COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE
M. FRANÇOIS-NOËL BUFFET, MINISTRE AUPRÈS
DU
PREMIER MINISTRE, CHARGÉ DES OUTRE-MER
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Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous procédons aujourd'hui à l'audition de François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer, dans le cadre de l'examen, par la commission des lois, des crédits de la mission « Outre-mer » prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Je rappelle que notre commission a nommé Teva Rohfritsch rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir dans cette commission que vous connaissez bien, pour que vous puissiez nous présenter les évolutions du budget consacré aux outre-mer. Ces territoires, confrontés à des enjeux multiples, ont traversé des crises profondément déstabilisatrices au cours de l'année 2024 : je pense notamment aux émeutes et à la déclaration de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie, ou, plus récemment, aux manifestations contre la cherté de la vie en Martinique.
Dans ce contexte, l'annonce d'une baisse massive des crédits attribués aux outre-mer a suscité de nombreuses interrogations même si, comme d'autres, ces crédits doivent nécessairement prendre en considération les contraintes majeures qu'impose la situation des finances publiques, laquelle conduit nécessairement à des arbitrages difficiles.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. - Je suis, à mon tour, très heureux de revenir au Sénat, et singulièrement devant la commission des lois, à laquelle, vous le savez, j'ai un attachement tout particulier.
Je profiterai de cette audition devant vous pour, à la fois, évoquer les outre-mer en général et aborder de manière plus spécifique les aspects budgétaires qui les concernent.
Je suis convaincu que, sur les outre-mer, nous pouvons au moins aboutir à un constat commun et peut-être, dans les circonstances qui prévalent, à une conjonction de bonnes volontés.
Je rappelle que j'ai pris mes fonctions il y a à peine deux mois ; on peut sans doute admettre que les résultats de cette nomination ne soient pas tout à fait instantanés. Néanmoins, il est d'ores et déjà possible de souligner quelques éléments importants.
D'abord, ce ministère a été rattaché au Premier ministre. Ce rattachement revêt une importance qui n'est pas uniquement symbolique. Il montre en outre le caractère éminemment interministériel de la mission. À titre d'exemple, le budget global de l'État alloué aux outre-mer représente un peu plus de 21 milliards d'euros et je n'en gère directement que 14 %. La gestion des autres crédits revient à mes collègues du Gouvernement qui interviennent dans les différentes matières qui leur échoient.
La mission « Outre-mer » se caractérise ensuite par un budget d'intervention, qui vise avant tout à venir en appui des politiques sectorielles, afin d'atténuer les spécificités ultramarines, particulièrement génératrices d'inégalités entre les territoires. La politique du logement et le soutien aux collectivités territoriales, tant dans le portage de leurs projets qui sont structurants que dans le redressement de leurs finances - avec des dispositions particulières sur ce point dans le PLF pour 2025 -, ou encore dans le financement d'infrastructures essentielles, constituent le coeur des politiques publiques auxquelles contribue la mission.
Les crédits de la mission « Outre-mer » enregistrent une baisse d'environ 12 % en autorisations d'engagement (AE) et de 9 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. La baisse est particulièrement marquée dans le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », avec une diminution de 37 % en AE. En revanche, pour le programme 138 « Emploi outre-mer », on note une légère hausse, entièrement motivée par l'augmentation du montant du remboursement des exonérations de cotisations sociales.
Depuis mon entrée en fonction, j'ai indiqué à plusieurs reprises que, face à la baisse annoncée de ces crédits, nous essayons de bâtir un budget autour d'une priorité qui peut paraître surprenante pour certains, mais qui est assez simple : tenir les engagements de l'État, qu'il nous revient d'honorer. C'est sur cette ligne en effet que nous pouvons construire une relation de confiance entre l'État, les territoires ultramarins et leurs élus.
Vous le savez, j'ai tenu un langage de vérité en prônant le nécessaire équilibre entre la juste contribution des outre-mer à l'effort national de redressement de nos comptes publics et la préservation des intérêts essentiels des territoires ultramarins. Nous y travaillons au quotidien avec Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics, et j'ai bon espoir que le PLF soit rapidement adapté à ces orientations. La semaine dernière, à l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement et en mon absence, le ministre chargé du budget et des comptes publics a indiqué que nous arriverions vraisemblablement, à la fin du processus parlementaire, au niveau des crédits ouverts pour l'année 2024. Cet engagement a été non seulement pris par votre serviteur, mais aussi par le Gouvernement. Des échanges qui ont cours, il ressort donc un consensus sur le caractère essentiel de la préservation des engagements de l'État.
Les collectivités sont amenées à contribuer à la réduction de la dépense publique, au travers de la mise en place d'un fonds de précaution, inscrit dans les dispositions de l'article 64 du PLF 2025. S'il devait être appliqué, ce dispositif contribuerait à prélever quasiment 86 millions d'euros auprès des collectivités ultramarines. Le dialogue que Catherine Vautrin, ministre chargé du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, et moi-même avons eu a permis, à l'exception de trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont le sort demeure en discussion - deux d'entre eux sont situés à La Réunion -, d'aboutir à l'exonération totale des collectivités ultramarines de ce dispositif.
Par ailleurs, j'ajoute que les crédits obtenus doivent correspondre à la capacité des acteurs de les dépenser dans de bonnes conditions. Votre commission l'a déjà souligné dans les années précédentes. Du reste, je ne reprends pas à mon compte les propos de ceux qui affirment que les crédits budgétaires sont sous-consommés, ce qui ne correspond pas à la réalité. Je remarque simplement qu'il faut vérifier, à chaque fois qu'un euro est dépensé, qu'il est nécessaire pour tenir les engagements qui ont été pris.
De plus - et la commission l'a également déjà constaté -, il convient d'être vigilant quant à la consommation des fonds européens qui viennent souvent en appui des fonds nationaux et qui sont variables d'un territoire à l'autre. À un moment de forte contrainte sur les finances publiques nationales, il nous faut porter une attention toute particulière - et je l'aurai - sur leur emploi dans les territoires ultramarins.
Si je souhaite agir vite pour ce qui relève presque de l'évidence, nous pouvons aussi nous donner des perspectives de moyen, voire de long terme. C'est en ce sens, d'ailleurs, que le Premier ministre a rappelé devant les élus ultramarins rassemblés par le Président du Sénat qu'il fallait « relever la ligne d'horizon », autrement dit, sortir de l'urgence, pour se donner une stratégie à plus longue échéance.
Avec la réserve que commande la situation politique que nous connaissons, je vous indique que nous dirigerons, dans les mois qui viennent, nos efforts, en lien avec tous les ministres concernés, dans plusieurs directions.
Premièrement, nous renforcerons l'appui de l'État au développement des territoires et à la création de valeur.
La notion de création de valeur est particulièrement importante en ce qu'elle renvoie à la capacité de ces territoires à produire de la richesse et à entraîner un cercle vertueux lié à leur développement.
Pour soutenir l'investissement des collectivités et permettre de répondre aux attentes légitimes de nos compatriotes, qui supposent le portage de projets aussi divers que des équipements routiers ou des centres de santé, la nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) vient d'être signée avec un engagement de l'État à hauteur de 794 millions d'euros concernant la période de 2024 à 2027.
Pour 2025, il est souhaitable que les crédits que nous allons mobiliser répondent effectivement à la capacité d'engager des projets et qu'ils soient lissés sur une période plus longue de six années, à l'instar des contrats de plan État-région (CPER). Au-delà de l'aspect purement financier, cela nous permet de disposer d'échelles de délais harmonisées. Dans ce cadre, nous sommes parvenus à caler au plus près des besoins le montant de l'annuité nécessaire, en fonction, d'une part, de la montée en charge de ces nouveaux contrats, d'autre part, du solde de la génération de contrats précédente.
De la même manière, le niveau des crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est fixé en fonction de ce qui apparaît soutenable pour les collectivités. Le montant de 160 millions d'euros adopté en 2024 n'a pas donné lieu à une exécution correspondante, ce qui traduisait sans doute le niveau trop élevé de ces crédits. Nous revenons donc cette année à 110 millions d'euros en AE. C'est finalement non une réduction, mais un ajustement avec l'exécution du budget de l'année courante.
Par ailleurs, les communes les plus fragiles seront accompagnées dans l'assainissement de leurs finances au titre des contrats de redressement en outre-mer (Corom), dispositif dont le bilan est très positif. Il y a deux ans, au cours d'un déplacement aux Antilles entrepris avec la commission des lois, j'observais que le dispositif commençait à se mettre en place, notamment dans la commune de Fort-de-France où nous nous étions rendus. À l'occasion d'un nouveau déplacement en Martinique la semaine dernière, j'ai constaté qu'il porte à présent ses fruits. Les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des douze contrats en cours et au respect des engagements pris sur les précédents contrats s'élèvent à un peu moins de 10 millions d'euros en AE et à 21,7 millions d'euros en CP.
Il est essentiel que les moyens de l'Agence française de développement (AFD), consacrés tant au financement des collectivités territoriales, avec des prêts favorisant le développement durable des outre-mer, qu'au soutien à l'ingénierie locale, soient sanctuarisés. Sur l'ingénierie, l'idée est non de se substituer aux collectivités territoriales et à leurs élus, qui ont leur légitimité, mais de leur apporter ponctuellement, à leur demande, une aide pour débloquer des dossiers sur des missions de courte durée.
Je n'oublie pas les dispositifs fiscaux portés par la mission « Outre-mer », lesquels participent au développement des outre-mer. La défiscalisation des investissements productifs est ainsi prolongée jusqu'en 2029.
Deuxièmement, notre volonté est de donner des perspectives à la jeunesse de nos territoires.
La quasi-totalité de la jeunesse ultramarine est confrontée à des problématiques fortes en matière de formation, d'insertion professionnelle et de vie dans la Nation. Les besoins sont immenses et les réponses doivent être multiples pour, d'une part, faire face à la croissance démographique, par exemple à Mayotte et en Guyane. D'autre part et inversement, il faut remédier aux départs massifs des jeunes ultramarins : ainsi, en Martinique où l'on est passé en moins de dix ans de 380 000 à 340 000 habitants ; quant à la population de Guadeloupe, elle s'établit à 378 561 habitants, contre quelque 400 000 en 2011 ; et le même constat alarmant concerne Wallis-et-Futuna.
Afin de répondre à ces dynamiques démographiques, 115 millions d'euros sont mobilisés en faveur du financement de projets de construction, de rénovation ou d'extension d'établissements scolaires existants, pour accueillir dans de bonnes conditions les élèves du premier degré à Mayotte et en Guyane, du second degré en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, hors, pour cette dernière, les cas de reconstruction des bâtiments détruits après les événements du 13 mai 2024, qui bénéficient d'un financement spécifique.
Parallèlement, nous appuyons notre effort sur la valorisation des talents et des résultats des jeunes ultramarins qui effectuent des parcours remarquables ainsi que sur le développement du vivier des cadres locaux au travers du programme « Cadres d'avenir », qui accompagne cette année près de 110 talents vers l'excellence. L'aide au retour des forces vives et l'accompagnement des étudiants seront également au centre des nouvelles mesures qui seront portées par l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom). Au total, 22 millions d'euros financeront l'aide à la formation professionnelle, dont 11 millions seront consacrés aux dispositifs locaux de formation des cadres.
Les moyens du service militaire adapté (SMA) s'élèveront à 73 millions d'euros en AE et à 59 millions d'euros en CP. C'est sincèrement le fleuron de l'insertion professionnelle d'un des publics les plus éloignés du marché de l'emploi. L'efficacité du dispositif n'est plus à démontrer : il a su atteindre au cours des dernières années un taux d'insertion supérieur à 75 % de ses 6 000 jeunes volontaires stagiaires.
Plus largement en matière d'emploi, nous sommes attentifs à l'efficacité du dispositif d'exonération des cotisations sociales, issu de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom). À cet égard, la réforme nationale des exonérations de cotisations sociales patronales, prévue par l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) devra être adaptée aux outre-mer. C'est pourquoi le Gouvernement a prévu une habilitation à légiférer par ordonnance en ce sens, dans le même article ; l'Assemblée nationale l'a cependant supprimé. Nous verrons si le Sénat le rétablira. Ici, le risque serait que nous ne maîtrisions pas assez rapidement les conséquences, potentiellement néfastes, de la réforme sur les outre-mer.
Troisièmement, nous devons conforter le pouvoir d'achat des ultramarins.
La question du pouvoir d'achat constitue évidemment une attente forte. Le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère pour la Martinique signé le 16 octobre dernier par les collectivités locales, les entreprises et l'État permettra au 1er janvier prochain de baisser de 20 % les prix de 6 000 produits alimentaires de grande consommation, représentant 69 familles de produits. Les conditions de son adaptation à d'autres départements et régions d'outre-mer (Drom) doivent être étudiées, car une telle dynamique fondée sur la synergie des efforts de chacun semble être extrêmement positive.
Cette orientation complète les outils déjà mis en avant par le ministère : appui à la négociation des « boucliers qualité prix », moyens consacrés aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), qui s'élèveront à 600 000 euros en 2025. Ce montant sera revu afin de tenir compte des engagements pris au profit de l'OPMR des Antilles.
Quatrièmement, notre priorité est l'amélioration des conditions de vie du quotidien.
Il convient d'insister sur le logement. Les crédits inscrits à la ligne spécifique qui le concerne dans le programme 123, la ligne budgétaire unique (LBU), atteignent 260 millions d'euros en AE et 184 millions d'euros en CP, soit une diminution de 32 millions d'euros en AE par rapport à la loi de finances pour 2024. Cette diminution des crédits ne remet en question ni le niveau de l'intervention de l'État, ni la dynamique engagée depuis plusieurs années, qui, en 2024, a notamment permis le financement de la construction et de la réhabilitation de plus de 8 500 logements ; elle tient compte de la difficulté à consommer l'ensemble du budget alloué.
Pour continuer à accélérer la construction et la réhabilitation de logements, au-delà même de la LBU, l'action conduite avec l'ensemble des parties prenantes, dont les collectivités, doit permettre d'innover, d'associer de nouveaux partenaires, de trouver des solutions moins coûteuses. D'ici au début de l'année prochaine, le plan Logement outre-mer (Plom) 3 fixera les priorités de cette action commune ainsi qu'une stratégie adaptée.
S'agissant enfin de la continuité territoriale, qui constitue un enjeu majeur d'équité et de solidarité envers nos compatriotes ultramarins, j'ai toutes les assurances que les moyens seront maintenus.
Nos compatriotes ultramarins formulent d'autres attentes fortes, notamment quant à la réponse au risque naturel spécifique qui les concerne. Aussi, le plan Séisme Antilles, pour atténuer les conséquences des séismes, sera-t-il financé à hauteur de 600 000 euros sur la mission « Outre-mer ». Ces crédits appuient des projets locaux, afin de préserver la viabilité des opérations lancées, en venant compléter les moyens mis en oeuvre par les différentes politiques sectorielles - logement, santé, infrastructures, entre autres. Par exemple, les crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), plus connu sous le nom de « fonds Barnier », inscrits au titre du plan Séisme Antilles s'élèvent à pratiquement 32 millions d'euros dans le CCT de la Martinique et à 33 millions d'euros dans celui de la Guadeloupe pour la période 2024-2027. Nous avons conscience de l'importance capitale de ces dispositifs, tout en notant que nos compatriotes ultramarins sont parfois beaucoup plus en avance que nous, dans l'Hexagone, dans le traitement de ces risques auxquels la nature les expose.
Je veillerai également à ce que les crédits dédiés aux plans chlordécone et sargasses, contenus dans le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », soient maintenus à un niveau compatible avec l'avancement des plans, lesquels en sont à la moitié de leur exécution et fonctionnent de manière plutôt satisfaisante.
Outre les crédits de mon ministère, de nombreuses missions financent des politiques publiques qui intéressent les outre-mer. Il importe, à l'occasion des discussions parlementaires qui s'ouvrent au Sénat sur le PLF 2025, d'y apporter une attention particulière, à la mesure de la résonance des événements qui traversent ces territoires. Je pense notamment à la situation spécifique de Mayotte et aux travaux en cours destinés à assurer sa convergence économique et sociale avec l'Hexagone selon un rythme adapté. Il faut également que l'effort de reconstruction et de refondation de la Nouvelle-Calédonie soit pris en compte. Des crédits d'urgence consacrés à ces deux territoires devront faire l'objet d'un traitement budgétaire propre.
Au-delà des enjeux du débat budgétaire lui-même, je n'ignore pas que de nombreuses réflexions relatives aux évolutions institutionnelles des territoires ultramarins existent. Nous ne sommes à cet égard fermés à rien par principe. Toutefois, il convient que d'éventuelles évolutions soient analysées avec précision ; de plus, elles ne peuvent constituer la seule réponse de l'État et des élus locaux aux difficultés qu'ils rencontrent. Je rappelle que nous attendons toujours le rapport de Pierre Egéa et Frédéric Monlouis-Félicité que le Président de la République leur a demandé de rédiger sur la question. Nous l'espérons pour la fin de ce mois de novembre. Il sera intéressant de prendre connaissance de la position de ses auteurs et de leurs propositions.
Je répète devant vous les propos que j'ai tenus hier ou lors de mes déplacements dans les territoires ultramarins : quelle qu'elle soit, toute modification institutionnelle ne saurait être vue comme une solution à tous les maux que vivent nos territoires. C'est un outil, non une fin en soi. Construisons au préalable les projets de développement à moyen et long termes, puis prévoyons, le cas échéant, des réformes institutionnelles pour les rendre plus efficaces. Cela me paraît de bon sens, mais on peut ne pas être d'accord avec cette approche.
Je rappelle encore, pour mémoire et quoiqu'elles ne relèvent pas directement de mon ministère, l'importance des questions migratoires, de sécurité et de lutte contre les ingérences pour plusieurs territoires ultramarins. Ces sujets ressortissent d'abord au ministère de l'intérieur, au ministère des affaires étrangères, voire, parfois, à celui des armées.
Les débats et échanges qui vont à présent s'ouvrir dans la perspective de la réunion du comité interministériel des outre-mer (Ciom) nous permettront d'aborder les enjeux des politiques publiques autour de quatre thèmes : la création de valeur, la jeunesse et l'insertion professionnelle ; la transition écologique et ses filières de décarbonation ; l'énergie et les transports ; et l'accès aux services publics - en particulier le logement, la santé et l'eau. L'objectif est de créer davantage de valeur dans les territoires, au profit de leurs habitants, avec une attention particulière en direction de la jeunesse et de l'accès aux services publics. Les enjeux de résilience de nos territoires ultramarins sont également au coeur des préoccupations.
Pour terminer, je tiens à évoquer trois grands sujets qui me tiennent à coeur.
En premier lieu, la souveraineté de nos territoires, qui s'exerce aussi au travers de la souveraineté alimentaire. Nourrir les populations ultramarines en assurant la sécurité alimentaire des territoires est une priorité. Il s'agit d'accompagner les principales évolutions de l'agriculture ultramarine en apportant un soutien aux filières de production qui permette aux exploitations et aux entreprises de tendre, dans leur organisation, vers un modèle durable et attractif. La question intéresse notamment au premier chef la Martinique, dont l'autonomie alimentaire ne dépasse pas 20 %, en dépit d'une incontestable capacité à mieux faire.
En deuxième lieu, l'économie bleue. L'Année de la mer, qui s'ouvrira en janvier prochain, constitue l'occasion de susciter un élan autour des enjeux maritimes. Ceux-ci représentent autant d'atouts et de leviers de développement économique et d'emploi dans nos outre-mer, particulièrement pour les plus jeunes à qui ils offrent des perspectives d'insertion professionnelle locale dans de nombreux secteurs : transports, pêche, aquaculture, tourisme bleu et métiers portuaires notamment.
En troisième lieu, évidemment, le pouvoir d'achat. En dehors des expérimentations qui ont cours et des outils de limitation des prix, je souhaite lancer une réflexion plus large en ouvrant un cycle d'échanges, de débats et d'engagements associant l'ensemble des acteurs autour d'un Oudinot de la vie chère. Il me semble que, sur ce point particulier, s'intriquent des choses inexactes, d'autres réelles, d'autres enfin que nous ne maîtrisons pas totalement. Pour ne pas se retrouver systématiquement dans des situations critiques, il est temps que nous ayons un instant de vérité sur ce sujet. Nous ne partons pas de rien : des études et des travaux existent. La délégation aux outre-mer du Sénat s'est également emparée de la question. Unissons donc nos forces avec l'ensemble des parlementaires, afin d'obtenir une vision claire de la situation, sur la base de laquelle nous tâcherons ensuite de construire une politique adaptée et équilibrée, qui permette de recouvrer quelque stabilité. C'est de cette stabilité que naîtra incontestablement la confiance de nos compatriotes et de tous les acteurs des territoires ultramarins, partant la capacité à y élaborer des projets durables.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Les maires de Nouvelle-Calédonie ont demandé hier à l'État une aide exceptionnelle afin de procéder à la reconstruction de l'économie locale. La crise consécutive au projet de réforme du corps électoral aurait en effet représenté un coût évalué à 180 millions d'euros pour les communes calédoniennes, qui n'ont dès lors plus les moyens de répondre aux besoins urgents de leur population. Vous vous êtes rendu sur place et avez pu constater la gravité de la situation locale.
L'État a déjà apporté de premières aides financières et en a annoncé de nouvelles plus récemment à destination de la Nouvelle-Calédonie. Au-delà de la question budgétaire qui se pose indubitablement - et qui n'est pas nécessairement portée par la mission « Outre-mer », vous l'avez rappelé - la question est celle de la reprise du dialogue. Sur ce point, où en est-on ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ». - La commission des lois adoptera demain son avis sur les crédits de la mission « Outre-mer » et je compte beaucoup sur la présente audition pour parfaire le rapport dont elle m'a confié l'élaboration.
Monsieur le ministre, nous percevons votre souhait de bien faire et je partage l'ambition de « relever la ligne d'horizon » aux moyen et long termes. Il n'en demeure pas moins qu'avec l'échéance du PLF 2025, vous héritez d'une situation particulièrement complexe. Des crises se manifestent un peu partout, que ce soit en Martinique, en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie, en Guyane ou à Mayotte. La Polynésie fait - j'en suis heureux - quelque peu exception en ce moment et nous travaillons tous à ce que cela demeure ainsi. Vous faites également face à une baisse exceptionnelle du budget dont vous êtes chargé, en dépit d'une petite hausse concernant le programme 138, qui intègre déjà une réforme des exonérations de cotisations sociales, prévue par l'article 6 du PLFSS. Outre les chiffres globaux que vous avez confirmés, ce qui est frappant, c'est l'effet en dents de scie des baisses : certaines actions connaissent en effet une diminution de leurs crédits jusqu'à 75 %, ce qui peut remettre en question la politique publique menée par l'État.
Or, il est nécessaire que l'État tienne ses engagements. Je vous remercie de le présenter comme une priorité, car c'est un gage de stabilité et de confiance. Si, évidemment, il importe de participer à l'effort national, afin que la charge de la dette ne soit pas le premier budget de la nation, il convient de vous ménager la possibilité de déployer votre action et de faire en sorte que nous sortions de cette situation de crise permanente dans nos outre-mer.
Avez-vous une idée des échéances d'arbitrage qui se dessinent ? Dans le combat que vous menez actuellement, quelles perspectives pouvez-vous offrir à notre commission sur le rétablissement a minima d'une jauge acceptable, qui vous permette de mener à bien les nombreuses actions que vous avez citées ? Par ailleurs, au sujet du fonds vert, je signale qu'il est un outil précieux dans nos collectivités du Pacifique, où nous avons à coeur de contribuer à la lutte contre les effets du changement climatique.
Nous sommes nombreux à vos côtés pour rétablir cette jauge. Les rapporteurs spéciaux ont proposé un rejet des crédits de la mission, mais la commission des finances s'est ensuite prononcée différemment. Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation qui prévaut, étant précisé que la direction générale des outre-mer (DGOM) a entrepris beaucoup d'efforts depuis quelques années avec nos collectivités pour aller dans le sens d'une consommation effective des crédits ?
Mme Corinne Narassiguin. - Je souhaite vous interroger plus particulièrement sur la Nouvelle-Calédonie. Vous avez annoncé, lors de votre déplacement, un prêt garanti par l'AFD de 500 millions d'euros et, lors des débats parlementaires, 170 millions supplémentaires. Est-ce toujours d'actualité ?
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie, au travers de son plan quinquennal de reconstruction de l'archipel, avait sollicité 4,2 milliards d'euros sur cinq ans : nous sommes bien loin de ce chiffre. Quels sont donc les dispositifs à moyen et long termes prévus par le Gouvernement pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie ? Il me semble que le consensus prévaut tant au sein du congrès et du gouvernement de Nouvelle-Calédonie que dans les groupes politiques au Sénat sur le fait que les prêts garantis et les avances de trésorerie ne suffiront pas et qu'il faut des investissements plus directs de l'État dans cet effort de reconstruction.
Par ailleurs, je ne vois aucun budget prévu pour l'organisation des élections des assemblées provinciales reportée en 2025. L'achat de matériel a-t-il déjà été effectué ? Des crédits sont-ils sanctuarisés afin de permettre la tenue de ces élections l'année prochaine ?
Enfin, après que vous avez évoqué Mayotte, il m'intéresserait d'entendre plus nettement votre position sur le sujet des réformes institutionnelles. Dès lors qu'il parlait de plan d'urgence économique et social pour Mayotte, votre prédécesseur y associait souvent, sinon systématiquement, la question de la suppression du droit du sol. Le fait que vous indiquiez que les réformes institutionnelles ne revêtent pas un caractère d'urgence signifie-t-il que la suppression du droit du sol à Mayotte n'est plus pour vous à l'ordre du jour ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Le budget en discussion pour 2025 est difficile et contraint sur cette mission, comme il l'est dans tous les secteurs. En vous écoutant, je m'interroge : qu'avons-nous fait pendant dix ans dans ces territoires pour en être arrivés là ? Quand on la chance d'en connaître certains, on se dit que l'argent public n'y a peut-être pas été utilisé au bon endroit au bon moment. Aujourd'hui, nous n'avons d'autre solution que de vous suivre dans vos propositions. Une attitude contraire serait irresponsable. Mais probablement faudra-t-il désormais faire mieux avec moins.
Le sujet de la jeunesse m'est cher. Vous avez expliqué que, dans certains territoires, de nombreux jeunes partaient pour la métropole. Je ne suis cependant pas sûre que, en l'absence de formation, leur avenir soit meilleur en France. Envisagez-vous de soutenir la mise en place de formations sur place à leur attention et de les conduire véritablement vers des métiers dont on a besoin dans les territoires ultramarins, afin qu'ils puissent demeurer dans ces territoires et participer à leur développement ? Il faut donner de l'espoir à cette jeunesse ; une jeunesse sans espoir, c'est très triste !
M. François-Noël Buffet, ministre. - De nombreuses actions ont été entreprises depuis dix ans pour répondre aux problématiques auxquelles font face les outre-mer : il n'y a pas eu un territoire dans lequel l'État n'a pas investi, soit directement, soit en accompagnement des collectivités locales. En revanche, nous n'avons pas suffisamment travaillé sur des stratégies de moyen et long termes et nous nous sommes limités à une spécialisation de chacun de ces territoires - par tel ou tel investissement industriel - sans concevoir une politique globale. Il faut changer de méthode et, en prévision du Ciom de mars 2025, établir un document de synthèse portant une vision pour l'ensemble des territoires d'outre-mer, de manière à créer une stratégie d'avenir à laquelle tous les acteurs s'agrègent, avec une adaptation de nos politiques publiques en conséquence.
Ce travail, s'il est effectué dans un délai assez rapide, pourra servir de base durable pour l'avenir. Disons les choses telles qu'elles sont : les outre-mer ont souffert ces dernières années. En deux ans, je suis le quatrième ministre chargé de ce portefeuille : comment, dans ces conditions, inscrire une politique et une stratégie pour l'ensemble des outre-mer dans la durée ? Il nous faudra élaborer ce document stratégique pour contourner cette difficulté.
En ce qui concerne la jeunesse, des centres de formation de qualité existent en Martinique, notamment dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, mais il reste difficile de trouver des emplois sur place une fois la formation terminée : les jeunes partent alors vers l'Hexagone ou ailleurs, mais ont souvent de grandes difficultés à revenir ensuite en raison de l'absence d'infrastructures correspondant à leur niveau de qualification.
Il conviendra de plus d'assurer le développement économique qui permettra de relever le niveau d'investissement et de donner la possibilité aux jeunes qui souhaitent rester de trouver le travail qu'ils souhaitent. Ce travail de fond prendra du temps et ne pourra fonctionner qu'à la condition de tenir une stratégie dans la durée, en précisant que nous connaissons les mêmes situations dans nos communes et nos départements. Ne nous y trompons pas : la possibilité pour ces jeunes d'accéder à l'emploi qualifié joue un rôle dans la perte de population enregistrée dans les différents territoires, même si nous ne l'avons pas quantifié précisément.
Pour en revenir au sujet budgétaire, nous avons rajouté 65 millions d'euros en AE et 78 millions d'euros en CP à la mission « Outre-mer » dans le projet de loi de finances de fin de gestion, ce qui permettra de « boucler » l'année 2024 dans de bonnes conditions. Pour ce qui est de 2025, nous avons d'ores et déjà évité un coup de rabot de 80 millions d'euros sur la mission « Outre-mer », ce qui est une bonne chose.
Au-delà de ce rappel, comment faire pour remonter le niveau ? Tout d'abord, rappelons que nous vivons une situation particulière, le budget n'étant pas finalisé. Certes, des lettres plafonds ont été rédigées au mois d'août, mais leurs conséquences nous ont placés - en particulier pour l'outre-mer - dans une difficulté majeure. Le débat parlementaire nous fournit l'occasion de progresser en marchant. Comme l'a expliqué tout à l'heure le Premier ministre lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale, il a dû construire un budget - dont il considère lui-même qu'il n'est pas abouti - en quinze jours.
Nous progressons donc au fur et à mesure, par le biais des arbitrages déjà obtenus qui nous permettent de reprendre environ 60 millions d'euros, et je ne désespère pas d'obtenir une nouvelle progression des crédits dans les heures et les jours qui viennent. À cet égard, j'attire votre attention sur l'importance du débat parlementaire, singulièrement au Sénat. Il est absolument essentiel que nous retrouvions un niveau satisfaisant de crédits. La situation n'est pas la plus confortable pour un ministre, car nous préférerions anticiper davantage, mais nous devons composer avec cette situation.
Pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, mon déplacement et la mission des présidents des deux assemblées ont continué à conforter un processus mettant l'accent sur le fait qu'il fallait se mettre autour de la table pour trouver des mesures de redressement économique et social pour le territoire, lequel est au bord du gouffre.
Outre des discussions entre les élus de Nouvelle-Calédonie, plusieurs initiatives sont en cours, dont le plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R), dans le cadre d'une contractualisation sur trois ans. S'y ajoutent des propositions du congrès de la Nouvelle-Calédonie de diverses natures, le Gouvernement souhaitant aboutir à une convergence réelle des points de vue. Si j'ai un message à vous faire passer en amont des débats, c'est qu'il faut faire fi des problèmes de personnes et se soucier prioritairement des intérêts de la Nouvelle-Calédonie et de nos compatriotes, car nous n'avons plus la possibilité de commettre une erreur, ni le luxe d'attendre.
Sur le plan financier, je rappelle que le montant total des transferts de l'État vers la Nouvelle-Calédonie s'établit en temps normal à 1,7 milliard d'euros. Après les événements du 13 mai dernier, 400 millions d'euros ont été versés par l'État pour soutenir l'emploi, les entreprises et les collectivités, auxquels se sont ajoutés 250 millions d'euros pour financer le chômage partiel dans le cadre d'un dispositif qui devait s'arrêter en octobre et qui a été prolongé jusqu'en décembre, ainsi que 4 millions d'euros pour prendre en charge les navettes mises en place par la province Sud en raison de l'impraticabilité de la route de Saint-Louis à la suite d'exactions.
Pour 2025, l'État a annoncé 500 millions d'euros dans le cadre d'un prêt de l'AFD, sans oublier 170 millions d'euros supplémentaires de garanties pour les comptes sociaux et le logement. J'ai également signé à Nouméa une circulaire pour la reconstruction des bâtiments publics, avec une prise en charge intégrale par l'État s'agissant des bâtiments scolaires. Les discussions continuent, le Premier ministre ayant proposé d'augmenter le montant de garantie de l'État au prêt de l'AFD de 770 millions d'euros à 1 milliard d'euros.
Ces efforts suffiront-ils ? À l'évidence, pas à eux seuls. Emmanuel Moulin, à qui le Premier ministre a confié une mission, se rendra sur place dès la fin de cette semaine pour aider à la mise en oeuvre de toutes ces aides financières et à la reconstruction économique et sociale du pays. Il s'agit en tout cas d'une première étape importante afin de s'inscrire à la fois dans l'urgence et dans la durée, en vue de bâtir l'avenir.
Par ailleurs, la question de la filière du nickel reste posée. Parmi les points positifs à signaler, l'usine de la province Sud a pu redémarrer après la réparation d'un transformateur électrique, tandis que des repreneurs se sont manifestés pour l'usine de la province Nord.
Sur le plan institutionnel, la mission menée par Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet a permis d'établir un calendrier, en demandant à l'ensemble des groupes et partis politiques de faire des propositions d'ici au début du mois de décembre. En parallèle de la reconstruction économique, nous devrions pouvoir présenter une ébauche de solution au début de 2025.
Le financement des élections provinciales, quant à lui, dépend du ministère de l'intérieur.
Quant à Mayotte, trois textes pendants n'avaient pas été déposés par le gouvernement précédent et ne l'ont pas encore été par le Gouvernement. Les éventuelles évolutions législatives interviendront probablement dans le courant de l'année prochaine, et aucune proposition ne porte, à l'heure actuelle, sur le droit du sol ou d'autres sujets. La particularité budgétaire de Mayotte est qu'il faut sanctuariser 100 millions d'euros afin de permettre la convergence sociale.
La reprise du dialogue est à l'évidence une bonne chose et nous avons besoin de toutes les bonnes volontés afin que les choses avancent.
Quelques précisions, enfin, sur l'engagement budgétaire de l'État pour 2025, afin de nous rapprocher du niveau de 2024 : certains dispositifs pourraient être concernés par des hausses de crédits bienvenues, dont les CCT, le Corom, la LBU et les crédits d'intervention de l'AFD. Tous ces points sont en discussion.
M. Christophe Chaillou. - Je souhaite attirer votre attention sur la diminution de certains crédits, en particulier sur la baisse de 75 % des crédits de l'action 4 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer » qui concerne notamment l'aide au fret, ce qui recoupe la problématique de la cherté de la vie.
Par ailleurs, on constate une réduction de 30 % des crédits de Ladom, alors qu'il s'agit d'un acteur important de la mise en oeuvre de la politique de continuité territoriale.
Ces deux exemples nous interrogent sur le respect des engagements pris par l'État.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Il s'agit en effet de deux lignes importantes sur lesquelles le débat parlementaire doit nous permettre de nous rapprocher du niveau de 2024, même s'il nous faudra participer à l'effort collectif.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci pour votre venue.