C. L'OUVERTURE PROCHAINE DU « NOUVEAU MARCHÉ »

Toutes les études mentionnées ci-dessus convergent pour souligner que le manque de financements adaptés aux spécificités des entreprises innovantes à fort potentiel de développement constitue un handicap majeur de l'économie française.

Votre rapporteur, qui préside le groupe d'étude « innovation et entreprise » rattaché à la commission des affaires culturelles, se félicite du rôle joué par celui-ci dans la formulation de ce problème, et la progression de ce dossier qui devrait aboutir à la création, à Paris, le 1er février 1996 d'un nouveau marché financier.

Le 13 avril 1994, ce groupe d'étude organisait en effet au Sénat un colloque sur le thème : « les entreprises innovantes et l'emploi : le problème des fonds propres ». Cette réunion, à laquelle participaient des responsables financiers, des chefs d'entreprises innovantes et des représentants des ministères concernés, a conclu à la nécessité de combler rapidement la lacune du dispositif financier national et communautaire en envisageant la création, à l'échelle européenne, d'un marché équivalent au NASDAQ américain.

1. Le diagnostic : les fonds propres des entreprises innovantes restent insuffisants pour assurer leur développement

A la différence des PME traditionnelles dans lesquelles l'innovation vise généralement à améliorer un produit ou un procédé sans provoquer de réel bouleversement, les entreprises innovantes se créent et se développent à partir d'un concept scientifique et technique nouveau qu'elles conduisent à l'industrialisation.

Elles ont un taux de croissance particulièrement élevé (15 à 20 % par an) et des besoins de financement très supérieurs aux entreprises traditionnelles.

En France, le financement de la phase de développement de ces entreprises se heurte au cumul de deux handicaps : une faiblesse relative de l'épargne longue, aggravée par l'orientation insuffisante de ces « capitaux-patients » vers les entreprises innovantes.


• La rareté des sources de capital-patient s'explique d'abord par l'absence de fonds de pension. Aux États-Unis, alors qu'une part infime des sommes collectées par capitalisation est orientée vers le financement des entreprises innovantes, les fonds de pension procurent 45 % des ressources du capital-risque.

On peut aussi regretter que les sommes dégagées par l' assurance-vie, qui représentent un volume significatif, restent insuffisamment orientées vers l'industrie, en raison notamment de la concurrence des placements sur le marché financier international qui permettent d'optimiser le rendement à court terme du capital investi.


• L'impossibilité actuelle de « sortir » du capital d'une entreprise innovante à fort potentiel de croissance contribue à détourner l'épargne de cet investissement, en raison de la préférence marquée des investisseurs pour les liquidités.

De façon générale, les seconds marchés européens n'apportent pas une réponse adaptée aux besoins spécifiques des entreprises innovantes.

Les prix d'équilibre n'y sont pas très représentatifs, les marchés sont généralement vendeurs, la capitalisation est insuffisante, les titres sont mal suivis, les informations financières le plus souvent lacunaires les introductions de sociétés sur ces marchés peu nombreuses.

Ils se contentent de jouer en réalité un rôle d'antichambre à l'égard des marchés financiers principaux pour les entreprises dont la rentabilité n'est pas subordonnée à une prise de risque importante.

2. La création d'un marché financier adapté au financement des entreprises innovantes à fort potentiel de croissance

Ce constat fait apparaître la nécessité de créer, à l'échelle européenne de préférence, un marché spécialisé dans le financement des entreprises innovantes à fort potentiel de croissance.

Il s'agit en effet d'offrir aux investisseurs la possibilité de « sortir » du capital de l'entreprise innovante. Comme le souligne en effet M. Robert Chabbal, si le système français de financement de l'innovation apparaît aujourd'hui « coincé », c'est en grande partie parce qu'il lui manque une « sortie par le haut », c'est-à-dire un marché financier spécialisé dans les sociétés innovantes. Et de comparer le système de financement de ces entreprises « à une cheminée qui ne tire que si elle est largement ouverte en son sommet ».


• Le « nouveau marché », qui sera inauguré le 1er février prochain,est inspiré du NASDAQ américain.

Créé par les courtiers et les agents financiers pour répondre aux besoins des entreprises en croissance, le NASDAQ américain (National association for security dealers on automatic quotation) a pris une importance considérable. Il est devenu en quelques années plus important que la bourse de Tokyo, même s'il reste moins développé que celle de Wall Street. Plus qu'un simple marché financier, le NASDAQ offre aux entreprises innovantes de multiples services, parmi lesquels le conseil ou l'analyse financière de très jeunes sociétés. Il favorise en outre la multiplication des opérations de gré à gré. Son fonctionnement fait appel à plusieurs milliers d'experts. On notera qu'une part non négligeable des capitaux disponibles sur ce marché est originaire d'Europe.


• Constitué sous l'égide de la Société des bourses françaises, lenouveau marché sera électronique. Il sera relié à 50.000 écrans répartis dansle monde. Supervisé par la commission des opérations de bourse, il offrira lesgaranties de sécurité nécessaires aux investisseurs.

Les conditions d'admission à ce nouveau marché seront plus souples que celles qui prévalent pour accéder à la cote officielle ou au second marché. Plusieurs critères devront être réunis (le bilan de l'entreprise devra excéder 20 millions de francs ; ses fonds propres 8 millions de francs ; un minimum de 100.000 titres représentant 10 millions de francs devront être diffusés auprès du public). La sélection s'opérera également au vu du projet et du plan de développement de l'entreprise, qui devra bénéficier d'un début de marché, et de ses carnets de commande.

L'objectif poursuivi par MM. Dominique Leblanc, directeur général, et Yannick Petit, directeur-général adjoint de la société « Le nouveau marché » est de parvenir à coter dès l'ouverture une quinzaine de valeurs et d'y introduire une quinzaine d'entreprises supplémentaires au cours de la première année.

Le nouveau marché a une vocation européenne, même si un seul accord a pu être jusqu'à présent finalisé avec la Belgique.

Les Italiens, les Suisses et l'Allemagne ont fait connaître leur intérêt pour cette initiative.

Si cette partie financière peut paraître s'éloigner de l'objet d'un avis sur la recherche scientifique et technique, votre rapporteur tient à souligner qu'elle est en réalité très directement liée à l'efficacité de la recherche et du développement en termes de création de richesses et d'emplois. Ce nouveau marché devrait par ailleurs contribuer à accroître le niveau de la recherche industrielle en France, qui reste jusqu'à présent inférieur à celui que connaissent la plupart des pays industrialisés.

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