B. LES ÉQUIPEMENTS
Peu de programmes sont abandonnés. Peu restent inchangés. Beaucoup sont modifiés. Le tableau reproduit en annexe détaille la situation de chacun des programmes. Dans les développements qui suivent nous limiterons nos propos à quelques programmes majeurs qui structurent chacune des armées, après avoir consacré quelques remarques à la fonction de dissuasion nucléaire.
1. La dissuasion
Sur l'ensemble de la programmation les crédits prévus s'élèvent à 105,8 milliards de francs constants de 1995. La diminution sensible des crédits d'environ 20 % par rapport à la précédente programmation, se traduit Par des modifications importantes :
- le démantèlement du plateau d'Albion, le site devant être fermé et les missiles stratégiques qui y étaient installés n'étant pas remplacés :
- le retrait définitif des missiles Hades dont le coût global du programme a atteint 15 milliards de francs et sur l'opportunité duquel votre Rapporteur de la commission des finances s'interrogeait il y a déjà plusieurs années.
Les économies apportées par l'une et l'autre de ces opérations environ 500 millions de francs, correspondant au maintien en condition opérationnelle des missiles, seront toutefois très largement effacées par coût du démantèlement.
- l'arrêt des essais nucléaires entraînant des compensations à charge du budget de la Défense de près de 1 milliard de francs chaque année pendant 10 ans en faveur du territoire de la Polynésie ;
- la poursuite du programme de simulateurs PALEN dont le coût global sur une quinzaine d'années est évalué à 16 milliards de francs constants de 1995.
- La révision du programme de missile balistique M 5
Le nouveau programme M 51 doit prendre la relève du programme M 5, avec une réduction des coûts d'environ 20 % moyennant une légère réduction des performances, un allégement du programme d'essais et une rationalisation de l'industrialisation.
Le M 51 doit être mis en service en 2010 pour remplacer les missiles M 45 mis en service en 1996.
- Le lancement du 4ème SNLE/NG
Très lourd financièrement, le plus lourd après le Rafale, le programme de construction du SNLE/NG va se poursuivre par la commande en 2000 d'un quatrième sous-marin.
Seize milliards de francs sur la période de programmation seront consacrés à ce programme d'un coût global de 86 milliards de francs constants 1995.
2. L'espace
Plus de 20 milliards de francs lui seront consacrés pendant la période de programmation.
Les objectifs prévus sont :
- la préparation du renouvellement du système Syracuse 2 ;
- le lancement du premier satellite Helios 2 (capacité infrarouge et résolution optique améliorée par rapport à Helios 1) en 2001 ;
- le développement du système Horus (système d'observation tous temps par satellite radar).
C'est dans le domaine de l'espace que la coopération européenne semble la plus ferme. Elle touche tous les systèmes qui viennent d'être cités.
3. L'armée de Terre
Au total les crédits de l'armée de Terre seront significativement réduits : son titre V passera de 23,8 milliards de francs par an (programmation 1995-2000) à 18-19 milliards de francs par an (nouvelle programmation). Corrélativement ses équipements seront sensiblement amoindris :
1996 |
2002 |
|
Chars lourds Hélicoptères Véhicules tous terrains (VTT) Véhicules de l'avant blindé (VAB) |
927 340 800 2.000 |
420 dont 250 Leclerc 168 7 ( * ) 500 1.235 |
4. La Marine
Elle subira, également, un profond bouleversement. Les crédits s'élèveront à 21,4 milliards de francs constants 1995 par an.
Elle doit dans la période de programmation renoncer au second porte-avions, au quatrième achat de l'avion de guet aérien Hawkeye, à une sixième frégate La Fayette. Elle devra attendre 2002 pour admettre au service actif la première flottille d'avions Rafale Marine et pour se voir livrer un 3ème SNLE/NG.
Au cours de la programmation le porte-avions nucléaire et cinq frégates La Fayette seront mis en service.
La réduction des effectifs qu'elle connaîtra ne lui permettra pas à la fois de conserver au service actif le porte-avions Clémenceau et de continuer l'armement du porte-avions nucléaire qui compte déjà un équipage de plusieurs centaines d'hommes.
5. L'armée de l'Air
Elle est tributaire d'un programme financièrement très lourd : celui du Rafale, dont le développement aura coûté 35 milliards de francs à 1'État, près de 90 % de ce montant ayant déjà été dépensés, 10 % devant encore être dégagés.
Si le pari technologique de ce programme semble relevé, son financement fait problème. D'où des retards successifs, les premiers « Rafale » devant initialement être livrés en 1996. La livraison est maintenant reportée, à l'exception de deux appareils démonstrateurs, après la fin de programmation ; un premier escadron doit être opérationnel en 2005.
Un tel retard est très préoccupant pour deux raisons essentielles :
- Il risque de compromettre les ventes à l'étranger, les modèles concurrents étant, pour le moment, soit vieillis soit non encore au point. Tout retard risque donc d'avoir un effet néfaste sur l'exportation, seul moyen d'alléger la charge financière du programme.
- Il va laisser sans protection aérienne pendant 2 à 3 ans le porte-avions nucléaire étant donné la date de retrait de service des « Crusader » et d'entrée en service du Rafale/Marine.
Quant à l' avion de transport futur, à partir de l'offre faite par les industriels proposant d'avancer 50 % du coût du développement, le coût des 50 appareils correspondant à nos besoins, s'élève a environ 30 milliards de francs Aucun financement pour son développement n'est toutefois prévu dans la programmation en projet. En accord avec notre partenaire allemand (sommet de Dijon du 6 juin 1996) nous cherchons à rapprocher la gestion de ce programme des méthodes en vigueur dans le domaine civil, les frais fixes étant pris en charge par les industriels concernés en contrepartie d'un engagement ferme des clients. Ce problème est très préoccupant pour l'indépendance de la France et pour la stratégie de projection retenue comme l'un des objectifs-clefs de la programmation.
6. Les programmes en coopération
La programmation s'inscrit dans une perspective européenne.
Pendant la période de programmation une trentaine de programmes seront conduits en coopération et près de 60 milliards de francs seront consacrés à leur financement. Ces programmes concernent le domaine spatial (Helios, Horus. Sycaruse), terrestre (véhicule blindé de combat d'infanterie, radar Cobra), maritime (frégate Horizon, torpille MU 90), aéronautique (hélicoptère Tigre et NH 90) et celui des missiles (anti-char de 3ème génération, famille des systèmes sol-air futurs Apache, etc...).
La volonté de poursuivre et de renforcer cette coopération doit cependant être à la mesure des difficultés qu'elle rencontre :
• disparité des efforts financiers des pays
européens et tendance générale à l'amoindrissement
de ceux-ci ;
• coûts de la coopération, qui
nécessitent d'être compensés par l'allongement des
séries c'est-à-dire par l'existence d'un
véritable
marché européen
privilégiant les équipements
européens ;
• convergence, au moment voulu, des besoins
opérationnels et techniques, des moyens industriels et
financiers ;
• place de l'industrie et du marché de
l'armement qui ne peut être traité dans le seul cadre
communautaire (communication de la commission européenne du 25 janvier
1996 relative aux industries européennes liées à la
défense) mais qui, compte tenu de son caractère
stratégique et des intérêts de sécurité doit
relever de la politique étrangère et de sécurité
commune ;
• enfin, et au préalable, une entente
politique qui peut cependant être exposée à des
fluctuations même avec nos principaux partenaires l'Allemagne et le
Royaume-Uni. Rappelons qu'au « sommet » de Baden-Baden, le
7 décembre 1995, la France et l'Allemagne ont décidé la
mise en place progressive d'un « agence de l'armement » et
que le Royaume-Uni et l'Italie, notamment, ont exprimé le souhait de
participer à cet organisme. Les premiers éléments de la
structure franco-allemande ont été installés à Bonn
au mois de février dernier.
Si dans le domaine spatial la coopération doit se poursuivre (satellites Helios 2 et Horus), le programme d'hélicoptères Tigre et NH 90 et surtout celui de l'avion de transport futur suscitent une certaine perplexité : baisse sensible des commandes pour les hélicoptères, incertitudes quant à la survie même d'un programme ATF confié à l'industrie européenne.
Mais la coopération européenne doit également s'étendre à un autre domaine, celui des aides à la restructuration : programme « Konver » et crédits destinés aux régions en déclin industriel pour lesquelles les négociations se révèlent difficiles. Ces aides sont toutefois indispensables au bon déroulement de la transition vers une nouvelle configuration de nos industries d'armement.
* 7 Les programmes Tigre et NH 90 seront poursuivis mais retardés et leur «cible» diminuée.