B. UNE TRAJECTOIRE ÉTABLIE PAR LES COLLECTIVITÉS ELLES-MÊMES
L'un des principaux reproches exprimés à l'encontre de la stratégie de réduction de l'artificialisation est sa verticalité et son caractère descendant.
De nombreuses collectivités du bloc communal ont l'impression de n'être pas en mesure d'influer sur la territorialisation des trajectoires foncières et de ne plus maîtriser les leviers de développement local.
La proposition de loi « Trace » vise à remédier à cette méthode centralisatrice, en la remplaçant par une démarche de subsidiarité, partant des territoires.
1. La transmission aux collectivités d'un bilan des consommations passées (article 1er)
Pour respecter les objectifs fixés par le législateur, les collectivités doivent au préalable connaître le bilan de leur artificialisation passée afin d'être en mesure d'élaborer avec précision leur trajectoire future, compatible avec les objectifs fixés par le législateur. Le régime juridique de la sobriété foncière repose en effet sur la détermination d'enveloppes foncières en fonction des dynamiques passées, auxquelles s'applique un facteur de réduction.
La commission a estimé que pour savoir où l'on va, il faut connaître d'où l'on part. C'est la raison pour laquelle elle a prévu la remise par l'État d'un bilan détaillé, chiffré et opposable de la consommation d'Enaf au cours de la précédente décennie, afin de faciliter la planification des trajectoires futures par les collectivités ( amdt).
2. Le changement d'approche pour la fixation des cibles intermédiaires (article 2)
L'atteinte du premier jalon intermédiaire, fixé par l'article 191 de la loi « Climat et résilience » à une diminution de 50 % de la consommation d'Enaf d'ici à 2031 par rapport à la décennie antérieure à 2021, suscite l'inquiétude de nombreux élus locaux. Outre son caractère mathématique et l'absence de prise en compte des spécificités territoriales, des efforts passés et des dynamiques démographiques, économiques et sociales, il est également reproché à cette stratégie que le compteur mesurant l'atteinte des objectifs a commencé à tourner au lendemain de la publication de la loi « Climat et résilience », en août 2021.
C'est méconnaître que l'urbanisme se caractérise par d'importants effets d'inertie, avec des décalages temporels marqués entre l'élaboration des objectifs d'urbanisme, la validation des projets et le premier coup de pelleteuse qui génère l'artificialisation proprement dite. En raison de son application immédiate, les enveloppes locales d'artificialisation se retrouvent grevées des consommations générées par des projets décidés avant la fixation de l'objectif législatif.
Pour parer aux conséquences négatives de ce phénomène, la commission a jugé nécessaire d'inverser la méthode pour parvenir aux objectifs de réduction de l'artificialisation ( amdt) : au lieu d'une réduction de 50 % pour tous d'ici à 2031, ce seront désormais les collectivités elles-mêmes qui fixeront la trajectoire et la courbe de la pente pour y parvenir, sous réserve que celles-ci soient réalistes et crédibles. Il s'agit là d'une réponse à la forte demande de différenciation territoriale exprimée par les élus locaux.
Afin d'éviter des effets d'aubaine ou la tentation de différer les efforts pour y parvenir, les collectivités devront s'engager à instaurer une trajectoire compatible avec l'atteinte de l'absence d'artificialisation nette en 2050, qui pourra être déférée par le préfet lors du contrôle de légalité des documents d'urbanisme si tel n'était pas le cas. Les collectivités seront tenues de respecter l'objectif final, au rythme qui leur paraît le plus vraisemblable pour y parvenir, en tenant compte de leurs spécificités.
3. Le report des dates butoirs de modification des documents d'urbanisme (article 3)
La proposition de loi « Trace » reporte des dates butoirs de mise à jour des objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme. Cette évolution est cohérente avec le fait que les collectivités fixent dorénavant le rythme de décélération des consommations d'Enaf.
Dans les faits, la date limite pour la modification du Sraddet est déjà dépassée, alors que seule une minorité de régions ont arrêté, avant le terme prévu par la loi en novembre 2024, leur document de planification. Plutôt que mettre les collectivités « hors-la-loi » du fait d'un cadre normatif instable et de retards qui s'expliquent aussi par le fait que les assemblées réfléchissent à des évolutions législatives, la commission propose un décalage « en cascade » des délais de mise à jour du volet artificialisation des documents de planification et d'urbanisme, tout en veillant à ne pas remettre en cause des situations acquises sur le fondement de la loi ( amdt).
Ainsi, la modification des Sraddet, Padduc, SAR et Sdrif1(*) n'ayant pas encore intégré les objectifs de réduction de l'artificialisation devra intervenir avant août 2027, la modification des schémas de cohérence territoriale avant août 2028 et celle des plans locaux d'urbanisme et des cartes communales avant août 2029.
* 1 Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, Plan d'aménagement et de développement durable de Corse, Schéma d'aménagement régional et Schéma directeur de la région d'Île-de-France.