement de 30 à
38 % du "taux de la surcompensation" (il s'agit du taux de
réfaction arbitrairement appliqué au mécanisme de la
surcompensation, afin d'en rendre le jeu plus compatible avec les ressources
des régimes contributeurs).
En 1998, la CNRACL ne devrait finalement pas avoir besoin de recourir à
l'emprunt. En effet, le régime n'est déficitaire cette
année "que" de 1,5 milliard de francs, au lieu des
2,5 milliards de francs initialement prévus.
Cet écart par rapport aux prévisions est dû à une
hausse des cotisations, sous l'effet d'une progression non prévue de
1 % des effectifs de cotisants et de la revalorisation de l'indice de la
fonction publique en vertu de l'accord salarial du 10 février 1998,
ainsi qu'à une révision en baisse des transferts de compensation
de 19,9 milliards de francs à 18,9 milliards de francs, sous
l'effet du dynamisme des recettes des régimes
bénéficiaires.
La trésorerie de la CNRACL pourra donc être couverte, cette
année, sans recours aux avances prévues par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1998.
Cette trésorerie
part d'un solde positif de + 1,5 milliard de francs au
31 décembre 1997 grâce au versement des réserves du
FATIACL, qui est égal au déficit estimé de l'exercice. Par
ailleurs, les acomptes de compensation 1998 seront reportés en
début d'année 1999, à hauteur de 2,5 milliards de
francs, tandis que 2,8 milliards de francs de report des acomptes de
compensation 1997 ont été payés en début
d'année 1998.
En 1999, la CNRACL devrait être déficitaire de près de
2 milliards de francs, du fait d'une croissance des prestations
(+ 5,5 %) plus rapide que celle des cotisations (+ 3,2 %).
Les transferts de compensation devraient augmenter légèrement
pour atteindre 19 milliards de francs.
En
conséquence,
l'article 36 du projet de loi de financement propose de reconduire le
plafond de trésorerie de la CNRACL à 2,5 milliards de francs
en 1999
.
Ce recours à l'endettement, qui laisse en suspens toutes
les questions de fond, n'est pas plus acceptable que l'an dernier.
Cette solution de facilité aboutirait à générer des
frais financiers aggravant le déficit de la CNRACL, à
pérenniser les mécanismes de compensation à l'origine de
ce déficit, et à repousser dans le temps les ajustements
nécessaires des paramètres de fonctionnement du régime. Si
le principe d'une solidarité financière entre les régimes
de retraite est légitime, il ne saurait pour autant être à
l'origine de situations de déficit pour les régimes contributeurs.
Les plafonds de trésorerie proposés pour les autres
régimes, qui n'appellent pas de commentaire particulier,
s'élèvent à 10,5 milliards de francs pour le budget annexe
des prestations sociales agricoles (BAPSA), 500 millions de francs pour le
fonds spécial des pensions d'ouvriers des établissements
industriels de l'Etat (FSPOIE) et 2,3 milliards de francs pour la Caisse
autonome nationale de sécurité sociale dans les mines
(CANSSM).
C. L'UTILISATION DES EXCÉDENTS DURABLES DE TRÉSORERIE DES BRANCHES DU RÉGIME GÉNÉRAL
La loi
n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la
sécurité sociale, qui a instauré une individualisation de
la trésorerie des branches du régime général, a
prévu que chacune d'entre elles pourrait placer librement ses
"excédents durables de trésorerie".
Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité
sociale, la Cour des comptes critique ce dispositif.
"L'utilisation par l'ACOSS des soldes excédentaires de la
trésorerie d'une branche, afin de financer les déficits d'une
autre, se justifie dans la mesure où elle permet de réduire les
charges de la gestion commune de la trésorerie. Dès lors, la
faculté donnée par la loi aux caisses gestionnaires de branches
structurellement excédentaires, d'externaliser ces excédents sous
forme de placements en valeurs au moment où d'autres branches seraient
emprunteuses, paraît contestable. L'ACOSS pourrait ainsi se trouver dans
la nécessité d'avoir à emprunter à un coût
élevé auprès de la Caisse des dépôts des
volumes financiers importants pour couvrir le déficit dû à
une branche, tandis que le conseil d'administration de la caisse gérant
les excédents d'une autre branche aura pu décider de "placements
durables" qui rapporteront toujours, en tout état de cause, moins que ne
coûteront aux cotisants et aux contribuables les agios facturés
par la Caisse des dépôts et consignations au titre des avances.
"On peut s'interroger sur le coût final pour la collectivité d'une
séparation de la gestion des excédents de trésorerie
durables des branches, alors que l'unité de la trésorerie du
régime général confiée à l'ACOSS a pour
finalité de réduire les charges de gestion et donc les
prélèvements sociaux qui les financent.
"
La Cour considère comme opportun et nécessaire de maintenir
les excédents durables dans la trésorerie commune
gérée par l'ACOSS, ce qui permettra de réduire et
d'optimiser les charges financières des avances de la CDC
: la
répartition des intérêts créditeurs et
débiteurs entre les branches en fonction du solde comptable quotidien de
leur trésorerie, permet de concilier la rémunération des
excédents durables ou non des différentes branches, avec
l'unité de trésorerie du régime. Autrement dit, la
séparation comptable de la trésorerie des branches permet en fait
aux branches excédentaires de faire des placements auprès des
branches déficitaires aux conditions fixées par la convention
CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts
opérés par les branches déficitaires."
Conformément aux recommandations de la Cour des comptes,
l'Assemblée nationale a voté, sur proposition de sa commission
des finances, un article 35 bis supprimant la possibilité pour les
branches du régime général de placer librement leurs
excédents de trésorerie.
Cet ajustement apparaît suffisant tant que toutes les branches du
régime général ne sont pas revenues à
l'équilibre, et que l'excédent global de trésorerie reste
modeste, ce qui sera le cas en 1999.
Toutefois, si le régime général réussissait
réellement à dégager comme prévu des
excédents plus substantiels, de + 7 milliards de francs en
2000 puis de + 20 milliards de francs en 2001, la question se
poserait de leur utilisation. Le Gouvernement a évoqué la
possibilité de verser ces excédents au fonds de réserve
des régimes de retraite par répartition créé par
l'article 2 du présent projet de loi de financement.
Pour sa part, votre rapporteur pour avis a proposé, dans une
proposition de loi
1(
*
)
cosignée
par M. Alain Lambert, président de la commission des finances du
Sénat, d'affecter les éventuels excédents du régime
général à la CADES, afin d'accélérer le
remboursement de la dette sociale
.
D. LA TRÉSORERIE DES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS
Dans son
dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, la
Cour des comptes s'est livrée à une enquête sur la
trésorerie des établissements publics de santé.
Alors que le compte de l'ACOSS est ouvert à la Caisse des
dépôts et consignations, afin de garantir l'autonomie
financière du régime général par rapport à
l'Etat, le compte des établissements publics de santé, en
application des règles de la comptabilité publique, est ouvert au
Trésor public et les soldes de trésorerie ne sont pas
rémunérés. Or, l'assurance maladie finance 90 % des
dépenses hospitalières.
L'enquête de la Cour des comptes a révélé
l'existence au compte des EPS au Trésor public d'un solde de
trésorerie structurellement excédentaire, qui
s'élève en moyenne à plus de 10 milliards de
francs
.
Cette situation n'apparaît pas satisfaisante à la Cour, notamment
pour les raisons suivantes :
"Elle est en effet d'abord contraire aux règles de bonne gestion des
fonds de l'assurance maladie ainsi inutilement externalisés au moment
où la sécurité sociale connaît des
difficultés financières récurrentes.
"L'unité de trésorerie des EPS avec l'Etat n'est guère
justifiable dans la mesure où la sécurité sociale est le
principal financeur des établissements hospitaliers, l'Etat
n'intervenant dans le financement que marginalement ; il n'est pas logique
que le Trésor profite des dépôts excédentaires
d'établissements qu'il ne contribue pas à financer.
"L'unité de trésorerie des EPS avec l'Etat ne peut être
comparée à celle qui existe entre les collectivités
locales et l'Etat. En effet, dans le cas des collectivités
territoriales, l'unité de trésorerie se justifie dans la mesure
où l'Etat gère au profit des collectivités locales un
compte d'avances au moyen duquel le produit des impôts locaux est
gratuitement avancé à ces collectivités : il est donc
normal que les excédents de fin d'année, qui proviennent du
recouvrement de la fiscalité locale, soient laissés à
disposition du Trésor public et qui celui-ci ne les
rémunère pas."
La Cour recommande donc une centralisation de la trésorerie des
établissements hospitaliers sur le compte de l'ACOSS ouvert à la
CDC.
Selon elle, cette réforme présenterait les avantages suivants :
"La centralisation des trésoreries des hôpitaux et de leur
financeur permettrait de rehausser l'encours moyen et annuel de
trésorerie de l'ACOSS, de l'ordre de 10 milliards de francs,
contribuant à réduire les frais financiers de la branche maladie,
voire à faire naître des produits financiers au profit de celle-ci
dans la mesure où les excédents de l'ACOSS sont
rémunérés.
"L'unité de trésorerie des hôpitaux et de l'assurance
maladie permettrait de lisser le profil de trésorerie du compte ACOSS et
réduirait la fréquence des recours aux avances, ou le volume de
celles-ci, dont le montant maximal est fixé dans la loi de financement
de la sécurité sociale. Quant à l'Etat, qui ne
bénéficierait plus de cet avantage de trésorerie, il
pourrait librement se refinancer sur les marchés puisque la loi de
finances ne fixe pas de limite au montant des emprunts auxquels il a recours.
"Le contribuable profiterait lui-même de la réforme, dans la
mesure où le coût des emprunts de trésorerie de l'Etat est
moins élevé que le coût des avances facturées
à l'ACOSS.
"La réforme ne modifierait pas les conditions de gestion des
hôpitaux puisque pour les EPS elle ne se traduit que par un changement de
l'établissement financier centralisateur des fonds."
VI. LA RÉGULATION DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE : UNE NÉCESSITÉ NON DÉMENTIE
La
nécessité d'un dispositif global de régulation des
dépenses d'assurance maladie n'est désormais plus
contestée. Les hôpitaux publics sont sous budget global depuis
1983. Les cliniques privées et les professions paramédicales sont
entrées dans des dispositifs d'objectifs nationaux quantifiés
(OQN) au début des années 1990.
Sur ce point, l'apport essentiel des ordonnances du 24 avril 1996 a
consisté dans l'extension des dispositifs de régulation au
secteur de la médecine libérale, qui était le dernier
à ne pas être sous enveloppe fermée.
Parallèlement, la création des lois de financement de la
sécurité sociale a fourni un cadre d'ensemble, avec l'objectif
national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé par le
Parlement, réparti par le Gouvernement et retranscrit par les
partenaires conventionnels.
A. L'OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
1. Les imperfections conceptuelles de l'ONDAM
La
détermination de l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie est une disposition obligatoire de la loi de financement de la
sécurité sociale, prévue au 4° de l'article
L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
Pour les assurés sociaux, l'ONDAM n'a pas de caractère limitatif
et son dépassement éventuel n'a pas pour conséquence de
restreindre leurs droits aux soins. Pour les professionnels de santé,
l'ONDAM a un caractère contraignant et son dépassement
éventuel peut entraîner des reversements.
L'ONDAM est exprimé en dépenses remboursées, et non pas
en dépenses remboursables. Cela implique qu'une augmentation du forfait
hospitalier ou une diminution des taux de remboursement aurait pour effet
mécanique de réduire le montant des dépenses prises en
compte par l'objectif, à consommation de soins inchangée.
L'objectif national de dépenses d'assurance maladie englobe
également la branche accidents du travail. Toutefois, il ne correspond
pas à la somme des dépenses de ces deux branches. Il ne couvre en
effet que les dépenses de soins des risques maladie-maternité et
accidents du travail, ainsi que les prestations en espèces du
risque-maladie et celles du risque accidents du travail pour leur part
liée à l'incapacité temporaire.
Sont donc déduites des dépenses des branches maladie et
accidents du travail :
les rentes d'accidents du travail
;
les indemnités journalières
maternité ;
les dépenses de gestion
administrative ;
les dépenses d'action sanitaire et sociale
;
les dépenses des fonds de prévention ; les
transferts ; les frais financiers.
Le tableau ci-dessous retrace la façon dont s'effectue le passage du
total des dépenses de la branche
maladie-maternité-invalidité et de la branche accidents du
travail à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie
pour 1999.
Source : projet de loi de financement
Son montant global ainsi établi, l'ONDAM est ensuite
décliné entre les différents secteurs du système de
soins selon quatre agrégats principaux, eux-mêmes
déclinés en sous-objectifs. La nomenclature est la suivante :
I. Soins de ville
I. 1. Dépenses générées par les médecins
libéraux
I. 1. a. Médecins généralistes
I. 1. b. Médecins spécialistes
I. 2. Autres dépenses de ville (chirurgiens dentistes, sage-femmes,
médecins salariés)
II. Etablissements sanitaires
II. 1. Etablissements sanitaires sous dotation globale
II. 2. Autres établissements sanitaires
II. 3. Honoraires du secteur public
III. Médico-social
III. 1. Enfance inadaptée et adultes handicapés
III. 2. Personnes âgées
IV. Cliniques privées
IV. 1. Cliniques privées sous objectif quantifié national
IV. 2. Cliniques privées anciennement à prix de journée
préfectoral
IV. 3. Cliniques privées hors objectif quantifié national
Ainsi défini, l'ONDAM souffre d'un certain nombre d'imperfections
conceptuelles.
Premièrement, alors que l'ONDAM est fixé pour tous les
régimes d'assurance maladie, le suivi de son exécution en cours
d'année repose actuellement sur les statistiques du seul régime
général. Or, la part de la CNAMTS dans les dépenses de
l'ONDAM n'est pas stable, mais tend à s'accroître sous l'effet de
phénomènes démographiques. Par ailleurs, elle est variable
selon les différentes composantes de l'ONDAM.
Deuxièmement, la présentation des dépenses de l'ONDAM par
secteur et par profession ne correspond pas aux informations disponibles de la
CNAMTS. En effet, les statistiques de l'assurance maladie obéissent
à une logique de présentation par acte. Les informations restent
très agrégées en ce qui concerne le statut de
l'exécutant ou du prescripteur de l'acte. Un travail de recomposition
rétrospectif est nécessaire. La CNAMTS travaille à affiner
son système d'information, mais son adaptation prendra encore du temps.
L'article 16 du projet de loi de financement tente d'apporter des corrections
aux deux premières imperfections en créant un système
national d'information interrégimes de l'assurance maladie (SNIIRAM),
ainsi qu'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance
maladie qui associe des représentants des caisses, des
représentants des professionnels de santé et des experts en
information de santé et en statistique.
Troisièmement, la fragmentation de l'ONDAM en une multiplicité de
sous-enveloppes risque de rigidifier les structures du système de soins,
à moins que les évolutions souhaitables ne soient
délibérément accompagnées par des taux de
progression différenciés. Actuellement, les
phénomènes de transferts de dépenses entre les
différents secteurs, ou "déports", ne peuvent pas être
mesurés. La segmentation de l'ONDAM risque ainsi de faire obstacle au
développement nécessaire des réseaux de soins
ville-hôpital et des coopérations entre établissements
publics et privés.
Quatrièmement, une part notable des dépenses de soins incluses
dans l'ONDAM n'est pas en réalité encadrée : honoraires
des médecins des centres de santé, médicaments prescrits
par des non-libéraux, établissements à tarification
administrative, prestations médico-sociales. Dans son rapport au
Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998, la Cour des
comptes évalue le montant de ces dépenses non encadrées
à 57,8 milliards de francs pour 1997, soit 12 % de l'ONDAM.
L'article 27 du projet de loi de financement apporte une amélioration
notable sur ce point en étendant le dispositif de régulation
applicable aux établissements de santé et au secteur
médico-social financé par l'assurance-maladie. Le Préfet
pourra désormais appuyer ses décisions tarifaires sur un objectif
national décliné en dotations régionales puis
départementales.
2. Le dépassement probable de l'ONDAM en 1998
L'ONDAM
pour 1997 avait été fixé à 600,2 milliards de
francs par la première loi de financement de la sécurité
sociale. Cet objectif correspondait à une progression de 1,7 % par
rapport à 1996.
L'objectif des soins de villes, fixé à 261,7 milliards de francs
pour 1997, a été respecté : les réalisations sur ce
poste se montent à 261,3 milliards de francs, soit une progression de
1,8 % par rapport aux réalisations de 1996.
Les dépenses générées par les médecins
généralistes ont été inférieures de 565
millions de francs à leur objectif prévisionnel, qui
s'élevait à 141 milliards de francs. L'équivalent de
cet écart, soit environ 9.000 francs par médecin, leur a
été reversé au printemps 1998.
Les dépenses générées par les médecins
spécialistes ont été supérieures de 310 millions de
francs à leur objectif prévisionnel, qui s'élevait
à 67,4 milliards de francs. Ce dépassement n'a pas fait l'objet
d'un reversement, mais a été imputé sur leur objectif
prévisionnel pour 1998.
Les établissements sanitaires publics sous dotation globale ont
respecté à 160 millions de francs près leur objectif
prévisionnel de 233,2 milliards de francs. Le dépassement de
600 millions de francs de l'objectif des autres établissements
sanitaires publics, à prix de journée préfectoral,
s'explique par une surestimation initiale de l'effet de champ résultant
de leur basculement progressif dans le régime des établissements
privés conventionnés ou dans le celui des établissements
publics sous dotation globale.
L'objectif prévisionnel des établissements médico-sociaux,
qui avait été fixé à 40,2 milliards de francs, a
été respecté à 200 millions de francs près.
L'Objectif Quantifié National (OQN) des cliniques privées, qui
avait été fixé à 36,8 milliards de francs, a
été dépassé de 1 %. Ce dépassement a
été récupéré sous la forme d'une diminution
tarifaire en 1998. Les effets de champ touchant les cliniques privées
hors OQN expliquent une réalisation globalement inférieure
à l'objectif prévisionnel.
Au total, la réalisation de l'ONDAM, fixé à 600,2
milliards de francs en 1997, est de 599,5 milliards de francs, soit une
progression de 1,5 % seulement par rapport à 1996 au lieu de 1,7 %
initialement prévu.
Votre rapporteur pour avis salue ce résultat remarquable, qui montre
que la rigueur affichée par le précédent Gouvernement a
été couronnée de succès.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a
fixé l'ONDAM à 613 milliards de francs, en progression de
2,3 % par rapport à l'objectif de 1997 et de 2,4 % par rapport
à la réalisation.
En dépit d'un taux de progression moins rigoureux que celui de 1997,
l'ONDAM pour 1998 est en voie d'être dépassé.
Les statistiques publiées mensuellement par la CNAMTS, avec un
décalage de deux mois, sont actuellement le seul moyen de suivre
l'exécution de l'ONDAM. Sur les huis premiers mois de l'année,
les rythmes de progression des dépenses de la plupart des
différents secteurs apparaissent tout à fait incompatibles avec
le respect des objectifs prévisionnels.
Le tableau ci-dessous permet de comparer les taux d'évolution
prévisionnel et les taux d'évolution en glissement sur la
période comparable de l'année précédente (PCAP).
A la fin
du mois d'août, l'ONDAM apparaît ainsi déjà
consommé à près de 70 %, alors qu'il reste encore
quatre mois à courir.
Votre rapporteur pour avis estime que le Gouvernement actuel a une
responsabilité majeure dans le dépassement de l'ONDAM en 1998.
Dans un discours longtemps ambigu à destination des professionnels de
santé, il a pris ses distances avec la réforme Juppé et
dénoncé la "maîtrise comptable" des dépenses, avec
les effets que l'on constate.
Afin de limiter le dérapage des dépenses, le Gouvernement a
présenté le 29 juillet 1998 un plan de redressement qui devrait
permettre des économies d'un montant total de 2,7 milliards de francs :
- diminution du tarif de la lettre-clef en radiologie radiologues
(450 millions de francs) ;
- report de mesures de revalorisations prévues pour les dentistes
(190 millions de francs), les kinésithérapeutes (93 millions
de francs) et les orthophonistes (19 millions de francs) ;
- report de l'augmentation du forfait sécurité pour les
laboratoires d'analyse (75 millions de francs) ;
- révision des tarifs de certaines prothèses (73 millions de
francs) ;
- contribution exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques (1,8 milliard
de francs).
Malgré ces mesures d'économie correctrices, l'ONDAM pour 1998 ne
sera vraisemblablement pas respecté. L'annexe B du projet de loi de
financement prévoit un dépassement des prestations d'assurance
maladie de 6,7 milliards de francs, soit un taux de progression de l'ONDAM de
3,4 %.
3. Un ONDAM pour 1999 peu réaliste
L'article 33 du projet de loi de financement propose de fixer
l'ONDAM à 629,8 milliards de francs pour 1999, soit un montant
supérieur de 16 milliards à celui de 1998, correspondant à
un taux de progression de 2,6 %.
Cette augmentation prend en compte l'effet d'entraînement sur la
consommation de soins de la croissance générale de
l'économie, l'impact sur les budgets hospitaliers de l'accord du 10
février 1998 sur les rémunérations dans la fonction
publique, estimé à 5 milliards de francs, le développement
du secteur médico-social en faveur des personnes âgées et
le coût de la généralisation du dépistage du cancer
du sein et du cancer du col de l'utérus, estimé à 250
millions de francs (auquel s'ajoute, hors ONDAM, la participation du FNPEIS, de
250 millions de francs également).
Le Gouvernement n'a pas cru utile de préciser, à l'appui du
projet de loi de financement, la manière dont il entend décliner
l'ONDAM pour 1999. Toutefois, un premier projet de répartition a
été communiqué à la CNAMTS et rendu public dans la
presse.
Votre rapporteur pour avis observe que, si le dépassement de 6,7 milliards de francs de l'ONDAM en 1998 se confirmait, le taux de progression de l'ONDAM pour 1999 ne serait plus que de 1,5 %. Les objectifs prévisionnels pourraient même être négatifs pour les postes qui dérapent le plus, tels ceux des spécialistes ou des cliniques privées.
B. LE DISPOSITIF DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE MÉDECINE LIBÉRALE
Tous les acteurs du système de santé doivent être responsabilisés, les prescripteurs de soins comme les établissements hospitaliers et les patients. Dans la mesure où la sécurité sociale assure la solvabilisation des professions médicales, il est normal que la puissance publique leur fixe des objectifs de progression compatibles avec les ressources disponibles.
1. La confirmation du mécanisme de reversement
L'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à
la
maîtrise médicalisée des dépenses de soins a
instauré un mécanisme de reversement à la charge des
médecins en cas de dépassement de l'objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses de soins de ville.
Le dispositif en vigueur est défini aux articles L. 162-5-2 et suivants
du code de la sécurité sociale.
Chaque année, compte tenu de l'objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses de soins de ville, une annexe à
la convention médicale définit un objectif prévisionnel
d'évolution des dépenses médicales pour les
médecins généralistes, d'une part, et pour les
médecins spécialistes, d'autre part.
Chacun de ces deux objectifs est décomposé en un montant
prévisionnel des dépenses d'honoraires et un montant
prévisionnel des dépenses de prescriptions. Il comporte
également une provision pour revalorisation d'honoraires.
Si le montant des dépenses médicales de l'année reste
inférieur à l'objectif prévisionnel, la différence
est versée aux médecins conventionnés en proportion de
leur activité et des revalorisations d'honoraires sont accordées
pour l'année suivante, à concurrence de la provision.
Si l'objectif prévisionnel est dépassé, un reversement est
exigé des médecins. Ce reversement est égal à
100 % du dépassement des honoraires, et à 5 % du
dépassement des prescriptions dans la limite de 1 % des honoraires.
La charge du reversement est individualisée pour chaque médecin,
en fonction du niveau et du rythme d'évolution de son activité,
ainsi que de la manière dont il respecte les références
médicales opposables.
L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale a
prévu la possibilité d'une adaptation par zones
géographiques. Les partenaires conventionnels ont fait usage de cette
faculté, et les annexes aux conventions médicales de 1997 et 1998
prévoient une régionalisation des objectifs nationaux. En cas de
non respect de l'objectif prévisionnel national, le reversement n'est
exigible que pour les médecins des seules régions ayant
dépassé leur objectif.
Par ses décisions du 26 juin et du 3 juillet 1998, le Conseil d'Etat a
annulé les arrêtés d'approbation de la convention des
médecins spécialistes et de la convention des médecins
généralistes. Il en résulte un vide juridique, le
mécanisme de reversement prévu par l'ordonnance du 24 avril 1996
n'étant plus applicable en l'absence de relais conventionnel.
L'article 22 du projet de loi de financement propose de confirmer les objectifs
prévisionnels des dépenses médicales qui avaient
été fixés par les parties conventionnelles, et qui ont
été repris par l'arrêté du 10 juillet 1998 portant
règlement conventionnel minimal.
Votre rapporteur pour avis constate qu'est ainsi confirmé le
bien-fondé du mécanisme de reversement destiné à
réguler les dépenses de soins induites par les médecins
libéraux instauré en 1996. Il est toutefois persuadé qu'il
s'agit d'un dispositif de régulation transitoire, et qu'à terme
les progrès de l'information permettront une meilleure individualisation
de la responsabilité financière de chaque prescripteur de
soins.
Toutefois, l'article 22 propose de retenir, en cas de dépassement des
objectifs prévisionnels en 1998, de nouvelles modalités pour la
répartition du reversement. En effet, l'article 21 du projet de loi de
financement tend à modifier considérablement le dispositif
existant.
2. Des modifications du dispositif inégalement opportunes
Sur
certains points, les modifications proposées du mécanisme de
régulation méritent d'être approuvées.
Première modification, la nouvelle rédaction de l'article L.
162-5-3 du code de la sécurité sociale prévoit un suivi
infra-annuel des dépenses. Les partenaires conventionnels se
réuniraient à deux reprises, pour examiner les résultats
des quatre puis des huit premiers mois de l'année. Au vu de ces
résultats, ils devraient adopter par voie d'avenant toutes mesures de
nature à permettre le respect des objectifs prévisionnels de
dépenses, et notamment des ajustements de tarifs. En cas de carence des
partenaires conventionnels, l'Etat pourrait se substituer à eux pour
modifier les tarifs par voie d'arrêté interministériel.
Cette procédure assure un suivi réel des objectifs en cours
d'exercice, et permet au dispositif de ne plus reposer uniquement sur l'effet
dissuasif de la "clause-couperet" du reversement en fin d'année.
Deuxième modification, l'écart entre les dépenses
constatées et l'objectif prévisionnel ne serait pris en compte
qu'au delà de +10 % ou - 10 %. A l'intérieur de ce
"tunnel", les mécanismes de reversement ou de revalorisation ne
s'appliqueraient pas.
Troisième modification, si les dépenses sont inférieures
à l'objectif, une fraction de l'excédent serait reversée
à un fonds de régulation, dans la limite de la provision pour
revalorisation de l'année. Ce fonds de régulation financerait des
actions de modernisation du système de soins et, en cas de
dépassement des objectifs une année ultérieure, pourrait
couvrir une partie du reversement mis à la charge des médecins.
Les modifications précédentes apportent une souplesse bienvenue
au fonctionnement du mécanisme de régulation. En revanche, une
quatrième modification, portant sur les modalités de
détermination du reversement exigible en cas de dépassement de
l'objectif, apparaît plus contestable.
Le Gouvernement propose en effet de réduire les éléments
d'individualisation du reversement. D'une part, la possibilité de
régionalisation des objectifs serait supprimée. D'autre part, le
reversement serait réparti proportionnellement au revenu des
médecins. La seule possibilité de modulation prévue est
fonction du niveau de revenu et de l'appartenance au secteur II.
Votre rapporteur pour avis estime plus équitable le dispositif
existant, qui permet de faire contribuer relativement plus les médecins
dont l'activité augmente fortement ou qui ne respectent pas les RMO.
Il estime également que la régionalisation des objectifs, qui a
été contestée par le Conseil d'Etat, mériterait
d'être légalement confirmée.
Certes, il peut sembler paradoxal que les médecins, à revenu
égal, puissent se voir demander ou non un reversement, selon leur
région d'exercice. Toutefois, cette possibilité de modulation
régionale des objectifs prévisionnels est la contrepartie logique
de la liberté d'établissement des médecins. L'offre de
soins est très inégalement répartie sur le territoire, et
l'assurance maladie doit être enfin dotée des moyens financiers de
correction nécessaires.
En tout état de cause, il est intéressant d'observer que les taux
d'évolution des dépenses de soins générées
par les médecins sont très variables selon les régions.
Les statistiques de la CNAMTS sur les huit premiers mois de 1998 montrent que
les taux de progression des dépenses des médecins
généralistes vont d'une diminution de - 2,1 % en Auvergne,
à une hausse de + 6,1 % en Corse.
Pour les dépenses des médecins spécialistes, les taux de
progression vont d'une diminution de - 9,6 % en Auvergne, à une
hausse de + 11,9 % dans les Pays-de-la-Loire.
C. LE DISPOSITIF DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE MÉDICAMENTS
1. Un encouragement à la diffusion des médicaments génériques
Les
médicaments génériques sont actuellement relativement peu
développés en France. Leur part de marché, en
médecine de ville, est estimée à 4 ou 5 % seulement, alors
qu'elle atteint 12 % aux Etats-Unis, 15 % en Grande-Bretagne et 20 %
en Allemagne.
Jusqu'à présent, l'incitation au développement des
génériques s'est surtout traduit par une diffusion de
l'information auprès des prescripteurs. L'Agence du médicament a
publié le 7 juillet 1998 un répertoire des médicaments
génériques comprenant près de 500
spécialités génériques. Leur prix est
inférieur d'au moins 30 % à celui de la spécialité
de référence.
L'article 23 du projet de loi de financement propose de franchir une
étape supplémentaire, en instaurant un droit de substitution pour
les pharmaciens d'officine.
Actuellement, le pharmacien n'a pas le droit de substituer un médicament
à un autre, sauf accord exprès et préalable du
médecin prescripteur, ou en cas d'urgence.
Il est proposé d'inverser la règle en prévoyant que, sauf
refus exprès du médecin, le pharmacien peut substituer un autre
médicament à celui prescrit. Le médicament
substitué n'est d'ailleurs pas forcément un
générique.
Enfin, l'exercice du droit de substitution serait conditionné au fait
qu'il ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour
l'assurance maladie. En cas de non respect de cette condition, le pharmacien
devrait reverser à l'assurance maladie la différence.
L'économie potentielle résultant du développement
systématique des médicaments génériques est
estimée à 4 milliards de francs, sur la base d'un moindre
coût de 30 % et compte tenu de la gamme actuelle des
génériques. Elle pourrait être deux fois plus importante,
si la gamme était étendue à tous les médicaments
"génériquables".
Votre rapporteur pour avis est favorable au droit de substitution des
pharmaciens, tout en estimant que le développement des
médicaments génériques repose d'abord sur une
démarche volontaire de la part des médecins
prescripteurs.
2. Une rénovation opportune de la politique conventionnelle
Dans son
rapport au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998,
la Cour des comptes a dressé un bilan critique de la politique
conventionnelle conduite par le comité économique du
médicament avec les entreprises pharmaceutiques, depuis la signature de
l'accord-cadre du 15 janvier 1994 :
- effet inflationniste des plafonds de chiffre d'affaires ;
- utilisation des prix comme instruments de politique industrielle et
d'aménagement du territoire, voire comme aide au maintien de l'emploi ;
- disparité des sanctions prévues en cas de dépassement ;
- mauvaise articulation entre le comité économique du
médicament et la commission de la transparence chargée
d'évaluer le service médical rendu ;
- absence d'études médico-économiques.
De l'avis de tous les spécialistes, la politique du médicament
n'a pas su éviter, jusqu'à présent, le double
écueil de prix insuffisamment sélectifs, peu
rémunérateurs pour les médicaments réellement
nouveaux, et de l'accroissement médicalement non justifié des
volumes.
L'article 24 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale propose les conditions pour une relance opportune de la politique
conventionnelle entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique.
D'une part, les pouvoirs du comité économique du
médicament pour fixer les prix des médicaments seront
renforcés. La voie conventionnelle constituera le mode de fixation de
droit commun, les arrêtés interministériels n'intervenant
plus qu'à titre subsidiaire, à défaut d'accord.
Les critères de fixation du prix de chaque médicament sont
légalement précisés. Ils portent notamment sur
l'amélioration du service médical rendu, sur le prix des
médicaments comparables et sur les volumes des ventes.
D'autre part, le champ des conventions entre le comité économique
du médicament et les entreprises pharmaceutiques est mieux
délimité. Ces conventions pourront comporter des engagements sur
l'évolution des prix en fonction du volume des ventes, sur les remises
éventuelles, sur la maîtrise de la politique de promotion.
Enfin, le comité économique du médicament sera
chargé d'assurer un suivi périodique des dépenses de
médicaments en vue de constater leur évolution par rapport
à l'ONDAM. Au vu des résultats des quatre ou huit premiers mois
de l'année, le comité pourra demander aux entreprises
pharmaceutique de modifier leurs prix, afin de rendre l'évolution des
dépenses compatible avec l'objectif. En cas de refus de l'entreprise, le
comité peut résilier la convention.
Votre rapporteur pour avis serait favorable à ce dispositif
conventionnel, s'il n'était pas articulé avec une contribution
obligatoire qu'il juge éminemment contestable.
3. La création d'une contribution éminemment contestable
L'article 25 du projet de loi de financement instaure un
mécanisme de contribution automatique de l'industrie pharmaceutique en
cas de progression des dépenses de médicaments plus rapide que le
taux d'augmentation de l'ONDAM.
Dans le texte initial du Gouvernement, seules les entreprises pharmaceutiques
non liées par une convention avec le comité économique du
médicament, pour l'ensemble de leurs spécialités,
étaient redevables de la contribution.
Le montant total de la contribution serait déterminé par
l'application au chiffre d'affaires des entreprises redevables d'un taux
variant entre 0,15 % et 3,3 %, selon l'ampleur de l'écart
entre le rythme de croissance de leur chiffres d'affaires et celui de l'ONDAM.
Le produit de la contribution, ainsi déterminé, serait ensuite
réparti entre les entreprises redevables selon trois assiettes :
- pour 30 %, sur leur chiffre d'affaires ;
- pour 40 %, sur la progression de leur chiffre d'affaires ;
- pour 30 %, sur les dépenses de prospection et de promotion.
Pour chaque entreprise pharmaceutique, le montant dû de la contribution
serait calculé au
prorata
de sa part dans les trois assiettes.
L'Assemblée nationale a bouleversé l'économie de ce
mécanisme de contribution, en supprimant les dispositions qui excluaient
de son champ les entreprises pharmaceutiques liées par une convention
avec le comité économique du médicament.
Votre rapporteur pour avis est parfaitement défavorable à la
contribution proposée, qui lui paraît ignorer la
réalité du marché du médicament et vider la
politique conventionnelle de toute portée.
Fondamentalement, il n'apparaît pas justifié de fixer un taux de
progression des dépenses de médicaments identique à celui
de l'ONDAM. La découverte de nouvelles molécules et
l'évolution des pratiques médicales tendent, structurellement,
à accroître la part du médicament et à
réduire celle de l'hospitalisation.
L'accroissement des dépenses de médicaments peut donc
légitimement être plus rapide que celui de l'ensemble des
dépenses de santé, à condition de profiter aux
médicaments réellements actifs et innovants.
Par construction, les médicaments ne disposent pas d'une enveloppe
spécifique au sein de l'ONDAM. Ils sont soit prescrits par les
médecins libéraux, soit inclus dans les dépenses des
établissements hospitaliers. Leur maîtrise découle donc
déjà des dispositifs de régulation existants.
Or, la contribution proposée serait exigible même dans le cas
où l'ONDAM est respecté globalement, dès lors que les
dépenses de médicaments augmentent plus rapidement.
Par ailleurs, une contribution assise à 40 % sur la progression du
chiffre d'affaires sanctionnerait l'innovation. En effet, tout lancement d'un
nouveau médicament se traduit par un fort accroissement des ventes de
l'entreprise concernée. Seule la politique conventionnelle est apte
à prévoir la mise sur le marché d'une nouvelle
spécialité, et à en contrôler les effets sur
plusieurs années.
En fait, la création d'un mécanisme de contribution automatique,
non plus alternatif mais surajouté à la politique conventionnelle
après l'extension votée par l'Assemblée nationale,
priverait cette politique de son intérêt principal pour les
entreprises pharmaceutiques, qui est de leur offrir une visibilité dans
un cadre pluri-annuel. Les entreprises se trouveraient ainsi taxées, ou
non, en fonction des évolutions respectives des dépenses de
médicaments et de l'ONDAM, qui sont indépendantes de leur
volonté.
La politique conventionnelle peut pourtant être très efficace en
cas de dérapage des dépenses. Ainsi, au terme d'une
négociation avec le comité économique du
médicament, les entreprises pharmaceutique ont consenti à
reverser à l'assurance maladie, sous forme de remises ou de baisses de
prix, les 1,8 milliard de franc prévus par le plan de redressement du 29
juillet 1998.
Cet accord de dernière minute a d'ailleurs conduit le Gouvernement
à retirer l'article 26 du projet de loi de financement, qui
prévoyait l'application dès 1998 à titre exceptionnel
d'une contribution analogue à celle créée par l'article
25.
VII. LE FONDS DE RÉSERVE DES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION : UN DISPOSITIF EN TROMPE-L'oeIL
Le
Premier ministre a confié au commissaire général du Plan,
M. Jean-Michel Charpin, la mission d'établir un diagnostic
concerté de la situation et des perspectives des régimes de
retraite. Les conclusions de la commission de concertation sont prévues
pour le 31 mars 1999.
Dans l'attente, le projet de loi de financement ne comporte pas de mesure
ambitieuse pour la branche vieillesse, à l'exception notable de la
création d'un fonds de réserve pour les régimes de
retraite par répartition.
Cette proposition prétend apporter une solution au problème du
financement des régimes de retraite, en conciliant les avantages de la
capitalisation et de la répartition.
Mais le dispositif présenté par le Gouvernement est à la
fois si modeste, imprécis et lacunaire que le fonds de réserve
apparaît en fait comme un dispositif en trompe-l'oeil.
A. LES PERSPECTIVES DES RÉGIMES DE RETRAITE
1. Des projections fortement dépendantes des hypothèses
Les
projections de la situation financière des régimes de retraite
à long terme sont fortement dépendantes des hypothèses
retenues.
Le seul élément connu avec certitude est l'évolution
démographique, qui résulte de tendances lourdes. Même une
hausse subite de la natalité ne ferait sentir ses effets qu'à
compter de 2020, avec l'entrée dans la vie active de
générations plus nombreuses.
Selon des hypothèses raisonnables de fécondité et
d'allongement de la durée de la vie, le ratio entre les personnes
âgées de plus de 60 ans et les personnes âgées de 20
à 59 ans passerait de 37,2 % en 1995 à 38,4 % en 2005, 48,3
% en 2015 et 70,1 % en 2040.
En revanche, les projections des taux d'activité et des taux de
chômage sont beaucoup plus incertaines. Le taux de dépendance
entre actifs et inactifs peut varier considérablement selon les
hypothèses retenues, ce qui conduit certains économistes à
conclure que l'avenir des retraites dépend plus de la situation de
l'emploi que de l'âge de cessation d'activité.
De même, les hypothèses d'amélioration de la
productivité et d'évolution des salaires sont très
ouvertes, et conduisent certains économistes à relativiser les
difficultés annoncées des régimes de retraite.
Quant aux hypothèses retenues pour la durée d'activité et
l'âge effectif de la retraite, elles dépendent
in fine
de
décisions politiques.
2. Une dégradation sensible à compter de 2005
Le
rapport du Commissariat général du Plan de 1995 sur les
perspectives à long terme des retraites comporte une projection "au fil
de l'eau", à règles inchangées, des besoins de financement
des principaux régimes de retraite par répartition.
Sur la base d'hypothèses moyennes pour l'évolution de la
productivité, des taux d'activité, du taux de chômage et
des taux d'indexation des salaires et des pensions, la projection évalue
les hausses de cotisations nécessaires pour équilibrer chacun des
régimes concernés.
Cette projection fait apparaître des besoins de financement rapidement
croissants à partir de 2005.
B. LE DÉBAT CAPITALISATION OU RÉPARTITION
1. Les mérites respectifs des deux systèmes
Un
récent rapport du Conseil d'analyse économique fait le point sur
les mérites respectifs des systèmes de retraite par
répartition et des systèmes de retraite par capitalisation.
D'une part, la capitalisation permet d'encourager l'épargne longue
favorable au développement des entreprises, ce qui contribue à
élever la productivité de l'économie et donc les salaires.
Du point de vue des individus, le rendement des régimes de retraite par
capitalisation est supérieur : pour atteindre un même niveau de
prestation, leur niveau d'effort contributif est plus bas. Le rendement
implicite des cotisations versées à un système en
répartition peut être estimé à 2 %, alors que
le rendement sur longue période d'un portefeuille diversifié est
de l'ordre de 5 %.
D'autre part, les systèmes de retraite par répartition
présentent l'avantage d'assurer une plus grande solidarité entre
les individus et de mutualiser les risques entre les générations.
Les régimes par capitalisation sont en effet exposés au risque
d'une fluctuation de la valeur réelle des actifs financiers, qui peut
résulter aussi bien d'un krach boursier que d'une
accélération de l'inflation.
L'auteur de cette comparaison, M. Olivier Davanne, propose de concilier les
avantages des deux systèmes :
"Au point de vue de l'analyse
économique, le système optimal de retraite est celui que nous
qualifierons de "répartition provisionnée". Dans un tel
système, les régimes de retraite publics se concentrent sur leur
rôle "d'assureurs intergénérationnels" et gèrent des
réserves financières importantes. Les jeunes
générations héritent ainsi en contrepartie de la dette
implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine important. Ce
patrimoine, productif de revenus, allège le poids des cotisations
retraite payées par les actifs.
"Des régimes de retraite publics accordant des droits en
répartition et disposant de réserves importantes cumulent les
avantages de la répartition (bonne mutualisation des risques financiers)
et ceux de la capitalisation (rendement élevé et offre
d'épargne élevée). Il s'agit en principe du système
le plus compétitif sur le plan du couple risque-rendement
".
Le dispositif du fonds de réserve proposé par le Gouvernement
s'inspire directement de ce principe de "répartition
provisionnée", tout en demeurant très lacunaire.
2. Le report préjudiciable des fonds d'épargne retraite
Le
débat devant l'Assemblée nationale a montré qu'il existe
désormais un consensus relatif sur l'opportunité de mettre en
place un troisième étage de retraite par capitalisation, qui
viendrait s'ajouter aux étages des retraites de base et des retraites
par répartition.
Votre rapporteur pour avis regrette toutefois le retard qui a été
pris depuis dix-huit mois, avec la non application de la loi n° 97-277 du
25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite "loi
Thomas".
Outre le caractère choquant du mépris de la loi votée, ce
retard est préjudiciable car la capitalisation suppose, pour être
utile, une amorce du processus d'accumulation des droits la plus précoce
possible.
A cet égard, il serait peu responsable d'entretenir de faux espoirs chez
les Français. Quels que soient le niveau de cotisation choisi, les
modalités de gestion et les avantages éventuellement consentis
par les entreprises aux salariés les plus âgés, les fonds
d'épargne retraite ne pourront rien pour les personnes prenant leur
retraite moins de dix ou quinze après avoir commencé de cotiser.
Aussi opportuns soient-il à long terme, ces fonds ne peuvent constituer
une réponse à l'impact du choc démographique de 2005 sur
les régimes par répartition.
Par un amendement au rapport annexé au projet de loi de financement, le
Gouvernement s'est engagé à abroger la loi n° 97-277 du 25
mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, considérant
que celle-ci "
favorise clairement les salariés aux revenus les plus
élevés, privilégie une approche individuelle et fragilise
les comptes de la sécurité sociale
".
Sans entrer dans les motifs qui conduisent le Gouvernement à rejeter
la "loi Thomas", votre rapporteur pour avis estime que son abrogation n'est
admissible que si un autre dispositif de fonds d'épargne retraite lui
est concomitamment substitué.
3. Le CADES, ou la capitalisation à l'envers
Le
débat capitalisation ou répartition, qui a jusqu'à
présent servi de prétexte au report des réformes
nécessaires, apparaît irréaliste lorsque l'on
considère les modalités du financement de la branche vieillesse
du régime général sur la période récente.
Celle-ci est restée structurellement déséquilibrée
en dépit de la réforme de 1993, et son déficit
cumulé a été pris en charge par la Caisse d'amortissement
de la dette sociale (CADES) créée par l'ordonnance n° 96-50
du 24 janvier 1996.
Votre rapporteur pour avis juge particulièrement grave ce financement
à crédit d'un régime de retraite par répartition,
qui aboutit à une forme de capitalisation à l'envers.
Le financement par l'emprunt de la branche vieillesse du régime
général reporte la charge sur le futur, accroissant ainsi les
iniquités entre générations. Ce mécanisme pervers
fragilise l'engagement implicite sur lequel repose tout régime de
retraite par répartition.
Certes, la dette prise en charge par la CADES n'est imputable que partiellement
à la branche vieillesse, l'essentiel des déficits passés
du régime général étant imputable aux branches
maladie et famille. Le financement par l'emprunt des dépenses de
santé ou de prestations familiales est d'ailleurs aussi aberrant que
celui des dépenses de retraite.
Au total, la dette reprise par la CADES s'élève à 224
milliards de francs, soit 137 milliards de francs en vertu de l'ordonnance du
24 février 1996 et 87 milliards de francs en vertu de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998.
L'échéance de la CADES, fixée initialement au 1er janvier
2009, a été repoussée au 1er janvier 2014.
Du moins, la charge du financement de la CADES est-elle équitablement
répartie, puisque la contribution de remboursement de la dette sociale
(CRDS) au taux de 0,5 % qui l'alimente pèse aussi bien sur les
revenus de remplacement ou les revenus du patrimoine que sur les revenus
d'activité.
Structurellement, la CADES dégage une capacité de
financement qui lui permet d'amortir sa dette. Au 31 décembre 1997, sa
dette nette s'élevait à 131,6 milliards de francs, soit la
différence entre un passif de 207,6 milliards de francs et un actif de
76 milliards de francs.
Le poids de la CRDS se fera sentir bien au-delà de la transition
démographique de 2005, jusqu'en 2014. Le demi-point de CRDS
réduira alors d'autant la marge de manoeuvre disponible pour une hausse
des cotisations d'assurance vieillesse.
C'est dans le but de dégager cette marge de manoeuvre que votre
rapporteur pour avis propose, dans sa proposition de loi
précitée, d'affecter à la CADES les excédents
éventuels du régime général afin
d'accélérer le remboursement de la dette sociale.
C. LES LACUNES DU FONDS DE RÉSERVE
Le principe de "répartition provisionnée" dont s'inspire le fonds de réserve proposé par le Gouvernement est intéressant. Mais le dispositif est si imprécis et lacunaire qu'il doit être considéré comme purement " symbolique ", selon la propre expression de la ministre de l'Emploi et de la solidarité.
1. Des financements indéterminés
L'article 2 du projet de loi de financement propose de
constituer le
fonds de réserve sous la forme d'une nouvelle section au sein du FSV.
Trois catégories de ressources lui seraient affectées :
Une fraction, fixée par arrêté interministériel, de
l'excédent de C3S affectée au FSV après répartition
prioritaire entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA.
Cette fraction devrait être fixée à 2 milliards de francs
en 1999, sur un total de 5,6 milliards de C3S affecté au FSV.
Cette ressource, d'un montant tout à fait insuffisant, apparaît
fragile. Le dynamisme de la C3S dépend fortement de la conjoncture
économique. Par ailleurs, les besoins de financement des régimes
de non salariés ne peuvent que s'accroître et résorber
l'excédent disponible.
Tout ou partie du résultat excédentaire de la première
section, dans des conditions fixées par arrêté
interministériel.
Le solde prévisionnel de la section "opérations de
solidarité" du FSV serait excédentaire de 2,1 milliards de francs
en 1999, ce qui porterait son solde cumulé à 4,7 milliards de
francs. Toutefois, le Gouvernement ne semble pas avoir prévu de
reversement à la section "fonds de réserve".
"
Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de
dispositions législatives ou réglementaires
."
La portée juridique de cette disposition apparaît des plus
douteuses. L'Assemblée nationale a d'ailleurs supprimée la
référence aux dispositions réglementaires.
Le Gouvernement a annoncé son intention d'affecter au fonds de
réserve le produit de la cession prochaine du capital des caisses
d'épargne, qui est évalué à 17 milliards de francs.
Au cours des débats, la possibilité d'une affectation du produit
des privatisations et celle d'une surcotisation ont été aussi
évoquées par le Gouvernement.
Dans l'immédiat, le fonds de réserve ne bénéficie
d'aucune ressource stable et assurée, et les montants qui lui sont pour
l'instant affectés sont manifestement hors de proportion avec les sommes
nécessaires. Il n'est d'ailleurs pas possible d'évaluer
exactement celles-ci tant que les missions du fonds ne sont pas définies.
Pour fixer les idées, le rapport du Conseil d'analyse économique,
qui préconise d'alimenter le fonds de réserve par une
surcotisation, évalue le flux de recettes annuel nécessaire
à 45 milliards de francs.
2. Des missions et des modalités de gestion non définies
Les
missions du fonds de réserve ne sont aucunement précisées.
Simplement, son champ d'intervention est défini comme éta nt au
bénéfice de la branche vieillesse du régime
général et des régimes alignés.
Deux options sont théoriquement possibles : le fonds de réserve
peut avoir pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des
cotisations d'assurance vieillesse, soit de générer des revenus
suffisants pour minorer durablement le niveau futur des cotisations.
Dans le premier cas, le montant visé s'exprime en centaines de milliards
de francs. Dans le second cas, il s'exprime en milliers de milliards de francs.
Le rapport du Conseil d'analyse économique évalue le montant des
réserves nécessaires pour diminuer de 10 points le niveau des
cotisations en 2040, selon les hypothèses, entre 1,7 et 2,5 fois le
montant de la masse salariale.
Le texte proposé ne définit ni le taux actuariel
d'évaluation de la dette implicite des régimes de retraite par
répartition, ni le taux de provisionnement, ni le niveau optimal des
réserves qui en résulte.
Les modalités de gestion du fonds de réserve ne sont pas mieux
définies. Le texte initial prévoit simplement un comité de
surveillance, composé notamment de parlementaires. L'Assemblée
nationale a précisé qu'y participeraient des représentants
des syndicats.
Toutefois, la nécessaire indépendance du fonds de réserve
apparaît incompatible avec son intégration au FSV, simple
établissement administratif de l'Etat. De même, le
professionnalisme de la gestion financière des réserves du fonds
n'est pas garanti.
Tel que proposé, le fonds de réserve des retraites par
répartition n'est pas opérationnel et votre rapporteur pour avis
ne peut lui être favorable.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 4 novembre sous la présidence de
M. Alain Lambert, président,
la commission des finances a
procédé, sur le rapport de
M. Jacques Oudin, rapporteur
pour avis,
à l'examen du
projet
de
loi
n° 50
(1998-1999) de
financement
de la
sécurité
sociale
pour
1999
.
A titre liminaire,
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis,
a
présenté quatre observations.
Premièrement, il a rappelé que les masses du budget social sont
considérables, les prestations de l'ensemble de régimes de
sécurité sociale étant passées de
1.772 milliards de francs en 1996 à 1.944 milliards de francs
en 1999, ce qui correspond à un taux moyen de croissance annuelle de
3,1 %.
Deuxièmement, il a observé que le dynamisme des dépenses
sociales varie selon les branches : de 1996 à 1999, les
dépenses d'accidents du travail ont augmenté de 0,4 % par
an ; les dépenses de prestations familiales ont augmenté de
2,3 % par an, et les dépenses de retraite de 4,2 %.
Il a précisé que les dépenses d'assurance maladie
augmenteraient en moyenne de 2,2 % sur la même période, dans
l'hypothèse peu vraisemblable d'une prolongation de l'effet
modérateur du plan Juppé.
Troisièmement, il a indiqué que les prélèvements
sociaux étaient passés de 16 % du PIB en 1970 à
21 % en 1980, et 23 % en 1990, pour atteindre un maximum de 25,4 % en
1993, puis se stabiliser aux environs de 25,2 % du PIB. Il a
souligné que les prélèvements sociaux représentent
désormais 47,7 % du total des prélèvements obligatoires,
les prélèvements de l'Etat n'en représentant que
33,5 %.
Quatrièmement, il a relevé que la sécurité sociale
est de plus en plus largement financée par des ressources de nature
fiscale, le montant des impôts et taxes affectées à la
sécurité sociales s'élevant à 438,6 milliards
de francs en 1999, en progression de 8,8 % par rapport à 1998. Il a
précisé que l'essentiel de ces recettes affectées est
constitué par la CSG, dont le produit s'établira à
352 milliards de francs, en progression de 11,4 % par rapport
à 1998.
Le rapporteur pour avis, après avoir souligné la
nécessité de conserver une vision globale des
prélèvements obligatoires, s'est déclaré favorable
à la constitution d'une commission spéciale pour l'examen des
projets de loi de financement de la sécurité sociale, commune
à la commission des finances et à la commission des affaires
sociales.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis
, a souligné que le total
des soldes de trésorerie des régimes, tel qu'il apparaît
dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale,
n'est pas identique au besoin de financement des administrations de
sécurité sociale, au sens de Maastricht, des différences
de champs et de conventions comptables interdisant toute comparaison. Il a
indiqué que la capacité de financement des administrations de
sécurité sociale est estimée à 0,15 point de
PIB pour 1999, ce qui correspond à un montant de 13 milliards de
francs, supérieur au solde de 3,3 milliards de francs qui ressort
du projet de loi de financement.
Il a indiqué que les prévisions tendancielles font état
d'un déficit du régime général de
13,3 milliards de francs en 1998 et du retour à un léger
excédent de 300 millions de francs en 1999, ces comptes tendanciels
intégrant une baisse des cotisations d'accidents du travail de
1 milliard de francs, tandis que pour l'ensemble des régimes de
base, l'excédent serait de 3,3 milliards de francs en 1999.
Le rapporteur pour avis a estimé que la prévision
générale de croissance qui sous-tend le projet de loi de
financement de la sécurité sociale, identique à celle du
projet de loi de finances, appelle les mêmes réserves.
Il a considéré que l'hypothèse d'une progression de la
masse salariale de 4,3 % en 1999 apparaissait peu vraisemblable, en raison
de la modération salariale qui accompagnera la réduction du temps
de travail.
Il a exprimé un fort doute à l'égard de l'évolution
prévue des dépenses d'assurance maladie. Soulignant que les
comptes tendanciels reposent sur l'hypothèse d'une progression des
dépenses d'assurance maladie qui ne se situerait pas dans le
prolongement de 1998, soit + 3,4 %, mais qui serait calée sur
l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) fixé
pour 1999, soit + 2,6 %, il a estimé que le Gouvernement
confondait ainsi évolution tendancielle et objectif volontaire.
Evoquant l'équilibre général du projet de loi de
financement de la sécurité sociale,
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis,
a considéré que le Gouvernement
utilisait les marges de manoeuvre conjoncturelles procurées par la
croissance pour financer des dépenses structurelles, en courant le
risque d'une dégradation brutale du solde de la sécurité
sociale si la croissance n'était pas au rendez-vous.
Après avoir précisé que, dans le rapport annexe, le
Gouvernement s'engageait à réformer l'an prochain l'assiette des
cotisations patronales sans augmenter la charge globale des entreprises, il a
estimé que la commission devait affirmer clairement que
l'équilibre financier de la sécurité sociale repose
d'abord sur une maîtrise effective des dépenses.
S'agissant des recettes, le rapporteur pour avis a indiqué que la mesure
principale consistait dans la réaffectation de 5,6 milliards de
francs d'excédents de contribution sociale de solidarité des
sociétés (C3S), qui iront au Fonds de solidarité
vieillesse (FSV), ces recettes supplémentaires permettant au FSV de
financer des dépenses nouvelles au profit de la branche vieillesse et
d'alimenter un fonds de réserve des retraites. Il a souligné que
ce changement d'affectation de la C3S s'effectuerait aux dépens du
budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), et donc indirectement
du budget de l'Etat.
Il a relevé que les autres mesures relatives aux recettes n'avaient pas
pour objet de procurer d'importantes ressources supplémentaires,
à l'exception d'un amendement relatif au droit de consommation sur les
tabacs introduit par l'Assemblée nationale.
Il a alors énuméré les principales mesures contenues dans
le projet de loi de financement de la sécurité sociale :
- une réduction de l'exonération de cotisations sociales pour
première embauche, qui génère une économie de
130 millions de francs ;
- une correction de la contribution exceptionnelle de l'industrie
pharmaceutique et de la taxe sur les premix, destinée à les
rendre plus conformes au droit communautaire ;
- un relèvement de 30 % à 100 % du taux d'exonération
de cotisations sociales pour les associations d'aide à domicile, qui
correspond à une demande du Sénat, mais est gagé sur un
contingentement contestable du nombre d'heures exonérées de
cotisations pour les particuliers âgés de plus de
70 ans ;
- une ponction sur les trésoreries du fonds pour l'emploi hospitalier et
du fonds de compensation pour la cessation progressive d'activité des
agents territoriaux, destinée à combler le déficit de
500 millions de francs du fonds de l'allocation temporaire
d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL). Il a
rappelé qu'en 1997, les réserves du FATIACL, qui
s'élevaient à 4,5 milliards de francs, ont été
affectées au financement de la Caisse nationale de retraite des agents
des collectivités locales (CNRACL) ;
- enfin, un relèvement du droit de consommation sur les tabacs
censé procurer une recette supplémentaire de 1 milliard de
francs.
Le rapporteur pour avis a estimé que cette mesure, proposée par
les députés avec l'avis favorable du secrétaire d'Etat
à la santé, pourrait s'avérer contre-productive car une
hausse impromptue de la fiscalité sur le tabac remettrait en cause
l'accord intervenu entre les fabricants et le ministère des finances .
Il a précisé que cet accord prévoit une augmentation des
prix à la production en 1999, qui procurera une recette identique de
1 milliard de francs, et que sa rupture risquait de déclencher une
guerre des prix, qui serait néfaste à la fois en termes de
santé publique et en termes de rendement fiscal.
S'agissant des dépenses,
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis,
a indiqué que le Gouvernement engageait 5,4 milliards de
dépenses nouvelles nettes, financées par le dynamisme
espéré de la C3S et de la CSG.
Pour la branche famille, il a énuméré les dépenses
suivantes : 6,2 milliards de francs seront consacrés à
la suppression du plafond des allocations familiales (4,7 milliards de
francs), à l'extension des allocations familiales jusqu'à
19 ans (500 millions de francs), à l'accroissement du fonds
d'action sociale de la CNAF (600 millions de francs), à
l'amélioration de l'allocation de logement familial (200 millions
de francs) et à l'extension de l'allocation de rentrée scolaire
aux familles d'un enfant (200 millions de francs).
Le rapporteur pour avis a précisé que ces 6,2 milliards de
francs de dépenses nettes seront gagés par le recul d'un an des
seuils de majoration pour âge des allocations familiales
(850 millions de francs), et surtout par le transfert à l'Etat du
financement de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de
francs). En net, les charges de la branche famille seront alourdies
d'1,2 milliard de francs.
Il a rappelé que la budgétisation de l'allocation parent
isolé (API) serait financée par un abaissement de 16.380 à
11.000 francs du plafond du quotient familial qui n'apparaît pas
justifié si l'on considère qu'il n'y a pas de raison de faire
payer aux familles la suppression du plafonnement des allocations qui leur a
été imposé l'an dernier, et que le quotient familial doit
avoir un effet redistributif horizontal et non pas vertical,
c'est-à-dire en fonction du nombre des enfants et non pas en fonction du
niveau de revenu.
Pour la branche maladie, il a énuméré les dépenses
suivantes : 1,2 milliard de francs seront consacrés notamment
au dépistage organisé des cancers (250 millions de francs),
à la création d'un fonds pour la qualité des soins de
ville (500 millions de francs), à l'extension des
bénéficiaires de l'assurance décès
(300 millions de francs), et au transfert à la
sécurité sociale du financement des centres d'hygiène
alimentaire et d'alcoologie (150 millions de francs).
Pour la branche vieillesse, il a énuméré les
dépenses suivantes : 2,3 milliards de francs seront
globalement consacrés au relèvement de 1,2 % des pensions de
retraite (2 milliards de francs), au relèvement de 2 % du
minimum vieillesse (200 millions de francs) et au relèvement de
2 % du minimum de pension de réversion (100 millions de
francs).
Pour la branche accidents du travail, il a énuméré les
dépenses suivantes : 700 millions de francs seront
consacrés à l'amélioration des conditions de
reconnaissance des maladies professionnelles (350 millions de francs) et
à la revalorisation des rentes d'accidents du travail (350 millions
de francs).
Evoquant la régulation des dépenses d'assurance maladie,
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis,
a estimé que le
Gouvernement avait une responsabilité majeure dans le dérapage
des dépenses d'assurance maladie en 1998, car pendant un an
Mme Aubry et M. Kouchner n'ont eu de cesse de récuser la
réforme de M. Juppé et de dénoncer la "maîtrise
comptable" des dépenses. Il a souligné que, alors que le premier
ONDAM fixé à 1,7 % pour 1997 a été
respecté, l'ONDAM de 1998, pourtant fixé à 2,3 %,
devrait être dépassé de quelque 6 milliards de francs, soit
une hausse effective de 3,4 %.
Le rapporteur pour avis a estimé que tous les instruments de la
régulation apparaissaient aujourd'hui en panne ou en retard :
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé (ANAES) n'est toujours pas opérationnelle ; le
programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)
n'est pas encore généralisé ; la mise à jour
de la nomenclature comme le codage des actes sont encore à
l'étude ; les agences régionales de l'hospitalisation n'ont
pas le soutien politique qui leur est nécessaire ;
l'informatisation du système de santé, qui conditionne
l'efficacité de tous les autres instruments de régulation, est en
phase expérimentale.
Il a indiqué que le projet de loi de financement fixait l'ONDAM à
629,8 milliards de francs pour 1999, ce qui correspond à un taux
d'augmentation de 2,6 % par rapport à l'ONDAM de 1998. Cependant,
il a souligné que si le non respect de l'ONDAM en 1998 se confirmait, la
progression de l'ONDAM en 1999 ne serait plus que de 1,6 % par rapport aux
dépenses réalisées, et que les objectifs pourraient
même être négatifs pour les postes qui dérapent le
plus en 1998, tel celui des spécialistes (+ 6,4 % en
glissement annuel) ou des cliniques privées (+ 6,7 %). Il a
estimé que le Gouvernement n'apparaissait pas aujourd'hui en mesure de
faire respecter globalement l'ONDAM, ni de contrôler les transferts de
dépenses, ou "déports", entre les différentes enveloppes
qui le composent, et que toute la crédibilité du dispositif s'en
trouvait amoindrie.
Il a indiqué que le projet de loi de financement proposait de
pérenniser le mécanisme des reversements demandés aux
médecins en cas de dépassement de l'ONDAM, qui a perdu sa base
juridique avec l'annulation des conventions médicales par le Conseil
d'Etat.
Il a ajouté que le projet de loi de financement proposait
également d'instaurer un mécanisme de reversement pour les
laboratoires pharmaceutiques, qui jouerait si les dépenses de
médicaments augmentaient plus vite que l'ONDAM. Il a estimé ce
dispositif critiquable, parce que les progrès de la médecine et
les phénomènes de "déport" peuvent expliquer une
progression des dépenses de médicaments plus rapide que
l'ensemble des dépenses de santé, et que le mécanisme de
reversement vide de son sens la politique conventionnelle conduite par le
comité économique du médicament, qui repose sur des
engagements prix-volumes des laboratoires. Il a rappelé que la France
bat des records de consommation médicamenteuse, tandis que son industrie
pharmaceutique perd du terrain dans la compétition internationale, et
que seule la politique conventionnelle paraissait de nature à enrayer
cette spirale.
Le rapporteur pour avis a estimé que la maîtrise comptable des
dépenses d'assurance maladie était légitime et
nécessaire, car elle apparaît comme une condition de la
qualité des soins.
Evoquant le fonds de réserve pour les retraite,
M. Jacques
Oudin, rapporteur pour avis,
a rappelé que selon le rapport du Plan
de 1995 sur les perspectives à long terme des retraites, à droit
constant, le besoin de financement du régime général en
2015 serait d'un peu plus de 100 milliards de francs, celui du
régime des fonctionnaires civils de 80 milliards de francs, et
celui des fonctionnaires territoriaux de 70 milliards de francs. Il a
précisé que la dégradation serait rapide à compter
de 2005, lorsque les classes nombreuses de l'après-guerre arriveront
à l'âge de la retraite.
Face à ce problème, il a estimé que le fonds de
réserve proposé par le Gouvernement était un dispositif en
trompe-l'oeil.
Il a ainsi considéré que sa dotation initiale de 2 milliards
de francs n'était pas à la mesure du problème, même
si elle devait être complétée par le produit de la cession
des parts représentatives de droits de propriété sur les
caisses d'épargne, comme l'a annoncé le Gouvernement, soit
environ 15 milliards de francs. Il a rappelé que le rapport du
Conseil d'analyse économique qui préconisait la mise en place de
ce fonds évaluait le flux annuel de recettes nécessaire pour
l'alimenter à 45 milliards de francs. Le rapporteur pour avis a par
ailleurs regretté que le texte proposé ne définisse ni les
missions, ni les modalités de gestion du fonds.
Il a ajouté que la principale raison d'être du fonds de
réserve était de masquer la stratégie de temporisation du
Gouvernement qui, sous prétexte de consultations complémentaires,
repoussait encore les réformes structurelles inévitables. Il a
estimé particulièrement regrettable le retard pris dans la mise
en place des fonds d'épargne retraite, sur le principe desquels tout le
monde semble finalement d'accord.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis
, a enfin
évoqué les plafonds de trésorerie fixés par le
projet de loi de financement pour les régimes de sécurité
sociale autorisés à recourir à des ressources non
permanentes.
Il a rappelé que le plafond de trésorerie du régime
général, fixé initialement à 20 milliards de
francs pour 1998, avait dû être relevé par décret
à 31 milliards en cours d'année, le projet de loi demandant
au Parlement de ratifier ce décret. Il a souligné que le
dépassement du plafond initial résultait essentiellement de la
décision prise par le Gouvernement de majorer l'allocation de
rentrée scolaire, la CNAF devant faire l'avance en trésorerie de
cette dépense non prévue de 6,3 milliards de francs,
jusqu'à ce que l'Etat la rembourse dans le cadre de la loi de finances
rectificative pour 1998.
Après avoir indiqué que le projet de loi de financement propose
un plafond de trésorerie de 2,5 milliards pour la CNRACL, le
rapporteur pour avis a estimé que l'autorisation d'endettement ainsi
donnée à ce régime n'était pas acceptable.
Considérant que la CNRACL est structurellement excédentaire et
que seule l'importance des transferts de compensation à sa charge, qui
représentent 40 % de ses prestations, expliquent son
déficit, il a jugé absurde qu'elle s'endette pour financer les
transferts. Il a regretté que le Gouvernement reporte encore la
réforme nécessaire des régimes spéciaux qui sont
liés par la surcompensation.
M. Alain Lambert, président,
a souscrit à la
déclaration du rapporteur pour avis en faveur d'une participation accrue
de la commission des finances à l'examen des projets de loi de
financement de la sécurité sociale.
Après s'être déclaré également favorable
à cette proposition,
M. Philippe Marini, rapporteur
général
, a considéré que la proposition des
députés de majorer, dans le cadre du projet de loi de financement
de la sécurité sociale, le droit de consommation sur les tabacs
dont le barème est par ailleurs modifié par le projet de loi de
finances posait un problème de méthode.
Il a estimé que le fonds de réserve pour les retraites
était un "cautère sur une jambe de bois" car sa dotation initiale
de 2 milliards de francs est hors de proportion avec les montants
nécessaires au fonctionnement d'un fonds de ce type. Il a
souhaité connaître les modalités prévues pour sa
gestion.
M. Paul Loridant,
après s'être déclaré
également soucieux de la cohérence entre la loi de finances et la
loi de financement de la sécurité sociale, a
considéré que l'on ne pouvait faire grief au Gouvernement de
mettre en place un système de répartition provisionnée, le
fonds de réserve proposé n'étant qu'un début. Il a
affirmé la nécessité d'un débat sur le mode de
gestion et la propriété du fonds, considérant que ce
dernier ne devait appartenir ni aux employeurs, ni à l'Etat, mais aux
futurs retraités.
M. Alain Lambert, président,
s'est inquiété de
l'impact d'une baisse de la croissance sur les comptes sociaux et s'est
interrogé sur le partage des rôles entre l'Etat et les partenaires
sociaux pour la gestion de l'assurance maladie.
En réponse aux intervenants,
M. Jacques Oudin, rapporteur pour
avis
, a précisé que le projet de loi de financement ne
définissait ni les missions ni les modalités de gestion du fonds
de réserve pour les retraites et qu'un écart d'un point sur la
croissance de la masse salariale se traduirait par une perte de cotisations de
9 milliards de francs pour le régime général. Il a
estimé les risques de dérapage des dépenses aussi
inquiétants que ceux de moins-values sur les recettes.
Il a considéré que l'évolution du mode de financement de
l'assurance-maladie posait la question du maintien d'une gestion paritaire, et
que l'Etat devrait réaffirmer ses responsabilités en la
matière.
La commission a alors donné un
avis globalement défavorable
à l'ensemble du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999.
1 Proposition de loi de MM. Jacques Oudin et Alain Lambert relative à l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale - n° 540 (1997-1998).