PJL financement de la sécurité sociale pour 1999

OUDIN (Jacques)

AVIS 56 (98-99), 1ère partie - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières




N° 56

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1998

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1106 , 1147, 1148 et T.A. 192.

Sénat
: 50 (1998-1999).

Sécurité sociale.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les Français sont légitimement attachés à leur système de protection sociale fondé sur la solidarité nationale. Ce pilier fondateur de la République, voulu en 1945 par Charles De Gaulle, est depuis garanti par ses successeurs.

Notre pays se caractérise par un niveau de prélèvements sociaux parmi les plus élevés des pays développés. Ces ressources suffisent désormais pour assurer toutes les missions de solidarité souhaitables, à la condition d'être mieux gérées. Des économies substantielles peuvent être réalisées, grâce à des redéploiements de moyens.

Chacun sait que la France ne présente pas des critères de santé meilleurs que ceux de pays qui dépensant moins pour leur système de soins. Les orientations pour une efficacité accrue de l'assurance maladie sont connues : évaluer, régionaliser, contractualiser, restructurer, informatiser.

Il serait incohérent, dans un espace européen ouvert et concurrentiel, de préserver une exception française qui consisterait à majorer toujours plus les prélèvements sur les entreprises et les salariés, au risque de les décourager et les faire fuir.

Le Gouvernement de M. Alain Juppé a lancé en novembre 1995 un plan de réforme de la sécurité sociale, dont les principes sont toujours d'actualité : impliquer le Parlement, remédier aux problèmes à long terme, maîtriser les dépenses, associer les acteurs.

Votre rapporteur pour avis se félicite du progrès déterminant que constitue la discussion annuelle de la loi de financement de la sécurité sociale.

A l'appui de ce rendez-vous annuel, l'information du Parlement est améliorée par le travail de fonds accompli depuis 1995 par la Cour des comptes, à la demande de votre commission des finances, pour évaluer les politiques de protection sociale et clarifier les comptes sociaux.

Le Gouvernement actuel a critiqué les orientations de son prédécesseur, mais ne propose rien d'autre. Il refuse de poursuivre des politiques reposant sur une vision de long terme, alors que des pans entiers du système de protection sociale sont perturbés, telles les branches famille et maladie, ou menacés, telle la branche vieillesse.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 repose sur un équilibre précaire grâce aux recettes générées par la croissance, tandis que les problèmes essentiels sont reportés. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé pour l'an prochain apparaît irréaliste. Les outils de contrôle des dépenses de soins sont en panne. Le fonds de réserve des régimes de retraite par répartition proposé est un dispositif en trompe-l'oeil.

Les partenaires sociaux gestionnaires des caisses, qui ont admis l'opportunité de la maîtrise des dépenses, donnent des signes de lassitude et s'interrogent sur la signification de leur engagement.

Ces considérations ont amené votre commission des finances à donner un avis défavorable à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

A. LES ÉVOLUTIONS PASSÉES

L'horizon des lois de financement de la sécurité sociale est strictement annuel. Votre rapporteur pour avis estime qu'une mise en perspective, par un retour sur les évolutions passées est éclairante.

Les comptes de la protection sociale, qui figurent en annexe G du projet de loi de financement, fournissent des séries sur longue période. Leur champ est sensiblement plus large que celui du projet de loi de financement, puisqu'il inclut les régimes complémentaires, les régimes d'indemnisation du chômage, les mutuelles, les régimes d'entreprises et les régimes d'intervention sociale des administrations publiques.

1. Le poids des prestations sociales dans le PIB

En 1997, le montant global des prestations de protection sociale versées par l'ensemble des régimes de protection sociale s'élève à 2.426 milliards de francs. La part des prestations dans le PIB, dite "taux de redistribution sociale", s'établit à 29,8 %, en retrait de 0,3 point sur l'année précédente. Ce taux est passé de 25,9 % à 29,8 % entre 1981 et 1997, soit un accroissement moyen de 0,24 point par an. Cette progression ne s'est pas effectuée de façon uniforme.

Entre 1981 et 1985, les prestations rapportées au PIB connaissent une forte hausse de 2,3 points, puis une diminution de 1,1 point entre 1985 et 1989, due principalement à la reprise de la croissance économique. Jusqu'en 1993, la conjonction d'une croissance ralentie du PIB et de la progression des prestations à un rythme deux fois plus rapide fait remonter la part des prestations à 30,1 %. Dans la période récente, le fléchissement du taux d'évolution des dépenses de prestations de protection sociale, à un rythme un peu inférieur à celui de la croissance du PIB, conduit la part de ces dernières en 1997 à un niveau inférieur de 0,3 point à celui atteint en 1993. Le taux de redistribution sociale semble avoir atteint un palier d'environ 30 % depuis 1993.

Les dépenses liées à la santé, à la vieillesse et à l'emploi, progressent à des rythmes nettement supérieurs à ceux du PIB, qui se traduisent par des gains en part du PIB de respectivement 1,7 point, 1,2 point et 0,8 point sur la période 1981-1993.

Le retour à une croissance des prestations plus modérée que celle du PIB à partir de 1994 interrompt le parallélisme de ces évolutions par risques. En 1997, seuls les risques "vieillesse" et "divers" (RMI essentiellement) ont accru leur part dans le PIB par rapport à la situation acquise en 1993. Les autres risques régressent légèrement, le risque emploi reculant plus fortement de 0,4 point.

Sur longue période, le dynamisme de la progression des prestations sociales est encore plus frappant, bien que les années récentes marquent une certaine stabilisation. Le mouvement est particulièrement accentué entre 1990 et 1993. Après avoir atteint un maximum de 25,4 % du PIB, la part des prestations sociales redescend à 25 % en 1994 et 1995. Elle remonte à 25,2 % les deux dernières années.

Le graphique ci-dessous montre que, sur la période 1971-1997, le taux de croissance des prestations sociales a constamment été supérieur à celui du PIB, sauf entre 1987 et 1989, et entre 1994 et 1995.

Le taux de socialisation des revenus mesure la part du revenu disponible brut des ménages issue des prestations sociales. Ce taux est passé de 29,9 % en 1981 à 36 % en 1997. Depuis 1993, ce taux s'est stabilisé, à l'instar de la part des prestations sociales dans le PIB.



2. L'évolution du besoin de financement de la protection sociale

Sur la période 1990-1997, le taux de croissance des cotisations est inférieur de un point en moyenne annuelle à celui de l'ensemble des ressources hors transferts. Seules les années 1995 et 1996 font exception, avec des hausses plus rapides que celles de l'ensemble des ressources.

Après deux années de progression modérée de 2,4 % en 1993 et 1994, les cotisations s'accroissent de 4,5 % en 1995, illustrant ainsi l'amélioration de la situation de l'emploi. Malgré l'accroissement du chômage à partir du troisième trimestre de 1995, la hausse est encore de 4,6 % en 1996 du fait d'une forte augmentation des cotisations de salariés et d'indépendants et plus encore des cotisations sur prestations de retraites et d'allocations chômage. Le fort ralentissement constaté en 1997, où l'accroissement n'est que de 0,6 %, est dû à la baisse des cotisations salariés, du fait du remplacement de 1,3 point de cotisations maladie par un point de CSG élargie au 1 er janvier 1997.

Si les cotisations constituent la principale ressource du compte, leur évolution ne rend pas compte de celle du total des ressources. A côté des transferts internes entre régimes, le financement public constitué des impôts et taxes affectés prend une place grandissante.

A partir de 1990, le solde du compte de la protection sociale se dégrade fortement, devenant négatif dès 1992.

Les besoins de financement prennent une ampleur sans précédent en 1993 et, dans une moindre mesure, les quatre années suivantes. Ce déséquilibre représente 3,2 % des dépenses de protection sociale, hors transferts, l'année la moins favorable. Celui-ci a, d'une part, une composante conjoncturelle, les rentrées de cotisations étant extrêmement sensibles à la conjoncture économique. D'autre part, il existe un décalage structurel pour certains risques entre l'évolution des dépenses et les recettes.

La dégradation du solde est cependant progressivement réduite à partir de 1994 grâce au maintien de l'affectation à la protection sociale de recettes fiscales élevées et à la forte progression des cotisations en 1995 et 1996 et au ralentissement de la croissance des prestations versées. L'aggravation constatée en 1997 résulte de décisions prises en matière d'indemnisation du chômage.

3. La structure du financement de la protection sociale

La part des cotisations, qui dépassait 71 % en 1981, s'est réduite d'un point au cours de la décennie 1980. Elle est en décroissance rapide de 1970 (70 %) à 1997 (64,5 %). Parallèlement, la part d'impôts et taxes affectés progresse sur cette dernière période de plus de 5,5 points, et celle des transferts de près de 2 points.

La hausse du financement public s'inscrit dans une perspective d'accroissement du besoin de financement du système, mais aussi dans une volonté de clarifier la distinction entre la solidarité nationale et la solidarité professionnelle.

L'introduction de la CSG en 1991, puis l'augmentation de son taux en 1993 s'inscrit dans cette évolution. Le mouvement est encore amplifié avec la majoration de un point de la CSG en janvier 1997 et de 4,1 points en janvier 1998 (2,8 pour les retraites). L'accroissement de la part de la CSG étend l'effort de contribution à un ensemble de revenus plus large que les seuls revenus salariaux, dont les revenus issus du patrimoine et les retraites.

L'évolution de la structure du financement de la protection sociale en France s'inscrit dans un mouvement plus général en Europe. Pour la moitié des pays de l'Union européenne, les cotisations sociales représentent plus des deux tiers des recettes courantes de protection sociale en 1995.

La France est le pays où cette proportion est la plus élevée, avec un taux de 76,8 % en 1995. Dans une moindre mesure, le mode de financement repose essentiellement sur des cotisations en Belgique, en Allemagne, au Pays-Bas et dans les pays du sud de l'Europe. Au sein de l'Union européenne, les pays qui accordent une part prépondérante aux ressources d'origine fiscale sont minoritaires. Il s'agit du Danemark, où ces ressources représentaient 72,1 % du total en 1995, et des pays anglo-saxons (Irlande : 63,6 %, Royaume-Uni : 60,6 %). L'entrée dans l'Union européenne de la Suède et de la Finlande vient renforcer ce dernier groupe de pays, alors que l'Autriche a un système de financement proche du système allemand.

L'évolution des structures de financement tend dans la majorité des pays, à donner un poids plus important aux ressources d'origine fiscale, au détriment de celles provenant des cotisations employeurs. Sur la période 1980-1995, on observe une tendance assez générale à la diminution du poids des cotisations et à un renforcement des financements d'origine fiscale. Mais cette tendance est encore trop faible ou trop récente, pour gommer des disparités qui demeurent très importantes.

B. LA MODERNISATION DE LA COMPTABILITÉ

Votre rapporteur pour avis reste particulièrement attentif au processus de modernisation de la comptabilité de la sécurité sociale, convaincu que cette dernière ne saurait être efficacement pilotée sans comptes homogènes et transparents.

1. Les avantages d'une comptabilité en droits constatés

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est encore présenté en comptabilité de caisse, alors que la comptabilité en droits constatés est appliquée par le régime général depuis 1996 et par la plupart des autres régimes depuis 1997. La prolongation de cette période transitoire de passage d'un système à l'autre contraint les organismes de sécurité sociale à tenir une double comptabilité.

Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale : " La méthode des droits constatés présente de nombreux avantages pour la sincérité et la transparence des comptes :

- elle donne au résultat de l'exercice sa pleine signification en le rendant indépendant d'événements perturbant l'encaissement des cotisations ou le règlement des prestations : il s'agit d'une garantie précieuse dans la perspective d'une régulation fine des dépenses, notamment d'assurance-maladie ;

- elle offre l'occasion d'harmoniser les méthodes comptables de l'ensemble des régimes puisqu'un même événement est traité comptablement de la même manière pour tous les régimes : il s'agit d'une étape préalable essentielle sur la voie d'une agrégation des comptes de la sécurité sociale ;

- elle donne un cadre de référence comparable à celui des régimes complémentaires et des mutuelles ;

- elle favorise enfin la transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale en faisant apparaître les créances et les dettes respectives de chacun : elle devrait ainsi inciter les régimes à suivre de
manière plus attentive le recouvrement de leurs créances et à respecter les échéances de règlement entre partenaires ".

2. Des transitions nécessaires

Toutefois, le passage d'un système à l'autre appelle des précautions de méthode.

En effet, comme le souligne la Cour des comptes, " la première année du passage d'une méthode à l'autre génère un résultat exceptionnel dans la mesure notamment où les cotisations restant à recouvrer sur exercices antérieurs à celui de la réforme qui n'ont jamais pu être comptabilisées sont des produits exceptionnels, compensés d'ailleurs en grande partie par une provision pour créances douteuses en raison de l'irrécouvrabilité probable de la majeure partie d'entre elles.

Le changement de réglementation comptable procure donc une amélioration du résultat dont l'ampleur est néanmoins difficilement prévisible. C'est la raison pour laquelle le résultat exceptionnel dû au changement de méthode comptable est isolé et distinct du résultat courant de l'exercice de mise en oeuvre de la réforme
".

Ainsi, la présentation en droits constatés du résultat courant du régime général en 1997 fait apparaître un déficit comptable de 24,2 milliards de francs, inférieur de 15 milliards de francs au déficit de 39,2 milliards de francs enregistré en encaissements-décaissements.

Deux dispositions du projet de loi de financement tirent certaines conséquences de la différence de présentation comptable entre les régimes de sécurité sociale et les lois de financement de la sécurité sociale.

L'article 11 prévoit que les déficits pris en compte pour la répartition entre les régimes du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ainsi que de la CSG et du droit de consommation sur les alcools affectés à la branche maladie, sont établis en encaissements-décaissements au titre de l'exercice 1998. L'Assemblée nationale a étendu cette dérogation à l'exercice 1999, considérant que la loi de financement de la sécurité sociale ne serait établie en droits constatés qu'à compter de l'an 2000.

L'article 35 du projet de loi de financement modifie rétroactivement l'article 10 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, de manière à ce que la reprise de la dette de 87 milliards de francs du régime général par la CADES s'effectue en fonction des déficits en trésorerie des différentes branches au 31 décembre 1997, et non pas de leurs déficits en droits constatés.

3. La prolongation de la réforme

Le passage à une comptabilité en droits constatés ne doit être conçu que comme une première étape. En effet, cette réforme fait ressortir le manque d'homogénéité des comptes sociaux et la difficulté de leur consolidation.

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 rappelle les raisons pour lesquelles il est indispensable de procéder à la refonte des dispositifs comptables des régimes de sécurité sociale :

" Les plans comptables des organismes de sécurité sociale sont multiples et ne sont pas homogènes. Lorsqu'ils sont homogènes, les pratiques comptables suivies ne le sont pas et aucune autorité n'est clairement en charge de leur harmonisation. Une telle situation ne facilite donc pas la lecture des comptes .

" La comptabilité doit rendre compte de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale, tant en ce qui concerne les prévisions de recettes que les objectifs en matière de dépenses qui sont des objectifs de branche. La consolidation au niveau de la branche ne peut être envisagée sans une normalisation des règles et des pratiques comptables .

" Les délais d'établissement des comptes des différents régimes sont encore, malgré quelques progrès par rapport à l'an passé, très longs. S'agissant du régime général, les comptes des caisses nationales ont été arrêtés par les conseils d'administration concernés entre les mois de juin et septembre .

" Il résulte de cette situation que l'objectif même d'une comptabilité, à savoir la fourniture d'une information fiable, pertinente, rapide et opposable sur la situation financière des organismes de sécurité sociale, tant pour les décideurs internes que pour les autorités politiques et pour les organes de contrôle, ne peut être considéré comme atteint de manière satisfaisante ."

Dans cette perspective, une mission interministérielle, commune au ministère de l'emploi et de la solidarité et au ministère de l'économie et des finances, est en voie d'être mise en place, avec trois objectifs essentiels :

Définir un plan comptable des régimes de sécurité sociale, s'inspirant du plan comptable général mais adapté aux spécificités propres de la sécurité sociale.

Contribuer à l'établissement puis au suivi de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale, en neutralisant les transferts financiers de manière à permettre l'agrégation par branche des différents régimes, et en traitant de manière cohérente les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Proposer les conditions d'une accélération sensible des délais de production des comptes, de manière à disposer d'une information infra-annuelle sur les résultats comptables.

II. LES PRÉVISIONS : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE PRÉCAIRE ET PARTIEL

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'inscrit dans la perspective d'un retour à l'équilibre du régime général, ainsi que de la plupart des régimes de base de sécurité sociale. Cette évolution favorable mériterait d'être saluée, si elle n'apparaissait pas à la fois précaire et partielle.

A. DES HYPOTHÈSES D'ÉVOLUTION TENDANCIELLE OPTIMISTES

1. Un retour fragile à l'équilibre grâce à la croissance

L'équilibre emplois-ressources de l'ensemble des régimes de base entrant dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale, tel que retracé à l'annexe C, fait apparaître un excédent des opérations courantes de 3,4 milliards de francs pour 1999. Cet excédent fait suite à un déficit de -11,2 milliards de francs en 1998 et à un déficit de -33,9 milliards de francs en 1997.

Les montants totaux retracés dans le tableau ci-après se différencient des prévisions de recettes évaluées par l'article 12 du projet de loi de financement, soit 1.799,2 milliards de francs, et des objectifs de dépenses fixés par l'article 32, soit 1.788,7 milliards de francs, car ils intègrent à la fois, en emplois et en ressources, les transferts entre régimes de sécurité sociale.

La contribution du régime général de sécurité sociale à ce redressement apparaît décisive, compte tenu de son importance relative. En effet, ce régime sert 100 % des prestations familiales, 79 % des prestations d'accidents du travail, 82 % des prestations d'assurance maladie et 45 % des prestations de retraite.

Le régime général de sécurité sociale, qui n'a plus connu de situation excédentaire depuis 1989, reviendrait d'un déficit maximal de - 67,4 milliards de francs en 1995 à un léger excédent de 352 millions de francs en 1999 .

Cette amélioration tendancielle résulte d'un effet de ciseaux entre les recettes et les dépenses, qui a déjà permis une amélioration du fonds de roulement du régime général de 20 milliards de francs en 1997, comme en 1998.

L'an prochain, les recettes évolueraient globalement de + 2,7 % et les dépenses de + 1,6 %. Cet écart de 1,1 point, appliqué à une masse de 1.300 milliards de francs, ramène le déficit de 13,3 milliards de francs en 1998 à l'équilibre pour 1999.

Toutefois, ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, " la prudence oblige toutefois à relativiser la signification de ce solde précis de + 352 millions de francs, compte tenu des masses en jeu. Le solde reste obligatoirement entaché d'une marge d'incertitude importante, bien supérieure à celle propre aux recettes d'une part, aux dépenses d'autre part . Une erreur de prévision de un millième sur les recettes et sur les dépenses (une prévision aussi précise est déjà un très bon résultat), conduit ainsi à une variation du solde de plus ou moins 2.600 millions de francs ."

Au-delà de cette réserve d'ordre statistique, la sincérité des comptes tendanciels du régime général appelle des critiques plus graves.

2. Des hypothèses macro-économiques frappées d'aléas importants

Les hypothèses macro-économiques du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont les mêmes que celles du projet de loi de finances. Elles apparaissent tout aussi fragiles.

En effet, les derniers développement de la crise financière internationale ont conduit de nombreux prévisionnistes à retenir une hypothèse de croissance du PIB en 1999 moins favorable que celle de + 2,7 % avancée par le Gouvernement. Ainsi, la moyenne des prévisions de croissance des principaux instituts indépendants se situe autour de + 2,5 %, les plus pessimistes anticipant une croissance de 2 % seulement. Les membres du panel de conjoncture du Conseil d'analyse économique placé auprès du Premier ministre ont également anticipé, par consensus, une croissance du PIB de 2,5 % en 1999.

Les experts indépendants, au-delà de cet écart de niveau entre leurs prévisions et celle du Gouvernement, insistent sur l'ampleur des aléas qui en conditionnent la fiabilité.

Qu'il s'agisse du redressement des pays asiatiques, de la contagion de la crise aux pays d'Amérique latine, de l'évolution de la situation en Russie ou du taux de change du dollar, les hypothèses retenues apparaissent conventionnelles et les risques de rupture particulièrement grands.

L'incertitude ne porte pas uniquement sur la croissance en volume du PIB. Elle concerne également la prévision de progression des prix. Les derniers résultats rendus publics par l'INSEE pour le mois de septembre 1998 font état d'un taux d'inflation de 0,5 % en glissement annuel. La confirmation de l'impact déflationniste de la crise internationale rend incertaine l'hypothèse d'une hausse des prix de + 1,3 % retenue par le Gouvernement pour 1999.

Egalement contestable, apparaît la prévision d'une croissance de la masse salariale de + 4,3 % en 1999. Cette évolution résulterait d'une progression de l'emploi égale à celle de 1998, soit + 1,8 %, et d'une accélération de la hausse du salaire par tête, soit + 2,5 % en 1999 contre + 2,2 % en 1998. L'amélioration de l'emploi suppose la réalisation de la prévision de croissance de l'économie. Quant à la hausse du salaire moyen par tête, elle apparaît compromise par la réduction du temps de travail. Si l'impact final de cette réforme reste controversé, il ne fait guère de doute qu'elle se traduira dans l'immédiat par une modération salariale de la part des entreprises. Pour fixer les idées, précisons qu'un point de masse salariale en moins entraîne un manque à gagner de l'ordre de 9 milliards de francs pour le régime général .

Par ailleurs, les exonérations de cotisations sociales liées à la réduction du temps de travail ne seraient que partiellement compensées par le budget de l'Etat. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale précise que les effets positifs prévus de la loi sur la réduction du temps de travail sur l'emploi (+ 0,3 point) n'ont pas été intégrés à l'hypothèse d'évolution de la masse salariale en 1999.

" En conséquence, la compensation par l'Etat au régime général des pertes de cotisations liées aux abattements de cotisations patronales, n'a pas non plus été intégrée dans le poste "cotisations prises en charge". Il a été fait l'hypothèse pour ce compte, que les suppléments de recettes générés en 1999 par les emplois créés neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations prévues par l'Etat . Le coût en matière d'exonérations des parts employeur est estimé à environ 7,2 milliards de francs tous régimes en 1999, dont 4,6 milliards pour le régime général. Il sera donc financé pour partie par une contribution de l'Etat, l'autre partie résultant des effets positifs de l'emploi sur les recettes de cotisations ."

3. Une prévision "autoréalisatrice" pour l'assurance maladie

Le point le plus contestable de la projection tendancielle présentée par le Gouvernement est l'hypothèse d'évolution des dépenses d'assurance maladie. En effet, le compte tendanciel table sur un retour de ces dépenses en 1999 à un taux de croissance modéré de + 2,6 % et non pas sur la prolongation du taux de + 3,4 % désormais prévu pour 1998. Le taux d'évolution spontané des dépenses de la branche maladie se trouve ainsi, par construction, identique au taux d'évolution volontairement fixé par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 1999 . Cette hypothèse aboutit à vider de son sens la notion même de compte tendanciel.

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale souligne ce fait : " C'est pour la maladie que ce compte a clairement la nature d'un objectif ambitieux . Il est difficile d'en apprécier la validité tant que ne sont pas connues les mesures destinées à permettre de l'atteindre.

On peut cependant rappeler les ordres de grandeur suivants. Les comptes de 1998 présentent un dérapage des dépenses maladie à hauteur de 6 milliards de francs environ par rapport aux objectifs de l'ONDAM voté. La poursuite à l'identique de ce dérapage, en 1999, porterait les dépenses 12 milliards de francs au-dessus du niveau retenu dans le compte 1999 présenté dans ce rapport, soit un total à résorber de 18 milliards de francs sur les 15 mois qui restent à courir.

Supposer l'extrapolation du dérapage est largement arbitraire car ceci suppose que les causes du dérapage sont totalement stables et pérennes. Nous constatons ici combien manque un diagnostic approfondi, allant au-delà de la simple constatation de l'accélération des dépenses et s'attachant à en déterminer les raisons. Le chiffre obtenu n'est qu'un ordre de grandeur qu'il faudrait pouvoir préciser pour prendre la mesure des efforts de natures diverses que supposent sa résorption
."

On ne saurait mieux dire que le Gouvernement confond objectif d'évolution et évolution tendancielle et minimise ainsi l'effort de maîtrise des dépenses nécessaire.

B. L'IMPACT DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1998

Basé sur des prévisions macro-économiques optimistes, le redressement annoncé de la sécurité sociale l'an prochain résulte de la prolongation en 1999 de l'impact de la loi de financement pour 1998.

L'équilibre initial de cette dernière reposait essentiellement sur 11,8 milliards de francs de recettes nouvelles , assorties de 5,5 milliards de francs de mesures de trésorerie non renouvelables et de 4,9 milliards de francs de mesures d'économies, dont la principale, la mise sous condition de ressources des allocations familiales (4,8 milliards de francs), sera abandonnée en 1999.

L'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 n'a pas été sans heurts, et seule une accélération de la croissance plus forte que prévue cette année explique que son solde soit globalement conforme aux prévisions initiales.

En effet, l'annexe B du projet de loi de financement montre que les prévisions révisées des recettes de la sécurité sociale pour 1998 sont supérieures de 14,8 milliards de francs aux prévisions initiales, tandis que les objectifs de dépenses révisés sont supérieurs de 14,1 milliards de francs aux objectifs de dépenses initiaux.



Toutefois, ces écarts par rapport aux prévisions initiales intègrent la décision politique prise par le Gouvernement de quadrupler en 1998 l'allocation de rentrée scolaire. Cette mesure, d'un coût de 6,3 milliards de francs, apparaît à la fois dans les dépenses de la branche famille et dans les recettes, à la ligne "contribution publique", puisqu'elle fait l'objet d'un remboursement par l'Etat à la CNAF.

Si l'on fait abstraction de cette mesure discrétionnaire pour ne prendre en compte que les évolutions spontanées, le solde de la sécurité sociale en 1998 apparaît amélioré de 700 millions de francs par rapport aux prévisions de la loi de financement. Cette légère amélioration résulte de 8,5 milliards de francs de recettes nettes supplémentaires, et de 7,8 milliards de francs de dépenses nettes supplémentaires.

Concernant les recettes, le principal écart à signaler est une plus-value de 11,6 milliards de francs sur les cotisations effectives , qui se répartit à raison de 8,5 milliards pour le régime général et 3,1 milliards de francs pour les autres régimes.

Concernant les dépenses, le principal écart à signaler est un accroissement des prestations d'assurance maladie plus élevé que prévu de 6,7 milliards de francs .

Appréciés au niveau du seul régime général, ces divers écarts par rapport aux prévisions se traduisent par une légère dégradation de son déficit, qui s'établirait à -13,3 milliards de francs en 1998, au lieu des -11,9 milliards de francs prévus.

C. LA PERSISTANCE DE BRANCHES ET DE RÉGIMES DÉFICITAIRES

A supposer que le retour annoncé de la sécurité sociale à un équilibre financier global en 1999 soit confirmé, ce dont il est permis de douter, la persistance de branches et de régimes déficitaires demeure un sujet de préoccupation majeur.

1. Le déficit de la branche vieillesse du régime général

L'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale présente les perspectives d'évolution des recettes et des dépenses des régimes obligatoires de base pour 1999 et les deux années postérieures.

Ces perspectives à l'horizon 2000 et 2001 sont fondées sur les mêmes hypothèses macro-économiques que celles du projet de loi de finances et de la commission des comptes de la sécurité sociale. L'hypothèse de croissance de la masse salariale pour 1999, soit + 4,3 %, est reconduite les années suivantes. Les recettes de CSG progresseraient de + 3,8 % chacune des deux années. Le prélèvement de 2 % sur les revenus des capitaux évoluerait à un rythme légèrement supérieur à +4 % l'an. Globalement, les recettes du régime général s'accroîtraient de + 3,5 % en 2000 et de + 3,9 % en 2001.

S'agissant des dépenses, les hypothèses de revalorisation des pensions et de la base mensuelle des allocations familiales sont, par convention, alignées, pour les deux années, sur l'évolution des prix hors tabac. Par convention également, les dépenses de l'assurance maladie sont supposées évoluer au même taux que l'ONDAM pour 1999, soit + 2,6 % pour l'ensemble des régimes et + 2,8 % pour le régime général.

Au total, les dépenses du régime général s'accroîtraient de + 2,9 % en 2000 et + 2,8 % en 2001, ce taux global recouvrant des évolutions différenciées selon les branches :

+ 2,8 % les deux années pour la branche maladie en cohérence avec l'objectif du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

- 1 % et + 1,4 % pour les dépenses d'accidents du travail ;

+ 3,3 % et 3,2 % pour la branche vieillesse, ce qui est compatible avec les évolutions démographiques prévues et avec la consolidation progressive des effets financiers de la réforme des pensions de 1993 ;

+ 3,1 % puis + 2,6 % pour la branche famille, compte tenu de l'intégration en année pleine, à compter de 2000, de la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

Sous ces hypothèses conventionnelles, n'incorporant aucune mesure nouvelle par rapport au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, les recettes du régime général progresseraient chaque année plus vite que les dépenses : + 3,5 % et + 3,9 % pour les recettes, contre + 2,9% et + 2,8 % pour les dépenses. Ces écarts de 0,6 % et 0,9 % s'appliquant à des flux de l'ordre de 1.300 milliards de francs, le solde du régime général s'améliorerait de 7 milliards de francs en 2000 et de près de 14 milliards de francs en 2001.

Ainsi, selon cette projection reposant sur des hypothèses d'évolution des recettes optimistes et des hypothèses d'évolution des dépenses d'assurance maladie volontaristes, le régime général de la sécurité sociale dégagerait un excédent de 7,1 milliards de francs en 2000 et de 20,9 milliards de francs en 2001. Néanmoins, sa branche vieillesse resterait déficitaire sur la période, de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 2,3 milliards de francs en 2001.

2. Le déficit de la CNRACL

Sous les mêmes hypothèses macro-économiques que celles retenues pour le régime général, les projections se traduisent pour la plupart des régimes par une situation proche de l'équilibre en 2000 et 2001. Il convient toutefois de souligner que ces résultats ne sont pas significatifs de l'évolution réelle des besoins de financement de la plupart des régimes spéciaux de salariés, qui sont équilibrés par une subvention de l'Etat, ni des régimes des non salariés, qui sont équilibrés par une affectation prioritaire de contribution sociale de solidarité des sociétés.

Seule la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) voit son déficit s'aggraver à législation constante, du fait de la dégradation de son rapport démographique et des charges de compensation qui pèsent sur ce régime.



La forte dégradation du solde de la CNRACL en 2000 résulte principalement de l'hypothèse du cumul sur cet exercice des régularisations de compensations au titre de 1998 et 1999.

En effet, le financement de ce régime, qui a été assuré en 1997 par un prélèvement exceptionnel de 4,5 milliards de francs sur les réserves du fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL), repose les deux années suivantes sur le report des acomptes de compensation d'un exercice au suivant. Les transferts de compensation versés par le CNRACL s'élèvent à 19,7 milliards de francs pour 1999, soit 44 % de ses prestations, qui s'élèvent à 44,5 milliards de francs cette même année.

Comme on le verra plus loin, le Gouvernement ne propose pas d'autre solution à la dégradation de la situation de la CNRACL qu'un inacceptable recours à l'endettement .

III. LES RECETTES : UN RECYCLAGE DES EXCEDENTS GÉNÉRÉS PAR LA CROISSANCE

Contrairement à l'an dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel que présenté initialement par le Gouvernement, ne prévoit aucun prélèvement supplémentaire.

L'essentiel de son volet recettes consiste en une réaffectation des ressources de contribution sociale de solidarité des sociétés, destinée à dégager 2 milliards de francs pour la constitution d'un fonds de réserve des régimes de retraite par répartition. Les autres dispositions relatives aux recettes consistent en des mesures de correction ou de validation, dont l'incidence financière reste marginale, voire hypothétique.

A. LA MODIFICATION DE L'AFFECTATION DE LA CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITÉ DES SOCIÉTÉS

1. La répartition des ressources fiscales de la sécurité sociale

Depuis la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie, amorcée par le loi de financement pour 1997 et amplifiée par la loi de financement pour 1998, la sécurité sociale est largement financée par des ressources de nature fiscale.

Ces ressources fiscales sont réparties entre les différents régimes selon des règles particulièrement complexes, obscurcies encore par les dérogations exceptionnelles qui leur ont été apportées ces dernières années.

Deux mécanismes complémentaires sont à distinguer.

Le premier mécanisme répartit entre les régimes obligatoires d'assurance maladie le produit de l'ensemble formé par la CSG maladie et une fraction égale à 40 % du droit de consommation sur les alcools (les 60 % restants étant affectés au FSV). Cette répartition s'opère en trois étapes :

- au premier niveau, le produit est réparti en fonction de la perte de cotisations d'assurance maladie induite pour chacun des régimes par la substitution de la CSG ;

- au deuxième niveau, le surplus éventuel est affecté en priorité à la CNAMTS, dans la limite de son déficit comptable ;

- au troisième niveau, le surplus éventuel est affecté aux autres régimes obligatoires d'assurance maladie au prorata de leurs déficits comptables, avant attribution de la contribution sociale de la solidarité des sociétés (C3S).

Le bilan de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie fait apparaître des excédents après la répartition de premier niveau.

En 1998, l'excédent de l'ensemble CSG maladie et droits sur les alcools, égal à 2,2 milliards de francs, est intégralement absorbé par le déficit de la CNAMTS, en deuxième niveau de répartition.

En 1999, compte tenu du rétablissement des comptes de la CNAMTS, après compensation de ses pertes de cotisations, un excédent de 4,3 milliards de francs peut être réparti, en troisième niveau, entre les autres régimes obligatoires d'assurance maladie au prorata de leurs déficits.

Dans les faits, ce surplus ira en quasi totalité à la CANAM car les autres régimes sont pratiquement tous auto-équilibrés : les régimes des salariés agricoles, des militaires et des cultes sont intégrés au régime général, tandis que les régimes de la SNCF et de la RATP sont équilibrés par ces entreprises. Quant au BAPSA, le présent projet de loi de financement prévoit de l'exclure, à titre exceptionnel, du bénéfice de cette répartition de troisième niveau.

Le second mécanisme répartit entre les régimes de non salariés le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cette répartition s'opère en deux étapes :

- au premier niveau, le produit de la C3S est réparti entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA, au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables ;

- au second niveau, le surplus éventuel est affecté au BAPSA.

Il convient de souligner que ces règles théoriques de répartition de la C3S n'ont en fait jamais été strictement respectées depuis leur définition par la loi du 12 avril 1996, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

En 1997, 2,8 milliards de francs d'excédents de C3S après répartition de premier niveau ont été reportés sur l'exercice 1998, en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

En 1998, les attributions de C3S à l'ORGANIC et à la CANCAVA ont été majorées de 1,2 milliard de francs, à hauteur des transferts exceptionnels de ces deux régimes vers la CNAMTS institués par la loi de financement de la sécurité sociale (700 millions de francs pour l'ORGANIC et 500 millions de francs pour la CANCAVA). A législation constante, le surplus demeurant de 2,4 milliards de francs devrait être versé au BAPSA.

2. Les nouvelles règles d'affectation de la C3S

En 1999, le dynamisme propre du produit de la C3S ainsi que le comblement du déficit de la CANAM par des surplus de CSG et de droit de consommation sur les alcools devraient se traduire par un excédent courant de 5,6 milliards de francs, après répartition de premier niveau.

Le dynamisme des recettes de C3S est un effet de la loi de finances rectificative du 4 août 1995, qui a accru son rendement sur deux points :

- son taux a été porté de 0,1 % à 0,13 % du chiffre d'affaires des sociétés, à compter du 1er janvier 1995 ;

- son champ d'application à été étendu à certaines formes de société jusqu'alors exonérées (sociétés par actions simplifiées, en nom collectif, GIE, certaines institutions financières, coopératives), à compter du 1er janvier 1996.

L'impact financier de cette réforme en 1996 est estimé à 4,9 milliards de francs, à raison de 2,8 milliards de francs pour le relèvement du taux et de 2,1 milliards de francs pour l'extension du champ de la C3S.

Le produit prévu de la C3S pour 1999 est estimé à 16,8 milliards de francs, en augmentation de + 4,4 % par rapport à 1998.

L'article 2 du projet de loi de financement propose de modifier considérablement les règles de répartition de la C3S.

D'une part, le paragraphe I suspend la répartition de deuxième niveau de la C3S au titre de 1998, et reporte ainsi sur l'exercice 1999 le surplus de 2,4 milliards de francs qui aurait dû être versé au BAPSA.

En compensation partielle, le paragraphe II opère un prélèvement exceptionnel de 1 milliard de francs sur le produit de la C3S en 1999 au profit du BAPSA. Mais, parallèlement, ce régime est exclu du bénéfice de la répartition de troisième niveau de la CSG maladie et des droits sur les alcools en 1999.

D'autre part, le paragraphe III modifie de manière pérenne les règles de répartition de la C3S, en affectant le surplus éventuel, après comblement des déficits de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA, au fonds de solidarité vieillesse (FSV), et non plus au BAPSA.

3. Les conséquences pour le fonds de solidarité vieillesse

Le FSV se trouve ainsi destinataire en 1999 d'un surplus de C3S estimé à 5,6 milliards de francs. Ce surplus sera intégralement utilisé pour le financement de charges nouvelles.

Le paragraphe IV de l'article 2 du projet de loi de financement instaure au sein du FSV une section intitulée "opérations de solidarité", correspondant aux missions antérieures du fonds, qui prend en charge les avantages de retraite non contributifs, et une section intitulée "fonds de réserve", correspondant à un fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse ainsi créé.

La part des recettes de C3S versée au fonds de réserve est déterminée par arrêté. Le Gouvernement a prévu de le doter de 2 milliards de francs en 1999.

Le reste du surplus de C3S affecté au FSV, soit 3,6 milliards de francs, servira à couvrir presque intégralement le coût de deux nouvelles charges du fonds :

- 2,9 milliards de francs seront versés au régime général, en application de l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de solder les sommes correspondant à la validation des périodes non travaillées des chômeurs résidant dans les départements d'outre-mer, que le FSV avait omis de prendre en charge entre 1994, année de sa création, et 1997, année où l'UNEDIC a intégré les chômeurs des DOM dans les statistiques fournies au fonds ;

- 900 millions de francs seront consacrés à une amélioration, par voie réglementaire, de la prise en charge des périodes de chômage non indemnisé.

Au total, le solde de la nouvelle section "opérations de solidarité" resterait quasiment inchangé par rapport à son évolution spontanée, avec un excédent de + 2,1 milliards de francs au lieu des +2,4 milliards de francs prévus tendanciellement.

Il convient de préciser que les comptes de la section "opérations de solidarité" du FSV sont marginalement affectés par deux autres mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 :

- l'article 8 retire des ressources du FSV le droit de fabrication applicable aux produits de parfumerie et de toilette, aux alcools à usage médicamenteux et aux alcools incorporés dans des produits alimentaires prévu à l'article 406 A du code général des impôts, en conséquence de la suppression de ce droit par l'article 32 du projet de loi de finances pour 1999. La perte de recettes afférente, estimée à 330 millions de francs, est déjà incluse dans le compte tendanciel.

- la revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite prévue par l'article 29 a pour répercussion une augmentation de 70 millions de francs des prestations de minimum vieillesse financées par le FSV.

Votre rapporteur pour avis observe que le solde cumulé de la section "opérations de solidarité" du FSV s'élèvera à 4,7 milliards de francs en 1999, soit plus du double de la dotation de 2 milliards de francs prévue pour la nouvelle section "fonds de réserve ". L'accumulation de ces excédents apparaît comme une mesure de prudence, car les charges de validation des périodes de chômage restent très sensibles à la conjoncture de l'emploi.

Votre rapporteur pour avis observe également que la modification de l'affectation des ressources fiscales de la sécurité sociale s'opère au détriment du BAPSA. Ce régime est privé, en 1998, de 2,4 milliards de francs d'excédents de C3S et ne reçoit en 1999, pour solde de tout compte, que 1 milliard de francs sur 5,6 milliards d'excédents de C3S. Le BAPSA étant équilibré par une subvention de l'Etat, ces modifications des règles existantes de répartition peuvent être analysées in fine comme des transferts financiers indirects du budget général à la sécurité sociale.

B. LES AUTRES MESURES

1. Le reprofilage de l'exonération pour première embauche

L'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier salariée, instaurée par la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses dispositions d'ordre social, vient à échéance le 31 décembre 1998.

Cette exonération porte sur la totalité de la part patronale des cotisations, pendant les 24 mois suivant l'embauche s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée, ou pendant 18 mois s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée. Ce dispositif s'applique en moyenne à 75.000 embauches par an, pour un coût estimé à 2,7 milliards de francs en 1997 et 3,2 milliards de francs en 1998.

L'article 4 du projet de loi de financement propose de reconduire l'exonération pour quatre ans, jusqu'au 31 décembre 2001, mais en limitant sa portée sur deux points :

- la rémunération prise en compte est plafonnée au niveau du SMIC ;

- tout cumul avec une autre mesure d'exonération de cotisations patronales, ou avec un mode forfaitaire de détermination des cotisations, est exclu.

L'économie afférente est estimée à 130 millions de francs pour 1999 et à 800 millions de francs en année pleine, les nouvelles règles ne s'appliquant qu'au flux d'entrée dans le dispositif.

Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable à la rationalisation d'une mesure d'exonération qui génère vraisemblablement d'importants effets d'aubaine. Toutefois , le plafond du SMIC proposé apparaît excessivement bas . Par ailleurs, il se demande si la prolongation, sous une forme modifiée, d'un dispositif existant ne devrait pas être assimilée à un dispositif nouveau au regard de l'article L.131-7 du code de la sécurité sociale, qui pose le principe de la compensation par l'Etat de toute nouvelle exonération de cotisations sociales.

2. La consolidation de certaines recettes existantes

a) L'assujettissement des fausses locations-gérances

L'article 5 du projet de loi de financement propose d'assujettir expressément aux cotisations sociales et à la CSG, les revenus tirés de la location-gérance d'une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale, lorsque le bénéficiaire de ces revenus y exerce une activité professionnelle.

Il s'agit de faire échec aux montages "d'auto-location-gérance" visant à échapper aux cotisations sociales normalement assises sur toute rémunération d'activité.

b) Le transfert à l'administration fiscale du recouvrement de la CSG sur les BIC non professionnels

L'article 5 du projet de loi de financement propose également de transférer la compétence du recouvrement de la CSG et de la CRDS sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou non commerciaux (BNC) non professionnels. Ces revenus sont assujettis à la CSG et à la CRDS, mais exonérés de cotisations sociales. Les URSSAF, qui sont actuellement théoriquement chargées de leur recouvrement, ne les connaissent pas en pratique.

Il est donc proposé d'assujettir les BIC et BNC non professionnels non plus à la CSG sur les revenus d'activité, mais à la CSG assise sur les revenus du patrimoine, qui est recouvrée efficacement par les services fiscaux. Ce transfert a pour conséquence de les assujettir au prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine.

Le gain de cette mesure est estimé à 70 millions de francs, dans l'hypothèse où la totalité des 700 millions de francs de BIC et BNC non professionnels échapperaient actuellement à la CSG et à la CRDS.

Votre rapporteur pour avis appelle l'attention sur la charge que ces règles nouvelles pourraient représenter pour certains secteurs d'activité, tels celui de la pêche artisanale. Il serait souhaitable que les sommes dues au titre des exercices antérieurs à 1999 ne donnent pas lieu à redressement.

c) La correction de la contribution de l'industrie pharmaceutique de 1996

L'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale avait mis à la charge de l'industrie pharmaceutique une contribution exceptionnelle d'un rendement total de 2,5 milliards de francs. Cette contribution se compose de trois contributions assises, respectivement, sur les dépenses de publicité, sur la progression du chiffre d'affaires et sur le chiffre d'affaires lui-même, déduction faite des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche.

Ce dernier élément fait actuellement l'objet d'une contestation devant le Conseil d'Etat. En effet, les dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche sont par définition les seules dépenses de recherche réalisées en France. Certains laboratoires étrangers, dont les filiales françaises assujetties à la contribution ne réalisent aucun investissement de recherche, ont estimé que cet abattement introduit une discrimination contraire aux règles de concurrence européennes. Le Conseil d'Etat a saisi la CJCE d'une question préjudicielle sur ce point, et le Gouvernement estime probable une annulation de la part de la contribution assise sur le chiffre d'affaires, soit une perte de 1,2 milliard.

L'article 7 du projet de loi de financement propose donc de modifier l'assiette de la contribution de 1996, en supprimant l'abattement au titre des dépenses de recherche. Parallèlement, le taux de la contribution serait abaissé de 1,7 % à 1,47 %, afin de laisser inchangé son produit. Ces modifications se traduiraient par un versement complémentaire d'environ 70 millions de francs demandé aux laboratoires qui ont consenti un effort de recherche important, qui serait redistribué aux autres laboratoires.

Votre rapporteur pour avis reste perplexe à l'égard d'une disposition qui modifie rétroactivement une contribution déjà perçue, dans le but de la valider préventivement par rapport à une décision de justice à venir. Le sens de l'arrêt définitif du Conseil d'Etat n'est d'ailleurs pas acquis, puisque les règles de concurrence européennes ne font pas obstacle, d'une manière générale, à la territorialité des impôts nationaux.

d) La mise en conformité de la taxe sur les premix

L'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a instauré une taxe sur les boissons dite "premix", résultant du mélange de boissons non alcoolisées et d'alcools forts.

Cette taxe, dont le rendement n'a été que de 3 millions de francs en 1997, a été instaurée dans le but de décourager le développement du marché des premix, qui visait particulièrement la clientèle des jeunes.

La taxe sur les premix soulève plusieurs difficultés juridiques. L'instruction fiscale qui en précisait l'assiette et les conditions de recouvrement a été annulée par une décision du Conseil d'Etat en date du 8 juillet dernier. Par ailleurs, la Commission européenne a engagé une procédure précontentieuse, considérant que la taxe contrevient à la directive européenne sur les droits d'accises et introduit une discrimination à l'encontre des seuls premix résultant d'un mélange d'alcools forts.

L'article 9 du projet de loi de financement propose donc d'élargir le champ de la taxe sur les premix à tous les types d'alcools, y compris les alcools dits "intermédiaires" comme le vin ou la bière. En contrepartie, seuls les premix conditionnés en récipients de moins de 60 centilitres seraient taxés. En clair, il s'agit de laisser en dehors du champ de la taxe les mélanges traditionnels à base de vin ou de rhum qui sont vendus au litre, et non pas en cannettes.

Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il s'était interrogé sur la compatibilité de la taxe sur les premix avec le droit communautaire dès sa création, en 1996. Il craint que la modification proposée ne suffise pas à la mettre en conformité avec la directive sur les droits d'accises, et reste perplexe à l'égard de la nouvelle discrimination introduite en fonction du conditionnement des boissons.

3. La diminution des cotisations d'accidents du travail

La branche accidents du travail du régime général est structurellement excédentaire depuis 1995. Cette situation n'est pas normale, dans la mesure où les règles de fixation des cotisations de la branche sont conçues de manière à couvrir exactement ses dépenses. Les taux de cotisation sont individualisés pour chaque entreprise en fonction de la valeur de son risque propre. Un taux net de cotisation nationale est fixé chaque année en fonction du rapport entre les prestations versées au cours des trois dernières années et la masse salariale sur la même période.

Le taux net est inchangé depuis 1996, où il a été fixé à 2,26 %. Compte tenu de ce taux de cotisation, la branche accidents du travail a dégagé en 1998 un excédent de 1,7 milliard de francs.

Le Gouvernement a décidé d'abaisser le taux net de cotisation à 2,21 % pour 1999, ce qui correspond à une diminution des charges des entreprises de 1 milliard de francs. Cette diminution de taux est déjà intégrée dans le compte tendanciel de la branche accidents du travail.

Votre rapporteur pour avis est d'autant plus favorable à cette baisse des cotisations d'accidents du travail qu'il l'avait déjà proposée l'an dernier. Il regrette toutefois que la diminution des charges envisagée ne soit pas aussi importante que les marges de manoeuvre auraient pu le permettre, puisque l'excédent prévu de la branche accidents du travail continue d'augmenter en 1999, pour atteindre 1,9 milliard de francs.

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Le reprofilage de l'exonération pour emploi à domicile

Les associations d'aide à domicile ont été durement touchées par la conjonction de trois mesures décidées par le Gouvernement l'an dernier : l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi familial, la diminution de 1,33 à 1,3 SMIC du seuil de la ristourne dégressive sur les bas salaires et la proratisation de l'abattement pour travail à temps partiel.

Votre commission des finances avait soutenu, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du mois de mai dernier, un relèvement de 30 % à 60 % du taux de l'exonération de cotisations sociales patronales dont bénéficient les associations d'aide à domicile.

Une mission a été confiée à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires sociales pour examiner la situation des associations d'aide à domicile. Son rapport, récemment rendu public, préconise le relèvement de 30 % à 100 % de l'exonération de cotisations sociales dont celles-ci bénéficient déjà. Cette exonération totale présenterait l'avantage d'apporter une réponse aux difficultés financières des associations d'aide à domicile, tout en assurant la neutralité des dispositifs incitatifs entre les emplois professionnalisés et les emplois de gré à gré, qui sont déjà exonérés à 100 %.

Conformément à cette recommandation, le Gouvernement a présenté devant l'Assemblée nationale un amendement portant à 100 % l'exonération des charges patronales des associations d'aide à domicile. Le coût de cette mesure est estimé à 670 millions de francs.

Aussi, le Gouvernement propose-t-il de gager cette perte de recettes par une économie sur l'exonération de cotisations sociales accordée aux particuliers de plus de 70 ans. Cette exonération serait limitée à 15 heures par semaine et par foyer. Seules les personnes invalides, dépendantes ou handicapées continueraient à bénéficier d'une exonération sans limite.

Selon les chiffres avancés par le ministre de l'emploi et de la solidarité, 90 % des employeurs se situent en-dessous de ce seuil de 15 heures, mais les 10 % restant totalisent 50 % des heures à domicile. L'économie afférente est estimée à 420 millions de francs.

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'exonération totale proposée par le Gouvernement, mais défavorable au contingentement qui l'accompagne.

2. Le relèvement du droit de consommation sur les tabacs

A l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a augmenté de 58,3 % à 59,9 % le taux du droit de consommation sur les tabacs, et a porté de 230 francs à 345 francs le minimum de perception sur le tabac à rouler. Le rendement de cette mesure figurant à l'article 11 bis, qui a reçu l'avis favorable du secrétaire d'Etat à la santé, est estimé à 1 milliard de francs.

Toutefois, contrairement à l'intention de l'auteur de cet amendement, ce surcroît de recettes ne bénéficiera que très marginalement à la CNAMTS. En effet, celle-ci n'est destinataire que d'une fraction égale à 9,1 % du produit du droit de consommation sur les tabacs. Mais seule une loi de finances pourrait modifier le pourcentage de cette affectation de recettes.

Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe d'une hausse des prix à la consommation du tabac, ni à celui de l'affectation d'une plus grande part de la fiscalité sur le tabac à la branche maladie.

Toutefois, afin d'éviter le risque d'une reprise de la guerre des prix entre les fabricants, il serait préférable de procéder comme prévu par une hausse concertée des prix à la production qui générerait en retour le surcroît de recettes voulu.

3. Le rétablissement des cotisations maladie pour les fonctionnaires internationaux

A l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a rétabli les taux de cotisation d'assurance maladie antérieurs pour les agents d'organismes internationaux, exonérés d'impôts directs en application d'une convention internationale (article 2 bis).

En effet, alors qu'ils sont exonérés de CSG, ceux d'entre eux qui sont affiliés à un régime français d'assurance maladie ont bénéficié de la baisse des cotisations destinée à compenser la hausse du taux de la CSG depuis 1997.

4. L'affiliation au régime général des collaborateurs occasionnels des services publics

A la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un article 11 ter qui prévoit l'affiliation obligatoire au régime général de sécurité sociale des personnes qui exercent à titre occasionnel une activité rémunérée pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un de leurs établissements publics administratifs ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public administratif.

Ces dispositions ne seraient pas applicables aux fonctionnaires ni, à leur demande, aux personnes exerçant une profession non salariée à titre principal lorsque leur collaboration occasionnelle au service public en est le prolongement.

Votre rapporteur pour avis reste réservé sur le maintien de l'exonération de cotisations pour les activités occasionnelles des fonctionnaires.

5. Le financement du congé de fin d'activité dans la fonction publique

L'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 a prévu la prorogation du congé de fin d'activité ouvert aux agents ayant cotisé 40 ans et accompli 15 ans de service public, ainsi que l'abaissement de 58 à 56 ans de l'âge d'accès à ce dispositif.

Pour les fonctions publiques locale et hospitalière, le congé de fin d'activité est financé par le fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL). La prorogation et l'extension du congé de fin d'activité auraient pour effet d'entraîner un déficit courant de - 500 millions de francs en 1999 pour le FATIACL.

L'article 11 quater, qui résulte d'un amendement présenté par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, propose d'instaurer un double prélèvement au profit du FATIACL :

- l'un sur le fonds de compensation pour la cessation progressive d'activité des agents territoriaux ;

- l'autre sur le fonds pour l'emploi hospitalier.

Ces prélèvements seraient déterminés en fonction du besoin de financement du FATIACL, évalué à 300 millions de francs compte tenu de réserves de 200 millions de francs, et de la part de chacune des deux fonctions publiques, territoriale et hospitalière, dans les dépenses du congé de fin d'activité. On rappellera que le FATIACL était largement excédentaire, jusqu'à ce que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 affecte ses réserve, à hauteur de 4,5 milliards de francs, au financement de la CNRACL.

Votre rapporteur pour avis est tout à fait défavorable à ces ponctions de trésorerie improvisées, qui détournent de leurs objectifs des fonds spécialisés sans apporter de solution durable au financement du congé de fin d'activité.

IV. LES DÉPENSES : L'ENGAGEMENT DE NOMBREUSES CHARGES NOUVELLES

Alors que le volet recettes du projet de loi de financement consiste essentiellement dans le recyclage des excédents conjoncturels de C3S résultant de la croissance, son volet dépenses comporte de nombreuses charges nouvelles, à caractère permanent.

A. LA BRANCHE FAMILLE

1. Le déplafonnement des allocations familiales

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a placé les allocations familiales sous condition de ressources. Les plafonds de ressources sont de 25.000 francs nets mensuels, majorés de 7.000 francs lorsque les deux parents travaillent ou s'il s'agit d'un parent isolé, et de 5.000 francs par enfant à charge à partir du troisième.

Ce plafonnement s'est appliqué à compter du 1er mars 1998 et a touché 566.000 familles, qui ont perdu en moyenne 13.000 francs d'allocations sur l'année.

L'économie afférente pour la branche famille est estimée à 5,11 milliards de francs en année pleine, et à 3,8 milliards de francs sur neuf mois.

L'article 13 du projet de loi de financement modifie l'article L.521-1 du code de la sécurité sociale de manière à rétablir l'universalité des allocations familiales.

Cette mesure a été annoncée par le Gouvernement dans le cadre de la conférence de la famille du 12 juin dernier. Son coût pour 1999 est estimé à 4,7 milliards de francs, sur 11 mois seulement.

Votre rapporteur pour avis est bien sûr favorable à la suppression du plafonnement des allocations familiales, auquel il s'était opposé l'an dernier, mais relève une certaine versatilité de la part du Gouvernement .

2. La budgétisation de l'allocation de parent isolé

Le projet de loi de financement intégre l'impact de l'article 82 du projet de loi de finances qui transfère au budget de l'Etat la charge du financement de l'allocation de parent isolé. L'API est une allocation différentielle versée sous conditions de ressources aux personnes seules qui assument la charge d'un ou plusieurs enfants. Elle est servie pendant un an, ou jusqu'au troisième anniversaire du dernier enfant. Le revenu mensuel garanti s'élève à 3.198 francs auquel s'ajoutent 1.066 francs par enfant. L'API bénéficie à 163.000 parents.

Ce transfert a pour objet de compenser le coût pour la CNAF du déplafonnement des allocations familiales. Il correspond également à la nature de l'API qui, en tant que garantie de ressources, peut relever plus directement de la solidarité nationale. Son coût est estimé à 4,2 milliards de francs pour 1999.

Cependant, cette charge budgétaire nouvelle serait financée par un abaissement du plafond du quotient familial de 16.380 francs à 11.000 francs, le plafond demeurant fixé à 20.270 francs pour les personnes célibataires, divorcées ou séparées.

Le Gouvernement fait valoir que les familles concernées par la diminution du quotient familial seraient moins nombreuses que celles bénéficiant du rétablissement des allocations familiales.

Effets du déplafonnement des allocations familiales et de l'abaissement du plafond du quotient familial







Les tableaux ci-dessus montrent que, jusqu'à 38.700 francs de revenu, les familles de deux enfants retrouveront l'intégralité des allocations familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 682 francs par mois à partir de 25.000 francs de revenus ou de 32.000 francs pour les familles biactives. Jusqu'à 43.500 francs de revenus, les familles de trois enfants retrouveront l'intégralité des allocations familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 1.500 francs par mois à partir de 37.000 francs de revenu ou de 44.000 francs pour les familles biactives.

Toutefois, les couples qui n'ont qu'un enfant sont pénalisés à partir de 36.300 francs de revenu, puisqu'ils ne perçoivent en tout état de cause aucune allocation familiale. Il en va de même pour les familles dont les enfants à charge sont trop âgés pour percevoir des allocations.

Au total, le déplafonnement des allocations bénéficierait à 386.000 familles, tandis que la baisse du plafond du quotient familial affecterait 500.000 familles. En net, 225.000 familles seraient bénéficiaires et 425.000 familles seraient perdantes. Le surcroît d'impôt sur le revenu résultant de la modification du quotient est estimé à 3,9 milliards de francs.

Votre rapporteur pour avis est défavorable à la mesure proposée en loi de finances pour compenser le coût de la budgétisation de l'API. Ce coût n'a pas à être supporté par les familles, alors qu'il pourrait parfaitement être financé dans le cadre d'un équilibre budgétaire global reposant sur d'autres choix que ceux du Gouvernement.

L'abaissement du plafond donne au quotient un effet de redistribution verticale, en fonction du niveau de revenu, alors qu'il doit avoir un effet de redistribution horizontale, en fonction du nombre d'enfants.

3. Les autres mesures

L'article 14 du projet de loi de financement prévoit d'étendre l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles. Actuellement, l'ARS n'est versée qu'aux familles déjà bénéficiaires d'une prestation familiale à un autre titre. Les familles qui n'ont qu'un enfant ne bénéficient pas des allocations familiales, et se trouvent ainsi en dehors de son champ.

L'extension de l'ARS aux familles n'ayant qu'un enfant à charge avait été annoncée à l'issue de la conférence nationale de la famille. Son coût pour la branche famille est estimé à 180 millions de francs.

Les objectifs de dépenses du projet de loi de financement intègrent par ailleurs le coût pour la branche famille de trois mesures d'ordre réglementaire :

Le relèvement des loyers plafonds pris en compte pour le calcul de l'allocation de logement familial (ALF). L'objectif est d'augmenter ces loyers-plafonds de 25 % sur trois ans, afin de les aligner sur ceux de l'allocation de logement social (ALS). Le coût de cette mesure, qui devrait bénéficier à 530.000 familles, est estimé à 220 millions de francs en 1999 et à 1,3 milliard de francs en année pleine.

Le fonds national d'action sociale (FNAS) de la CNAF sera abondé de 600 millions de francs supplémentaires, destinés notamment à la mise en place du réseau de soutien aux parents, à la réforme du financement des crèches, et au développement des contrats "temps libre" pour la prise en charge des enfants de 6 à 15 ans.

Le relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales de 19 à 20 ans, pour les jeunes inactifs ou chômeurs. Le coût de cette mesure, qui devrait bénéficier à 60.000 familles, est estimé à 530 millions de francs pour 1999, et à 1 milliard de francs en année pleine.

Le recul d'un an des seuils de majoration pour âge des allocations familiales, qui seront portés respectivement de 10 et 15 ans à 11 et 16 ans. L'économie résultant de cette mesure est estimée à 870 millions de francs pour 1999, et à 1,8 milliard de francs en année pleine.

Votre rapporteur pour avis observe que la combinaison des deux dernières mesures aboutit à restreindre les prestations universelles que sont les allocations familiales, alors que les prestations sous condition de ressources sont par ailleurs améliorées. Il n'est pas favorable à cette orientation, qui assimile la politique familiale à une politique des revenus .

Au total, le solde de la branche famille se trouve dégradé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui réduit son excédent de 4 milliards de francs à 2,8 milliards de francs.

B. LA BRANCHE MALADIE

Votre rapporteur pour avis rappelle que l'évolution tendancielle des dépenses d'assurance maladie est par hypothèse supposée identique à celle de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, soit + 2,6 %. L'impact de l'ONDAM sur les dépenses d'assurance maladie dans la présentation du projet de loi de financement est donc nul, par construction.

Sous réserve de cette hypothèse audacieuse, le projet de loi de financement prévoit l'engagement des dépenses nouvelles pour la branche maladie.

1. Le dépistage organisé des cancers

L'article 15 met en place un système national de dépistage organisé des "maladies aux conséquences mortelles évitables", en fonction des conclusions de la conférence nationale de santé et sur avis de l'ANAES est de la CNAMTS. Il prévoit la prise en charge à 100 % des actes de dépistage réalisés dans le cadre des campagnes organisées.

Les deux premières campagnes de dépistage devraient porter en 1999 sur le cancer du sein et sur le cancer du col de l'utérus.

Le coût des actes de dépistage est pris en charge par l'assurance maladie et s'impute sur l'ONDAM. Le suivi et l'évaluation seront financés par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'intervention sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS, pour un montant additionnel de 250 millions de francs.

Votre rapporteur pour avis est tout à fait favorable à cette mesure. L'examen du financement de la politique de lutte contre le cancer auquel il s'est récemment livré (rapport d'information n° 31, 1998-1999) l'a convaincu que celle-ci souffre d'un défaut d'organisation préjudiciable à son efficacité .

2. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville

L'article 20 du projet de loi de financement crée un fonds d'aide à la qualité des soins de ville, qui sera doté de 500 millions de francs, hors ONDAM.

Les actions financées par le fonds devront concourir à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins de médecine ambulatoire. Les aides seront attribuées à des professionnels de santé, individuellement ou collectivement, et pourront inciter au développement de nouveaux modes d'exercice, tels que les réseaux de soins.

Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe de ce fonds, mais estime qu'il devrait être inclus dans l'ONDAM.

3. L'extension de l'assurance-décès

Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable au principe de ce fonds, mais estime qu'il devrait être inclus dans l'ONDAM.

L'article 21 du projet de loi de financement étend le bénéfice du capital décès aux ayants droits des titulaires d'une allocation de conversion ou d'une allocation de chômage, d'une pension d'invalidité, ou d'une rente d'accidents du travail avec une incapacité d'au moins deux tiers.

Actuellement, le bénéfice de l'assurance décès est subordonné à la condition d'activité salariée de l'assuré au moment de son décès. La modification proposée l'étend aux situations où l'assuré se trouvait dans l'attente ou dans l'incapacité d'exercer une activité salariée.

Le capital garanti aux ayants droits de l'assuré s'élève à 90 fois son gain journalier de base, en exonération de droits de mutation. Le coût prévisionnel de l'assurance décès est de 760 millions de francs en 1999 pour la branche maladie du régime général. Le coût de l'extension proposée est estimé à 270 millions de francs.

4. Transfert des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a intégré les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie dans le champ de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales ou médico-sociales.

En conséquence, la charge du financement des CHAA est transférée à l'assurance maladie, pour un coût estimé à 120 millions de francs, inclus dans l'ONDAM.

L'article 27 bis du projet de loi de financement, qui résulte d'un amendement du Gouvernement, tire les conséquences de ces transferts dans le code de la sécurité sociale et prévoit des mesures transitoires.

5. Les autres mesures

Le projet de loi de financement comporte un ensemble de mesures destinées à faciliter le respect de l'ONDAM, qui peuvent être à ce titre considérées comme ayant une incidence financière indirecte ou potentielle. Ces mesures seront présentées au chapitre suivant, consacré au dispositif de régulation des dépenses d'assurance maladie.

En revanche, certaines des mesures du projet de loi de financement relatives à l'assurance maladie n'ont pas d'incidence financière évaluable : création d'un système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM) et d'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie (article 15) ; extension du champ de la négociation conventionnelle avec les médecins aux filières et réseaux de soins (article 17) ; extension des missions des unions de médecins exerçant à titre libéral à l'évaluation des pratiques (article 18) ; modification des critères d'attribution du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins (article 19).

L'Assemblée nationale a allongé la liste de ces dispositions dépourvues d'incidence financière directe : rapport sur l'état de la santé bucco dentaire de la population (article 22 bis) ; conditions de l'autorisation de changement d'implantation d'un établissement de santé (article 26 bis) ; modes de rémunération des médecins par les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (article 27 bis).

Votre rapporteur pour avis estime que ces dispositions sont des cavaliers sociaux au regard de l'article L.O. 111-13 du code de la sécurité sociale, en vertu duquel ne peuvent figurer dans une loi de financement que les dispositions qui affectent directement l'équilibre financier des régimes de base ou qui contribuent à améliorer l'information du Parlement sur l'application des lois de financement.

Le total des dépenses nouvelles chiffrées s'élève à 1,260 milliard de francs, ce qui aurait pour effet de faire passer l'excédent tendanciel de la branche maladie de la CNAMTS d'un excédent de + 330 millions de francs à un déficit de - 930 millions de francs.

Toutefois, le volet ressources du projet de loi de financement se traduit par un surcroît de recettes nettes de 170 millions de francs. Le solde est automatiquement couvert, à hauteur de 760 millions de francs, par une attribution supplémentaire du produit de la CSG et des droits sur les alcools à la CNAMTS, conformément aux règles de répartition en deuxième niveau exposées précédemment.

C. LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les comptes tendanciels de la branche accidents du travail intègrent déjà en recettes une diminution de 2,26 % à 2,21 % du taux net de cotisation, soit une moins value de 1 milliard de francs. En dépenses, les comptes tendanciels intègrent la reconduction en 1999 du prélèvement au profit de la branche maladie au titre des maladies professionnelles non déclarées qui a été instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, au niveau de 910 millions de francs.

1. La modification des délais de prescription

L'article 31 du projet de loi de financement propose de modifier les règles de prescription des reconnaissances de maladies professionnelles.

Pour l'ensemble des maladies professionnelles, il est proposé d'ouvrir le délai de la prescription biennale à compter de la date où la victime est informée pour la première fois de la possibilité d'un lien entre sa maladie et son activité professionnelle, et non plus à compter de la première constatation médicale de la maladie.

Pour les maladies professionnelles liées à l'amiante, la forclusion est exceptionnellement levée dès lors que la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale avant le 1er janvier 1997. Les victimes disposeront d'un délai de deux ans à compter de la publication de la loi de financement pour présenter une demande d'indemnisation.

Le coût de ces deux mesures est estimé à 150 millions de francs.

2. Les mesures d'ordre réglementaire

Le projet de loi de financement intègre le coût pour la branche accidents du travail de deux mesures d'ordre réglementaire :

L'inscription au tableau des maladies professionnelles des lombalgies et dorsalgies les plus graves et l'assouplissement des conditions de reconnaissance des pneumoconioses, pour un coût estimé de 200 millions de francs.

L'abaissement de 66 % à 50 % du taux d'incapacité permanente à partir duquel les rentes d'accidents du travail sont versées mensuellement, et non pas trimestriellement. Le coût, en trésorerie uniquement, de cette mensualisation des rentes est estimé à 150 millions de francs pour 1999.

Au total, l'excédent de la branche accidents du travail du régime général, en 1999, serait diminué de 1,9 milliard de francs à 1,3 milliard de francs.

D. LA BRANCHE VIEILLESSE

1. La modification du mécanisme de revalorisation des pensions

La loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a déterminé le mécanisme de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité pour la période 1994-1998.

Ce mécanisme, codifié aux articles L. 351-11 et L. 341-6 du code de la sécurité sociale, garantit l'indexation des pensions déjà liquidées, ainsi que des salaires servant de base au calcul des pensions à liquider, sur l'évolution des prix à la consommation. Les rentes d'accidents du travail sont également ainsi indexées.

Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle initialement prévue, il est alors procédé à un ajustement l'année suivante. Cet ajustement est positif si l'évolution des prix constatée est supérieure à la prévision, ou négatif dans le cas contraire.

Ce mécanisme d'indexation n'est pas exclusif d'un éventuel "coup de pouce" discrétionnaire, tel celui de 0,5 % qui est intervenu au 1er juillet 1995.

Au cours de la période récente, le ralentissement de l'inflation plus rapide que prévu s'est traduit par des ajustements à la baisse des pensions. Ainsi, en 1997, les pensions n'ont été revalorisées que de 1,2 %, alors que l'augmentation prévisionnelle des prix à la consommation était de 1,3 %, en raison d'un rattrapage négatif de 0,1 % au titre de l'année précédente.

En 1998, les pensions ont été revalorisées de 1,1 % seulement, alors que l'augmentation prévisionnelle des prix à la consommation était de 1,3 %, en raison d'un rattrapage négatif de 0,5 % au titre de l'année précédente.



Pour 1999, la prolongation de ce mécanisme aboutirait à une revalorisation des pensions de 0,7 %, alors que le taux d'augmentation prévisionnel des prix hors tabac est de 1,2 %. En effet, l'inflation effective ne devrait être que de 0,8 %, au lieu de 1,3 % initialement prévu, ce qui justifierait un rattrapage négatif de 0,5 %.

L'article 29 du projet de loi de financement propose de remplacer, pour la seule année 1999, le mécanisme de revalorisation arrivé à échéance par une indexation des pensions sur le taux d'évolution prévisionnel des prix à la consommation hors tabac, sans rattrapage des écarts éventuels.

Cette nouvelle règle aura pour conséquence une revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité, ainsi que des rentes d'accidents du travail, de 1,2 % au lieu de 0,7 %.

La dépense supplémentaire pour le régime général est estimée à 1,9 milliard de francs en 1999, dont 1,7 milliards de francs pour les pensions de vieillesse, 120 millions de francs pour les pensions d'invalidité et 150 millions de francs pour les rentes d'accidents du travail.

Le coût pour les régimes obéissant aux mêmes règles de revalorisation des pensions que le régime général (régimes des non salariés, des professions libérales, des cultes, des clercs de notaires et des mines) est estimé à 285 millions de francs.

La branche vieillesse du régime général fera face à cette dépense supplémentaire grâce au versement exceptionnel du FSV de 2,9 milliards de francs au titre des chômeurs dans les DOM, prévu par l'article 3 du projet de loi de financement. Son déficit devrait même se trouver globalement réduit de - 5,9 milliards de francs à - 3,9 milliards de francs.

Votre rapporteur pour avis ne peut être que défavorable au financement d'une mesure structurelle, qui entraînera des effets en base au delà de l'exercice 1999, par une recette non reconductible. La distribution de pouvoir d'achat supplémentaire aux pensionnés apparaît peu responsable, alors que la branche vieillesse du régime général reste tendanciellement déficitaire.

2. Les autres mesures

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte deux autres mesures, dont l'impact financier reste virtuel ou marginal.

a) La prorogation des règles de limitation du cumul emploi-retraite

Le cumul d'une pension de retraite avec une activité rémunérée est soumis à la condition de l'abandon de l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension. S'ils souhaitent pouvoir cumuler, les salariés doivent exercer leur activité chez un nouvel employeur, et les non-salariés exercer une autre profession.

Ces règles de limitation du cumul emploi-retraite ont été fixées, corrélativement à l'abaissement de l'âge de la retraite, par l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 pour le régime général et le régime des pensions civiles et militaires. Elles ont été ultérieurement étendues aux professions non-salariées.

Elles ont été régulièrement reconduites depuis 1982, et dernièrement par la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, jusqu'au 31 décembre 1998.

L'article 30 du projet de loi de financement tend à proroger jusqu'au 31 décembre 1999 les dispositions limitant les possibilités de cumul entre un emploi et une retraite.

Dans l'exposé des motifs, le Gouvernement précise que " ce délai d'un an permettra de procéder à une étude spécifique sur les dispositions régissant le cumul d'un emploi et d'une retraite dans le cadre de l'analyse confiée au Commissaire général du Plan sur la situation de l'ensemble des régimes de retraite ".

L'impact financier de cette mesure de prorogation est indirect. Celle-ci permet de faire l'économie des dépenses de retraite supplémentaires qui résulteraient de la disparition au 31 décembre 1998 des règles actuelles de limitation du cumul.

b) Le reprofilage de l'allocation de veuvage

L'article 29 bis, qui résulte d'un amendement du Gouvernement, redéfinit l'allocation de veuvage. Cette allocation garantit un minimum de ressources au conjoint survivant de toute personne affiliée à l'assurance vieillesse du régime général.

L'allocation de veuvage ne serait plus attribuée selon un montant dégressif sur trois ans, mais selon un montant unique sur deux ans. Selon les chiffres avancés par la ministre de l'Emploi et de la solidarité, l'allocation serait portée d'un montant mensuel de 2.041 francs la deuxième année à un montant de 3.107 francs, identique à celui de la première année. En pratique, l'indemnisation garantie la troisième année est inférieure au RMI et ne présente donc pas d'intérêt.

Ce reprofilage a priori favorable aux allocataires s'accompagne de deux modifications restrictives, qui reviennent sur des arrêts de la Cour de cassation :

- la première modification tend à autoriser légalement l'administration à fixer une période d'affiliation minimale pour l'ouverture du droit à l'allocation veuvage ;

- la seconde modification tend à préciser expressément que la majoration pour enfants des pensions de retraite est prise en compte pour l'application de la limite de cumul entre une pension de droit directe et une pension de réversion.

La dépense nette résultant de ces dispositions est estimée à 100 millions de francs, sans que soit d'ailleurs précisé l'équilibre entre les dépenses supplémentaires résultant du reprofilage de l'allocation veuvage et les économies résultant des restrictions apportées aux droits existants.

Votre rapporteur pour avis s'étonne qu'une réforme complexe des droits ouverts aux conjoints survivants soit ainsi présentée en dernière minute par le Gouvernement, au détour de la discussion du projet de loi de financement, et revienne sur une jurisprudence de la Cour de cassation favorable aux personnes concernées.

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* *



Le Gouvernement a par ailleurs annoncé devant l'Assemblée nationale une revalorisation du minimum vieillesse de 2 %, au lieu des 1,2 % initialement prévus. La dépense supplémentaire est estimée à 250 millions de francs, et viendra s'imputer sur l'excédent de 2,1 milliards de francs du FSV, qui est chargé de financer le minimum vieillesse.



Nota bene : 1. Le solde de la branche maladie du régime général est par construction équilibré par une attribution supplémentaire du produit de la CSG et du droit de consommation sur les alcools à la CNAMTS. 2. Le relèvement de 1 milliard du produit du droit de consommation sur les tabacs n'est affecté qu'à hauteur de 9,1 % à la CNAMTS.

V. LA TRÉSORERIE : DES PLAFONDS INADAPTÉS

Les lois de financement de la sécurité sociale ne comportent pas d'article d'équilibre comparable à celui des lois de finances. Toutefois, le 5° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui détermine le contenu obligatoire de la loi de financement annuelle, prévoit que celle-ci fixe les limites dans lesquelles certains régimes obligatoires de base peuvent recourir à des ressources non permanentes pour couvrir leurs besoins de trésorerie. Cette disposition obligatoire du projet de loi de financement de la sécurité sociale est essentielle.

D'une part, elle détermine limitativement ceux des régimes qui sont autorisés à se financer par l'emprunt. Le passage à une comptabilité en droits constatés devrait d'ailleurs permettre une clarification conceptuelle, en permettant de bien distinguer, pour chacun des régimes, son solde comptable de son besoin de trésorerie. La comptabilité de caisse, qui est encore utilisée pour le présent projet de loi de financement, confond les deux notions.

D'autre part, elle permet au Parlement de prendre la mesure des besoins de trésorerie prévisionnels des principaux régimes de sécurité sociale, et de fixer des bornes à la dérive éventuelle de l'un d'entre eux en cours d'année. En effet, en vertu de l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale, le plafond de trésorerie fixé pour chaque régime ne peut être relevé en cours d'exercice que par un décret pris en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, dont la ratification doit être demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement.

A. LE DÉPASSEMENT DU PLAFOND DU RÉGIME GÉNÉRAL EN 1998

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait fixé le plafond de trésorerie du régime général à 20 milliards de francs. Ce plafond s'étant révélé insuffisant, le décret n° 98-753 du 26 août 1998, dont l'article 34 du présent projet de loi de financement demande la ratification, l'a porté à 31 milliards de francs .

Le profil de trésorerie révisé du régime général part d'un solde positif de + 16,7 milliards de francs au 1er janvier, suite à la reprise de dette par la CADES, pour atteindre un solde négatif de - 10,4 milliards de francs au 31 décembre, en passant par un point bas de - 25,5 milliards de francs les 11, 12 et 13 décembre. L'amélioration de fin d'année s'explique par l'encaissement en décembre des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement.

L'écart par rapport aux prévisions initiales résulte partiellement de la dégradation du déficit du régime général, qui s'établit à -13,3 milliards de francs au lieu de -12 milliards de francs, l'accélération des dépenses d'assurance maladie à partie du mois de mars l'emportant sur les plus-values de cotisations.

Mais, le dépassement résulte essentiellement de la décision du Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée scolaire. Cette majoration exceptionnelle, d'un coût de 6,3 milliards de francs, a été versée aux familles pour l'essentiel le 25 août par la CNAF. Elle ne sera remboursée au régime général qu'après l'adoption de la loi de finances rectificative pour 1998, le 31 décembre. Dans l'intervalle, la charge de trésorerie correspondante est supportée par l'ACOSS et a entraîné le passage sous le seuil initial de 20 milliards de francs dès le 9 octobre.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, une reconduction de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire l'an prochain entraînerait un dépassement du plafond de trésorerie du régime général, fixé à 24 milliards de francs par l'article 36. Une pérennisation de cette majoration, régulièrement reconduite depuis 1993 apparaît désormais souhaitable, notamment pour des raisons de sincérité comptable .

Le profil de trésorerie de 1999 part d'un solde négatif de -10,4 milliards de francs au 1er janvier, pour atteindre un solde négatif de -4,7 milliards de francs à la mi-octobre. Le dénivelé est donc positif de + 5,7 milliards de francs;

B. L'INACCEPTABLE ENDETTEMENT DE LA CNRACL

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait, pour la première fois, autorisé la CNRACL à recourir à des ressources non permanentes, dans la limite d'un plafond de 2,5 milliards de francs.

Votre commission des finances avait alors dénoncé la "fuite en avant" que constitue cette autorisation d'emprunt donnée à la CNRACL. Cette décision risque de conduire ce régime, structurellement excédentaire hors charges de compensation, à s'engager dans une politique d'endettement pour assumer une dérive financière due à des facteurs externes . En effet, la dégradation de la situation financière de la CNRACL résulte de l'effet de ciseaux entre la progression constante des transferts de compensation versés aux autres régimes et le déclin de son rapport démographique.

L'équilibre démographique de la CNRACL a longtemps été particulièrement favorable par rapport aux autres régimes de retraite. Mais cet avantage s'érode rapidement : le rapport entre les cotisants et les pensionnés est passé de 4,5 en 1981 à 2,7 en 1998, et devrait s'abaisser à 2,6 en 1999.

Parallèlement, les transferts de compensation de la CNRACL au profit des régimes déséquilibrés démographiquement sont passés de 2 milliards de francs en 1981 à 18,9 milliards de francs en 1998, avec un premier ressaut en 1985, lors de l'instauration de la surcompensation entre les régimes spéciaux, et un deuxième ressaut en 1993, lors du relèvement de 30 à 38 % du "taux de la surcompensation" (il s'agit du taux de réfaction arbitrairement appliqué au mécanisme de la surcompensation, afin d'en rendre le jeu plus compatible avec les ressources des régimes contributeurs).

En 1998, la CNRACL ne devrait finalement pas avoir besoin de recourir à l'emprunt. En effet, le régime n'est déficitaire cette année "que" de 1,5 milliard de francs, au lieu des 2,5 milliards de francs initialement prévus.

Cet écart par rapport aux prévisions est dû à une hausse des cotisations, sous l'effet d'une progression non prévue de 1 % des effectifs de cotisants et de la revalorisation de l'indice de la fonction publique en vertu de l'accord salarial du 10 février 1998, ainsi qu'à une révision en baisse des transferts de compensation de 19,9 milliards de francs à 18,9 milliards de francs, sous l'effet du dynamisme des recettes des régimes bénéficiaires.

La trésorerie de la CNRACL pourra donc être couverte, cette année, sans recours aux avances prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Cette trésorerie part d'un solde positif de + 1,5 milliard de francs au 31 décembre 1997 grâce au versement des réserves du FATIACL, qui est égal au déficit estimé de l'exercice. Par ailleurs, les acomptes de compensation 1998 seront reportés en début d'année 1999, à hauteur de 2,5 milliards de francs, tandis que 2,8 milliards de francs de report des acomptes de compensation 1997 ont été payés en début d'année 1998.

En 1999, la CNRACL devrait être déficitaire de près de 2 milliards de francs, du fait d'une croissance des prestations (+ 5,5 %) plus rapide que celle des cotisations (+ 3,2 %). Les transferts de compensation devraient augmenter légèrement pour atteindre 19 milliards de francs. En conséquence, l'article 36 du projet de loi de financement propose de reconduire le plafond de trésorerie de la CNRACL à 2,5 milliards de francs en 1999 . Ce recours à l'endettement, qui laisse en suspens toutes les questions de fond, n'est pas plus acceptable que l'an dernier.

Cette solution de facilité aboutirait à générer des frais financiers aggravant le déficit de la CNRACL, à pérenniser les mécanismes de compensation à l'origine de ce déficit, et à repousser dans le temps les ajustements nécessaires des paramètres de fonctionnement du régime. Si le principe d'une solidarité financière entre les régimes de retraite est légitime, il ne saurait pour autant être à l'origine de situations de déficit pour les régimes contributeurs.

Les plafonds de trésorerie proposés pour les autres régimes, qui n'appellent pas de commentaire particulier, s'élèvent à 10,5 milliards de francs pour le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), 500 millions de francs pour le fonds spécial des pensions d'ouvriers des établissements industriels de l'Etat (FSPOIE) et 2,3 milliards de francs pour la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM).

C. L'UTILISATION DES EXCÉDENTS DURABLES DE TRÉSORERIE DES BRANCHES DU RÉGIME GÉNÉRAL

La loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui a instauré une individualisation de la trésorerie des branches du régime général, a prévu que chacune d'entre elles pourrait placer librement ses "excédents durables de trésorerie".

Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, la Cour des comptes critique ce dispositif.

"L'utilisation par l'ACOSS des soldes excédentaires de la trésorerie d'une branche, afin de financer les déficits d'une autre, se justifie dans la mesure où elle permet de réduire les charges de la gestion commune de la trésorerie. Dès lors, la faculté donnée par la loi aux caisses gestionnaires de branches structurellement excédentaires, d'externaliser ces excédents sous forme de placements en valeurs au moment où d'autres branches seraient emprunteuses, paraît contestable. L'ACOSS pourrait ainsi se trouver dans la nécessité d'avoir à emprunter à un coût élevé auprès de la Caisse des dépôts des volumes financiers importants pour couvrir le déficit dû à une branche, tandis que le conseil d'administration de la caisse gérant les excédents d'une autre branche aura pu décider de "placements durables" qui rapporteront toujours, en tout état de cause, moins que ne coûteront aux cotisants et aux contribuables les agios facturés par la Caisse des dépôts et consignations au titre des avances.

"On peut s'interroger sur le coût final pour la collectivité d'une séparation de la gestion des excédents de trésorerie durables des branches, alors que l'unité de la trésorerie du régime général confiée à l'ACOSS a pour finalité de réduire les charges de gestion et donc les prélèvements sociaux qui les financent.

" La Cour considère comme opportun et nécessaire de maintenir les excédents durables dans la trésorerie commune gérée par l'ACOSS, ce qui permettra de réduire et d'optimiser les charges financières des avances de la CDC : la répartition des intérêts créditeurs et débiteurs entre les branches en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie, permet de concilier la rémunération des excédents durables ou non des différentes branches, avec l'unité de trésorerie du régime. Autrement dit, la séparation comptable de la trésorerie des branches permet en fait aux branches excédentaires de faire des placements auprès des branches déficitaires aux conditions fixées par la convention CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts opérés par les branches déficitaires."


Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, l'Assemblée nationale a voté, sur proposition de sa commission des finances, un article 35 bis supprimant la possibilité pour les branches du régime général de placer librement leurs excédents de trésorerie.

Cet ajustement apparaît suffisant tant que toutes les branches du régime général ne sont pas revenues à l'équilibre, et que l'excédent global de trésorerie reste modeste, ce qui sera le cas en 1999.

Toutefois, si le régime général réussissait réellement à dégager comme prévu des excédents plus substantiels, de + 7 milliards de francs en 2000 puis de + 20 milliards de francs en 2001, la question se poserait de leur utilisation. Le Gouvernement a évoqué la possibilité de verser ces excédents au fonds de réserve des régimes de retraite par répartition créé par l'article 2 du présent projet de loi de financement.

Pour sa part, votre rapporteur pour avis a proposé, dans une proposition de loi 1( * ) cosignée par M. Alain Lambert, président de la commission des finances du Sénat, d'affecter les éventuels excédents du régime général à la CADES, afin d'accélérer le remboursement de la dette sociale .

D. LA TRÉSORERIE DES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS

Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s'est livrée à une enquête sur la trésorerie des établissements publics de santé.

Alors que le compte de l'ACOSS est ouvert à la Caisse des dépôts et consignations, afin de garantir l'autonomie financière du régime général par rapport à l'Etat, le compte des établissements publics de santé, en application des règles de la comptabilité publique, est ouvert au Trésor public et les soldes de trésorerie ne sont pas rémunérés. Or, l'assurance maladie finance 90 % des dépenses hospitalières.

L'enquête de la Cour des comptes a révélé l'existence au compte des EPS au Trésor public d'un solde de trésorerie structurellement excédentaire, qui s'élève en moyenne à plus de 10 milliards de francs .

Cette situation n'apparaît pas satisfaisante à la Cour, notamment pour les raisons suivantes :

"Elle est en effet d'abord contraire aux règles de bonne gestion des fonds de l'assurance maladie ainsi inutilement externalisés au moment où la sécurité sociale connaît des difficultés financières récurrentes.

"L'unité de trésorerie des EPS avec l'Etat n'est guère justifiable dans la mesure où la sécurité sociale est le principal financeur des établissements hospitaliers, l'Etat n'intervenant dans le financement que marginalement ; il n'est pas logique que le Trésor profite des dépôts excédentaires d'établissements qu'il ne contribue pas à financer.

"L'unité de trésorerie des EPS avec l'Etat ne peut être comparée à celle qui existe entre les collectivités locales et l'Etat. En effet, dans le cas des collectivités territoriales, l'unité de trésorerie se justifie dans la mesure où l'Etat gère au profit des collectivités locales un compte d'avances au moyen duquel le produit des impôts locaux est gratuitement avancé à ces collectivités : il est donc normal que les excédents de fin d'année, qui proviennent du recouvrement de la fiscalité locale, soient laissés à disposition du Trésor public et qui celui-ci ne les rémunère pas."


La Cour recommande donc une centralisation de la trésorerie des établissements hospitaliers sur le compte de l'ACOSS ouvert à la CDC.

Selon elle, cette réforme présenterait les avantages suivants :

"La centralisation des trésoreries des hôpitaux et de leur financeur permettrait de rehausser l'encours moyen et annuel de trésorerie de l'ACOSS, de l'ordre de 10 milliards de francs, contribuant à réduire les frais financiers de la branche maladie, voire à faire naître des produits financiers au profit de celle-ci dans la mesure où les excédents de l'ACOSS sont rémunérés.

"L'unité de trésorerie des hôpitaux et de l'assurance maladie permettrait de lisser le profil de trésorerie du compte ACOSS et réduirait la fréquence des recours aux avances, ou le volume de celles-ci, dont le montant maximal est fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale. Quant à l'Etat, qui ne bénéficierait plus de cet avantage de trésorerie, il pourrait librement se refinancer sur les marchés puisque la loi de finances ne fixe pas de limite au montant des emprunts auxquels il a recours.

"Le contribuable profiterait lui-même de la réforme, dans la mesure où le coût des emprunts de trésorerie de l'Etat est moins élevé que le coût des avances facturées à l'ACOSS.

"La réforme ne modifierait pas les conditions de gestion des hôpitaux puisque pour les EPS elle ne se traduit que par un changement de l'établissement financier centralisateur des fonds."

VI. LA RÉGULATION DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE : UNE NÉCESSITÉ NON DÉMENTIE

La nécessité d'un dispositif global de régulation des dépenses d'assurance maladie n'est désormais plus contestée. Les hôpitaux publics sont sous budget global depuis 1983. Les cliniques privées et les professions paramédicales sont entrées dans des dispositifs d'objectifs nationaux quantifiés (OQN) au début des années 1990.

Sur ce point, l'apport essentiel des ordonnances du 24 avril 1996 a consisté dans l'extension des dispositifs de régulation au secteur de la médecine libérale, qui était le dernier à ne pas être sous enveloppe fermée.

Parallèlement, la création des lois de financement de la sécurité sociale a fourni un cadre d'ensemble, avec l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé par le Parlement, réparti par le Gouvernement et retranscrit par les partenaires conventionnels.

A. L'OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. Les imperfections conceptuelles de l'ONDAM

La détermination de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est une disposition obligatoire de la loi de financement de la sécurité sociale, prévue au 4° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Pour les assurés sociaux, l'ONDAM n'a pas de caractère limitatif et son dépassement éventuel n'a pas pour conséquence de restreindre leurs droits aux soins. Pour les professionnels de santé, l'ONDAM a un caractère contraignant et son dépassement éventuel peut entraîner des reversements.

L'ONDAM est exprimé en dépenses remboursées, et non pas en dépenses remboursables. Cela implique qu'une augmentation du forfait hospitalier ou une diminution des taux de remboursement aurait pour effet mécanique de réduire le montant des dépenses prises en compte par l'objectif, à consommation de soins inchangée.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie englobe également la branche accidents du travail. Toutefois, il ne correspond pas à la somme des dépenses de ces deux branches. Il ne couvre en effet que les dépenses de soins des risques maladie-maternité et accidents du travail, ainsi que les prestations en espèces du risque-maladie et celles du risque accidents du travail pour leur part liée à l'incapacité temporaire.

Sont donc déduites des dépenses des branches maladie et accidents du travail : les rentes d'accidents du travail ; les indemnités journalières maternité ; les dépenses de gestion administrative ; les dépenses d'action sanitaire et sociale ; les dépenses des fonds de prévention ; les transferts ; les frais financiers.

Le tableau ci-dessous retrace la façon dont s'effectue le passage du total des dépenses de la branche maladie-maternité-invalidité et de la branche accidents du travail à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 1999.

Source : projet de loi de financement

Son montant global ainsi établi, l'ONDAM est ensuite décliné entre les différents secteurs du système de soins selon quatre agrégats principaux, eux-mêmes déclinés en sous-objectifs. La nomenclature est la suivante :

I. Soins de ville

I. 1. Dépenses générées par les médecins libéraux

I. 1. a. Médecins généralistes

I. 1. b. Médecins spécialistes

I. 2. Autres dépenses de ville (chirurgiens dentistes, sage-femmes, médecins salariés)

II. Etablissements sanitaires

II. 1. Etablissements sanitaires sous dotation globale

II. 2. Autres établissements sanitaires

II. 3. Honoraires du secteur public

III. Médico-social

III. 1. Enfance inadaptée et adultes handicapés

III. 2. Personnes âgées

IV. Cliniques privées

IV. 1. Cliniques privées sous objectif quantifié national

IV. 2. Cliniques privées anciennement à prix de journée préfectoral

IV. 3. Cliniques privées hors objectif quantifié national

Ainsi défini, l'ONDAM souffre d'un certain nombre d'imperfections conceptuelles.

Premièrement, alors que l'ONDAM est fixé pour tous les régimes d'assurance maladie, le suivi de son exécution en cours d'année repose actuellement sur les statistiques du seul régime général. Or, la part de la CNAMTS dans les dépenses de l'ONDAM n'est pas stable, mais tend à s'accroître sous l'effet de phénomènes démographiques. Par ailleurs, elle est variable selon les différentes composantes de l'ONDAM.

Deuxièmement, la présentation des dépenses de l'ONDAM par secteur et par profession ne correspond pas aux informations disponibles de la CNAMTS. En effet, les statistiques de l'assurance maladie obéissent à une logique de présentation par acte. Les informations restent très agrégées en ce qui concerne le statut de l'exécutant ou du prescripteur de l'acte. Un travail de recomposition rétrospectif est nécessaire. La CNAMTS travaille à affiner son système d'information, mais son adaptation prendra encore du temps.

L'article 16 du projet de loi de financement tente d'apporter des corrections aux deux premières imperfections en créant un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie (SNIIRAM), ainsi qu'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie qui associe des représentants des caisses, des représentants des professionnels de santé et des experts en information de santé et en statistique.

Troisièmement, la fragmentation de l'ONDAM en une multiplicité de sous-enveloppes risque de rigidifier les structures du système de soins, à moins que les évolutions souhaitables ne soient délibérément accompagnées par des taux de progression différenciés. Actuellement, les phénomènes de transferts de dépenses entre les différents secteurs, ou "déports", ne peuvent pas être mesurés. La segmentation de l'ONDAM risque ainsi de faire obstacle au développement nécessaire des réseaux de soins ville-hôpital et des coopérations entre établissements publics et privés.

Quatrièmement, une part notable des dépenses de soins incluses dans l'ONDAM n'est pas en réalité encadrée : honoraires des médecins des centres de santé, médicaments prescrits par des non-libéraux, établissements à tarification administrative, prestations médico-sociales. Dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998, la Cour des comptes évalue le montant de ces dépenses non encadrées à 57,8 milliards de francs pour 1997, soit 12 % de l'ONDAM.

L'article 27 du projet de loi de financement apporte une amélioration notable sur ce point en étendant le dispositif de régulation applicable aux établissements de santé et au secteur médico-social financé par l'assurance-maladie. Le Préfet pourra désormais appuyer ses décisions tarifaires sur un objectif national décliné en dotations régionales puis départementales.

2. Le dépassement probable de l'ONDAM en 1998

L'ONDAM pour 1997 avait été fixé à 600,2 milliards de francs par la première loi de financement de la sécurité sociale. Cet objectif correspondait à une progression de 1,7 % par rapport à 1996.

L'objectif des soins de villes, fixé à 261,7 milliards de francs pour 1997, a été respecté : les réalisations sur ce poste se montent à 261,3 milliards de francs, soit une progression de 1,8 % par rapport aux réalisations de 1996.

Les dépenses générées par les médecins généralistes ont été inférieures de 565 millions de francs à leur objectif prévisionnel, qui s'élevait à 141 milliards de francs. L'équivalent de cet écart, soit environ 9.000 francs par médecin, leur a été reversé au printemps 1998.

Les dépenses générées par les médecins spécialistes ont été supérieures de 310 millions de francs à leur objectif prévisionnel, qui s'élevait à 67,4 milliards de francs. Ce dépassement n'a pas fait l'objet d'un reversement, mais a été imputé sur leur objectif prévisionnel pour 1998.

Les établissements sanitaires publics sous dotation globale ont respecté à 160 millions de francs près leur objectif prévisionnel de 233,2 milliards de francs. Le dépassement de 600 millions de francs de l'objectif des autres établissements sanitaires publics, à prix de journée préfectoral, s'explique par une surestimation initiale de l'effet de champ résultant de leur basculement progressif dans le régime des établissements privés conventionnés ou dans le celui des établissements publics sous dotation globale.

L'objectif prévisionnel des établissements médico-sociaux, qui avait été fixé à 40,2 milliards de francs, a été respecté à 200 millions de francs près.

L'Objectif Quantifié National (OQN) des cliniques privées, qui avait été fixé à 36,8 milliards de francs, a été dépassé de 1 %. Ce dépassement a été récupéré sous la forme d'une diminution tarifaire en 1998. Les effets de champ touchant les cliniques privées hors OQN expliquent une réalisation globalement inférieure à l'objectif prévisionnel.

Au total, la réalisation de l'ONDAM, fixé à 600,2 milliards de francs en 1997, est de 599,5 milliards de francs, soit une progression de 1,5 % seulement par rapport à 1996 au lieu de 1,7 % initialement prévu.

Votre rapporteur pour avis salue ce résultat remarquable, qui montre que la rigueur affichée par le précédent Gouvernement a été couronnée de succès.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a fixé l'ONDAM à 613 milliards de francs, en progression de 2,3 % par rapport à l'objectif de 1997 et de 2,4 % par rapport à la réalisation.



En dépit d'un taux de progression moins rigoureux que celui de 1997, l'ONDAM pour 1998 est en voie d'être dépassé.

Les statistiques publiées mensuellement par la CNAMTS, avec un décalage de deux mois, sont actuellement le seul moyen de suivre l'exécution de l'ONDAM. Sur les huis premiers mois de l'année, les rythmes de progression des dépenses de la plupart des différents secteurs apparaissent tout à fait incompatibles avec le respect des objectifs prévisionnels.

Le tableau ci-dessous permet de comparer les taux d'évolution prévisionnel et les taux d'évolution en glissement sur la période comparable de l'année précédente (PCAP).

A la fin du mois d'août, l'ONDAM apparaît ainsi déjà consommé à près de 70 %, alors qu'il reste encore quatre mois à courir.

Votre rapporteur pour avis estime que le Gouvernement actuel a une responsabilité majeure dans le dépassement de l'ONDAM en 1998. Dans un discours longtemps ambigu à destination des professionnels de santé, il a pris ses distances avec la réforme Juppé et dénoncé la "maîtrise comptable" des dépenses, avec les effets que l'on constate.

Afin de limiter le dérapage des dépenses, le Gouvernement a présenté le 29 juillet 1998 un plan de redressement qui devrait permettre des économies d'un montant total de 2,7 milliards de francs :

- diminution du tarif de la lettre-clef en radiologie radiologues (450 millions de francs) ;

- report de mesures de revalorisations prévues pour les dentistes (190 millions de francs), les kinésithérapeutes (93 millions de francs) et les orthophonistes (19 millions de francs) ;

- report de l'augmentation du forfait sécurité pour les laboratoires d'analyse (75 millions de francs) ;

- révision des tarifs de certaines prothèses (73 millions de francs) ;

- contribution exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques (1,8 milliard de francs).

Malgré ces mesures d'économie correctrices, l'ONDAM pour 1998 ne sera vraisemblablement pas respecté. L'annexe B du projet de loi de financement prévoit un dépassement des prestations d'assurance maladie de 6,7 milliards de francs, soit un taux de progression de l'ONDAM de 3,4 %.

3. Un ONDAM pour 1999 peu réaliste

L'article 33 du projet de loi de financement propose de fixer l'ONDAM à 629,8 milliards de francs pour 1999, soit un montant supérieur de 16 milliards à celui de 1998, correspondant à un taux de progression de 2,6 %.

Cette augmentation prend en compte l'effet d'entraînement sur la consommation de soins de la croissance générale de l'économie, l'impact sur les budgets hospitaliers de l'accord du 10 février 1998 sur les rémunérations dans la fonction publique, estimé à 5 milliards de francs, le développement du secteur médico-social en faveur des personnes âgées et le coût de la généralisation du dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus, estimé à 250 millions de francs (auquel s'ajoute, hors ONDAM, la participation du FNPEIS, de 250 millions de francs également).

Le Gouvernement n'a pas cru utile de préciser, à l'appui du projet de loi de financement, la manière dont il entend décliner l'ONDAM pour 1999. Toutefois, un premier projet de répartition a été communiqué à la CNAMTS et rendu public dans la presse.

Votre rapporteur pour avis observe que, si le dépassement de 6,7 milliards de francs de l'ONDAM en 1998 se confirmait, le taux de progression de l'ONDAM pour 1999 ne serait plus que de 1,5 %. Les objectifs prévisionnels pourraient même être négatifs pour les postes qui dérapent le plus, tels ceux des spécialistes ou des cliniques privées.

B. LE DISPOSITIF DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE MÉDECINE LIBÉRALE

Tous les acteurs du système de santé doivent être responsabilisés, les prescripteurs de soins comme les établissements hospitaliers et les patients. Dans la mesure où la sécurité sociale assure la solvabilisation des professions médicales, il est normal que la puissance publique leur fixe des objectifs de progression compatibles avec les ressources disponibles.

1. La confirmation du mécanisme de reversement

L'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins a instauré un mécanisme de reversement à la charge des médecins en cas de dépassement de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville.

Le dispositif en vigueur est défini aux articles L. 162-5-2 et suivants du code de la sécurité sociale.

Chaque année, compte tenu de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville, une annexe à la convention médicale définit un objectif prévisionnel d'évolution des dépenses médicales pour les médecins généralistes, d'une part, et pour les médecins spécialistes, d'autre part.

Chacun de ces deux objectifs est décomposé en un montant prévisionnel des dépenses d'honoraires et un montant prévisionnel des dépenses de prescriptions. Il comporte également une provision pour revalorisation d'honoraires.

Si le montant des dépenses médicales de l'année reste inférieur à l'objectif prévisionnel, la différence est versée aux médecins conventionnés en proportion de leur activité et des revalorisations d'honoraires sont accordées pour l'année suivante, à concurrence de la provision.

Si l'objectif prévisionnel est dépassé, un reversement est exigé des médecins. Ce reversement est égal à 100 % du dépassement des honoraires, et à 5 % du dépassement des prescriptions dans la limite de 1 % des honoraires. La charge du reversement est individualisée pour chaque médecin, en fonction du niveau et du rythme d'évolution de son activité, ainsi que de la manière dont il respecte les références médicales opposables.

L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale a prévu la possibilité d'une adaptation par zones géographiques. Les partenaires conventionnels ont fait usage de cette faculté, et les annexes aux conventions médicales de 1997 et 1998 prévoient une régionalisation des objectifs nationaux. En cas de non respect de l'objectif prévisionnel national, le reversement n'est exigible que pour les médecins des seules régions ayant dépassé leur objectif.

Par ses décisions du 26 juin et du 3 juillet 1998, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés d'approbation de la convention des médecins spécialistes et de la convention des médecins généralistes. Il en résulte un vide juridique, le mécanisme de reversement prévu par l'ordonnance du 24 avril 1996 n'étant plus applicable en l'absence de relais conventionnel.

L'article 22 du projet de loi de financement propose de confirmer les objectifs prévisionnels des dépenses médicales qui avaient été fixés par les parties conventionnelles, et qui ont été repris par l'arrêté du 10 juillet 1998 portant règlement conventionnel minimal.

Votre rapporteur pour avis constate qu'est ainsi confirmé le bien-fondé du mécanisme de reversement destiné à réguler les dépenses de soins induites par les médecins libéraux instauré en 1996. Il est toutefois persuadé qu'il s'agit d'un dispositif de régulation transitoire, et qu'à terme les progrès de l'information permettront une meilleure individualisation de la responsabilité financière de chaque prescripteur de soins.

Toutefois, l'article 22 propose de retenir, en cas de dépassement des objectifs prévisionnels en 1998, de nouvelles modalités pour la répartition du reversement. En effet, l'article 21 du projet de loi de financement tend à modifier considérablement le dispositif existant.

2. Des modifications du dispositif inégalement opportunes

Sur certains points, les modifications proposées du mécanisme de régulation méritent d'être approuvées.

Première modification, la nouvelle rédaction de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale prévoit un suivi infra-annuel des dépenses. Les partenaires conventionnels se réuniraient à deux reprises, pour examiner les résultats des quatre puis des huit premiers mois de l'année. Au vu de ces résultats, ils devraient adopter par voie d'avenant toutes mesures de nature à permettre le respect des objectifs prévisionnels de dépenses, et notamment des ajustements de tarifs. En cas de carence des partenaires conventionnels, l'Etat pourrait se substituer à eux pour modifier les tarifs par voie d'arrêté interministériel.

Cette procédure assure un suivi réel des objectifs en cours d'exercice, et permet au dispositif de ne plus reposer uniquement sur l'effet dissuasif de la "clause-couperet" du reversement en fin d'année.

Deuxième modification, l'écart entre les dépenses constatées et l'objectif prévisionnel ne serait pris en compte qu'au delà de +10 % ou - 10 %. A l'intérieur de ce "tunnel", les mécanismes de reversement ou de revalorisation ne s'appliqueraient pas.

Troisième modification, si les dépenses sont inférieures à l'objectif, une fraction de l'excédent serait reversée à un fonds de régulation, dans la limite de la provision pour revalorisation de l'année. Ce fonds de régulation financerait des actions de modernisation du système de soins et, en cas de dépassement des objectifs une année ultérieure, pourrait couvrir une partie du reversement mis à la charge des médecins.

Les modifications précédentes apportent une souplesse bienvenue au fonctionnement du mécanisme de régulation. En revanche, une quatrième modification, portant sur les modalités de détermination du reversement exigible en cas de dépassement de l'objectif, apparaît plus contestable.

Le Gouvernement propose en effet de réduire les éléments d'individualisation du reversement. D'une part, la possibilité de régionalisation des objectifs serait supprimée. D'autre part, le reversement serait réparti proportionnellement au revenu des médecins. La seule possibilité de modulation prévue est fonction du niveau de revenu et de l'appartenance au secteur II.

Votre rapporteur pour avis estime plus équitable le dispositif existant, qui permet de faire contribuer relativement plus les médecins dont l'activité augmente fortement ou qui ne respectent pas les RMO.

Il estime également que la régionalisation des objectifs, qui a été contestée par le Conseil d'Etat, mériterait d'être légalement confirmée.


Certes, il peut sembler paradoxal que les médecins, à revenu égal, puissent se voir demander ou non un reversement, selon leur région d'exercice. Toutefois, cette possibilité de modulation régionale des objectifs prévisionnels est la contrepartie logique de la liberté d'établissement des médecins. L'offre de soins est très inégalement répartie sur le territoire, et l'assurance maladie doit être enfin dotée des moyens financiers de correction nécessaires.

En tout état de cause, il est intéressant d'observer que les taux d'évolution des dépenses de soins générées par les médecins sont très variables selon les régions.

Les statistiques de la CNAMTS sur les huit premiers mois de 1998 montrent que les taux de progression des dépenses des médecins généralistes vont d'une diminution de - 2,1 % en Auvergne, à une hausse de + 6,1 % en Corse.

Pour les dépenses des médecins spécialistes, les taux de progression vont d'une diminution de - 9,6 % en Auvergne, à une hausse de + 11,9 % dans les Pays-de-la-Loire.

C. LE DISPOSITIF DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE MÉDICAMENTS

1. Un encouragement à la diffusion des médicaments génériques

Les médicaments génériques sont actuellement relativement peu développés en France. Leur part de marché, en médecine de ville, est estimée à 4 ou 5 % seulement, alors qu'elle atteint 12 % aux Etats-Unis, 15 % en Grande-Bretagne et 20 % en Allemagne.

Jusqu'à présent, l'incitation au développement des génériques s'est surtout traduit par une diffusion de l'information auprès des prescripteurs. L'Agence du médicament a publié le 7 juillet 1998 un répertoire des médicaments génériques comprenant près de 500 spécialités génériques. Leur prix est inférieur d'au moins 30 % à celui de la spécialité de référence.

L'article 23 du projet de loi de financement propose de franchir une étape supplémentaire, en instaurant un droit de substitution pour les pharmaciens d'officine.

Actuellement, le pharmacien n'a pas le droit de substituer un médicament à un autre, sauf accord exprès et préalable du médecin prescripteur, ou en cas d'urgence.

Il est proposé d'inverser la règle en prévoyant que, sauf refus exprès du médecin, le pharmacien peut substituer un autre médicament à celui prescrit. Le médicament substitué n'est d'ailleurs pas forcément un générique.

Enfin, l'exercice du droit de substitution serait conditionné au fait qu'il ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie. En cas de non respect de cette condition, le pharmacien devrait reverser à l'assurance maladie la différence.

L'économie potentielle résultant du développement systématique des médicaments génériques est estimée à 4 milliards de francs, sur la base d'un moindre coût de 30 % et compte tenu de la gamme actuelle des génériques. Elle pourrait être deux fois plus importante, si la gamme était étendue à tous les médicaments "génériquables".

Votre rapporteur pour avis est favorable au droit de substitution des pharmaciens, tout en estimant que le développement des médicaments génériques repose d'abord sur une démarche volontaire de la part des médecins prescripteurs.

2. Une rénovation opportune de la politique conventionnelle

Dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998, la Cour des comptes a dressé un bilan critique de la politique conventionnelle conduite par le comité économique du médicament avec les entreprises pharmaceutiques, depuis la signature de l'accord-cadre du 15 janvier 1994 :

- effet inflationniste des plafonds de chiffre d'affaires ;

- utilisation des prix comme instruments de politique industrielle et d'aménagement du territoire, voire comme aide au maintien de l'emploi ;

- disparité des sanctions prévues en cas de dépassement ;

- mauvaise articulation entre le comité économique du médicament et la commission de la transparence chargée d'évaluer le service médical rendu ;

- absence d'études médico-économiques.

De l'avis de tous les spécialistes, la politique du médicament n'a pas su éviter, jusqu'à présent, le double écueil de prix insuffisamment sélectifs, peu rémunérateurs pour les médicaments réellement nouveaux, et de l'accroissement médicalement non justifié des volumes.

L'article 24 du projet de loi de financement de la sécurité sociale propose les conditions pour une relance opportune de la politique conventionnelle entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique.

D'une part, les pouvoirs du comité économique du médicament pour fixer les prix des médicaments seront renforcés. La voie conventionnelle constituera le mode de fixation de droit commun, les arrêtés interministériels n'intervenant plus qu'à titre subsidiaire, à défaut d'accord.

Les critères de fixation du prix de chaque médicament sont légalement précisés. Ils portent notamment sur l'amélioration du service médical rendu, sur le prix des médicaments comparables et sur les volumes des ventes.

D'autre part, le champ des conventions entre le comité économique du médicament et les entreprises pharmaceutiques est mieux délimité. Ces conventions pourront comporter des engagements sur l'évolution des prix en fonction du volume des ventes, sur les remises éventuelles, sur la maîtrise de la politique de promotion.

Enfin, le comité économique du médicament sera chargé d'assurer un suivi périodique des dépenses de médicaments en vue de constater leur évolution par rapport à l'ONDAM. Au vu des résultats des quatre ou huit premiers mois de l'année, le comité pourra demander aux entreprises pharmaceutique de modifier leurs prix, afin de rendre l'évolution des dépenses compatible avec l'objectif. En cas de refus de l'entreprise, le comité peut résilier la convention.

Votre rapporteur pour avis serait favorable à ce dispositif conventionnel, s'il n'était pas articulé avec une contribution obligatoire qu'il juge éminemment contestable.

3. La création d'une contribution éminemment contestable

L'article 25 du projet de loi de financement instaure un mécanisme de contribution automatique de l'industrie pharmaceutique en cas de progression des dépenses de médicaments plus rapide que le taux d'augmentation de l'ONDAM.

Dans le texte initial du Gouvernement, seules les entreprises pharmaceutiques non liées par une convention avec le comité économique du médicament, pour l'ensemble de leurs spécialités, étaient redevables de la contribution.

Le montant total de la contribution serait déterminé par l'application au chiffre d'affaires des entreprises redevables d'un taux variant entre 0,15 % et 3,3 %, selon l'ampleur de l'écart entre le rythme de croissance de leur chiffres d'affaires et celui de l'ONDAM.

Le produit de la contribution, ainsi déterminé, serait ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois assiettes :

- pour 30 %, sur leur chiffre d'affaires ;

- pour 40 %, sur la progression de leur chiffre d'affaires ;

- pour 30 %, sur les dépenses de prospection et de promotion.

Pour chaque entreprise pharmaceutique, le montant dû de la contribution serait calculé au prorata de sa part dans les trois assiettes.

L'Assemblée nationale a bouleversé l'économie de ce mécanisme de contribution, en supprimant les dispositions qui excluaient de son champ les entreprises pharmaceutiques liées par une convention avec le comité économique du médicament.

Votre rapporteur pour avis est parfaitement défavorable à la contribution proposée, qui lui paraît ignorer la réalité du marché du médicament et vider la politique conventionnelle de toute portée.

Fondamentalement, il n'apparaît pas justifié de fixer un taux de progression des dépenses de médicaments identique à celui de l'ONDAM. La découverte de nouvelles molécules et l'évolution des pratiques médicales tendent, structurellement, à accroître la part du médicament et à réduire celle de l'hospitalisation.

L'accroissement des dépenses de médicaments peut donc légitimement être plus rapide que celui de l'ensemble des dépenses de santé, à condition de profiter aux médicaments réellements actifs et innovants.

Par construction, les médicaments ne disposent pas d'une enveloppe spécifique au sein de l'ONDAM. Ils sont soit prescrits par les médecins libéraux, soit inclus dans les dépenses des établissements hospitaliers. Leur maîtrise découle donc déjà des dispositifs de régulation existants.

Or, la contribution proposée serait exigible même dans le cas où l'ONDAM est respecté globalement, dès lors que les dépenses de médicaments augmentent plus rapidement.

Par ailleurs, une contribution assise à 40 % sur la progression du chiffre d'affaires sanctionnerait l'innovation. En effet, tout lancement d'un nouveau médicament se traduit par un fort accroissement des ventes de l'entreprise concernée. Seule la politique conventionnelle est apte à prévoir la mise sur le marché d'une nouvelle spécialité, et à en contrôler les effets sur plusieurs années.

En fait, la création d'un mécanisme de contribution automatique, non plus alternatif mais surajouté à la politique conventionnelle après l'extension votée par l'Assemblée nationale, priverait cette politique de son intérêt principal pour les entreprises pharmaceutiques, qui est de leur offrir une visibilité dans un cadre pluri-annuel. Les entreprises se trouveraient ainsi taxées, ou non, en fonction des évolutions respectives des dépenses de médicaments et de l'ONDAM, qui sont indépendantes de leur volonté.

La politique conventionnelle peut pourtant être très efficace en cas de dérapage des dépenses. Ainsi, au terme d'une négociation avec le comité économique du médicament, les entreprises pharmaceutique ont consenti à reverser à l'assurance maladie, sous forme de remises ou de baisses de prix, les 1,8 milliard de franc prévus par le plan de redressement du 29 juillet 1998.

Cet accord de dernière minute a d'ailleurs conduit le Gouvernement à retirer l'article 26 du projet de loi de financement, qui prévoyait l'application dès 1998 à titre exceptionnel d'une contribution analogue à celle créée par l'article 25.

VII. LE FONDS DE RÉSERVE DES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION : UN DISPOSITIF EN TROMPE-L'oeIL

Le Premier ministre a confié au commissaire général du Plan, M. Jean-Michel Charpin, la mission d'établir un diagnostic concerté de la situation et des perspectives des régimes de retraite. Les conclusions de la commission de concertation sont prévues pour le 31 mars 1999.

Dans l'attente, le projet de loi de financement ne comporte pas de mesure ambitieuse pour la branche vieillesse, à l'exception notable de la création d'un fonds de réserve pour les régimes de retraite par répartition.

Cette proposition prétend apporter une solution au problème du financement des régimes de retraite, en conciliant les avantages de la capitalisation et de la répartition.

Mais le dispositif présenté par le Gouvernement est à la fois si modeste, imprécis et lacunaire que le fonds de réserve apparaît en fait comme un dispositif en trompe-l'oeil.

A. LES PERSPECTIVES DES RÉGIMES DE RETRAITE

1. Des projections fortement dépendantes des hypothèses

Les projections de la situation financière des régimes de retraite à long terme sont fortement dépendantes des hypothèses retenues.

Le seul élément connu avec certitude est l'évolution démographique, qui résulte de tendances lourdes. Même une hausse subite de la natalité ne ferait sentir ses effets qu'à compter de 2020, avec l'entrée dans la vie active de générations plus nombreuses.

Selon des hypothèses raisonnables de fécondité et d'allongement de la durée de la vie, le ratio entre les personnes âgées de plus de 60 ans et les personnes âgées de 20 à 59 ans passerait de 37,2 % en 1995 à 38,4 % en 2005, 48,3 % en 2015 et 70,1 % en 2040.

En revanche, les projections des taux d'activité et des taux de chômage sont beaucoup plus incertaines. Le taux de dépendance entre actifs et inactifs peut varier considérablement selon les hypothèses retenues, ce qui conduit certains économistes à conclure que l'avenir des retraites dépend plus de la situation de l'emploi que de l'âge de cessation d'activité.

De même, les hypothèses d'amélioration de la productivité et d'évolution des salaires sont très ouvertes, et conduisent certains économistes à relativiser les difficultés annoncées des régimes de retraite.

Quant aux hypothèses retenues pour la durée d'activité et l'âge effectif de la retraite, elles dépendent in fine de décisions politiques.

2. Une dégradation sensible à compter de 2005

Le rapport du Commissariat général du Plan de 1995 sur les perspectives à long terme des retraites comporte une projection "au fil de l'eau", à règles inchangées, des besoins de financement des principaux régimes de retraite par répartition.



Sur la base d'hypothèses moyennes pour l'évolution de la productivité, des taux d'activité, du taux de chômage et des taux d'indexation des salaires et des pensions, la projection évalue les hausses de cotisations nécessaires pour équilibrer chacun des régimes concernés.

Cette projection fait apparaître des besoins de financement rapidement croissants à partir de 2005.

B. LE DÉBAT CAPITALISATION OU RÉPARTITION

1. Les mérites respectifs des deux systèmes

Un récent rapport du Conseil d'analyse économique fait le point sur les mérites respectifs des systèmes de retraite par répartition et des systèmes de retraite par capitalisation.

D'une part, la capitalisation permet d'encourager l'épargne longue favorable au développement des entreprises, ce qui contribue à élever la productivité de l'économie et donc les salaires.

Du point de vue des individus, le rendement des régimes de retraite par capitalisation est supérieur : pour atteindre un même niveau de prestation, leur niveau d'effort contributif est plus bas. Le rendement implicite des cotisations versées à un système en répartition peut être estimé à 2 %, alors que le rendement sur longue période d'un portefeuille diversifié est de l'ordre de 5 %.

D'autre part, les systèmes de retraite par répartition présentent l'avantage d'assurer une plus grande solidarité entre les individus et de mutualiser les risques entre les générations. Les régimes par capitalisation sont en effet exposés au risque d'une fluctuation de la valeur réelle des actifs financiers, qui peut résulter aussi bien d'un krach boursier que d'une accélération de l'inflation.

L'auteur de cette comparaison, M. Olivier Davanne, propose de concilier les avantages des deux systèmes : "Au point de vue de l'analyse économique, le système optimal de retraite est celui que nous qualifierons de "répartition provisionnée". Dans un tel système, les régimes de retraite publics se concentrent sur leur rôle "d'assureurs intergénérationnels" et gèrent des réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine important. Ce patrimoine, productif de revenus, allège le poids des cotisations retraite payées par les actifs.

"Des régimes de retraite publics accordant des droits en répartition et disposant de réserves importantes cumulent les avantages de la répartition (bonne mutualisation des risques financiers) et ceux de la capitalisation (rendement élevé et offre d'épargne élevée). Il s'agit en principe du système le plus compétitif sur le plan du couple risque-rendement
".

Le dispositif du fonds de réserve proposé par le Gouvernement s'inspire directement de ce principe de "répartition provisionnée", tout en demeurant très lacunaire.

2. Le report préjudiciable des fonds d'épargne retraite

Le débat devant l'Assemblée nationale a montré qu'il existe désormais un consensus relatif sur l'opportunité de mettre en place un troisième étage de retraite par capitalisation, qui viendrait s'ajouter aux étages des retraites de base et des retraites par répartition.

Votre rapporteur pour avis regrette toutefois le retard qui a été pris depuis dix-huit mois, avec la non application de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite "loi Thomas".

Outre le caractère choquant du mépris de la loi votée, ce retard est préjudiciable car la capitalisation suppose, pour être utile, une amorce du processus d'accumulation des droits la plus précoce possible.

A cet égard, il serait peu responsable d'entretenir de faux espoirs chez les Français. Quels que soient le niveau de cotisation choisi, les modalités de gestion et les avantages éventuellement consentis par les entreprises aux salariés les plus âgés, les fonds d'épargne retraite ne pourront rien pour les personnes prenant leur retraite moins de dix ou quinze après avoir commencé de cotiser. Aussi opportuns soient-il à long terme, ces fonds ne peuvent constituer une réponse à l'impact du choc démographique de 2005 sur les régimes par répartition.

Par un amendement au rapport annexé au projet de loi de financement, le Gouvernement s'est engagé à abroger la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, considérant que celle-ci " favorise clairement les salariés aux revenus les plus élevés, privilégie une approche individuelle et fragilise les comptes de la sécurité sociale ".

Sans entrer dans les motifs qui conduisent le Gouvernement à rejeter la "loi Thomas", votre rapporteur pour avis estime que son abrogation n'est admissible que si un autre dispositif de fonds d'épargne retraite lui est concomitamment substitué.

3. Le CADES, ou la capitalisation à l'envers

Le débat capitalisation ou répartition, qui a jusqu'à présent servi de prétexte au report des réformes nécessaires, apparaît irréaliste lorsque l'on considère les modalités du financement de la branche vieillesse du régime général sur la période récente.

Celle-ci est restée structurellement déséquilibrée en dépit de la réforme de 1993, et son déficit cumulé a été pris en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) créée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.

Votre rapporteur pour avis juge particulièrement grave ce financement à crédit d'un régime de retraite par répartition, qui aboutit à une forme de capitalisation à l'envers.

Le financement par l'emprunt de la branche vieillesse du régime général reporte la charge sur le futur, accroissant ainsi les iniquités entre générations. Ce mécanisme pervers fragilise l'engagement implicite sur lequel repose tout régime de retraite par répartition.

Certes, la dette prise en charge par la CADES n'est imputable que partiellement à la branche vieillesse, l'essentiel des déficits passés du régime général étant imputable aux branches maladie et famille. Le financement par l'emprunt des dépenses de santé ou de prestations familiales est d'ailleurs aussi aberrant que celui des dépenses de retraite.

Au total, la dette reprise par la CADES s'élève à 224 milliards de francs, soit 137 milliards de francs en vertu de l'ordonnance du 24 février 1996 et 87 milliards de francs en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. L'échéance de la CADES, fixée initialement au 1er janvier 2009, a été repoussée au 1er janvier 2014.

Du moins, la charge du financement de la CADES est-elle équitablement répartie, puisque la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % qui l'alimente pèse aussi bien sur les revenus de remplacement ou les revenus du patrimoine que sur les revenus d'activité.

Structurellement, la CADES dégage une capacité de financement qui lui permet d'amortir sa dette. Au 31 décembre 1997, sa dette nette s'élevait à 131,6 milliards de francs, soit la différence entre un passif de 207,6 milliards de francs et un actif de 76 milliards de francs.

Le poids de la CRDS se fera sentir bien au-delà de la transition démographique de 2005, jusqu'en 2014. Le demi-point de CRDS réduira alors d'autant la marge de manoeuvre disponible pour une hausse des cotisations d'assurance vieillesse.

C'est dans le but de dégager cette marge de manoeuvre que votre rapporteur pour avis propose, dans sa proposition de loi précitée, d'affecter à la CADES les excédents éventuels du régime général afin d'accélérer le remboursement de la dette sociale.

C. LES LACUNES DU FONDS DE RÉSERVE

Le principe de "répartition provisionnée" dont s'inspire le fonds de réserve proposé par le Gouvernement est intéressant. Mais le dispositif est si imprécis et lacunaire qu'il doit être considéré comme purement " symbolique ", selon la propre expression de la ministre de l'Emploi et de la solidarité.

1. Des financements indéterminés

L'article 2 du projet de loi de financement propose de constituer le fonds de réserve sous la forme d'une nouvelle section au sein du FSV. Trois catégories de ressources lui seraient affectées :

Une fraction, fixée par arrêté interministériel, de l'excédent de C3S affectée au FSV après répartition prioritaire entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA.

Cette fraction devrait être fixée à 2 milliards de francs en 1999, sur un total de 5,6 milliards de C3S affecté au FSV.

Cette ressource, d'un montant tout à fait insuffisant, apparaît fragile. Le dynamisme de la C3S dépend fortement de la conjoncture économique. Par ailleurs, les besoins de financement des régimes de non salariés ne peuvent que s'accroître et résorber l'excédent disponible.

Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des conditions fixées par arrêté interministériel.

Le solde prévisionnel de la section "opérations de solidarité" du FSV serait excédentaire de 2,1 milliards de francs en 1999, ce qui porterait son solde cumulé à 4,7 milliards de francs. Toutefois, le Gouvernement ne semble pas avoir prévu de reversement à la section "fonds de réserve".

" Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ."

La portée juridique de cette disposition apparaît des plus douteuses. L'Assemblée nationale a d'ailleurs supprimée la référence aux dispositions réglementaires.

Le Gouvernement a annoncé son intention d'affecter au fonds de réserve le produit de la cession prochaine du capital des caisses d'épargne, qui est évalué à 17 milliards de francs.

Au cours des débats, la possibilité d'une affectation du produit des privatisations et celle d'une surcotisation ont été aussi évoquées par le Gouvernement.

Dans l'immédiat, le fonds de réserve ne bénéficie d'aucune ressource stable et assurée, et les montants qui lui sont pour l'instant affectés sont manifestement hors de proportion avec les sommes nécessaires. Il n'est d'ailleurs pas possible d'évaluer exactement celles-ci tant que les missions du fonds ne sont pas définies.

Pour fixer les idées, le rapport du Conseil d'analyse économique, qui préconise d'alimenter le fonds de réserve par une surcotisation, évalue le flux de recettes annuel nécessaire à 45 milliards de francs.

2. Des missions et des modalités de gestion non définies

Les missions du fonds de réserve ne sont aucunement précisées. Simplement, son champ d'intervention est défini comme éta nt au bénéfice de la branche vieillesse du régime général et des régimes alignés.

Deux options sont théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations d'assurance vieillesse, soit de générer des revenus suffisants pour minorer durablement le niveau futur des cotisations.

Dans le premier cas, le montant visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas, il s'exprime en milliers de milliards de francs. Le rapport du Conseil d'analyse économique évalue le montant des réserves nécessaires pour diminuer de 10 points le niveau des cotisations en 2040, selon les hypothèses, entre 1,7 et 2,5 fois le montant de la masse salariale.

Le texte proposé ne définit ni le taux actuariel d'évaluation de la dette implicite des régimes de retraite par répartition, ni le taux de provisionnement, ni le niveau optimal des réserves qui en résulte.

Les modalités de gestion du fonds de réserve ne sont pas mieux définies. Le texte initial prévoit simplement un comité de surveillance, composé notamment de parlementaires. L'Assemblée nationale a précisé qu'y participeraient des représentants des syndicats.

Toutefois, la nécessaire indépendance du fonds de réserve apparaît incompatible avec son intégration au FSV, simple établissement administratif de l'Etat. De même, le professionnalisme de la gestion financière des réserves du fonds n'est pas garanti.

Tel que proposé, le fonds de réserve des retraites par répartition n'est pas opérationnel et votre rapporteur pour avis ne peut lui être favorable.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 4 novembre sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission des finances a procédé, sur le rapport de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, à l'examen du projet de loi n° 50 (1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

A titre liminaire, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a présenté quatre observations.

Premièrement, il a rappelé que les masses du budget social sont considérables, les prestations de l'ensemble de régimes de sécurité sociale étant passées de 1.772 milliards de francs en 1996 à 1.944 milliards de francs en 1999, ce qui correspond à un taux moyen de croissance annuelle de 3,1 %.

Deuxièmement, il a observé que le dynamisme des dépenses sociales varie selon les branches : de 1996 à 1999, les dépenses d'accidents du travail ont augmenté de 0,4 % par an ; les dépenses de prestations familiales ont augmenté de 2,3 % par an, et les dépenses de retraite de 4,2 %.

Il a précisé que les dépenses d'assurance maladie augmenteraient en moyenne de 2,2 % sur la même période, dans l'hypothèse peu vraisemblable d'une prolongation de l'effet modérateur du plan Juppé.

Troisièmement, il a indiqué que les prélèvements sociaux étaient passés de 16 % du PIB en 1970 à 21 % en 1980, et 23 % en 1990, pour atteindre un maximum de 25,4 % en 1993, puis se stabiliser aux environs de 25,2 % du PIB. Il a souligné que les prélèvements sociaux représentent désormais 47,7 % du total des prélèvements obligatoires, les prélèvements de l'Etat n'en représentant que 33,5 %.

Quatrièmement, il a relevé que la sécurité sociale est de plus en plus largement financée par des ressources de nature fiscale, le montant des impôts et taxes affectées à la sécurité sociales s'élevant à 438,6 milliards de francs en 1999, en progression de 8,8 % par rapport à 1998. Il a précisé que l'essentiel de ces recettes affectées est constitué par la CSG, dont le produit s'établira à 352 milliards de francs, en progression de 11,4 % par rapport à 1998.

Le rapporteur pour avis, après avoir souligné la nécessité de conserver une vision globale des prélèvements obligatoires, s'est déclaré favorable à la constitution d'une commission spéciale pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, commune à la commission des finances et à la commission des affaires sociales.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a souligné que le total des soldes de trésorerie des régimes, tel qu'il apparaît dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, n'est pas identique au besoin de financement des administrations de sécurité sociale, au sens de Maastricht, des différences de champs et de conventions comptables interdisant toute comparaison. Il a indiqué que la capacité de financement des administrations de sécurité sociale est estimée à 0,15 point de PIB pour 1999, ce qui correspond à un montant de 13 milliards de francs, supérieur au solde de 3,3 milliards de francs qui ressort du projet de loi de financement.

Il a indiqué que les prévisions tendancielles font état d'un déficit du régime général de 13,3 milliards de francs en 1998 et du retour à un léger excédent de 300 millions de francs en 1999, ces comptes tendanciels intégrant une baisse des cotisations d'accidents du travail de 1 milliard de francs, tandis que pour l'ensemble des régimes de base, l'excédent serait de 3,3 milliards de francs en 1999.

Le rapporteur pour avis a estimé que la prévision générale de croissance qui sous-tend le projet de loi de financement de la sécurité sociale, identique à celle du projet de loi de finances, appelle les mêmes réserves.

Il a considéré que l'hypothèse d'une progression de la masse salariale de 4,3 % en 1999 apparaissait peu vraisemblable, en raison de la modération salariale qui accompagnera la réduction du temps de travail.

Il a exprimé un fort doute à l'égard de l'évolution prévue des dépenses d'assurance maladie. Soulignant que les comptes tendanciels reposent sur l'hypothèse d'une progression des dépenses d'assurance maladie qui ne se situerait pas dans le prolongement de 1998, soit + 3,4 %, mais qui serait calée sur l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) fixé pour 1999, soit + 2,6 %, il a estimé que le Gouvernement confondait ainsi évolution tendancielle et objectif volontaire.

Evoquant l'équilibre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a considéré que le Gouvernement utilisait les marges de manoeuvre conjoncturelles procurées par la croissance pour financer des dépenses structurelles, en courant le risque d'une dégradation brutale du solde de la sécurité sociale si la croissance n'était pas au rendez-vous.

Après avoir précisé que, dans le rapport annexe, le Gouvernement s'engageait à réformer l'an prochain l'assiette des cotisations patronales sans augmenter la charge globale des entreprises, il a estimé que la commission devait affirmer clairement que l'équilibre financier de la sécurité sociale repose d'abord sur une maîtrise effective des dépenses.

S'agissant des recettes, le rapporteur pour avis a indiqué que la mesure principale consistait dans la réaffectation de 5,6 milliards de francs d'excédents de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui iront au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ces recettes supplémentaires permettant au FSV de financer des dépenses nouvelles au profit de la branche vieillesse et d'alimenter un fonds de réserve des retraites. Il a souligné que ce changement d'affectation de la C3S s'effectuerait aux dépens du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), et donc indirectement du budget de l'Etat.

Il a relevé que les autres mesures relatives aux recettes n'avaient pas pour objet de procurer d'importantes ressources supplémentaires, à l'exception d'un amendement relatif au droit de consommation sur les tabacs introduit par l'Assemblée nationale.

Il a alors énuméré les principales mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale :

- une réduction de l'exonération de cotisations sociales pour première embauche, qui génère une économie de 130 millions de francs ;

- une correction de la contribution exceptionnelle de l'industrie pharmaceutique et de la taxe sur les premix, destinée à les rendre plus conformes au droit communautaire ;

- un relèvement de 30 % à 100 % du taux d'exonération de cotisations sociales pour les associations d'aide à domicile, qui correspond à une demande du Sénat, mais est gagé sur un contingentement contestable du nombre d'heures exonérées de cotisations pour les particuliers âgés de plus de 70 ans ;

- une ponction sur les trésoreries du fonds pour l'emploi hospitalier et du fonds de compensation pour la cessation progressive d'activité des agents territoriaux, destinée à combler le déficit de 500 millions de francs du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL). Il a rappelé qu'en 1997, les réserves du FATIACL, qui s'élevaient à 4,5 milliards de francs, ont été affectées au financement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

- enfin, un relèvement du droit de consommation sur les tabacs censé procurer une recette supplémentaire de 1 milliard de francs.

Le rapporteur pour avis a estimé que cette mesure, proposée par les députés avec l'avis favorable du secrétaire d'Etat à la santé, pourrait s'avérer contre-productive car une hausse impromptue de la fiscalité sur le tabac remettrait en cause l'accord intervenu entre les fabricants et le ministère des finances . Il a précisé que cet accord prévoit une augmentation des prix à la production en 1999, qui procurera une recette identique de 1 milliard de francs, et que sa rupture risquait de déclencher une guerre des prix, qui serait néfaste à la fois en termes de santé publique et en termes de rendement fiscal.

S'agissant des dépenses, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a indiqué que le Gouvernement engageait 5,4 milliards de dépenses nouvelles nettes, financées par le dynamisme espéré de la C3S et de la CSG.

Pour la branche famille, il a énuméré les dépenses suivantes : 6,2 milliards de francs seront consacrés à la suppression du plafond des allocations familiales (4,7 milliards de francs), à l'extension des allocations familiales jusqu'à 19 ans (500 millions de francs), à l'accroissement du fonds d'action sociale de la CNAF (600 millions de francs), à l'amélioration de l'allocation de logement familial (200 millions de francs) et à l'extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant (200 millions de francs).

Le rapporteur pour avis a précisé que ces 6,2 milliards de francs de dépenses nettes seront gagés par le recul d'un an des seuils de majoration pour âge des allocations familiales (850 millions de francs), et surtout par le transfert à l'Etat du financement de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de francs). En net, les charges de la branche famille seront alourdies d'1,2 milliard de francs.

Il a rappelé que la budgétisation de l'allocation parent isolé (API) serait financée par un abaissement de 16.380 à 11.000 francs du plafond du quotient familial qui n'apparaît pas justifié si l'on considère qu'il n'y a pas de raison de faire payer aux familles la suppression du plafonnement des allocations qui leur a été imposé l'an dernier, et que le quotient familial doit avoir un effet redistributif horizontal et non pas vertical, c'est-à-dire en fonction du nombre des enfants et non pas en fonction du niveau de revenu.

Pour la branche maladie, il a énuméré les dépenses suivantes : 1,2 milliard de francs seront consacrés notamment au dépistage organisé des cancers (250 millions de francs), à la création d'un fonds pour la qualité des soins de ville (500 millions de francs), à l'extension des bénéficiaires de l'assurance décès (300 millions de francs), et au transfert à la sécurité sociale du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie (150 millions de francs).

Pour la branche vieillesse, il a énuméré les dépenses suivantes : 2,3 milliards de francs seront globalement consacrés au relèvement de 1,2 % des pensions de retraite (2 milliards de francs), au relèvement de 2 % du minimum vieillesse (200 millions de francs) et au relèvement de 2 % du minimum de pension de réversion (100 millions de francs).

Pour la branche accidents du travail, il a énuméré les dépenses suivantes : 700 millions de francs seront consacrés à l'amélioration des conditions de reconnaissance des maladies professionnelles (350 millions de francs) et à la revalorisation des rentes d'accidents du travail (350 millions de francs).

Evoquant la régulation des dépenses d'assurance maladie, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a estimé que le Gouvernement avait une responsabilité majeure dans le dérapage des dépenses d'assurance maladie en 1998, car pendant un an Mme Aubry et M. Kouchner n'ont eu de cesse de récuser la réforme de M. Juppé et de dénoncer la "maîtrise comptable" des dépenses. Il a souligné que, alors que le premier ONDAM fixé à 1,7 % pour 1997 a été respecté, l'ONDAM de 1998, pourtant fixé à 2,3 %, devrait être dépassé de quelque 6 milliards de francs, soit une hausse effective de 3,4 %.

Le rapporteur pour avis a estimé que tous les instruments de la régulation apparaissaient aujourd'hui en panne ou en retard : l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) n'est toujours pas opérationnelle ; le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) n'est pas encore généralisé ; la mise à jour de la nomenclature comme le codage des actes sont encore à l'étude ; les agences régionales de l'hospitalisation n'ont pas le soutien politique qui leur est nécessaire ; l'informatisation du système de santé, qui conditionne l'efficacité de tous les autres instruments de régulation, est en phase expérimentale.

Il a indiqué que le projet de loi de financement fixait l'ONDAM à 629,8 milliards de francs pour 1999, ce qui correspond à un taux d'augmentation de 2,6 % par rapport à l'ONDAM de 1998. Cependant, il a souligné que si le non respect de l'ONDAM en 1998 se confirmait, la progression de l'ONDAM en 1999 ne serait plus que de 1,6 % par rapport aux dépenses réalisées, et que les objectifs pourraient même être négatifs pour les postes qui dérapent le plus en 1998, tel celui des spécialistes (+ 6,4 % en glissement annuel) ou des cliniques privées (+ 6,7 %). Il a estimé que le Gouvernement n'apparaissait pas aujourd'hui en mesure de faire respecter globalement l'ONDAM, ni de contrôler les transferts de dépenses, ou "déports", entre les différentes enveloppes qui le composent, et que toute la crédibilité du dispositif s'en trouvait amoindrie.

Il a indiqué que le projet de loi de financement proposait de pérenniser le mécanisme des reversements demandés aux médecins en cas de dépassement de l'ONDAM, qui a perdu sa base juridique avec l'annulation des conventions médicales par le Conseil d'Etat.

Il a ajouté que le projet de loi de financement proposait également d'instaurer un mécanisme de reversement pour les laboratoires pharmaceutiques, qui jouerait si les dépenses de médicaments augmentaient plus vite que l'ONDAM. Il a estimé ce dispositif critiquable, parce que les progrès de la médecine et les phénomènes de "déport" peuvent expliquer une progression des dépenses de médicaments plus rapide que l'ensemble des dépenses de santé, et que le mécanisme de reversement vide de son sens la politique conventionnelle conduite par le comité économique du médicament, qui repose sur des engagements prix-volumes des laboratoires. Il a rappelé que la France bat des records de consommation médicamenteuse, tandis que son industrie pharmaceutique perd du terrain dans la compétition internationale, et que seule la politique conventionnelle paraissait de nature à enrayer cette spirale.

Le rapporteur pour avis a estimé que la maîtrise comptable des dépenses d'assurance maladie était légitime et nécessaire, car elle apparaît comme une condition de la qualité des soins.

Evoquant le fonds de réserve pour les retraite, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a rappelé que selon le rapport du Plan de 1995 sur les perspectives à long terme des retraites, à droit constant, le besoin de financement du régime général en 2015 serait d'un peu plus de 100 milliards de francs, celui du régime des fonctionnaires civils de 80 milliards de francs, et celui des fonctionnaires territoriaux de 70 milliards de francs. Il a précisé que la dégradation serait rapide à compter de 2005, lorsque les classes nombreuses de l'après-guerre arriveront à l'âge de la retraite.

Face à ce problème, il a estimé que le fonds de réserve proposé par le Gouvernement était un dispositif en trompe-l'oeil.

Il a ainsi considéré que sa dotation initiale de 2 milliards de francs n'était pas à la mesure du problème, même si elle devait être complétée par le produit de la cession des parts représentatives de droits de propriété sur les caisses d'épargne, comme l'a annoncé le Gouvernement, soit environ 15 milliards de francs. Il a rappelé que le rapport du Conseil d'analyse économique qui préconisait la mise en place de ce fonds évaluait le flux annuel de recettes nécessaire pour l'alimenter à 45 milliards de francs. Le rapporteur pour avis a par ailleurs regretté que le texte proposé ne définisse ni les missions, ni les modalités de gestion du fonds.

Il a ajouté que la principale raison d'être du fonds de réserve était de masquer la stratégie de temporisation du Gouvernement qui, sous prétexte de consultations complémentaires, repoussait encore les réformes structurelles inévitables. Il a estimé particulièrement regrettable le retard pris dans la mise en place des fonds d'épargne retraite, sur le principe desquels tout le monde semble finalement d'accord.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a enfin évoqué les plafonds de trésorerie fixés par le projet de loi de financement pour les régimes de sécurité sociale autorisés à recourir à des ressources non permanentes.

Il a rappelé que le plafond de trésorerie du régime général, fixé initialement à 20 milliards de francs pour 1998, avait dû être relevé par décret à 31 milliards en cours d'année, le projet de loi demandant au Parlement de ratifier ce décret. Il a souligné que le dépassement du plafond initial résultait essentiellement de la décision prise par le Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée scolaire, la CNAF devant faire l'avance en trésorerie de cette dépense non prévue de 6,3 milliards de francs, jusqu'à ce que l'Etat la rembourse dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998.

Après avoir indiqué que le projet de loi de financement propose un plafond de trésorerie de 2,5 milliards pour la CNRACL, le rapporteur pour avis a estimé que l'autorisation d'endettement ainsi donnée à ce régime n'était pas acceptable. Considérant que la CNRACL est structurellement excédentaire et que seule l'importance des transferts de compensation à sa charge, qui représentent 40 % de ses prestations, expliquent son déficit, il a jugé absurde qu'elle s'endette pour financer les transferts. Il a regretté que le Gouvernement reporte encore la réforme nécessaire des régimes spéciaux qui sont liés par la surcompensation.

M. Alain Lambert, président, a souscrit à la déclaration du rapporteur pour avis en faveur d'une participation accrue de la commission des finances à l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Après s'être déclaré également favorable à cette proposition, M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que la proposition des députés de majorer, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le droit de consommation sur les tabacs dont le barème est par ailleurs modifié par le projet de loi de finances posait un problème de méthode.

Il a estimé que le fonds de réserve pour les retraites était un "cautère sur une jambe de bois" car sa dotation initiale de 2 milliards de francs est hors de proportion avec les montants nécessaires au fonctionnement d'un fonds de ce type. Il a souhaité connaître les modalités prévues pour sa gestion.

M. Paul Loridant, après s'être déclaré également soucieux de la cohérence entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, a considéré que l'on ne pouvait faire grief au Gouvernement de mettre en place un système de répartition provisionnée, le fonds de réserve proposé n'étant qu'un début. Il a affirmé la nécessité d'un débat sur le mode de gestion et la propriété du fonds, considérant que ce dernier ne devait appartenir ni aux employeurs, ni à l'Etat, mais aux futurs retraités.

M. Alain Lambert, président, s'est inquiété de l'impact d'une baisse de la croissance sur les comptes sociaux et s'est interrogé sur le partage des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux pour la gestion de l'assurance maladie.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a précisé que le projet de loi de financement ne définissait ni les missions ni les modalités de gestion du fonds de réserve pour les retraites et qu'un écart d'un point sur la croissance de la masse salariale se traduirait par une perte de cotisations de 9 milliards de francs pour le régime général. Il a estimé les risques de dérapage des dépenses aussi inquiétants que ceux de moins-values sur les recettes.

Il a considéré que l'évolution du mode de financement de l'assurance-maladie posait la question du maintien d'une gestion paritaire, et que l'Etat devrait réaffirmer ses responsabilités en la matière.

La commission a alors donné un avis globalement défavorable à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.


1 Proposition de loi de MM. Jacques Oudin et Alain Lambert relative à l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale - n° 540 (1997-1998).



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